i v * i'-'S . . ■ M , -- • y- ' N : 1 v' . • . fi DES SYSTÈMES EN MÉDECINE, ET DE LEUR INFLUENCE SUR LE TRAITEMENT DES MALADIES ? DISCOURS SERVANT D’iNTRODUCTION AU COURS DE THÉRAPEUTIQUE' ET DE MATIÈRE MEDICALE , DE LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE MONTPELLIER, POUR L’ANNÉE 1827; PAR F.-C. CAIZERGUES , PROFESSEUR , CORRESPONDANT DES ACADEMIES ROYALES DE MEDRCINE DR SARIS , MADRID , ETC. , ETC. --rr8a»^Drgn~-r» ■ — — A PARIS, Chez GABON et Comp. Libraires, rue de l’École de Médecine £ ET A MONTPELLIER, r les mêmes Libraires , iZ < C SEYALLE , Libraire , Grand’Rue , JS 2» 1827. MONTPELLIER, IMPRIMERIE DE M.me V.e PICOT, NÉE FONTENAY ? SEUL IMPRIMEUR DU ROI , PLACE LOUIS XVI, N.° 200, / « DES SYSTÈMES EN MÉDECINE, ET DE LEUR INFLUENCE SUR LE TRAITEMENT DES MALADIES. Messieurs, Je me propose de vous présenter îliistoire des systèmes qui ont régné successivement en méde- cine, de déterminer l’influence qu’ils ont exercée sur la manière de traiter les maladies, et de vous démontrer la nécessité de ramener la Thérapeu- tique aux résultats immédiats de l’observation et de l’expérience. L’intérêt que le sujet de ce discours, ou plutôt de cette introduction , aurait excité , à quelque époque qu’il eût été traité , doit s’accroître dans un temps où quelques novateurs, méprisant les / utiles travaux des grands médecins qui nous ont devancés , prétendent avoir établi la science sur ses véritables fondemens, tandis qu’ils n ont fait qu’enseigner des doctrines restreintes dans leurs vues générales, et nécessairement erronées, parce qu’elles ne reposent pas sur l’examen comparatif de l’universalité des faits observés dans les maladies et dans leur traitement. Lorsque vous vous êtes livrés pour la première fois à l’étude de la médecine, vous avez été décou- ragés , peut-être , par le nombre et par la diversité des systèmes qui se sont succédé avec rapidité dans cette science , et qui ont pu vous faire douter de la certitude de ses principes. Mais les systèmes servent à attester seulement, que le domaine de la médecine est grand , et que notre esprit est trop borné pour en embrasser toute l’étendue. La science de la médecine est si vaste; les faits dont elle se compose sont si nombreux, si variés et si compliqués, quelle semble surpasser les forces de l’entendement humain. Aussi, n a-t-elle pu être saisie dans ses détails et dans son ensemble, que par quelques hommes d’un génie extraordinaire, que la nature, avare, produit, de loin en loin, poul- ie renouvellement ou pour le perfectionnement des sciences. C’est à ces deux causes : d’un côte, letendue, je dirai même l’immensité de la médecine; de l’autre, ( 5 ) les bornes de notre intelligence, qu’on peut rapporter toutes les hypothèses médicales qui ont paru , et toutes celles qui doivent paraître encore. Cependant, la connaissance des systèmes est de la plus grande utilité. Les systèmes sont autant de rayons de lumière qui viennent frapper successive- ment les différentes faces d’un objet , pour les éclairer et nous en faire apercevoir les moindres circonstances; en sorte que tous les systèmes réunis, et réduits à ce qu’ils ont de positif, peuvent nous offrir la collection des notions les plus précises et les plus complètes que nous possédions sur cet objet. Nous devons étudier les systèmes, en médecins éclectiques; car chacun d’eux est fondé sur un certain nombre défaits vrais , et qui ont été observés, dans le principe, sans aucun esprit de secte. Les vices des systèmes proviennent de ce que leurs inventeurs ont trop généralisé des faits, d’ailleurs, bien constatés ; qu’ils ont rapproché de ces faits d’autres faits qui n’ont pas, avec les premiers, assez de points de contact pour leur être associés, et qu’ils ont même forcé leurs analogies. Il résulte d’une étude critique des systèmes , l’avantage infiniment précieux de nous faire bien connaître toutes les circonstances des phénomènes sur lesquels ils reposent, et qui ont servi de base aux théories dont se compose chacun d’eux. On est, en effet, obligé de convenir qu’il n’y a pas eu de système , quelque vicieux ou défectueux qu’il (6) ait été; de quelque danger qud ait été suivi dans son application exclusive , indistincte et indéter- minée ? qui n’ait fourni à Fart des observations intéressantes ? et des vues aussi saines qu utiles dans certains cas. Cette étude doit nous conduire à cette proposi- tion générale et fondamentale de Thérapeutique : On ne peut se former une idée parfaitement exacte de tous les états morbides, et déterminer avec précision toutes les indications curatives, qu en choisissant, dans chaque système, ce quila de bien prouvé , et en rejetant les principes trop généraux et exclusifs , qui n’étant que le produit de l’ima- gination , ou le résultat de la combinaison de faits sans affinité entr’eux, ne peuvent servir de données positives au traitement des maladies. En parcourant Fliistoire de la médecine, il est aisé de se convaincre combien on s’est souvent éloigné des règles de la méthode de philosopher qu’on doit suivre dans cette science. De tout temps , on a raisonné avant d’avoir bien vu , et l’on a établi des principes avant d’avoir recueilli un nombre suffisant de faits qui vinssent se ranger sans effort sous ces principes. De là, les vices de la plupart des systèmes qui se sont partagé l’empire de la science. ( 7 ) Cette histoire démontre aussi , qu’on peut attri- buer à deux causes, les vices de ces. systèmes. La première cause se trouve dans les applications que Ion a faites à la médecine, des connaissances fournies par des sciences qui lui sont étrangères. La seconde cause provient de ce que Ton n’a choisi , dans les phénomènes propres au corps vivant^ que des circonstances dont l’étendue n est pas assez grande pour embrasser, dans leurs limites, tout ce qui se rapporte aux causes et aux curations des maladies. Dans la première catégorie sont compris les systèmes qui ont cherché leurs moyens d’explication dans les dogmes philosophiques de leur temps et dans les sciences chimiques , physiques et mathé- matiques. Dans la seconde, sont classés ceux qui ont pris pour base quelques phénomènes principaux de l’économie animale auxquels on a donné une exten- sion qu’ils ne peuvent avoir. Les systèmes des naturistes , des humoristes , des méthodistes, des solidistes; la théorie de l’excita- bilité , celle du contre-stimulus ; enfin , la doctrine physiologique rentrent dans cette classe. Le traitement des maladies ayant toujours été déduit des idées vraies ou fausses que l’on s’est faites de leur nature , il est évident que les indi- cations curatives ont dû être tirées des hypothèses qui se sont introduites dans La médecine. La ( 3 ) Thérapeutique a donc reçu des modifications plus ou moins grandes de l’influence des opinions médicales dominantes dans chaque siècle. Nous avons dit , que la première cause des vices des systèmes en médecine, provient de ce quils ont puisé dans des sciences qui lui sont étrangères , les raisonnemens et les explications qu’ils ont donnes des phénomènes observés dans l'état sain et malade. Chaque siècle se distingue par un goût particu- lier qui dirige tous les esprits vers l’étude de cer- tains objets. Les mêmes sciences ne sont pas cultivées de suite avec la même ardeur. Celles qui ont dominé quelque temps, sont remplacées par d’autres. Des découvertes sont faites ; de nouvelles connaissances sont ajoutées aux anciennes. Dans ces études alter- natives, toutes les sciences s’accroissent dans leur partie expérimentale ; elles se perfectionnent dans leur partie dogmatique. Les médecins auraient-ils pu rester tranquilles spectateurs de tous ces mou- vemens ? Ils ont cherché à appliquer au sujet de leurs observations, des sciences dont ils voyaient les progrès s’étendre et les méthodes se perfectionner. La médecine a donc été assujettie, tour à tour , aux principes des sciences dominantes , et a revêtu la forme des divers systèmes qui ont joui de quelque célébrité dans le monde. Dès le temps d’Hippocrate, la médecine était déjà ( 9 ) altérée par le mélange des systèmes physiques et philosophiques qui régnaient alors. Hippocrate aperçut tous les inconvéniens qui résultaient de cette association ; il prouva que le corps vivant suivait des lois spéciales , avait des mouvemens particuliers , et qu’il fallait se borner à étudier les phénomènes qu’il présente , sans chercher à les devi- ner par de vaines hypothèses. Il ramena la médecine dans le cercle des faits qui lui sont propres , et qui peuvent seuls fournir des résultats généraux sur la connaissance de l’homme malade , et des méthodes curatives véritablement utiles (i). Mais la route que le vieillard de Cos avait tracée et parcourue le premier, fut abandonnée jusqu’à Galien , qui fit d’inutiles efforts pour la reprendre. La médecine fut occupée jusqu’à cette époque par un grand nombre de systèmes, parmi lesquels ceux d’Asclépiade et des méthodistes se font surtout remarquer. Asclépiade transporta dans la medecine la phi- losophie de Démocrite, la philosophie corpusculaire ou des atomes, qu'Épicure avait développée et ren- due plus complète , et que Lucrèce venait de faire revivre en l’embellissant des charmes de la poésie. Asclépiade puisa dans cette philosophie les prin- cipes de sa théorie. Il expliquait tout par le moyen de petits corps et de petits pores. Il rejetait tout (i) Barthez, Discours sur le génie d’IIippocrate. ( IO ) ... mouvement autocratique de la nature dans les mal a- dies; il se moquait des idées du vieillard de Gos sur ces mouvemens, sur la coetion, sur les crises £ il appelait ta médecine d’Hippocrate ? une méditation sur la mort. Âsclépiade supposait le corps de l’homme com- posé de petits corps d’une figure différente, qui lais- sent entre eux des pores ou espaces qui sont eux- memes de forme et de grandeur diverses. Ces pores contiennent d’autres petits corps ou d’autres matiè- res qui , y passant et repassant sans cesse , y éprou- vent une sorte de circulation (i). La santé dépendait de la juste proportion hvppezpiot des pores avec les matières qu’ils reçoivent, et aux- quelles ils donnent passage. La maladie résultait, au contraire, de la dispro- portion apsrpîa entre les mêmes pores et ces matières. Asclépiade attachait beaucoup d’importance dans l’étiologie des maladies, à l’obstacle que peuvent rencontrer les atomes, et à la stase qui en provient, evazccG tç. Cette hypothèse s’accordait avec l’opinion d’Erasis- trate, qui déduisait l’origine des maladies de l’affec- tion des solides et de l’épanchement des fluides rzGcpeuTtzoicriç (2). (1) Histoire de la médecine par Daniel Le Clerc , seconde partie, liv. ni , chap. vi , p. 398. (2) Histoire de la médecine par Kurt Sprengel , t. 11 , sect. 5 , cliap. 1. ( 11 ) Âsclépiade en tirait la même conséquence que le médecin d’Alexandrie ; celle que les humeurs sont le siège , non de la cause prochaine , mais seule- ment de la cause occasionelle des maladies , à la production desquelles elles ne peuvent contribuer que d’une manière indirecte. ^ Cette hypothèse de la stase , reproduite par les médecins mécaniciens , est devenue la principale hase de la théorie qu’ils ont donnée de l’inflam- mation, de la fièvre et des autres maladies. Tant il est vrai que la faiblesse de notre esprit nous ramène souvent dans le cercle resserré de quel- ques idées, d’où nous avons peine à sortir. L’énoncé des principes sur lesquels repose la doctrine d’ Asclépiade suffit, sans doute, pour vous faire préjuger le peu de progrès que dut faire, à cette époque, le traitement des maladies. Il est évi- dent qu’une Thérapeutique établie sur une étio- logie aussi hypothétique , ne pouvait présenter que des vues ou fausses , ou extrêmement bornées. Les maladies, ne reconnaissant d’autre cause que l’obstacle que rencontraient les atomes et la stase qui en provenait, le médecin de Pruse se propo- sait seulement de rendre les pores plus ouverts, et de faire circuler plus librement les sucs et les petits corps qui entretenaient la maladie par leur séjour ou stase. Les moyens qu’il employait pour atteindre ce but, n’étaient pas plus étendus que les vues d’après ( »2 ) lesquelles il se dirigeait dans la détermination de ses indications curatives. |] est impossible de réduire toutes les causes des maladies à un principe unique , l’altération du mou- vement que la matière dont se compose le corps vivant peut éprouver. Cette matière et les forces qui 1 animent, sontsusceptibles de diverses lésions , dont Asclépiade ne tenait aucun compte. Comment aorait-il pu distinguer les indications tliei apeuti- ques qui se rapportent à tous les états morbides ^ et assigner tous les moyens propres, à les com- battre ? Galien. Galtev , de tous les médecins de l’antiquité , celui qui joignait à l’esprit le plus brillant , les notions les plus approfondies sur toutes les branches de Fart de guérir , ne put se contenter des opinions des diverses sectes qui régnaient de son temps, et de ce qu’elles enseignaient comme les principes éternels de Fart. Galien lut Hippocrate , et le com- para à la nature. Il fut frappe de 1 exactitude des observations du divin vieillard , et tacha de rameuei la médecine dans la route depuis si long-temps délaissée, dans celle de l’observation et de l’expé- rience. Maison est obligé de convenir, que les efforts de Galien n’aboutirent qu’à la production d’un sys- tème , fondé sur les principes philosophiques et phy- siques de son temps. Barthez dit avec raison , que Galien ne peut être regardé comme le second d’ïüp- f i3 ) pocrate , dont il n’a été que le commentateur (i). Possédant toutes les connaissances de son siècle, Galien orna les principes hippocratiques , du vain éclat des lumières qu’il emprunta à la philosophie péripatéticienne et aux sciences physiques. La médecine d’Hippocrate est la collection des observations qu’il avait recueillies , et des principes qu’il avait déduits de leur comparaison immédiate; celle de Galien n’est presque autre chose qu’un tissu de raisonnemens sur l’influence des quatre elemens, sur les causes occultes , qu’il multiplie à 1 infini ; sur les qualités chaudes , sèches , froides , humides de ces élémens et des humeurs du corps ; sur les dege- nérations et la surabondance de celle-ci , qu’il regarde comme les seules causes des maladies (2). Galien, maîtrisé par la force de son imagination et entraîné sans cesse vers la théorie par le carac- tère de son esprit, ne pouvait devenir aussi bon observateur qu’Hippocrate. Aussi, dans la plupart des histoires de maladies quil nous a laissées, sein- ble-t-il n’avoir d’autre but que de faire parade de son érudition ou de son habileté dans le pronostic* Les livres de Galien , qui ne contiennent presque aucune description de maladie , écrite avec cette simplicité qui caractérise Hippocrate , et qui est une (1) Op. cit. (2) Cabanis , Coup-d’œii sur les révolutions et sur la réforme de la médecine; Leclerc et Sprengel, op. cit. ( >4 ) expression fidèle de la nature, sont beaucoup trop remplis de disputes, le plus souvent, de mots, dans lesquelles brillent les subtilités de la plus fine dia- lectique (i). Cependant , la Thérapeutique est redevable à Galien d’une grande partie de ses progrès, et il se vante justement d’avoir perfectionné les méthodes de traitement qu’Hippocrate avait déjà inventées (2). Le premier ouvrage complet sur fart de traiter les maladies , est sorti des mains du médecin de Pergame Le Methodus medendi de Galien, qui, abstrac- tion faite de ses théories, sera toujours un des plus beaux monumens delà médecine antique, expose les vrais principes de la Thérapeutique. L’auteur y a porté cet esprit d’analyse qui peut seul nous diriger dans l’étude et dans l’exercice de la médecine. Galien est le premier qui ait reconnu que les maladies se composent d’une ou de plusieurs affec- tions simples , contre lesquelles il faut diriger les indications curatives. C’est donc à lui que remonte la doctrine des élémens (3). (1) Cabanis , op. cit. (2) Meclendi methodum primiun ab Hippocrate inventant , deinde a Galeno declaratam , ac absolutam fuisse. Arg. cap, y ni , lib. ix , p. 212 , meth. med. , ed. Chart. (3) Primurn dicere oportet , quod morbwn appellamus ; se- cundo loco quot sint universi primi et simplices morbi , et veluti aliormn ele monta ; deinceps vero tertio , quot sint ii qui ex eorum composilione proveniunt. ( De diff. morb. , lib. 1. ) ( i5 ) La distinction î a plus importante , celle sur laquelle repose toute la science thérapeutique, a été faite par le médecin de Pergame. C’est la distinction de la maladie et de l’affection (i). Le sort de Galien a été bien différent dans le cours des siècles. Les Arabes , lui portant un res- pect religieux, en firent leur idole; et des auteurs modernes ont osé vouer au mépris le médecin le plus savant de l’antiquité. Si l’enthousiasme des uns était exagéré, la critique des autres est trop injuste. Peut-on refuser un beau génie à l’homme qui a exercé sur 1 art de guérir, une influence aussi grande que prolongée ? Le Système de Galien , qui avait plutôt renversé les opinions medicales de son siecle , que relevé la vraie médecine hippocratique, a régné despoti- • quement pendant plusieurs siècles dans les écoles et dans la pratique. Les Arabes qui se bornèrent à traduire et à com- menter les livres de Galien et ceux d’Aristote , dont la philosophie avait fourni au premier les princi- pales bases de ses théories, ne pouvaient avoir d’au- tre système. La médecine, sous les Arabes, fut toute galénique; elle le fut encore à la renaissance des lettres. Il faut même le dire pour l’honneur de Galien : il a subi le sort qui est destiné, en général, à tous ii , cap. vi. (i) Method. medendi , üb. ( i6 ) les chefs de secte. Les idées qui ont servi de fonde- ment à sa doctrine , ont reçu de la part de ceux qui l’ont adoptée, une extension excessive et exclu, sive qu’il n’avait pas eu , sans doute , l'intention de leur donner. Les expériences bien faites , les observations recueillies avec exactitude , sont admises de tout le monde et en tout temps , parce quelles sont l’ex- pression de la nature et de la vérité. Les raisonne- mens , au contraire, sont sujets à être contestés et détruits , lorsqu’ils ne sont pas la conclusion immé- diate des faits. Il n’est pas étonnant que le galénis- me , dont les principes s’appuyaient plus sur les rai- sonnemens que sur l’observation , ait été renversé , lorsque les premiers chimistes 1 attaquèrent. Les chimistes avaient découvert plusieuis gï ands remèdes, à l’aide desquels ils produisaient des cures miraculeuses. Paracelse , par le moyen de l’opium et des préparations mercurielles, avait guéri des maladies réputées incurables jusqu’à lui. Ces succès surprenans firent espérer à ces hardis expérimentateurs , que leur art pourrait leur rendre raison de tous les phénomènes qu on observe dans l’économie animale, saine et malade. Bientôt ce qui se passait dans leurs laboratoires , devint pour eux l’image fidèle de ce qui s’opère dans le corps vivant. Les actes de la vie , les mouvemens organiques de tous les genres ne sont plus que des fermenta-j ( ll ) tions , des neutralisations, des sublimations, des distillations , etc. Les acides et les alcalis, tantôt se combattant avec force , tantôt se neutralisant , dé- terminent, modifient, ou altèrent la plupart des fonctions (i). L’humorisme , dont on trouve les premiers rudi- mens dans les ouvrages du Père de la médecine f et qui est un des principes fondamentaux de la doctrine de Galien , ne pouvait que recevoir de nouveaux développemens , et acquérir une influence excessive par les travaux des chimistes. La théorie des fermens et des effervescences créa de nouvelles altérations dans les humeurs , et le mot âcreté fut prononcé pour la première fois. Alors on spécifia d’une manière plus précise la nature des vices des fluides. Elle fut acide ou alcaline: delà deux classes de maladies , celles qui sont dues à une âcreté acide, et celles qui proviennent d’une âcreté alcaline (2). Les chimistes ne remontant pas à la cause pro- ductrice de la prédominance , de l’effervescence et de l’altération des fluides , et négligeant en entier 1 action des solides , ne voyaient dans le corps de 1 homme qu’un mélange d’humeurs continuellement en fermentation , en distillation, en précipitation, etc. — 1 (1) Cabanis, op. cit. (2) F rançois de le Boë Sylvius fut le fondateur du système chémiatrique , auquel Paracelse et Van-Helmont avaient déjà préparé les esprits. 2 ( i8 ) Cfétait des diverses dégénérations chimiques de, ces humeurs et de leur mélange vicieux, quils dé- rivaient la cause de toutes les maladies. Ils eurent la témérité de faire l’application de ces hypothèses au traitement des maladies , sans se douter un seul instant qu’elles fussent dénuées de vérité. Quelques faits isolés, des expériences étrangères à l’étude de la vie , et des idées ie plus souvent erronées , suffirent aux chimistes pour établir des conclusions générales, d’après lesquelles les princi- pes d’action dans l’économie vivante et les causes des maladies leur paraissaient si simples et si faciles à reconnaître , qu’ils n imaginaient pas comment on avait pu être si long-temps à les apercevoir. Les indications thérapeutiques, ainsi que les moyens propres à les remplir , n’étaient pas , pour eux , plus difficiles à déterminer. Il ne s’agissait que de combattre les acrimonies acides ou alcalines des humeurs , ou de les expulser du corps. Dans l’administration des remèdes que prescri- vaient ces vues curatives , les chimistes ne tenaient aucun compte des mouvemens que la nature affecte dans les maladies ; iis ne faisaient nulle attention aux périodes de ces dernières. Les signes essentiels des affections morbides , leurs complications diver- ses , les lésions des organes qu’elles pouvaient inté- resser, la différence des constitutions épidémiques, le tempérament du malade, et tant d’autres circons- tances non moins importantes a consicieiei , nen- ( J9 ) traient pour rien dans les données de leur Théra- politique. Que pouvait -on espérer d’esprits préoccupés d idées spéculatives , presque toujours en contra- diction avec l'expérience clinique? Les progrès que la chimie a faits de nos jours , étaient trop éclatans , pour que la médecine ne cherchât pas encore à tirer parti de cette science. Ses applications à fart de guérir ont été renou- velées. Cependant , malgré le mouvement rapide que les chimistes modernes ont imprimé à cette branche des connaissances humaines , malgré les efforts tres-louables , sans doute , de quelques mé- decins pour rendre les découvertes chimiques direc- tement utiles en médecine , nous sommes forcés de convenir que les faits chimiques comparés avec quel- ques phénomènes de l’économie vivante , saine et malade, sur lesquels ils jettent une vive lumière, ne sauraient suffire pour servir de base à un sys- tème physiologique, pathologique et thérapeutique complet (i). ^0 Si la chimie ne peut prêter des hases solides a la science des indications , elle lui a été de la plus grande utilité sous le rapport des moyens qu’elle emploie. La Thérapeutique doit aux travaux des premiers chimistes , les diverses préparations mercurielles , antimoniales et autres ; l’usage de l’opium que les galenistes rejetaient de la pratique , en disant qu’il épaissit les humeurs. Elle doit aux chimistes modernes , non seule- ment une infinité de nouveaux remèdes, mais encore, et ce ( 20 ) 11 est hors de doute que les produits morbides ont des rapports avec des substances dont la chimie sious démontre les propriétés , et trouvent leurs analogues dans les résultats d’opérations chimiques. qui n’est pas moins important , la juste appréciation et la correction de ces formules bizarres dans lesquelles on entas- sait , sous un seul et même médicament , une foule de subs- tances qui , se neutralisant par les nouvelles combinaisons qu’elles éprouvaient , faisaient de ce mélange monstrueux , ou un corps entièrement inutile pour remplir les indications auxquelles on le destinait , ou mime un remède dangereux qui produisait des effets contraires à ceux que l’on espérait de son action. La chimie pneumatique nous a démontré les principes constituans de l’air atmosphérique , et quoiqu’elle n7ait pu s’emparer des miasmes délétères ou contagieux , pour nous en démontrer la composition , elle nous a fourni les moyens d’assainir l’atmosphère, en détruisant ces miasmes par divers moyens qu’ont employés avec tant de succès, Guyton-Mor— veau , Carmichaël Smith et M. Labarraque. La connaissance des gaz a servi à déterminer les effets qu’ils occasionnent dans l’économie animale ; et en nous éclai- rant sur les phénomènes de la respiration, et sur quelques- unes de ses lésions , l’asphyxie par exemple , elle nous a procuré les meilleurs moyens d’y remédier , et de rappeler à la vie des individus qu’une mort funeste enlevait autrefois sans ressource. Enfin , nous avons vu la Matière médicale s’enrichir de nos jours , par l’analyse des végétaux , d’un grand nombre de produits immédiats ou autres de ces substances organiques , qui nous offrent des remèdes aussi précieux par leur activité , que commodes pour leur exhibition. ( 21 ) Mais on peut objecter avec raison que , dans l’état malade , les diverses dégénérations que les fluides ou les solides éprouvent dans leur mixtion chimi- que , ne sojit pas toujours la cause de la maladie ; qu elles sont souvent l’effet de l’action du principe morbifique et le résultat d’une lésion ressentie par les forces vitales elle-mêmes, et que ce serait en vain que l’on chercherait à neutraliser ou à évacuer ces produits , si l’on négligeait la cause première dont ils dépendent. Pendant le cours du xvn.e siècle , les explications Systèmes ïatro que la chimie avait données des phénomènes de raa,llematlcius 1? > . . -, , _ et latro-méca» économie ammalç , saine et malade , parurent si niqU(N peu satisfaisantes , qu’elles furent rejetées par le plus grand nombre des médecins. Mais les théories que 1 on substitua au système chémiatrique , quoique décorées d’un appareil plus scientifique, n’approchè- rent pas davantage de la vérité : je veux parler des systèmes ïatro -mathématique et ïatro -mécanique. Au xvu.e siècle la géométrie et l’algèbre furent culti vées avec une ardeur et un zèle qui mirent ces sciences à la mode. La philosophie de Descartes régnait presque exclusivement. Lorsque les médecins virent soumettre au calcul la plupart des grands phénomènes de la nature, ils se crurent autorisés à adapter les memes métho- des d’explication à tous les actes du corps vivant. La géométrie et l’algèbre furent appliquées à la ( ) médecine , à laquelle Descartes prétendait , que te calcul du mouvement des atomes pouvait donner une certitude vraiment mathématique. Les ïatro-mathématiciens crurent pouvoir appli- quer le calcul aux combinaisons des phénomènes de l’état maladif, et déterminer, dune manière rigoureuse , les effets des agens thérapeutiques. D’après Sauvages , les calculs mathématiques ré- pandent le plus grand jour sur la vitesse du pouls, sur le froid, sur la chaleur de la fièvre, etc.; on peut expliquer Faction des médicamens , suivant le système des cartésiens , par l’attraction des parties similaires qui ont la même figure et le même volume. C’est pourquoi certains remèdes agissent plus parti- culièrement sur les viscères , dont les parties ont un poids égal à celui de leurs atomes (i). Si l’on en croit Pitcarn , une maladie et sa cura- tion présentent toutes les données d’un problème de géométrie ou d’algèbre, et offrent la même certitude que la solution de ce problème. Hoffmann dit, que la médecine s’élève, aussi-bien que la géo- métrie, au rang des sciences exactes, et qu’elle n’est pas moins susceptible de précision , qu’une branche quelconque des mathématiques. Il serait sans doute à désirer que les vérités mathématiques pussent prêter leur certitude aux (i) Chefs-d’œuvre de M.Boissier de Sauvages, par Giliberî» Lyon. 1771- ©bjets dont s’occupe la médecine; mais il y a une si grande différence entre ces deux genres de con- naissances : la simplicité des unes est tellement opposée à l’extrême complication des autres , qu’il est impossible de les associer. Les phénomènes qui font le sujet de l’étude du médecin , sont trop compliqués , pour présenter jamais des données tellement rigoureuses , quelles puissent être soumises au calcul. Ces phénomènes sont trop variables pour qu’on puisse opérer sur eux, comme le mathématicien opère dans ses formules. En médecine , on est autorisé à calculer ou à pré- voir la succession des phénomènes dans tel ou tel ordre , parce qu’une série plus ou moins longue d’observations nous a démontré que cette succes- sion s’est faite ainsi et se fera encore ; mais rien ne nous prouve quelle ne puisse se faire autrement. La médecine comprenant les objets les plus com- pliqués de la nature , et se composant d’une multi- tude de faits infiniment variés , et susceptibles de donner lieu à d’immenses combinaisons , il est im- possible quelle se promette toujours des résultats uniformes , et quelle atteigne constamment le der- nier degré d’évidence. Le médecin est, au contraire, obligé de se borner le plus souvent à recueillir des probabilités qui deviennent d’autant plus vraisem- blables, et approchent d’autant plus de la certitude, que les faits sur lesquels elles sont établies , se mul- tiplient davantage. ( *4 ) Pour déterminer les divers degrés de certitude que peut avoir la médecine, il est très-essentiel d’admettre sa division en médecine-science et méde- cine-art, c’est-à-dire, qu’il faut distinguer dans la médecine une partie dogmatique et une partie pra- tique ou technique. La certitude de l’une est bien différente de celle de l’autre. La médecine-science , en tant que se composant de principes qui ont été déduits d’un grand nombre de faits bien vus , ana- lysés et comparés , présente autant de certitude que toute autre science d’observation. Mais l’application de ces principes aux cas individuels, ou la méde- cine-art se fondant sur des analogies , ou des res- semblances qui peuvent en imposer meme (i) aux plus habiles , et opérant sur un corps vivant dont nous ne pouvons pas déterminer , à la rigueur , toutes les affections ou manières d’ètre , ne saurait avoir le même degré de certitude que les dogmes d’après lesquels elle se dirige , ou la médecine- science (2). (î) Similitudin.es eliam peritis imponunt , Hipp . “(2) Ejusdem quippe morbi varia atque varia in aliis atque tiliis corporibas signa apparent :■ quod efjîcit ut ars nostra plane sit çoyuçiy.v} conjecturahs non auiem anodetY.Tt'/.v) , démons- trativa. Oportet enim multa avvrsy.y.ou&sd’a.t , id, est , probabi- libus quibusdam rationibus atque apparenlibus signis colligere , non autem caroiïetxTMcâç et ç , démonstrative et sullo- gutice concludere , ac si aliter contingere non possit in Socrate atque in Sophronisco ; varice enim sunt humorum ideœ , varice La secte des ïatro-mathématiciens ne se contenta pas de soumetti e tous les actes de la vie à la rigueur de ses calculs. Il fallait , pour que ces actes pussent se prêter aux méthodes mathématiques , établir en- tî eux et les autres phenomenes de la nature, une analogie , que les grandes découvertes qu’on venait de faire paraissaient manifester. Ces découvertes qui, par l’importance excessive qu’on leur donnait, semblaient devoir renouveler toutes les sciences médicales et les porter au dernier terme de la per- fection, ne firent , au contraire, qu’en retarder les progrès. Ce sont elles , en grande partie , ou plutôt c’est l’abus de leurs applications qui produisit les théories empruntées à la physique générale et à la mécanique , pour expliquer les fonctions et les ma- ladies du corps de l’homme. Avant que le célèbre Harvey eût prouvé le mouvement circulatoire du sang , avant que les injections de Swammerdam et de finis ch eussent rendu sensibles aux yeux les séries sans cesse décroissantes des vaisseaux qui charrient les diffé- rentes humeurs animales , la mécanique et l’hydrau- lique n avaient joue aucun rôle dans la médecine • spirituum , varice corporum , varice moi borum ; quee omnia imputais artem nostram clifjicillimam reddunt et immensam plane. Ballon, cons. p. iSg. t. II. cons. XLVI . Yoyez aussi Barthez , Discours sur le génie d’Hippocrate; et M. Lordat f Exposition de la doctrine médicale de Barthez. Biais depuis cette époque , les lois de l’impulsion , de l’équilibre , celles des frottemens et des résis» tances, etc., fournirent à la secte des ïatro-méca- niciens les principes de leurs théories médicales. Le médecin mécanicien , ne voyant dans le corps de l’homme qu’un assemblage de conduits com- muniquant entr eux , a fait dépendre toutes les maladies des obstacles qui pouvaient s’opposer au libre passage des humeurs dans ces vaisseaux , et de la stase ou de l’arrêt des fluides. Il a fondé toutes ses indications curatives sur la nécessité d’enlever ces obstacles, et n’a proposé, pour les remplir, que des moyens capables de faire circuler facilement les humeurs. On vit alors se reproduire les opinions d’Erasistrate et d’Asclépiade. Ne considérant que les changemens survenus dans le mécanisme du corps , négligeant les alté- rations qu i! peut subir dans le mélange de ses parties, et ne pouvant s’élever jusqu’aux forces spéciales qui l’animent et aux lésions dont celles-ci sont susceptibles , le médecin mécanicien pouvait-il embrasser , dans ses théories , tous les phénomènes morbides, et présenter des vues thérapeutiques saines et applicables à tous les cas ? ' • - L’ordre que j’ai adopté pour l’exposition des Systèmes en médecine, me conduit à traiter des «/ ' doctrines qui ont tiré leurs principes fondamentaux ( 27 ) de quelques phénomènes de l’économie vivante auxquels on a donné une influence exœssive et exclusive. L’examen analytique des phénomènes que pré- sente le corps vivant, comparés avec ce qui se passe dans la matière brute, fait reconnaître que le premier jouit de propriétés ou forces spéciales , par lesquelles il tend sans cesse à résister à l’im- pression destructrice des agens extérieurs, et à se maintenir dans son état d’intégrité; que lorsque cet état vient à être diversement altéré, il s’excite en lui des mouvemens qui ont pour but de le rétablir dans sa constitution primitive et normale. Voilà ce que dit l’observation; mais elle dit aussi que ces mouvemens ne sont pas toujours suffisans et bien dirigés , et que si l’on comptait constamment sur leur résultat avantageux, on serait entraîné dans des erreurs graves et funestes aux malades. Cependant, la doctrine des Naturistes est fondée sur les efforts toujours utiles d’un principe actif et doué de prévoyance ( Stahl ). Hippocrate est le premier qui ait admis dans l’économie animale l’existence d’un agent conser- vateur qu’il a désigné sous les divers noms de Nature , de Chaleur innée , d Impetum faciens , etc. Les Naturistes ont pensé avec lui que le corps de rhomme est animé d’un principe particulier, distinct de la matière qu’il vivifie. Naturistes, f 28 } Ce principe dirige tous les actes de la vie dans Tétât sain et dans 1 état malade. Dans ce dernier il se livre à des mouvemens propres , par lesquels il combat et change les causes morbifiques; tout Fart du médecin doit consister à suivre ces mouvemens et à les aider. Les actes dont ils se composent sont soumis à des règles: les évacuations qui les suivent, les eliangemens qui en proviennent, affectent un certain ordre et sont assujettis à des périodes fixes. De là, la théorie de la cochon, des crises et des jours critiques. La Mature est le premier des médecins. Tel est le dogme sacré prononcé par le divin vieillard. Ce dogme , religieusement observé par les Naturistes , les a conduits à donner une extension beaucoup trop grande aux méthodes naturelles de traitement; à celles qui , se rapportant uniquement à la puis» sauce médicatrice de la nature, ont pour objet de préparer, de faciliter et de compléter ses mouve- mens salutaires. Les idées exagérées des Naturistes sur la nécessité et Futilité constante du concours d’un principe conservateur , et sur les avantages qui résultent le plus souvent de la plupart des actes morbides , les ont obligés de prescrire des règles de traitement timides, bornées et insuffisantes. Quel perfection- nement peut-on espérer pour des méthodes théra- peutiques qu’ils regardent comme inutiles , ou dont iis croient pouvoir se passer , d’après la confiance ( a9 ) ' excessive qu’ils mettent dans Fautocratîe de la nature ? Pour s’élever à des vues curatives, exactes et susceptibles d’ètre appliquées à tous les états mor- bides, il ne suffit pas de reconnaître les rapports que les maladies peuvent avoir quelquefois avec tes intérêts des malades, en servant au rétablissement de leur santé et à leur conservation ; il faut savoir encore qu’il en est qui, loin d’être en rapport avec ces intérêts , ont une tendance entièrement opposée. Il existe, en effet, des maladies qui, en ruinant les forces , soit par la gravité et par les complications de leurs élémens, soit par l’intensité des accidens dont elles s'accompagnent, vont à la destruction et à la mort. Celles-ci appellent impérieusement les secours les plus énergiques de l’art. Si des maladies simples et peu graves étant laissées à elles-mêmes, peuvent se guérir par les seuls efforts de la nature; si d’autres maladies sont nécessaires pour amener des changemens avantageux dans la manière d’être de certains individus, des expé- riences comparatives ont appris au médecin à ne pas se borner au simple rôle de spectateur dans un grand nombre de maladies aiguës et dans la plupart des maladies chroniques. Stahl , dont le système repose principalement sur les déterminations spontanées d’un principe intellte gent et prévoyant , est, de tous les médecins, celui qui a porté le plus loin les dogmes du naturisme. ( 3o) D’après Stahl , la fièvre , l’inflammation , les hémor- ragies , etc . , sont autant de moyens que ce principe se ménage, dans le plus grand nombre de circons- tances , pour l’élimination des causes morbifiques , afin d’arriver au rétablissement de la santé et à la conservation de la vie. L’observation a prouvé , sans doute , qu’il est des cas où la fièvre , l’inflammation, les hémorragies, etc., peuvent s’établir et se soutenir pour le plus grand avantage des malades ; mais elle a constaté également que souvent ces maladies, loin d’avoir la moindre utilité, entraînent au contraire les suites les plus fâcheuses. Il faut alors déterminer quels sont les rapports que ces maladies ont avec telle ou telle modifi- cation des forces , des solides , des fluides ou de la constitution , c’est-à-dire avec les élémens morbi- fiques pour en déduire les indications curatives. C’est ainsi que tantôt le mode fébrile, le mode inflammatoire, le mode hémorragique, etc., amè- nent la solution de quelques affections morbides dont ils offrent la crise; tantôt ces modes sont l’effet d’altérations diverses de la constitution qu’il est instant de corriger et de détruire. C’est à distin- guer toutes ces circonstances que le médecin doit s’appliquer pour établir son plan de traitement. » Humoristes. On rencontre les premiers élémens de la patho- logie humorale et du système des Humoristes , dans ( 3i ) les ouvrages du Père de la médecine. Hippocrate reconnut dans le corps de l’homme l’existence de quatre humeurs principales , la sang , la pituite , la hile et 1 atrabile i chacune de ces humeurs prédo- mine dans un âge et dans une saison cpii lui parais- sent affectes , et devient cause essentielle de mala- die , lorsqu’elle dégénère ou quelle se forme dans des proportions excessives. C’est contre les humeurs suï abondantes ou degenerees que la nature dirige tous ses efforts ; c’est à ces humeurs viciées qu elle fait subir une élaboration particulière, la coction; c est à l’expulsion des produits de ce travail , que les mouvemens et les évacuations critiques sont destinés. Galien adopta en entier les idées d’Hippocrate sur la prédominance et l’altération des humeurs. Il ' associa à ces idées des explications tirées des qua- lités des quatre élémens , le chaud , le froid , le sec et l’humide. Les quatre humeurs et les qualités élé- mentaires qui leur correspondent , ont servi de base à toute la doctrine physiologique, pathologi- que et thérapeutique du médecin de Pergame. L’Humorisme reçut de nouveaux développement, et acquit la plus grande influence par les travaux des Chimistes. La théorie des fermens et des effer- vescences créa de nouvelles altérations dans le» humeurs , et spécifia d une manière plus précise la nature des vices des fluides; elle fut acide ou alcaline. Les Humoristes modernes ont admis, avec Hippo- ( 32 ) craie et Galien , la surabondance et la dégénération des quatre humeurs , comme causes de toutes les maladies. Ils y ont ajouté avec Bâillon la dégéné- ration séreuse ou une sérosité âcre, sérum acre . Bordeu est, de tous les modernes, celui qui a le plus multiplié le nombre des affections des fluides, qu’il désigne sous le nom de cachexies humorales » Il établit autant de cachexies qu’il y a d’organes notables et de mélanges ou de mixtions principales d’humeurs. Le tissu muqueux est le siège de toutes ces révolutions cachectiques. Il y a une cachexie sanguine , muqueuse, séreuse, bilieuse, splénique, pancréatique , séminale , atrabilaire , laiteuse , uri- neuse , purulente , gangreneuse , etc. On connaît le rôle important et presque exclusif que Stoll fait jouer à son humeur hiliforme. La théorie que Grant a donnée des fièvres est toute humorale. C’est dans la bile claire de la mois- son et dans labile épaissie, et plus ou moins dégé- nérée pendant l’automne, qu’il trouve l’origine de toutes les fièvres , etc. Les humeurs sont pénétrées , comme toutes les autres parties du corps vivant , d’une force diffuse dans toute leur substance, qui fixe et arrête, dans chacune , l’ensemble des qualités qui la spécifient. Cette force, connue sous les divers noms de faculté digestive, de force plastique , de blas alterativum, de ni sus formatims > etc. , est susceptible de lésions. Ce sont ces lésions, ou plutôt leurs produits sen- ( 33 ) sibles? qui constituent les causes matérielles de toutes les maladies , d’après les humoristes. Les vices des humeurs se rapportent à leur quan- tité ou à leurs qualités, La surabondance du san<* constitue cette affection qu’on nomme pléthore sanguine ; la diminution de sa quantité est l’anhæ- mie. La pléthore sanguine est l’effet d’une disposi- tion dans les forces vitales à former une quantité excessive de sang , et à convertir en cette humeur les produits de la digestion , de l’absorption , etc. L’anliæmie suppose, au contraire, un état de langueur des forces vitales et plus particulièrement un affaiblissement de celles qui président aux actes de l’hématose. Le sang contient les principes constituans de toutes les humeurs. Les matériaux qui doivent entrer dans leur composition , mêlés avec ceux du sang ? viennent se réunir et se combiner sous l’action spéciale des organes sécrétoires; et de ces combi- naisons naissent de nouveaux produits fluides , con- nus sous les noms de bile, de mucosité, de sérosité de lait , etc. Parmi les humoristes, les uns n’admettant pas l’influence des lésions des organes sécrétoires, com- me cause première de la prédominance des humeurs, supposent que celle-ci peut avoir lieu par l’altéra- tion spontanée de la force qui anime les fluides, et qui tend à créer une plus grande quantité de leurs matériaux. C’est ainsi qu’ils reconnaissent des 3 ( 34 ) diathèses , bilieuse , séreuse, muqueuse, etc., qui s'établissent indépendamment de toute lésion sur- venue dans les organes sécrétoires. ( Grimaud. ) Les autres , se rapprochant davantage de l’opinion des solidistes, pensent que le vice des organes peut concourir à la formation des diatheses , tout en reconnaissant une production spontanée des diver- ses humeurs, dans une quantité telle que 1 action des organes sécrétoires ne peut suffire a leur sépa- ration, etc. (Bordeu. ) Quoi qu’il en soit , ils admettent, tous, autant de causes de maladies quil y a ne degeneiations d hu- meurs. Les affections, sanguine , bilieuse, pituiteuse ou muqueuse, sereuse , etc., sont le résultat de la prédominance de chacune des humeurs du corps. Les fluides sont encore susceptibles d’altérations qui proviennent de la lésion de la force de cohésion qui unit leurs molécules. Le sang et les autres hu- meurs ont une propriété particulière , par laquelle leurs molécules tendent à se rapprocher ou à s’éloi- gner. Lorsque cette propriété est vicieusement accrue ou affaiblie , il survient deux altérations prin- cipales de leur consistance , l’épaississement ou tendance à la coagulation , et la tenuité ou tendance à la dissolution. Toutes les humeurs peuvent pécher dans leurs qua- lités et dans la mixtion chimique des parties qui les composent. Elles contractent alors diverses espèce* ( 35 ) de dépravations. On a singulièrement multiplié le nombre de ces dernières , en admettant une bile érugineuse, une bile poracée , une bile noire , une pituite mordicante, une sérosité âcre, des acri- monies salines , acides , etc. Enfin, les humeurs sont atteintes d’une altération spéciale dans les vices spécifiques de la constitu- tion , tels que les vices syphilitique , dartreux , pso- rique, cancéreux , scrofuleux , variolique , etc h n est pas douteux que les fluides ne puissent concourir , soit par leur surabondance , soit par leui paucitè , soit par leur altération à la produc- tion de 1 état malade. Mais vouloir déduire toutes les maladies de cette seule source , pour créer une pathologie toute humorale, c’est s’exposer à rejeter un grand nombre d’autres causes non moins impor- tantes , et aussi dignes de fixer l’attention du mé- decin , dans le traitement. La Thérapeutique des humoristes ne poursuivant qu’une indication fon- damentale , celle qui est tirée du vice des humeurs ( ^ vitio humorum ) est donc très-incomplète. Bien que, dans l’étiologie des maladies , il soit souvent difficile d’assigner quelles sont des modifi- cations des solides ou des fluides, celles qui , étant les premières en date, ont donné naissance aux autres , 1 expérience a prouvé que ces deux genres d affections pouvaient exister séparément , s’associer sous divers rapports, se combiner, et donner lieu ainsi à des maladies simples , composées ou corn- Méthodistes et Solidistes. ( 36 ) pliquées. C’est cle la détermination de ces différons- cas que le médecin doit s’occuper. Les Solidistes regardant la vie comme le résultat de l’organisation , ont refusé tout principe d acti- vité aux fluides. Ceux-ci présentant des molécules qui ne sont susceptibles d’aucun arrangement cons-, tant, sont, pour les Solidistes, des substances inertes qui doivent toutes leurs modifications dans 1 état sain et malade , à l’influence énergique des solides. D’après leur hypothèse , la vie s’exerce , et toutes ses révolutions se passent dans le solide, qu à raison de cette manière de le considérer , ils appellent solide vivant, solidum vivens. On fait remonter l’origine de la secte des Soli- distes à la médecine méthodique , dont Thémison fut le fondateur , et que Thessalus étendit et per- fectionna. 11 y a cependant entre ces deux systèmes une différence qu’il importe de remarquer. Ce qui dis- tingue les Solidistes des Méthodistes , c est que les premiers reconnaissent , avec Hippocrate , une force dont les lois ne peuvent être connues que par l’observation des phénomènes propres au corps vivant , et résultant de l’action de cette force sur les solides ; tandis que les autres , n’ayant aucun égard à la proportion de la force élémentaire de ce corps, ne considèrent que la dilatation ouïe resserrement des interstices de ses atomes. ( 37 ) Thémison, ayant trouvé les principes d’Àsciépiade trop difficiles à entendre, chercha une méthode plus facile qui mît la médecine à la portée de tout le monde. Il prétendait que la connaissance des causes des maladies n était pas nécessaire , qu’il était entièrement inutile de descendre à ce que chaque maladie pouvait offrir de particulier , et quil ne s’agissait que de déterminer ce qu’elles offrent de commun. Il ramena à trois faits principaux tous les états morbides , le resserrement , le relâ- chement et l’etat mixte, strictum , laxum , mixtum. Il n’y avait donc que trois genres de maladies ; on les rapportait toutes à l’une ou à l’autre de ces trois circonstances. Leur traitement ne présentait que trois indications que l’on remplissait par l’usage des moyens qui relâchent, de ceux qui resserrent , ou par la combinaison des uns et des autres. Il est évident que les limites de la médecine méthodique sont trop restreintes pour embrasser tous les faits dont se compose l’histoire des mala- dies et de leurs curations. Les méthodes thérapeu- tiques ne peuvent se borner à des rapports aussi généraux et aussi exclusifs, que ceux que cette doctrine établit entre toutes les maladies. Le système des Méthodistes fut reproduit dans le xvi.e siècle f par Prosper- Alpin , et au commence- ment du xvm. e , par Baglivi , qui en enseigna les principes dans ses leçons , et dans son traité de Fibrd motrice. L’antagoniste de Stahl , Hoffmann , se rappro- chant beaucoup plus des idées de Baglivi , que de celles de Prosper- Alpin , fonda sa théorie et sa pra- tique sur un nouveau système , auquel on donna le nom de Solidisme . Cependant , le système d’Hoff- mann , que Sprengel a assez bien caractérisé en l’appelant Mêcanico - dynamique , ne saurait être considéré comme appartenant au solidisme pur. Il a associé à ce dernier les principes déduits de la mécanique , soumise a l’influence d une force supé- rieure, et quelques idées d’humorisme, développées d’après les connaissances chimiques. Cullen , élevé dans les principes de Boërhaave , reconnut par sa propre expérience , après un long exercice de la médecine, que la doctrine du pro- fesseur de Leyde donnait beaucoup trop d’impor- tance à des vices purement hypothétiques des hu- meurs , tandis quelle ne voyait, dans les affections des solides , que des maladies physiques ou des vices de conformation. Cullen , exerçant envers Stahl une critique trop amère pour être toujours juste, crut que l’admis- sion dans le gouvernement de l’économie animale , d’une puissance intelligente , conduisait à rejeter tout raisonnement physique et mécanique , et qu’une confiance excessive et exclusive dans la pru- dence prévoyante de cette force , exposait à com- promettre le sort des malades , en se bornant à traiter les maladies par l’expectation. (39) Le professeur d’Edimbourg, bien convaincu do la \érité*du principe établi par Bacon, dans l’apho- risme xxxi de son Novum Orgcimnn (i) , pensa que la medecine était arrivée a une de ces périodes où les exper iences qu on venait de faire sur le système nerveux , et la découverte de nouvelles propriétés vitales nécessitaient la réédification de sa partie dogmatique. Cullen étudia le système d’Hoffmann ; il combina les idées de ce médecin avec les nouvelles doctrines de Haller sur les forces du corps ; et après avoir exclu toutes les hypothèses déduites , soit des sciences étrangères, soit des vices des fluides, que le professeur de Halle avait admises dans la plupart de ses théories sur la nature des maladies , il foi ma un véritable système du solide vivant (a). D’après les principes du solidisme , toutes les maladies dépendent des vices du mouvement des solides , qui peut être ou trop fort ou trop faible. Les mouvemens immodérés suscitent le spasme. Lorsque celui-ci s’exerce dans les parties sensibles, il prend le nom de douleur. La lenteur ou la fai- blesse des mouvemens constitue l’atonie. Les alté- (i) Frustra magnum expectatur augmentum in scientiis ex super-mductione et insitione novorum super vetera ; sed ins - tauratio facienda est ab imis fundamentis , nisi libeat per- petuo circumvolvi in orbem cum exili et quasi contenmendo progressa. Novum organum , aphor . xxxi. W Kurt Sprengel , op. cit . rations clos humeurs, s i! s en présente, dépendent du spasme ou de l’atonie qui les a précédées. Deux indications principales forment la théra- peutique de toutes les maladies. Il ne s agit que de calmer le spasme et de relâcher les solides , ou de relever le ton et de resserrer les fibres. Les antispasmodiques, les relâchans et les affaiblissans, ou les toniques et les excitans , sont les agens que l’on emploie pour atteindre l’un ou l’autre de ces buts. Dans un système qui doit embrasser l’ensemble des faits observés dans les maladies et dans leur traitement, peut-on isoler les affections des solides , les considérer abstractivement , et ne tenir aucun compte de celles des fluides , auxquels on refuse tout principe d’énergie , indépendant de l’action des solides? Telle est la question que fait naître natu- rellement l’exposition de la doctrine des Solidistes. Tout est animé dans le corps vivant ; omnia animantur in corpore animato , dit Hippocrate. Peut-on méconnaître , en effet , que toutes les par- ties du corps participent plus ou moins des carac- tères d’une nature vivante? Cependant , les médecins de la secte des Solidistes nient l’existence des forces vitales dans le sang et dans les humeurs , et prétendent qu’il ne peut y avoir de sentiment et de mouvement , ailleurs que dans les solides , dont l’influence énergique est la seule cause de la manière d’être des fluides. Cette ( 4i ) hypothèse les a conduits à rejeter toute affection humorale primitive , et à n’admettre d’autres causes de maladies que les lésions des solides et de leurs mouvemens : les vices des humeurs ne sont que la suite des premières. On ne saurait mettre en doute , que les modifi- cations des solides n’aient une influence plus ou moins grande sur celles des fluides ; mais il est également prouvé que les derniers exercent une action aussi forte sur les Solides. Tout est lié dans le corps humain , et il est souvent très -difficile d’isoler les affections des diverses parties qui le constituent. On doit néanmoins reconnaître , d’après les résultats des faits fournis par l’observation physio- logique et par l’expérience clinique, dans les soli- des et dans les fluides , des affections particulières indépendantes , soit naturelles , soit maladives. Comment nier l’existence des forces vitales dans les fluides , lorsqu’on voit que tous les organes les plus solides ont commencé par être fluides , et que, dans son principe, le corps vivant n’a été qu’une très-petite quantité de matière liquide dans laquelle il était impossible de distinguer la moindre trace de parties solides? Ce n’est qu’au moyen de subs- tances fluides, que les solides se nourrissent et se développent. La vitalité des humeurs n’est-elle pas rendue évi- dente par ces altérations profondes quelles recoi- ( 4a ) vent quelquefois de l’impression d’agens physiques ou moraux , et qui sont trop soudaines pour quon puisse avoir recours , dans leur explication , à l’in- termédiaire de Faction des solides qui n’en sont que peu ou nullement affectés (i) ? « Les éternelles disputes des Humoristes et des Solidistes doivent être terminées, dit M. Lord at , par la considération des affections de la cause con- servatrice des solides et des fluides ; par la consi- dération des altérations des uns et des autres , qui sont le résultat de l’impuissance ou des détermi- nations de cette cause; et par la considération de l’harmonie avec laquelle marchent communément les phénomènes corrélatifs dans les solides et dans les fluides (2). » Sans admettre avec les partisans exclusifs de la doctrine des Humoristes , la surabondance et les altérations des fluides, comme les seules causes de toutes les maladies , on est forcé de convenir qu’il p (1) Barthez rapporte , dans ses Nouveaux Elémens de la science de l’homme , un très -grand nombre de faits qui attestent , dans les humeurs , la présence de propriétés vitales qui leur sont propres. I/action des poisons septiques met en évidence la possibilité cTune dégénération putride ou septique spontanée des hu- meurs, et la nécessité d’une médication antiseptique. Vov. le Discours d’ouverture du cours de Médecine-légale , par M. le prof. Anglada. (a) Exposition de la Doctrine médicale de Barthez. ( 43 ) existe des affections des humeurs indépendantes , et sans la moindre lésion , du moins primitive f des solides. * ' • * La surabondance et les altérations diverses du sang , de la bile , de la pituite , de la sérosité , etc. , se manifestent dans un grand nombre de maladies , ou les solides ne sont lésés cpie secondairement. La sui abondance et la concrescibilité du san,0, !o y sont évidentes dans les maladies inflammatoires. Les affections adynamiques et scorbutiques offrent les preuves incontestables de Faltération la plus grave du sang et de F affaiblissement de cette force de cohésion , de ce Nexus vital qui, suivant Fouquet, lie entr’eîles les molécules constituantes de cette humeur. On peut dire que , si ces vices du sang’ ne forment pas seuls l’essence ou la cause prochaine de ces maladies , ils en sont du moins des éîémens principaux , et ils fournissent des indications très» essentielles à remplir. Les dégénérations du sang sont si évidentes dans le scorbut , que M. Broussais est forcé d’en rap- porter 1 origine à Faltération de la fibrine de cette humeur. Mais si des faits bien vus obligent à admettre , dans le scorbut , une altération de la fibrine du sang, pourquoi d’autres faits également constatés ne pourraientdls pas conduire à établir, par une induction sévère % d’autres altérations hu- morales comme cause de maladies ? Ne doit-on pas reconnaître une dégénération de la lymphe ou de ( 44) Mbumine , comme lelément d’une grande partie des maux qu’on rapporte à une lésion du système des vaisseaux lymphatiques (i) ? La surabondance de la bile , son reflux et son développement dans le sang, son épanchement dans tout le tissu cellulaire du corps et dans celui des organes , la teinte jaune quelle donne aux solides et aux fluides, les diverses dépravations quelle peut subir, sont des phénomènes connus f des causes de maladies plus ou moins graves , et clés sources principales d’indications curatives (2). L’excellente description de la maladie muqueuse de Gottingue , par Rœderer et Wagler , 1 histoire raisonnée de la maladie de Naples, par Sarcone , ne laissent aucun doute sur la prédominance et les dégénérations de l’humeur muqueuse , ainsi que sur l’existence des maladies variées qui en résultent. La salive dans Fhydrophobie , la lymphe et le pus dans la syphilis, dans la variole , la vaccine , etc.? contractent une altération spécifique qui les rend capables de propager ces maladies. Les changemens que les humeurs éprouvent dans (1) Voyez M. le professeur Baumes , Traité des fièvres rémittentes , etc. (2) M. Andral vient d’ajouter de nouvelles observations à celles qu’on avait déjà sur le rôle important que la bile joue dans la production de,s maladies. Clinique médicale , etc,, t.iv. (45) leur mixtion eliimique , et les modifications qui surviennent dans leurs qualités , peuvent donc concourir à la production de maladies diverses et devenir des élémens morbifiques , qu’on ne saurait rejeter en thérapeutique. « Lorsqu’il s’agit , dit Newton , de fixer le nom- Th”ne bre des forces de la nature , on doit avoir égard 1 Excitabilité, à la différence des phénomènes ; et lorsqu’on trouve cette différence essentielle, il est aussi nécessaire d’admettre des causes ou forces différentes. » Brown qui assure avoir suivi les principes de la philosophie Newtonienne , paraît ne les avoir pas bien compris , lorsqu’il rapporte tous les phé- nomènes de la vie à une seule force qu’il désigne sous le nom d’ Excitabilité. L’excitabilité est la faculté qu’ont les corps or- ganisés et vivans d’ètre affectés d’une certaine ma- nière , ou excités par les agens extérieurs, et de produire des mouvemens qui sont en rapport, non avec la cause irritante , mais avec la force elle- même. Cette faculté dont Brown place le siège dans la pulpe nerveuse , sans rien dire de précis sur sa nature , est le seul agent de tout ce qui s’exécute dans l’économie animale saine et malade. Elle est la même dans tous les organes ; elle ne diffère dans chacun d’eux que par son intensité. L acte par lequel elle se manifeste, est l’excitement , ui* citatio . ( 46 ) § L’admission d une cause expérimentale unique , pour l’explication des faits multiplies et divers dont se compose la science de l’homme , est entièrement contraire aux règles de la bonne manière de phi- losopher. Cette cause ne saurait exprimer toutes les analogies et toutes les différences des actes de la vie. Cette tendance à la simplification prouve des connaissances très-incomplètes , et même une ignorance qui a fait mettre de cote des faits dont l’étude est de la plus grande importance. C’est de la considération de cette seule force et des lésions dont elle est susceptible , abstraction faite des organes dans lesquels elle agit et des humeurs ? que Brown a déduit tous les principes de sa théorie médicale. Brown reconnaît des maladies générales et des maladies locales. Les premières sont toujours pro- duites par f augmentation ou la diminution de l’excitement. Elles sont sthéniques dans le premier cas , et asthéniques dans le second. Les maladies asthéniques peuvent être également l’effet du défaut ou de la trop grande intensité des irritations. Lorsque la cause est le defaut d irrita- tion 7 il y a accumulation d’excitabilité ou asthénie directe ; lorsqu’il y a eu , au contraire , une sur- excitation , l’excitabilité a été épuisée , et l’asthénie est indirecte (i). (i) Débilitas stimuli defectu nata ? recta nuncupanda est ; < 47 ) S il n’y a que deux formes générales de maladies ? la sthénique et l’asthénique , il ne peut y avoir que deux méthodes thérapeutiques ? F anti-sthénique ou débilitante ? et la sthénique ou fortifiante et exci- tante. Dans le traitement des maladies on ne doit faire aucune attention aux noms qu elles portent , mais uniquement à 1 augmentation ou à la diminution de 1 excitement , pour les combattre par les moyens débilitans ou stimulans. Le système de Brown peut suggérer les objec- tions suivantes : i.° L’état des forces a, de tout temps , présenté un des points les plus importans en médecine. Mais il n est pas si essentiel , qu’on doive le considérer exclusivement à tout autre , et qu’il puisse seul' constituer la base de toute la doctrine pathologique et thérapeutique. On ne saurait se borner à ne voir dans toutes les maladies ? que des lésions dans la quantité des forces. Il y a , dans l’état maladif ? autre chose qu exces ou defaut d action. ïl y a aussi per- version de cette action 7 c est-a-dire 7 qu’il existe des modes vicieux des forces qui doivent être cor- prœtereà quod nulla noxa posita , sed necessariis vitœ prœsî - dus negatis , incidit. ( Elem. med. Brun. xlv. ) Sic exhausta stimula incitabilitas débilitas est , hoc indirects. dicenda , quod non déficiente ? sed super ante stimula nascitar . { op. cû. xxxv. ) ( 48 ) rigés (i). Peut-on dire qu’il n’y ait que plus ou moins d’action de la part de la puissance vitale , , ou de l’excitabilité de Brown , dans la douleur , dans le spasme , dans l’épilepsie , dans le tétanos ? dans l’apoplexie , dans la paralysie , et dans la plupart des affections nerveuses ? La perversion des actes de cette puissance est évidente dans ces ma- ladies qui sont celles dont l’étiologie semblerait , au premier aspect , se prêter le plus favorablement aux idées Browniennes. 2.0 Il est certain que, dans la curation des ma- ladies , l’état des forces doit fixer d’abord toute l’attention du médecin ; et qu’avant tout , il faut les modérer lorsqu’elles sont trop actives , ou les exciter lorsqu’elles languissent. Mais suffit-il toujours de déterminer si les forces sont dans 1 excitation oü dans la langueur ? N’est-il pas plus essentiel de reconnaître et d’établir les rapports que la sthénie ou l’asthénie peut avoir avec telle ou telle affection morbide , pour diriger contre celle-ci les indica- tions curatives? Car le traitement de 1 excitation et de la faiblesse doit être relatif aux diverses causes qui les entretiennent. Les seuls moyens pro- pres à abaisser ou à relever les forces , sont ceux qui détruisent le principe de leur exaltation ou de leur diminution. (i) V. M. Lordat, op. cit. Dumas. Doctrine générale des maladies chroniques. M. Bérard , Application de l’analyse à la Médecine pratique. ( 49 } 3'° 0n est forcé (,e reconnaître qu’il existe d’au- très indications thérapeutiques , que celles que l’on t emplit par des médications excitantes ou affaiblis- santes ; il en est d’autres non moins essentielles celles qui ont pour but de changer le mode vicieux des affections vitales. Les causes des maladies ne se bornent pas à agir en augmentant ou en dimi- nuant les propriétés vitales, elles ont une action particulière qui altère ces propriétés. Il doit donc y avoir autre chose dans l’état maladif, qu’une quantité d’action en plus ou en moins. Le traite- ment ne peut être réduit à rétablir cette quantité dans un degré moyen. Les a comme aussi la cause d’effets qui offrént de nom- breuses différences. M. Broussais a négligé toutes ces considérations qui sont, néanmoins, de la plus grande importance pour le diagnostic , pour le pronostic , et poui le traitement des maladies. L’irritation n’est , à la rigueur , une irritation simple ou une affection existante par elie-meme, que lorsque les stimulus qui l’ont produite, après avoir exercé leur action , ne laissent dans la partie rien qui puisse altérer ou prolonger ses effets. C’est ainsi qu une solution de continuité chez un individu bien cons- titué , donnera lieu à une plaie simple dans laquelle l’irritation qui n’est suivie d’aucun autre effet qui lui soit étranger, étant convenablement combattue, sera bientôt guérie , et avec elle la plaie quelle entre- tient. Mais supposez que l’individu qui aura été < 77 ) soumis à cette cause d’irritation, soit entaché d’un vice vénérien , dartreux , scrofuleux , etc. , cette plaie, réduite d’abord à l’irritation, dégénère en ulcère plus ou moins rebelle. 11 existe ici une cause intérieure qui dénature les effets de l’irritation primitive , y ajoute une irritation nouvelle produite par la complication de l’un de ces vices qui, dans ce cas , doit fixer toutes les vues thérapeutiques. Ce n’est donc plus une irritation simple qu’on a à combattre , mais bien la cause qui l’entretient , et ce ne sera qu’après la destruction de celle-ci que l’ulcère disparaîtra. Les stimulans extérieurs peuvent donc produire une irritation; mais celle-ci ne reste pas dans un état de simplicité ; elle reçoit de grandes modifi- cations de l’influence des autres irritans intérieurs, qui varient suivant la disposition du sujet , et qui sont eux-mèmes capables de développer des mala- dies diverses plus ou moins graves (i). M. Broussais ne voit , dans toutes les maladies ? que la suite de l’irritation , et les différences qu’il établit entr’elles, se bornent au seul degré d’inten- sité de l’irritation et de ses effets, ainsi qu’à là diversité du lieu où elle est fixée. Mais il est bien aisé de reconnaître qu’il y a , dans un grand nombre de maladies , autre chose que plus ou moins d’inten- (i) Voy. Mémoires de médecine , etc. ; par J. B. E. Demorcy- Delletre. sité dans l’irritation, et que la plupart présentent des différences bien reelles dans la nature , ou la cause de l’irritation et de ses effets , différences qu’on ne saurait tirer du seul degré de l’irritation et du siège quelle occupe; différences bien autrement importantes , puisqu’elles deviennent la source des seules indications curatives vraiment utiles. En partant des principes de la doctrine physio- logique , on est obligé de confondre des affections morbides qui n’ont aucun rapport entr elles , et qu il est très-essentiel de distinguer , si l’on veut adopter des vues saines de Thérapeutique. D’après ces prin- cipes , le rhumatisme et les tumeurs blanches des articulations se trouvent confondus dans le meme genre de maladies, sous le nom d 'arthrites, soit aiguës , soit chroniques , et dépendent de 1 irritation plus ou moins vive des articulations. On leur oppose la même méthode de traitement, cest-a-oire , les émissions sanguines locales plus ou moins réitérées , les applications émollientes , etc. , qui , dans tous les cas, paraissent également indiquées aux secta- teurs de la nouvelle doctrine. Peut-on réunir des objets aussi disparates? Le traitement des tumeurs blanches des articulations offre-t-il les mêmes indi- cations que le rhumatisme inflammatoire? Quelle analogie y a-t-il entre une tumeur scrofuleuse du genou et un engorgement inflammatoire de cette même articulation, qui peut se presentei dans quel- ques espèces de rhumatisme? Car il faut bien savon ( 79 ) que les rhumatismes ne sont pas tous de la même nature. Dans ies affêctions scrofuleuses , tous les systèmes organiques sont dans un état de langueur et d’iner— tie; la force tonique des vaisseaux capillaires san- guins , est au-dessous de l’état normal , le système lymphatique est lui-même dans l’affaissement. Un des caractères principaux de ces maladies est la fai- blesse , et on ne peut les guérir , ainsi que l’obser- vation le démontre tous les jours , que par l’usage des toniques et des excitans. S’il survient de l’irri- tation pendant leur cours , elle est passagère , et il ost bien rare qu elle prescrive l’usage d’une méthode anti -phlogistique, telle que pourrait l’exiger une irritation inflammatoire existante par elle-même. Je ne nie pas que l’inflammation ne puisse se joindre quelquefois à 1 état scrofuleux. Il s’agit alors de déterminer dans quel rapport se trouvent ces deux affections. Lorsque l’inflammation acquiert une prédominance marquée sur les scrofules , elle constitue un élément de plus qu’il faut traiter, comme s il existent indépendamment du vice scrofuleux» L inflammation devient, dans cette circonstance,, un sujet d indication thérapeutique: ce qui n’em- pêche pas , quand elle a été calmée , qu’il ne faille s occuper des médications relatives aux scrofules. En admettant que l’irritation concoure à la for- mation de quelques maladies , on est forcé de con- Yenii que 1 irritation a , sur la constitution en général ( 8° ) et sur les organes en particulier , des effets qm varient suivant la disposition où se trouvent cette constitution et ces organes, et que ces eflets devien- nent eux-mêmes des élémens morbifiques de natuie diverse , qui doivent fixer toute l’attention du médecin , puisqu’ils fournissent des données prin- cipales pour un traitement différent. On sait que l’irritation amène la fluxion, la congestion, l’in- flammation , l’altération des humeurs , celle des solides, etc. 11 importe de savoir aussi , que l’irritation déve- loppe des accidens qui sont en rapport avec les diverses périodes des maladies \ que linitation ne peut se soutenir au même degré dans toutes ces périodes ; que s’il y a irritation dans la première , cette irritation décroît à mesure que la maladie avance vers son terme, et que sur la fin , il succède le plus souvent un état de faiblesse , qui est e n raison de la vivacité de 1 irritation ou de la reaction antécédente. 11 n’est pas moins essentiel de reconnaître , que l’irritation n’est pas , dans toutes les occasions , un état identique , qui soit susceptible de céder aux mêmes moyens curatifs. L’irritation nerveuse ne saurait être confondue avec l’irritation inflamma- toire. Les remèdes qui calment la première sont non- seulement insuffisans pour combattre la seconde , mais encore ils ajoutent à son intensité. Les anti- spasmodiques, les narcotiques ne saui aient etie ( 8i ) assimilés , dans leurs effets, aux anti-phlogistiques. Ce serait donc s’abuser d’une manière fort étrange, si 1 on ne considérait dans le plus grand nombre des maladies que l’irritation , et si l’on ne voyait dans ce phénomène qu’un état toujours permanent , toujours identique, provenant toujours d’une seule cause , toujours suivi des mêmes effets , toujours enfin susceptible d’être traité avec un égal succès par les mêmes moyens thérapeutiques. L influence que les organes digestifs exercent sur licence 3e toute 1 économie vivante , est connue depuis long- *' de temps. La plupart des médecins anciens et modernes rin'e5liD 8réle- ont parlé des forces épigastriques, et du rôle essen- i°eür m "Xaw tiel que 1 estomac remplit dans letat de santé et de “uqueuse sur maladie. Ce n’est donc point une chose nouvelle ciue '°nte ‘ e““°' l’importance de l’action attribuée à cet organe sur tout le corps ; mais ce qui est nouveau , c’est d’en déduire la plus grande partie des principes de la Pathologie et de la Thérapeutique. Les médecins, guidés par le véritable esprit d’observation , avaient réduit cette influence à ce qu’elle a de réel et de bien prouvé , et ils n’avaient pas été au-delà du résultat des faits, pour établir que le mobile de toute lapathologie est la connaissance des affections gastriques. L’étude de ces affections est fondamen- tale et la plus importante de tout le système patho- logique, pour M. le docteur Broussais qui regarde 1 estomac avec l’intestin grêle , comme le siège" dan 6 " ( 82 ) orand nombre de maladies , et notamment de toutes les fièvres. L’observation de quelques faits avait déjà appris que la fièvre peut dépendre , dans certaines circons- tances, d’une irritation inflammatoire de l’estomac et des intestins ; mais l’idée n’était encore venue à aucun médecin de tirer de ces faits une proposition aussi générale, que celle qui, donnant l’exclusion à toute autre cause productrice de la fièvre, en fixe d’une manière invariable le siège et 1 origine dans ces organes , en la rapportant toujours à la gastro- entérite. L’analyse et la comparaison exacte de tous les faits observés au sujet des fièvres , nous obligent à reconnaître que la fièvre peut se présenter sous trois états bien différons , pendant le cours des maladies aiguës et chroniques. i.° La fièvre , ou cette excitation spéciale du système sanguin qui la caractérise, peut exister par elle-même et indépendamment de toutes les affec- tions diverses , soit générales , soit locales , qui peu- vent s y joindre , et qui déterminent telle ou telle espèce de fièvre. Elle peut prendre une prédomi- nance excessive sur les autres élémens qui concou- rent avec elle , à la formation d’une maladie ; et dans ces deux circonstances , elle constitue une affection simple essentielle , et une source principale d’indications curatives qui doivent être remplies , au moyen des remèdes anti-pyrétiques. ( 83 ) ' a.» La fièvre se lie à divers états morbides , soit généraux , so.t locaux , dont elle résulte comme un effet de sa cause ; elle n’est alors qu’un symptôme qui ne saurait être le but d’un traitement spécial et qui n est susceptible de céder qU’aux curatives dirigées contre l’affection emmielle qui 1 entretient : telles sont les fièvres dites essentielles inflammatoires, bilieuses, etc.; les fièvres consomp- tives ou hectiques qui dépendent d’une phlegmasie c romque , ou de la suppuration de quelque or- ■ gane, et enfin les fièvres symptomatiques de l’in- flammation aiguë d’une des parties du corps, parmi lesquelles 1 inflammation delà membrane muqueuse gastro-d uo dénale n’a pas le privilège exclusif d’ex- citer la fièvre. 3‘° Enfin » Ia fièvre souvent un mouvement salutaire que la nature suscite pour la solution de quelques états morbides , un acte constitutif de certaines maladies , par lequel elle amène des révo- lutions critiques, et que l’art s’est approprié dans un grand nombre de cas , d’après les procédés d’une méthode de traitement empirique imitatrice. Ces principes , qui sont l’expression la plus rigou- reuse de tous les faits bien constatés , fournissent des vues thérapeutiques d’autant plus exactes, qu’elles sont applicables au plus grand nombre d. états maladifs avec fièvre. Aulopsîe cadavérique. ( *4 ) L’anatomie pathologique est regardée par M. Brous-, sais , comme le vrai pivot sur lequel roule toute la science de la médecine ; c’est sur les résultats des autopsies cadavériques qu’il a cherché a etabhr les preuves de toutes ses tliéoiies. L’anatomie pathologique est d’un grand secours dans toute® les occasions où elle peut nous éclairer: et le médecin qui veut profiter des ressources que les divers moyens d’investigation lui offrent , ne saurait méconnaître toute l’étendue des services que peuvent lui rendre les travaux anatomiques. Mais en reconnaissant l’importance de ces services , on est forcé de convenir que les connaissances four- nies par la nécropsie sont insuffisantes pour établir le fondement de la Pathologie et de la Thérapeu- ticpie. Une confiance exclusive dans les recherches ana- tomico-pathoiogiques a conduit M. Broussais , i.° à rejeter toute affection générale, et à n’admettre que des maladies locales ; 2.0 à regarder l’inflammation comme la cause la plus commune des maladies , et à ne reconnaître qu’une seule espèce de cet état morbide. L’auteur de la doctrine physiologique ayant cru avoir déterminé la nature et le siège de toutes les maladies , d’après les traces matérielles qu’elles laissent dans les organes, a prétendu que toutes les maladies étaient concentrées dans la partie sur la- quelle elles étaient fixées , quelles étaient toutes ( 85 ) locales ; que leur nature dépendait des altérations des tissus de ces organes , et que ces altérations présentant le plus souvent les caractères de l’inflam- mation , elles ne pouvaient reconnaître d’autre cause que l’irritation ou l’inflammation. C’est sur ces principes qu’il a fondé toutes les règles de sa Thérapeutique, i*° L’observation clinique prouve qu’il est des affections morbides de tout l'individu , et dont on chercherait en vain le siège spécial. Peut-on rapporter à une lésion locale la fièvre éphémère , la synoque non putride , la fièvre ataxique , la fièvre putride ou adynamique et autres? Quels sont les organes qui sont affectés plus spécia- lement dans ces fièvres qui intéressent l’ensemble de la constitution ? Dans les fièvres exanthématiques ( rubéolique , variolique , érysipélateuse , etc. ) , la fièvre est si peu sous la dépendance de l’affection locale, que, lorsque l’éruption est terminée , la fièvre diminue d’intensité ou disparaît même tout-à-fait. Dans la variole, il est si vrai que l’affection géné- rale est indépendante de la lésion organique ou locale, que celle-ci peut manquer, et la maladie sui vre son cours, et prendre tout son, développement; tan- dis que 1 affection locale seule , et sans les accidens qui annoncent un état morbide de toute la consti- tution , n amène pas le travail dépuratoire qui est nécessaire pour préserver de toute infection ulté- '( 86 ) lieure. Les observations de Sydenham , de Borsïerî > de Fouquet , de MM. Clirestien , Reil et autres , attes- tent que 1 éruption cutanée ne constitue pas tou- jours l’essence de la variole , et qu’on peut etre exempt de la contracter ensuite , lors même qu on n’a pas eu une seule pustule , pourvu qu’il se soit déclaré une fièvre variolique. M.Siebert admet 1 exis- tence d’une variole locale et sans fièvre ; celle-ci ne garantit pas de l’infection- Le professeur Fouquet (i) et M. le docteur Clirestien (2) avaient eu plus d’une occasion de constater la vérité de cette propo- sition , avant l’auteur qui l’a établie. Le cancer , le tubercule scrofuleux , etc. , peu- vent-ils être regardés comme des maladies locales? lis s’étendent à tous les tissus , et quel que soit leur Siège , ils se reproduisent après qu’ils ont été en- levés. La goutte , le rhumatisme aigu et chronique ne sauraient être regardes comme des affections locales, et n’intéressant ques les articulations qui en sont tourmentées 5 ce sont des maladies de toute la cous* titution. Leur principe ne se borne pas aux articu- lations ; il peut porter son action sur tous les organes , et y déterminer des lésions plus ou moins graves. Lorsqu’elles suivent leur marche la plus régulière , elles parcourent successivement toutes (1) Traitement de la Petite Vérole, etc., par M. Henri Tonquet. éè) Opuscule sur l’Inoculation , etc. , par M. Clirestien. !es articulations jusqua ce que leur cause soit en- tièrement épuisée. Les symptômes syphilitiques constituent-ils la nature de la maladie, et ne sont-ils pas l’effet d’une infection générale ? En considérant les maladies comme des affections locales , il ne faut plus que traiter l’organe ; et le désoidre des fonctions de cet organe correspondant à la lésion matérielle de ses parties , il s’agit de diriger les médications contre le dérangement fonc- tionnel , c est-à-dire , contre les symptômes , sans s élever à la cause qui les entretient , sans déter- miner les î apports qu ils peuvent avoir* avec les divers états morbides de la constitution , et avec les efforts que la nature peut tenter pour la solution de ceux-ci. Les cures symptomatiques ou palliatives sont donc les seules qui puissent insulter d’une pa- reille considération. On est forcé de reconnaître , d’après le insultât le plus général des faits, que les maladies sont des affections de la puissance vitale , ou de tout l’orga- nisme , en tant que vivant , dont les effets peuvent être exprimés , tantôt dans l’ensemble de la cons- titution , tantôt dans tel ou tel organe en parti- culier. C’est ainsi que le vice scrofuleux , le vice cancéreux , letat inflammatoire , en un mot , tous Tes états morbides peuvent se manifester par des symptômes généraux , ou qui intéressent tout le système , ou seulement par des symptômes locaux ( 88 ) qui se rapportent aux désordres des fonctions d’une partie de ce système. 2.0 L’observation clinique démontre, qu’on a attribué à l’inflammation une influence quelle n’a pas dans la production de toutes les maladies après lesquelles on en a découvert les vestiges ; et que cette affection n’est pas toujours de la même nature, et n’indique pas toujours une méthode de traitement identique. A. S’il est prouvé que sans le secours des autop- sies cadavériques , on aurait méconnu des phlegma- sies qui se manifestent dans le cours de quelques maladies , et qui souvent deviennent des sources d’indications thérapeutiques essentielles, il n’est pas également constaté que ces lésions exercent sur la génération de toutes les fièvres et de toutes les maladies aiguës et chroniques , l’action excessive et exclusive que l'on voudrait leur accorder. 11 importe , en effet , de remarquer que les traces de l’inflammation , comme celles de toutes les autres altérations cadavériques , n étant aper- çues qu après la maladie , on ignore si l’inflam- mation remonte à l’origine de celle-ci , et en cons- titue la cause première ; ou si elle n’est qu’un de ses effets secondaires qui , se présentant dans son cours , et à une époque plus ou moins rapprochée de la mort , appartient à l’ordre des derniers phé- nomènes de la maladie , et n’a , par conséquent , qu’une influence très-bornée, ou même nulle , dans (h) la constitution de cette maladie. Ainsi donc, quoi- que l’inflammation dont on a trouvé des vestiges sur les cadavres , dans un grand nombre de cas , puisse etre liée à la nature de la maladie qui a précédé , au point de la constituer en entier , elle peut aussi en être un élément consécutif ou un effet qui , dépendant de la cause première de la maladie, ne doit indiquer d’autre traitement que celui qui est dirigé contre cette cause. Il est reconnu que l’inflammation est la com- pagne inséparable de toutes les désorganisations ? et même de toutes les maladies qui durent assez long-temps pour affecter profondément le matériel des organes, et leur nutrition intime; et cependant 1 inflammation est bien loin de constituer la nature primitive , absolue et complète de toutes les ma- ladies , comme le prétendent tous ceux qui se laissent abuser par les apparences cadavériques, Morgagni , dont l’autorité en anatomie patholo- gique ne saurait être récusée , dit à ce sujet : « Combien de fois ne m’est-il pas arrivé de trouver dans le cadavre , des marques certaines d’inflam- mation , quoique je fusse très-assuré que la ma- ladie qui avait précédé était très -différente des maladies inflammatoires.» Page iq5, n.“ ai. B. L, inflammation n est pas toujours une maladie qui présente des caractères identiques , et qui soit susceptible de céder à une seule méthode de trai- tement. C’est , au contraire , une maladie dont le ( 9° ) génie peut varier et offrir , par conséquent , des indications diverses et relatives aux différens états morbides dont elle est le produit. L’inflammation qui est propre à l’érysipèle ne saurait être confondue avec l’inflammation phlegmo- neuse. La première est une espèce de phlegmasie superficielle , mobile , qui porte le plus souvent son impression sur les membranes , et ne prescrit pas toujours les émissions sanguines. L'affection catarrhale peut donner lieu à une autre espèce d’inflammation , dont les vésicatoires offrent le remède le plus sûr , suivant les obser- vations des plus grands praticiens. ( Baillou , Stoll , Prîngîe , Selle , Fouquet , Barthez , etc. ) Stoll , après Hippocrate , Galien , Baillou , Baglivi? a prouvé que l’état bilieux peut déterminer une espèce de péripneumonie qui, bien différente de l’inflammation ordinaire des poumons , contre-in- dique l’usage de la saignée , et est traitée avec le plus grand succès par les émétiques et les pur- gatifs. 11 existe des inflammations pulmonaires malignes, ou cacoethes , d’après Baillou, qui, au lieu dune méthode antiphlogistique , prescrivent l’emploi des toniques et des excitans , tels que le quina , le musc , le camphre , etc. , comme l’ont observé Franck , Hush et M. le professeur Broussonnet. La pustule maligne, la gangrène circonscrite du poumon , que M. Laennec ne regarde pas comme ( 91 ) la simple terminaison d’une inflammation trop intense , l’angine gangréneuse de Fothergill et d Huxham , les fièvres éphémères gangréneuses, dont on trouve des exemples dans Hippocrate, (Epid. lib. i , ægr. ix) , dans Borsieri , et que M. le professeur Broussonnet (i) a vu régner d’une manière épidémique , les effets du seigle ergoté , attestent, d’une manière incontestable, l’existence d’une inflammation qui , ayant pour caractère essentiel la mortification de la partie affectée , mérite de faire une espèce particulière , sous le nom d’inflammation gangréneuse. Dans cette espèce , la méthode anti-phlogistique est non-seulement insuffisante , mais encore très- dangereuse, tandis que l’usage des excitans, des toniques, des antiseptiques, est seul capable d’ar- racher les malades à une mort certaine. La gan- grène n’est pas ici la terminaison de la maladie; elle se manifeste dès le début, elle fait partie de ses premiers symptômes , et elfe en constitue le caractère ; l’inflammation vraie , suscitée par les efforts de la nature , ou provoquée par l’art, d’après les principes d’une méthode de traitement empiri- que imitatrice , peut seule arrêter les progrès de cet état gangréneux. La gangrène est liée alors à une disposition spéciale du système général , dont l’inflammation (0 V* Be Gangrène > Dissert, de M. Victor Baîly. ( 9* 1 2 ) seule ne peut rendre raison. On est forcé d’admet- tre, avec les Anciens, pour la production de cette espèce, quel qu’ agent inconnu dans sa nature, un principe septique ou délétère , qui frappe de mort les parties sur lesquelles il se dépose. L’inflammation goutteuse, rhumatismale, etc., a quelque chose de particulier , présente des carac- tères propres auxquels il importe de faire la plus grande attention dans le traitement. N’existe-t-il pas des inflammations qui sont subor- données à l’action des vices spécifiques , et qui trou- vent leurs seuls remèdes dans les moyens propres à les combattre ? Telles sont les inflammations , syphi- litique, dartreuse, etc. (i). Toutes les modifications que l’inflammation subit dans ces divers cas , servent à établir des distinc- tions d’autant plus importantes, quelles deviennent la source d’indications thérapeutiques, essentielle- ment différentes, et qui sont méconnues par tous ceux qui ne voient dans l’inflammation , rien au- delà de Fengorgement des vaisseaux capillaires sanguins (2). - ■ ■ — ■ - — ' " ■ .■■■■— ■ ■ ■ .11 ■ I ■■■— ■ ■■■ (1) Voyez la thèse de M. le docteur Ribes : Quelques "Réflexions sur V Anatomie pathologique . (2) Lisez sur la doctrine physiologique, Lettres à un médecin de province , par M. Miquel; et dans la Revue médicale , un article de M. Bousquet , de la nouvelle Doctrine médicale , considérée sous le rapport delà mortalité. Mars , 1827 , p. 461. L exposition que je viens de faire des divers systèmes qui ont paru depuis les premiers temps de la médecine jusqu a nous, a du vous convaincre que chacun d eux n’a considéré qu’une des faces de 1 objet , qu aucun na embrasse, dans ses théories, 1 universalité des faits qui se rapportent à l’état malade , et qu aucun n a pu établir , par conséquent, toutes les indications thérapeutiques, prescrites par la distinction des affections variées qui concourent à la production et à la formation des maladies. Dans ces systèmes , on a tache de ramener toutes les alterations morbifiques que le corps de l’homme peut éprouver, à un ou deux états qu’on a déduits exclusivement , tantôt des changemens survenus dans le mouvement , ou dans la mixtion de la ma- tière qui compose ce corps , changemens dont on a cherche les explications dans les sciences physiques et chimiques ; tantôt des affections et des détermi- nations d’un principe conservateur et doué de pré- voyance ; tantôt de la surabondance et de la dépra- vation des humeurs ; tantôt du resserrement , du relâchement , ou de l’état mixte des solides ; tantôt de la lésion d’une des propriétés vitales qu’on a sup- posé exister seule , et ne pouvoir pécher que dans sa quantité d’action; tantôt, enfin , des dégradations des organes et de leurs tissus. Il n’a pu résulter de ces considérations isolées, que des théories incomplètes , ou des fragmens de systè- me. Cen est point , en séparant les affections des soli- ( 94 ) des de celles des fluides , les modifications des forces des altérations de l’organisation ; ce n’est point , en considérant les vices de tel ou tel organe, ou meme les lésions de leurs tissus élémentaires, que l’on peut espérer de s’élever a un système general et complet de pathologie , qui exprime toutes les différences et les analogies des phénomènes morbides, et puisse servir de fondement à toutes les indications théra- peutiques. Car celles-ci ne peuvent être que le résul- tat , ou l’application des principes pathologiques , tirés de la connaissance et de la comparaison de tous les faits observés dans les maladies. Il faut donc, au lieu d’isoler les diverses modifications des forces, des solides, des fluides, de 1 organisation , des orga- nes et même de leurs tissus, les considérer toutes; et en suivant, dans leur étude, les règles d’une méthode analytique sévère , établir les rapports que ces modifications peuvent avoir entr’elles , pour constituer les causes ou élémens des maladies , et pour fournir les bases des indications. Il importe , en effet , de reconnaître que toutes les maladies ne sont pas identiques , qu’on ne saurait les réduire toutes à une ou deux affections , squs des formes diverses. Les maladies se distinguent par un plus grand nombre de circonstances qui spécifient la diversité de leur nature , et exigent des médications essentiellement différentes. ♦ Les principes de la science thérapeutique ne peu- vent être déduits que d’une théorie médicale, qui (95) embrasse tous les faits dont se compose letat malade Ce n est dans aucune des considérations isolées qui tous ont été exposées , que la Thérapeutique dog- matique et pratique trouvera les indications , qui se rapportent à tous les phénomènes que nous présen- tent les maladies. Ce n’est point dans l’indication et dans l’emploi d’une ou de deux méthodes de traitement , qui se proposeront de corriger , ou d’éva- cuer les humeurs viciées ou surabondantes; de ramollir ou de resserrer les solides trop tendus ou trop relâchés ; de rétablir le calibre des vaisseaux et d y favoriser le libre passage des fluides; de recons- tituer la composition chimique des parties inté- grantes des fluides et des solides; de calmer ou d exciter l’action des forces vitales , qui est en excès ou en défaut , etc. ; ce n’est pas non plus dans l’ad- ministration isolée de l’une des classes des remèdes prescrits par chacune de ces indications , qu’on trouvera la solution de tous les problèmes théra- peutiques que nous offre l’observation clinique. Il faut , pour arriver à la solution de tous ces problèmes , que le inedecin s eîeve à des vues plus etendues , qui , s adaptant à tous les phénomènes maladifs que 1 expérience a constates, et les embras- sant dans leur ensemble et dans leurs détails , lui fournissent toutes les sources d indications dont le traitement des maladies se compose. Il est essentiel de savoir qu’il y a plusieurs indications , plusieurs méthodes thérapeutiques, plusieurs médications, I ( 9^ ) plusieurs actions médicamenteuses, et qu’on ne peut , à l’exemple de certains auteurs , restreindre les traitemens à une ou deux indications, comme l’on ne saurait réduire toutes les maladies à une ou deux affections. Si Ton consulte l’expérience, si l’on considère la diversité des opinions sur la nature et le traitement des maladies , si l’on tient compte du succès quon ne peut nier avoir été obtenu de l’usage de méthodes curatives différentes et même opposées , on se con- vaincra qu’il y a un certain nombre de méthodes de traitement, et que meme la différence tranchante des curations peut servir à distinguer tout autant d’états morbides différens. La connaissance de ces derniers est fondée , en partie , sur la distinction des médications qui vient la compléter. Medici anti- ejuiores ornnein scopum m curatione dirigeâtes tôt morborum constituebant différentiels , quot rnodis curationem eorum variciri necesse erat , ut ubique in Hippocratis doctrina observare licet. ( Prosper Martian. De moi b. Lib. II. vers. 219. ) Un système pathologique et par conséquent un système thérapeutique complet , doit recueillir toutes les données exactes qui sont éparses dans les diverses doctrines qui vous sont connues ; mais il doit aussi élaguer ce qu’ elles ont d’exagéré et d’ex- clusif. C’est par un choix judicieux des idées saines et des vues solides quelles contiennent, qu’on par- viendra à une connaissance , aussi précise qu’il soit ( 97 ) possible de l’espérer, de tous les états morbides , et à la détermination de toutes les médications dont l’observation a sanctionné l’efficacité. I. La Thérapeutique, Methodus seu ratio medendi, a pour objet de nous diriger dans le traitement des maladies. Elle se compose des indications dont elle est la science. Celles-ci se déduisent de la connais- sance et de la considération de toutes les circons- tances qui ont précédé , ou qui accompagnent l’état maladif, et de tous les phénomènes morbides bien vus , analysés et comparés. C’est de ces circons- tances et de ces phénomènes qu’on tire un jugement ou une induction qui porte à agir de la manière la plus convenable, pour amener la solution ou la guérison de la maladie. Indicaüo est agendi insU nuah0 Or nuis medendi methodus per indica- tionem fit. ( Gai.) (i). I indication sert de base à tous les plans de trai- tement que nous formons pour la cure des maladies L’indication doit être déduite , non-seulement de examen de la maladie elle-même, et des phéno- mènes qui la constituent, mais encore des circons- tances qui l’ont préparée , amenée et excitée , ou de ses causes 5 des événemens probables qui peu- (i) Seqmtur autem primum , ac maxime illad , medendi methodus per indication em fit ; nam' experientia sejunctum est, id totum indicaüo Cal. Method. med. cap, VIL Hb. Il cpiod omnis quidquid ah nominatur. Thérapeutï^ que ; son 1 et sa eoüj^osi^ tion. 7 (98 ) vent en résulter , du tempérament et de la constitu- tion du malade, de son âge, de son sexe, de ses habitudes , de sa manière de vivre ; en un mot , de toutes les données qui, en nous éclairant sur la nature de la maladie, ou de ses élémens et sur ses suites, peuvent nous conduire a la connaissance de la meilleure manière de la traiter , et des modifi- cations quelle doit subir, relativement a toutes les circonstances que je viens d’énumérer. La Thérapeutique ayant pour but de guérir la maladie, il importe de se faire une idée aussi exacte que possible , de l’etat maladif et de ce qui le constitue. Maladie. IL Bornés par la faiblesse de nos sens et de notre Ce que c’est, intelligence à la connaissance des qualités exté- rieures et superficielles des corps , nous ne pouvons les pénétrer en eux-mêmes, pour en déterminer l’es- sence , ou ce qui contient la raison de leui s qualités® C’est ainsi que dans l’étude des corps organisés et vivans, nous apercevons une succession de phéno- mènes , une série de mouvemens et d’actes qui nous les font distinguer des autres corps de la nature et de l’observation desquels nous sommes arrivés à l’idée générale de la vie. Mais la vie nous est Inconnue dans son essence ; tout ce que nous savons à ce sujet, se borne à la collection des divers phénomènes qu’on remarque dans les êtres qui sont doués de la faculté de vivre. C 99 ) Dans la durée totale de l’existence de ces êtres , et plus particulièrement de l’homme qui doit faire le seul objet de nos recherches, nous avons observé que les actes qu’il exécute se succédaient tantôt avec ordre , tantôt avec un trouble qui allait jusqu’à menacer la vie de 1 individu. Nous avons comparé ces phénomènes , et il en est résulté pour nous les idées de santé et de maladie , deux modifi- cations principales d’un seul et même état , l’état de vie. La maladie ne nous est connue que par compa- raison avec la santé. On doit donc définir la maladie, cet état du corps vivant, dans lequel les fonctions qui lui sont propres sont dérangées , et ne s’exé- cutent point selon les lois ordinaires de la santé* C est la seule définition que l’on puisse donner de la maladie , ce n est qu’une définition nominale . Nous ne connaissons donc pas d’une manière directe les modifications vitales qui constituent la maladie. Ces modifications ne tombent pas sous nos sens; elles ne se manifestent que par les effets quelles produisent, par Je dérangement des fonc- tions , par les symptômes. La maladie est la réunion de plusieurs symptômes .-mais pour avoir une notion précise de la maladie et des phénomènes qui la constituent, il faut s’élever jusqu’à la cause de tous les mouvemens et de toutes les opérations qui s’exé- cutent clans le corps vivant. On doit regarder la maladie comme une modifi- ( ï 00 ) cation de la puissance vitale , qui produit une série d’actes qu’on peut rapporter à plusieurs ordres. Car , ainsi que le dit Barthez , « dans la recherche de la génération des phénomènes morbides , on ne peut s’arrêter à l’altération de la constitution sen- sible du corps , et l’on est obligé de remonter jusqu’aux affections de la puissance chargée de maintenir ou de conserver cette constitution , et dont l’action affaiblie ou pervertie , a permis ou opéré une telle dégradation. » Il faut en excepter , néanmoins , les cas dans lesquels la dégradation ou le vice est introduit par des forces mécaniques supérieures à celles delà vie, telles que les lésions par causes violentes et exté- rieures. Dans celles * ci meme , lorsqu elles sont établies , la puissance vitale suscite des mouvemens , des actes propres à réparer ces dégradations , comme on le voit dans la formation du cal pour les fractures des os, dans l’inflammation, dans la sup- puration, dans la cicatrisation , etc. pour les plaies ou lésions des parties molles (i). (i) Ces lésions ( lésions physiques ) , dit M. Richerand , ne supposent pas l’état de vie ; on peut les imiter , ou plutôt les produire sur le cadavre La production des lésions physiques est donc le plus souvent indépendante de la vie : ses actes ne servent qu’au développement de leurs symptômes. ( Nosographie et Thérapeutique chirurgicales, t. I. p. lxxxiv. Lésions physiques). { loi ) Il faut , pour qu’il y ait maladie , que l’unité vitale soit provoquée à des actes insolites , contre nature, ou même fâcheux. Ainsi , dans l’engorgement d’une glande qui constitue le squirrhe simple , il n’y a pas proprement maladie; dans l’embarras ou obstruc- tion d’un viscère qui ne s’accompagne d’aucun dérangement dans les fonctions, il n’y a pas non plus maladie. Il y aura maladie , si le squirrhe dégénère en cancer , si l'embarras du viscère tend à une fonte purulente , ou prend toute autre dégé- neration , parce que , dans ces circonstances , la cause de la vie est excitée à produire des déter- minations qui sont le principe des phénomènes morbides et du dérangement des fonctions. Dans le squirrhe , dans l’engorgement d’une glande qui en constitue létat d’obstruction, il y a eu, sans doute, une lésion antérieure de cette puis- sance qui veille à la conservation de l’intégrité des 01 ganes, lésion dont la suite a été une accumulation de matière nutritive ou autre dans l’organe , et en a oceasioné le développement vicieux ; mais cette lésion antérieure s’est arrêtée , et l’altération orga- nique qui en résulte ne constitue pas une maladie, puisqu’il n’y a pas de dérangement des fonctions ni aucun des phénomènes de réaction vitale qui forme l’état maladif. L état d’infirmité qui provient de la perte d’un membre ou de la destruction des fonctions de quelqu’organe des sens n’est pas non plus une I Affection* maladie. Il faut, pour constituer celle-ci, non-seu- lement le dérangement des fonctions , mais encore une série d’actes suscites par la puissance vitale , qui s’écartent de letat normal. III. Il importe de distinguer la maladie de l’af- fection. La maladie résulte du concours de plusieurs symptômes, par lesquels elle se manifeste. L’affec- tion est cette modification de la puissance vitale, ou, si l’on veut, de l’organisme vivant, qui cons- titue la nature réelle de la maladie , en établit le caractère, et peut seule être la source des indica- tions thérapeutiques fondamentales. La maladie n’est que la manifestation ou l’expression d’un état intérieur qui en est la cause ; celui-ci est 1 affection. La pleurésie, par exemple, est une maladie qui résulte de la réunion de quelques symptômes, tels que la douleur de côté , la difficulté de respirer , la toux , les crachats sanglans , etc. ; mais cette collec- tion de symptômes n’est pas toujours entretenue par la même affection; il peut survenir un grand nombre de circonstances qui fassent varier celle-ci, au point quelle présente des caractères divers, et quelle exige une méthode de traitement différente. Au lieu d’indiquer des saignées répétées , la pleu- résie peut se développer sous l’influence de circons- tances qui rendent mortel l’emploi des émissions sanguines, et qui prescrivent l’usage de l’opium , de lemétique, des vésicatoires, des diaphoniques, * ( io3 ) seuls remèdes appropriés aux caractères variés quelle peut offrir. Gela tient à ce qu’il y a des affections diverses qui revêtent la forme de la pleurésie, qui nest ici que la physionomie sous laquelle ces affections se montrent (j). Il faut donc que le médecin se serve des caractères que la mala- die présente , pour découvrir l’affection , c’est-à-dire,, cette modification , soit des forces, soit des solides 9 soit des fluides, qui est le principe de la maladie et le sujet de l'indication. (i) « Il faut distinguer la maladie de l’affection. C’est ici la même distinction que celle que l’on fait dans le monde moral , entre le sentiment et la manifestation qui peut en être faite , et qui constitue la pathognomonie de ce sentiment. Ainsi « autre est la fièvre qui accompagne l’inflammation, autre est la fièvre des prisons , autre est la fièvre de la diathèse bilieuse. Qu’il y ait des gens qui viennent dire que ce n’est pas cela , que la fièvre est identique , et que toute la différence est dans son degré d intensité , qu’elle ne diffère que mathématique- ment , qu’il y a peu de fièvre dans un cas et beaucoup dans un autre ! On doit faire autant d’estime d’eux que de celui qui viendrait dire que le rire est partout le même , et qu’il ne diffère qu’en ce qu’on peut rire un peu plus ou un peu moins. Que voit-on de semblable dans le rire de gaieté, le rire iro- nique, le rire malin , le rire sanglant? Il n’y a de ressemblance, dans tout cela, que lacté de tendre les lèvres et de laisser les dents à découvert; cependant , se trompe-t-on et prend-on le rixe de dédain pour un rire de bienveillance ? Celui qui , dans les fièvres, ne distingue pas les caractères propres à faire reconnaître les diverses affections qui leur donnent lieu , ressemble à 1 homme qui confondrait ces sortes de rire. » ( M. Lordat , Leçons orales de Partitions de médecine. ) "Actes consti- tutifs de la maladie. ( 104 ) IV. En observant les actes constitutifs des mala- dies , on est conduit à les rapporter à plusieurs ordres , d’après les différences et les analogies que leur comparaison fait apercevoir. i ,° Les actes morbides peuvent être en rapport avec les intérêts du malade, et avoir pour but sa conservation et son retour à la santé. Il est des maladies qui amènent un changement avantageux dans la manière d’être de l’individu , au point qu’on peut les regarder comme des opérations utiles , des sortes de fonctions pathologiques. Une inflamma- tion a quelquefois pour objet de chasser une matière hétérogène, étrangère à l’économie vivante; elle peut dépendre de quelque irritation qui suscite une série d’actes synergiques , tels que la douleur , la fluxion, la phlogose, qui concourent à la forma- tion du mode inflammatoire , dont les résultats en- traînent la destruction de l’irritation et de sa cause. 11 est des convulsions utiles , parce quelles suppo- sent un effort de tout le système vivant, pour l’ex- pulsion d’une matière morbifique. Chez les enfans , la plupart des maladies éruptives se déclarent après des convulsions plus ou moins violentes , qui ne présentent rien de fâcheux , et qui trouvent leur solution dans l’éruption de l’exanthème. La goutte régulière , les fièvres éphémères , les catarrhes pério- diques des vieillards, la fievre intermittente exquise du printemps, etc., sont autant de maladies qui affectent un ordre assez fixe et assez régulier dans ( 105 ) la réunion , ou dans le développement successif de leui s actes, pour avoir un résultat utile aux malades. Il Iaut néanmoins convenir avec M. Lordat , cjue ces sortes d operations inaccoutumées sont pres- que toujours suspectes , tant parce que la cause qui les rend necessaires , peut avoir affaibli le principe de réaction , que parce que la marche d’une fonc- tion extraordinaire a rarement la régularité de celles qui s exécutent tous les jours ; et qu’enfin cette espèce de fonction peut vicieusement se conti- nuer, apres la destruction de la cause qui l’a mise en jeu ou excitée , et se prolonger ainsi sans objet et d’une manière indéfinie (i). 2.0 Il est des maladies dans lesquelles on ne saurait méconnaître une série d’actes qui tendent à amener leur solution spontanée. Il a suffi d’observer des malades abandonnes à eux-memes , pour s’assurer qu’il existe dans le corps un principe de réaction , dont les efforts ont pour but la destruction de la maladie, par l’élaboration et par l’élimination d’une matière morbifique. Les Anciens savaient que le corps vivant n’est point passif dans la maladie , et qu’il existe en lui une certaine activité , par laquelle il cherche à résister aux causes de la destruction qui le mena- cent. Ils avaient constate ce fait qu’ils désignaient sous divers noms. Les Modernes ont observé cette (i) Exposition de la doctrine médicale de Barthez. I ( io6 ) activité comme les Anciens. Sydenham regarde la maladie comme un effort de la nature qui , pour conserver le malade , travaille de toutes ses forces à rejeter la matière morbifique. Lorsqu’une cause de maladie existe , lorsqu’il s’est formé une lésion, soit des propriétés vitales , soit des solides , soit des fluides , il s’établit des actes secondaires , des mouvemens dont l’effet est de pro- duire la solution de la cause primitive. Voila un fait qui a été vérifié par l’expérience clinique de tous les temps. Il ne s’agit pas de l’expliquer , en disant avec Stahl , que cette action est prévue et suscitée par la vigilance de famé, toujours attentive à veiller à la conservation du corps , ou avec d autres auteurs, que c’est un résultat mécanique de l’or- ganisation. Cette action existe , c’est une chose certaine; et au lieu d’aller à la recherche de ses causes, n’est-il pas plus utile de se borner à étu- dier ses effets et à déterminer ses lois, pour en tirer le plus grand parti dans le traitement des maladies ? On découvre l’activité delà puissance vitale , dans le cours de la plupart des maladies aiguës, et même dans quelques maladies chroniques , d’après les belles observations de Bordeu. 3.° Si l’observation a prouvé qu’il y a des mala- dies dont les élémens tendent d’eux-mêmes à une solution heureuse, et qu’il en est d’autres dont les actes sont salutaires et même indispensables à la ( I07 ) conservation cle 1 individu , elle a également dé- montré , qu il y a une autre classe de maladies , dans lesquelles la série d’actes que la nature déve- loppe apres la lésion d’un phénomène primitif ou d’une propriété vitale , n’est d’aucune utilité pour la terminaison de cette lésion première , et que le plus souvent même elle la contrarie. Il est des cir- constances où les maladies dépendent du défaut d’énergie nécessaire pour l’exercice libre des fonc- tions, on ne saurait attendre aucun avantage des actes qui les constituent. Le plus grand nombre des maladies chroniques sont dans cette catégorie. La nature ici réagit peu ou mal , et l’on ne saurait compter sur la solution spontanée des affections qui concourent à la formation de ces maladies. 4*° Les maladies peuvent être entièrement oppo- sées aux intérêts du sujet. Leurs actes peuvent provenir d’une propension (naturelle ou acquise ) de la puissance vitale à mésuser de ses facultés, ou à prendre des déterminations sans objet qui , au lieu de tendre à la conservation du système, le fati- guent à pure perte , ou tournent à son détriment et à sa ruine. Les fièvres ataxiques , adynamiques, pernicieuses, typhoïdes , les inflammations gangré- neuses , etc., peuvent se rapporter à cet ordre. On doit conclure des propositions que je viens d’établir , et qui sont le résultat le plus général des faits, que la solution des maladies présente des diffé- rences très - importantes, qui sont relatives aux ( ïoS ) divers modes de mouvemens, ou de déterminations qu’y affecte la cause de la vie. Il est donc prouvé que , parmi les maladies , les unes , utiles ou non , tendent spontanément à une solution heureuse , par l’effet du développement successif de leurs actes; les autres , n’ayant point un progrès qui les use ou les détruise , sont de nature à se prolonger indéfiniment, à ruiner les forces , à dépraver les fonctions essentielles et à causer la mort. Une semblable maniéré de considérer la maladie nous élève aux notions les plus exactes , que l’on puisse se faire de sa nature et des actes qui la constituent. Cette considération peut seule s’adapter à tous les phénomènes morbides , quelle classe d’après leurs divers rapports d’analogie et de différence , et servir de base aux vues curatives générales que l’état maladif présente, fille nous fait reconnaître et distinguer les cas dans lesquels la cause qui régit tous les mouvemens de la vie , se suffisant à elle -même, suscite et entretient une série d’efforts salutaires , dont la direction a pour but le rétablissement de la santé et la conserva- tion du malade; et les cas dans lesquels ces efforts languissent , sont impuissans , mal dirigés et même vicieux. Il est facile de juger de quelle importance peu- vent être , en Thérapeutique , les données que cette considération générale nous fournit. Elles conduis ( î09 ) sent à observer les mouvemens de la nature , et à diriger toutes nos recherches vers la connaissance de son action , afin de la respecter si elle est régu- lière, de l’exciter si elle est trop faible, de la modérer si elle est trop forte , et de la régulariser ou de la changer , si elle s’éloigne de l’ordre , et quelle ait une tendance vicieuse. Ce n’est qu après avoir bien médité sur la marche que suit la nature dans les divers états morbides , qu’il est possible de déter- miner 1 utilité , 1 insuffisance ou le danger des actes quelle produit, et d établir les indications qui doi- vent avoir pour but de les favoriser lorsqu’ils sont utiles , de les suppléer lorsqu’ils sont insuffisans , et de les combattre lorsqu’ils sont dangereux. Il faut donc, pour arriver au meilleur traitement d’une maladie , i.° distinguer les élémens dont elle se compose , cest-a-dire, les affections que la cause de la vie y éprouve; 2.0 déterminer parmi ces affections , celles qui tendent spontanément à une issue favorable , ainsi que les actes salutaires qui sont suscités pour la conservation et le rétablisse- ment du malade ; 3.° reconnaître les élémens qui ont une marche lente ou sont pernicieux , et les actes ou les déterminations qui , s’opposant à leur solution , peuvent aggraver la maladie. Il résulte de ces principes , que les ressources de la médecin e , ou les procédés de l’art contre une maladie, ne se bornent pas à une seule méthode de traitemènt. L expérience a prouvé qu’il y en avait plusieurs « pour guérir des sujets qui se trouvent » être dans un même temps d’une maladie donnée 7 » et qui d’ailleurs sont placés sensiblement dans les » mêmes circonstances. Mais ces méthodes sont » plus ou moins approchantes de la perfection. » C’est ainsi que dans la science de la Médecine 9 » comme dans les sciences mathématiques, le même » problème peut avoir plusieurs solutions qui diffè- » rent par leur élégance et leur brièveté (i).» Méthodes Thérapeutique , on entend par méthode un thérapeutiques ensemble de règles , d’après lesquelles on d istribue avec ordre , dans le cours d’une maladie , la série des moyens indiqués par la nature connue de ses élémens, et par les déterminations que la puissance vitale y prend. Ce n’est pas tel ou tel remède qui guérit , mais bien un concours de moyens que l’on emploie simultanément ou successivement , d’après les actes que la cause de la vie suscite , et d’après l’espèce des affections qu’elle éprouve et qui se succèdent aux diverses périodes de la maladie. L’empirique ne connaît que des remèdes qu’il emploie en suivant une analogie aussi grossière que trompeuse. Le médecin , celui qui est vraiment digne de ce nom , se dirige dans la curation des maladies r d’après les principes des méthodes qui lui sont (i) Barthez , Traité des maladies goutteuses. Préface. ( ) fournis par 1 observation , l’expérience , l’analyse e-f l’induction. Les méthodes de traitement doivent être rap- portées à trois classes ; elles sont naturelles , analy- tiques ou empiriques (i). Les méthodes naturelles ont pour objet de pré- MéM* parer , de faciliter et dé fortifier les mouvemens oa,uwBe*- spontanés de la nature , qui tendent à opérer la so- lution de la maladie. On doit avoir recours à ces méthodes dans les maladies où la nature a une tendance manifeste à affecter une marche réglée et salutaire , et surtout dans celles qui peuvent être considérées comme des opérations destinées à combattre un principe morbifique qu’il n’est pas au pouvoir de l’art de détruire. Une attaque de goutte régulière n’indi- que pas d’autre méthode , que celle qui se propose de favoriser l’élaboration et l’élimination du vice spécifique de la constitution, qui établit la cause de cette maladie. Il s’agit de maintenir la douleur , la fluxion , l’inflammation , et les autres actes élémen- taires du paroxysme goutteux , dans un degré ca- pable d aider aux mouvemens excréteurs qui doi- vent amener la fin de ce paroxysme. Les fièvres in- termittentes tierces du printemps, qui , à cause de leurs effets avantageux sur le système , ont été (i) Barthez , ibidem , ( 112 ) désignées sous le nom de fièvres dépuratoires, ne présentent pas d’autres indications que celles dont se composent les méthodes naturelles. Cependant , si les actes d’une maladie qui peut avoir des résultats avantageux , présentaient des anomalies qui risquassent de la rendre ruineuse pour les forces , il faudrait renoncer aux méthodes naturelles et les remplacer par les autres. C’est ainsi que dans le traitement d’une fièvre intermittente qui , ayant d’abord manifesté tous les caractères de la dépuration , se prolonge et tend à dégénérer en une maladie qui n’a plus rien d’utile , on ne doit pas se borner aux méthodes naturelles. Ce n’est que dans les méthodes analytiques ou empi- riques y que l’on trouvera les médications relatives aux affections diverses qui peuvent l’entretenir ? ou celles dont l’expérience a constaté les bons effets. Ce que je dis de la fièvre intermittente ex- quise , s’applique aux autres maladies qui , étant dans le principe des sortes de fonctions, prennent ensuite une dégénération fâcheuse. Les méthodes naturelles méritent encore la pré- férence , toutes les fois que l’on prévoit que la ma- ladie peut s’user d’elle-même ,*et que cette tendance à une terminaison spontanée ne peut entraîner de graves inconvéniens. Les praticiens prudens les emploient dans les cas meme, où d’autres méthodes donneraient l’espérance de plus de célérité dans la cure. ïl est reconnu que l’usage de ces dernières ( n3 ) offre rarement autant de sécurité pour la solution complété de la maladie, et quelles sont plus péni- bles pour les malades. Quelque brillant qu’ait été le succès obtenu par Galien , d’une forte saignée pratiquée dans le début d’une fièvre synoque qu’il égorgea , comme on le lui disait en plaisantant {jugulastifebrem } , il est plus conforme aux règles de la prudence de laissera elle-même cette maladie, parce que si elle ne dépasse pas une certaine inten- sité , elle ne présente pas plus de chances défavorables que l’affaiblissement introduit par une évacuation excessive de sang , qui fut , dans cette occasion un remède fortement perturbateur. Quelle néces- sité y a-t-il de déployer de grands moyens pour empecher la suppuration des phlegmasies qui n’in- téressent pas les organes essentiels? N’est-il pas plus convenable de se réduire à y exciter les mouve- mens de «la nature si elle est impuissante , ou à les modérer si elle agit avec trop de violence , en sorte que ses efforts soient soutenus dans un état proportionné à celui de la maladie, et que l’inflam- mation reste dans ce degré moyen qui peut pré- venir toute terminaison vicieuse? Les méthodes analytiques de traitement d’une MélWîe, maladie sont celles où , après avoir décomposé cette =malrir,s, maladie , et 1 avoir ramenée aux affections essen- tielles dont elle est le produit , ou aux maladies plus simples qui s’y associent , on attaque direc- 8 / { 1 1 4 ) tement ces élémens par des moyens relatifs à chacun d’eux , et proportionnés à leurs rapports de force et d’influence. Pour bien saisir l’esprit de ces méthodes , il im- porte de distinguer des maladies simples, des maladies composées et des maladies compli- quées (i). La maladie provient d’une ou de plusieurs affec- tions simples qui , sous le nom d eîémens , nous représentent sa véritable nature ou cause essentielle, et le sujet des indications thérapeutiques fonda- mentales. On entend par élément de maladie , toute affec- tion simple que la différence de ses phénomènes analysés, comparés et rapprochés des circonstances antécédentes et concomitantes , y démontre , et qui est assez dominante pour produire ug ordre de symptômes constans et déterminés , et pour indi- quer une médication particulière. Une maladie peut devoir son existence à une ou à plusieurs affections diversement combinées , ou (i) Scinè solemnis veteribus doctrina ( quœ utinarn nunc esset lu usa ) maxime naturalis est , qui sirnplicis cujusqüe affectus propriam curationem dicunt , prœcipuèque omnium Hippocrates . Medendi namque methodus ad hune modurn bellissimè procédé ir si de singulis simpiieibus seorsum prœceperimus , post deindè de compositis omnibus alleram aliquam methodum indicaverimus » Cal Met ho d, med. , lib. 111. cap . IF . ( n5 ) à la réunion de plusieurs combinaisons fections ; elle est, dans ces divers cas composée ou compliquée. de ces a£» ? simple j • La maladie simple est celle dans laquelle il n existe qu’une seule affection qui l’entretient et qui disparaît avec elle , lorsqu’on a mis en usUe les moyens thérapeutiques les mieux indiqués. Cette maladie présente une série de symptômes ana- mgues , dont la réunion et la succession se rappor- tent à un seul ordre de phénomènes qui caractérisent 1 affection simple qui en est l’élément. La simplicité de la maladie est confirmée par sa guérison qui s opéré , en remplissant une seule indication par le même genre de remèdes. , Lorsclue les affections simples qui constituent les elemens des maladies , se réunissent au nombre de oeux , de trois , etc. , et se combinent entr’elles sous divers rapports , il e„ résulte des maladies composées. On observe clans ces maladies des symp- tômes qui , ne présentant point le même caractère doivent être dassés et rapportés, chacun, à l’élément ou a affection simple dont il annonce la présence. Il faut alors faire autant d’ordres qu’il y a de synjp_ tomes analogues qui peuvent être ramenés à un chef different. On établit ainsi autant d’élémens qu’il y a d ordres de phénomènes; et l’on arrive aux mé- thodes curatives qui doivent se composer d’autant de genres de moyens, qu’il y a de chefs principaux c.e phénomènes caractéristiques d’affections simples ( ii6 ) diverses, et qu’il y a, par conséquent , de sujets, d’indications differens. Lorsqu’une maladie composée d’un ou de plu- sieurs élémens , se réunit a une autre maladie éga- lement composée d’une ou de plusieurs affections simples , il en résulte une maladie compliquée. La réunion delà fievre bilieuse et de la fie vie inflammatoire , celle de la péripneumonie et du typhus nosocomial , celle de la syphilis et du ihu« matisme celle du scorbut et de la vérole , etc. , sont autant de complications de maladies , ou de maladies compliquées. Ces maladies, qui peuvent se résoudre , chacune en ses élémens propres , deviennent , à leur tour , les élémens des maladies compliquées qui naissent de leur association ; elles ont , comme élémens , avec ces maladies compliquées, les mêmes rapports que d’autres affections plus simples ont avec les maladies com- posées. Les indications curatives doivent se rapporter à chacune des maladies complicantes, dont la natuie diverse ne peut être combattue avec avantage que par les moyens qui lui sont appropriés. Il faut distinguer la coïncidence de deux mala- dies qui marchent concurremment sans être sou- mises à une influence réciproque , de la reunion intime qui fait que l’une de ces maladies a une correspondance constante d’accroissement , d état et de déclin avec l’autre , et que tous les phéno- { n7 ) inènes des deux sont coordonnés , comme s’ils appartenaient à une seule. Il ne faut pas confondre ces deux co-existences , la seconde seule mérite le nom de complication. La coïncidence d une maladie aiguë qui vient se enter sur une maladie chronique, fournit l’exemple de la première espece d association. Telles sont une fièvre , une inflammation , qui se développent pendant le cours d une hydropisie. La présence simultanée du scorbut et de la sy- philis constitutionnelle dans le meme individu s donne souvent l’occasion de constater la différence* qu’il y a entre l’association et la complication. Il est des circonstances où ces deux maladies restent indépendantes 1 une de l’autre , où leurs symp- tômes bien distincts suivent dans chacune leur marche , cèdent séparément aux traitemens res- pectifs qu on leur cfppose, sans qu’elles s’influencent réciproquement. Il est d’autres circonstances où ces deux maladies s’unissent pour marcher ensem- ble, au point qu’il n’est plus possible de les guérir isolément , et que chacune d’elles retient ou rap- pelle l’autre , quand on l’attaque seule. Il faut distinguer encore la coïncidence d’affec- tions organiques , ou de maladies dépendantes d’un meme principe intéressant plusieurs organes. On ne peut pas dire qu’il y ait ici complication , c’est seulement une extension de maladie. Il n’y a point de maladie qui ne puisse intéresser divers ( ”8 ) organes à la fois , et déterminer cette dernière espèce de coïncidence. Les organes du bas-ventre et ceux de la poitrine ont été , dans quelques cas , affectés en meme temps de phlegmasie. En ouvrant les cadavres de personnes qui avaient succombé à des maladies consomptives , on a souvent reconnu les traces d’une inflammation lente sur l’estomac et sur les poumons , d’après les témoignages de Morgagni , de Lieutaud , de MM. Portai et Broussais. Le vice scrofuleux peut affecter à la fois plusieurs organes. C’est ainsi que la phthisie pulmonaire qui est occasionée par l’action de ce vice , marche souvent avec les tumeurs blanches des articulations et les engorgemens des glandes , avec des ulcères et des tubercules scrofuleux sur les extrémités. Il n’est pas de praticien qui n’ait eu plus d’une occa- sion d’observer des faits semblables. Il n’y a pas ici complication proprement dite ; il n’y a qu’une extension des effets du meme principe morbifique à plusieurs organes. Il suit de ces propositions , que la cause essen- tielle et immédiate qui produit et entretient une maladie, analysée d’après les règles que nous avons posées, se réduit en une ou plusieurs affections simples qui sont caractérisées , chacune , par un ordre ou une série de phénomènes analogues. Les maladies , quelque longue et quelque ef- frayante que paraisse leur énumération dans des ( "9Î tableaux nosologiques plus ingénieux que vrais , peuvent, par l’analyse de leurs symptômes prin- cipaux et des circonstances qui ont contribué à leur production , c’est-à-dire par les caractères qui en manifestent la nature, se résoudre en un certain nombre de phénomènes primitifs que présente la puissance vitale vicieusement modifiée. Ces phénomènes, classés d’après leurs différen- ces et leurs ressemblances, nous décèlent divers états vicieux des forces et de l’action vitales , des solides, des fluides et des altérations spécifiques de la constitution , qui sont autant d’affections simples, d’élémens morbifiques, où nous trouvons la vraie nature des maladies , et la base fonda- mentale de toutes nos indications thérapeutiques essentielles. Ces affections isolées ou diversement combinées et unies entr elles , agissant sur tel ou tel organe , sur tel ou tel système d’organes, ou sur tout le corps , sont la seule cause expérimentale à laquelle on doive rapporter la formation de toutes les maladies aigues et chroniques. La théorie générale des maladies , et la théorie d’une maladie en particulier, ne peuvent exprimer que les résultats des rapports de leurs symptômes essentiels et - caractéristiques , avec quelques faits ou phénomènes généraux qui indiquent les lésions des forces , des solides , des fluides , etc. , c’est-à-dire avec les affections simples qui cons- ( 120 ) tituent le principe des maladies , ou d’une maladie donnée. C’est ainsi qu’après avoir analysé et comparé tous les phénomènes d’une maladie, et les ayant séparés et réunis successivement pour les ramener à des chefs principaux , l’on parvient à établir les élémens ou les affections simples , d’où l’on déduit la cause prochaine et immédiate de cette maladie. L’application de l’analyse à la médecine ne con- siste point dans la formation arbitraire de classi- fications nosologiques, ou de cadres de maladies que l’on peut multiplier ou réduire à volonté. L’ana- lyse ainsi conçue ne peut servir qu'à l’histoire naturelle des maladies; elle n’est d’aucune utilité dans l’exercice de la médecine , puisqu’elle ne sau- rait conduire à la distinction clinique des indica- tions. Elle ne distingue les maladies que par leurs différences symptomatiques les plus générales , tandis que la distinction réellement pratique des maladies doit reposer sur des différences essen- tielles, c’est-à-dire sur les états morbides qui les entretiennent, et qui prescrivent des indications thérapeutiques majeures. La plus grande utilité que la médecine puisse retirer de l’analyse, est de séparer les affections simples et primitives dont les maladies connues offrent des réunions et des combinaisons plus ou moins compliquées, de suivre l’ordre et l’enchaî- ( 121 ) nement de ces affections simples , cle fixer Fimpor- tance de chacune , et de remonter , s’il est possible 9 à celles qui , étant les premières et les plus essen- tielles, contiennent les principes et la véritable cause de toutes les autres. L’analyse thérapeutique ne peut avoir d’autres règles que celles qui nous dirigent dans la recher- che et dans la distinction des élémens ou affections simples. Elle doit avoir pour but de bien recon- naître ces élémens, pour arriver à des notions exactes des indications relatives à chacun d’eux , et pour fixer le choix des moyens propres à les combattre. L’analyse appliquée au traitement d’une maladie a donc pour objet de déterminer combien de sources majeures d’indications thérapeutiques peut présenter cette maladie. Nous avons vu que l’étude analytique des mala- dies consiste à rapprocher les uns des autres les symptômes que l’expérience nous a fait con- < naître , comme se rapportant à telle ou telle affec- tion simple ou état morbide particulier, et à les diviser en autant de groupes , que l’on trouve dans une maladie de symptômes qui offent un carac- tère différent , et ont , par conséquent , une signifi- cation diverse. Ces groupes de symptômes caracté- ristiques qui ont une meme valeur pathologique f comparés avec toutes les circonstances qui ont servi au développement de la maladie , qui en ont pré- paré ou excité la production (causes prédisposantes ( Ï22 ) et excitantes ) , nous conduisent à la connaissance des états morbides ou des affections élémentaires v t ; qui la constituent , et à la détermination des indi- cations qu’elle fournit. Lorsque la maladie ne présente qu’un seul ordre de symptômes congénères , elle est simple , et son traitement n’offre qu’un seul sujet d’indication , qui doit se rapporter à la nature de l’état morbide qui constitue son affection élémentaire , et qui est mani- festée par une réunion de phénomènes ayant le meme caractère ou la même signification. Lorsque la maladie offre le concours d’un cer- tain nombre de symptômes différens qui peuvent être ramenés à divers chefs et groupés en plusieurs ordres, elle est composée de plusieurs états mor- bides , dont il importe de reconnaître l’espèce et de déterminer la prédominance et l’influence réciproque , pour les attaquer simultanément ou successivement , suivant les rapports qu’ils ont entr’eux , par les médications qu’exige leur nature * respective. Enfin lorsque les réunions de plusieurs ordres de symptômes, constituant tout autant de maladies composées , concourentà la formation d’une maladie, celle-ci est alors compliquée. Dans ce cas, il importe de distinguer s’il y a simple extension ou processus d’affection ou d’état morbide à plusieurs organes , s’il y a coïncidence de maladies , ou bien une véri- table complication. Les indications curatives de la ( ia3 ) maladie compliquée doivent être tirées de l’espèce de chaque maladie complicante , et de Fin fluence quelles ont Fune sur l’autre. Dans toutes ces recherches , il est egalement essen- tiel de déterminer si les phénomènes particuliers qui se joignent a la maladie principale , ne sont que des affections symptomatiques subordonnées à cette dernière , à laquelle il faut les rapporter. Ces affections n étant alors que l’effet de la maladie, ne doivent point fixer les vues thérapeutiques ; car elles cèdent aux médications indiquées par l’affec- tion principale qui les entretient , si ce n’est dans certains cas qui sont 1 objet de la cure symptoma- tique ou palliative. ' Dans l’investigation des sources d’indication on doit prendre en considération : i.° L’influence qu’ont pu exercer sur la produc- tion de la maladie toutes les circonstances qui Font précédée , la disposition du sujet au moment où il a ressenti l'impression de ces circonstances ou des agens provocateurs, son âge, son tempé- rament , sa constitution , son sexe , ses habitudes , son régime , sa profession , le climat , la constitu- tion atmosphérique régnante , etc. ; a.0 Les liaisons sympathiques de l’organe que l’on présume être affecté d’une manière spéciale ; 3.° Le rapport dans lecpiel se trouvent les phé- nomènes morbides* et les agens qui les ont produits , ainsi que l’ordre dans lequel ils se sont succédé. ( I24 ) C’est d’après toutes ces données que le médecin peut arriver à des conclusions ou à des inductions qui forment son jugement sur la nature de la maladie, et servent de base à son traitement. Tel est l’esprit qui doit nous guider dans la recherche des sujets d’indication ; telle est la méthode qui peut seule conduire à l’établissement des principes thérapeutiques, ou de la Thérapeutique dogmatique. Les principes de cette science ne sauraient être déduits, comme nous l’avons prouvé , que d’une théorie pathologique , qui embrasse tous les faits dont se compose l’état maladif. La Thérapeutique ne peut partir de quelques phenomenes isolés et trop généralisés , pour en tirer ses indications et ses mé- dications. Elle ne peut non plus les puiser dans les applications que l’on a faites a 1 etude de 1 homme malade, des connaissances fournies par les sciences étrangères à cette étude. Ce n’est que dans lés résultats de l’expérience clinique qu’elle trouvera ses matériaux, ainsi que les données de toutes ses indications. Cette expeiience a prouvé que les altérations de l’organisme vivant qui constituent les elemens de toutes les maladies ,, et contre lesquelles doivent être dirigées nos vues thérapeutiques essentielles, peuvent être ramenées à des états morbides divers , qui proviennent des lésions des forces et de l’action vitales, des alté- rations des solides, des dégénérations des fluides, et des vices spécifiques de la constitution. ( «5 ) Ces affections simples doivent être combattues directement par les médications qui leur sont propres; i.° lorsque la nature n’opère aucun effort salutaire ; 2.0 lorsqu’elle agit avec faiblesse et len- teur , en sorte que ses tentatives fatiguent le ma- lade à pure perte ; 3.° lorsque les mouvemens natu- rels ajoutent eux-mêmes à la gravité de la mala- die (i). Les indications que l’on doit suivre alors , sont celles dont se composent les méthodes de traitement analytiques ; celles-ci sont d’autant plus convenables , qu’il existe une plus grande compo- sition d’élémens , ou une plus grande .complication de maladies. Dans la méthode analytique qui est propre ^ chaque composition et à chaque complication , on doit faire dominer la partie du traitement qui est appropriée à chacune des affections composantes, ou à chacune des maladies complicantes, à pro- portion de ce quelle a plus d’importance respec- tive. Cette importance doit être estimée suivant quelle est plus urgente ou d’un danger plus pres- sant , et suivant son influence sur les autres affec- tions, ou maladies combinées (2). (1) Barthez , op. cit. (2) Primùm natnque in ejusmodi complexu ( composition d’affections ) œstimabis à quo maxime discrimen œgro impen - dere videatur. Secundo quid , quœve ex his causœ rationem obtinçant , et quœ ab ipsis efficiantur. Tertio , quai sanarê ( 126 ) Après avoir déterminé la méthode mixte qui con- vient au traitement de chaque cas composé ou com- pliqué , il faut encore distribuer les diverses parties de cette méthode , dans l’ordre des temps qu'il est nécessaire ou plus avantageux d’observer pour assurer le succès de son exécution. Ainsi , dans la formation de chacune des méthodes analyti- ques, il est essentiel de bien distinguer l’ordre d’importance relative des éléments de la maladie composée ou compliquée^ et l’ordre des temps de l’exécution des parties de cette méthode. De ces principes on peut déduire les règles à suivre dans le traitement analytique des maladies (i). La première règle est de faire dominer la partie du traitement qui est la plus appropriée à celle des ante cilla possint , et quœ non possint ; veluti cle ulceribus , quæ unà cum phlegmon is considéré , osteridimus. JJbi namque , à quoquam affectuum non lève periculum instat , ad id quod urget , dirigi primum curantis consilium debet ; ubi aliud offi- ciais est , aliud quod ab eo efficitur , ipsa causa spectanda. jit ubi curarï hoc ante illud non licet , ad id quod ordo dictât , est respiciendum. Enirn verb in eo ad quod urget scopo affectûs magnitudo perpendenda est. Ea triplex est magnitudo , alia quæ ex lœsœ actionis prœstantid spectatur ; alia quœ ex pro- priâ affectûs essentiel ; et tertia prœter has quœ ex facullate * lœsum corpus gubernante æstimatur In eo verb quod ordo prœscribit , quid ante epuod , vel quid cum quo , vel quid posl quid sanari possit . Gai. f methocL med, , cap. XII. , lib. Vil. (1) Bardiez , op. cii» ( Ia7 ) affections élémentaires qu’on juge avoir suscité les autres, ou exercer actuellement le plus d’influence sur elles. Prenons pour exemple l’inflammation, que l’on doit décomposer en trois élémens , la douleur , la fluxion et la phlogose . Lorsque l’inflammation est sous l’influence de la douleur , que ce dernier élément est ‘encore pré- dominant , ainsi qu’on l’observe dans le début et même pendant le cours de quelques maladies In- flammatoires, c est contre la douleur qu’il importe de diriger le traitement. Les stupéfians ou narco- tiques , en détruisant ce mode vicieux de la sensi- bilité, sont les seuls moyens capables de prévenir les actes subséquens de l’inflammation , ou d’ame- ner la résolution de cette maladie qui est subor- donnée ici à l’élément douleur. Les observations de Sarcone ont prouvé l’efficacité des narcotiques dans les pleurésies nerveuses , ou avec prédominance de l’élément douleur. Nous avons observé , M. Lordat et moi , une ophtalmie inflammatoire très-intense qui, ayant résisté aux antiphlogistique et aux révulsifs, fut guérie par 1 usage de l’opium à l’intérieur et à l’ex- térieur, auquel il fallut recourir, à cause de dou- leurs atroces accompagnées d’accidens nerveux. La douleur , à mesure que l’inflammation avance, cesse le plus souvent de jouer le rôle d’élément ’ et n’est plus qu’un symptôme résultant de la fluxion ( 128 ) et cle la détention des parties engorgées ; ce n est pas contre elle quil faut agir , mais bien contie le mode fluxionnaire que Ton traitera par les topi- ques répercussifs , ou par les attractions révulsives et dérivatives , suivant les périodes de la fluxion , et son renouvellement qu’il faut prévenir. Enfin la phlogose , qui est l’élément propre et caractéristique de Knfl animation , résulte d’une réaction spéciale des vaisseaux capillaires sanguins , qu’il est essentiel de maintenir dans un état modéré qui puisse favoriser la résolution , et prévenir les actes consécutifs plus ou moins fâcheux de l’inflammation , tels que la suppuration , la gan- grène , etc. C’est contre cet .élément que sont indi- qués les antiphlogistiques, qui se composent des émissions sanguines générales et locales , des emol- liens , des tempérant, etc. En distribuant ainsi les divers remèdes qu’indique l’inflammation dans ses périodes , relativement aux éiémens qui y prédominent successivement , on peut se flatter d’en prévenir la formation , ou d en obte- nir la résolution ; c£ qu’on ne saurait espérer de l’administration des mêmes moyens employés sans méthode contre l’un de ces éiémens , sans égard pour l’état de prédominance et d’influence des autres. 2.0 Une seconde règle est de combattre l’élément qui , par sa gravité , expose le malade à un danger plus pressant. Dans le traitement des fièvres inter- mittentes pernicieuses qu’on a désignées sous le ( I29 ) nom de comitatœ , il faut, pendant la durée du paroxysme , mettre en usage tous les moyens ca- pables de détruire l’affection grave qui , à cause du péril dont elle menace les jours du malade , doit fixer toutes les indications thérapeutiques , afin d arriver a la fin du paroxysme , après lequel on s’occupera du traitement de la fièvre elle-meme €n donnant des doses de quinquina suffisantes pour prévenir l’invasion de l’accès suivant. 3.° Une troisième règle prescrit de choisir , parmi les moyens dont on doit faire usage pour remplir les indications des méthodes analytiques , ceux qui peuvent combattre a la fois plusieurs des élémens constitutifs de la maladie. G est ainsi que parmi les moyens attractifs , révulsifs et dérivatifs , qu’in- dique la fluxion inflammatoire , la saignée mérite la préférence sur tout autre moyen anti-fluxion- naire , a cause de sa double action révulsive et antiphlogistique. La valériane , dans une affection convulsive et vermineuse , ayant l’avantage d’être appropriée contre l’état spasmodique , et contre l’état vermineux , sera préférée à tout autre remède qui ne serait qu’antispasmodique ou qu’anthelmin- tique. Dans les méthodes empiriques, on se propose de Méthodes changer la maladie en entier , par des remèdes empiriques, qu’indique le raisonnement fondé sur l’expérience de leur efficacité dans des cas analogues. « Ces 9 ( i3o ) méthodes, dit Barthez (i) , conviennent surtout aux maladies où Ton a lieu de craindre que les mou- vemens spontanés de la nature ne soient impuissans pour en opérer la guérison , et dans celles qu’on ne peut décomposer en des élémens bien déter- minés , dont on puisse être assez sûr de remplir les indications. Il est absolument nécessaire d y avoir recours dans ces maladies que la nature seule ne guérit point , comme sont la fièvre intermittente maligne , la maladie vénérienne portée à un haut degré , et d autres maladies de ce geme. » Dans les méthodes naturelles et dans les mé- thodes analytiques on aperçoit le mode d’utilité des moyens employés , et l’on peut établir le rap- port des indications à remplir avec les modifications immédiatement occasionées par ces moyens. Ainsi une irritation provoquée par la saignée ou par quelqû autre attractif, excite une fluxion artifi- cielle qui a pour but de décomposer une inflamma- tion , en détruisant la fluxion naturelle qui est un des élémens de la maladie , et fournit une des in- dications de la méthode de traitement analytique. Dans la méthode naturelle de traitement d’une fièvre gastrique , l’utilité des évacuans , émétiques et purgatifs , dépend de ce que ces remèdes accé- lèrent et activent les efforts excréteurs qui doivent (i) Maladies goutteuses. Préface* 9 ( i3i ) débarrasser les premières voies ? des humeurs qu’un mou\ ement fluxiounaire y accumule. Dans les méthodes de traitement empiriques , au contraire , on ne peut rendre raison des avan- tages que l’on retire des moyens qu’elles mettent en usage , autrement que par les bons effets qu’on en a éprouvés dans des circonstances semblables , en sorte que l’esprit ne peut saisir le rapport qu’il y a entre les effets immédiats et primitifs des moyens administrés d’après ces méthodes, et la guérison de la maladie. Les méthodes empiriques se divisent en trois espèces , qui prennent les noms d 'imitatrices , de perturbatrices et de spécifiques. Les méthodes imitatrices sont celles qui tendent Méthodes a déterminer la nature a des actes conformes à iLUJlatnccs' ceux par lesquels elle guérit souvent des maladies semblables. Il est facile , d’après cette définition , de distin- guer les méthodes imitatrices des méthodes natu- reües. Dans les méthodes naturelles , on se propose dé favoriser les efforts médicateurs de la nature. Mais pour cela il faut apercevoir ou prévoir ces efforts, afin de les seconder et de les faciliter. Dans les méthodes imitatrices , on cherche à imiter des actes qui ont quelquefois amené la terminaison de la maladie, bien quon ne voie aucune tendance à une solution spontanée , ou à la formation de ces Méthodes perturbatrices ( ) actes. Lorsque l’expérience a prouvé qu’une affee- lion s’est jugée à la suite d’un changement qu’il nous est possible de produire , nous imitons le procédé par lequel cette solution heureuse s’est opérée. L’excitation de la fièvre dans les affections nerveu- ses spasmodiques , etc. , celle de l’inflammation dans les engorgemens froids , muqueux , lents , etc. , rentrent dans la classe des moyens prescrits par les méthodes empiriques imitatrices. Les méthodes perturbatrices ont pour but de substituer aux affections constitutives d une mal a- die , d’autres affections fortes qui peuvent les dis- siper. ' Des méthodes perturbatrices sont celles qui pro- voquent simultanément des évacuations , ou des mouvemens dans divers sens, qui, imprimant des secousses opposées , à tout le système , peuvent finir par y rétablir l’ordre (i). C’est la méthode pertur- batrice qui tente la guérison des maladies véné- riennes et d’autres affections chroniques , par diffé- rentes évacuations provoquées en même temps, par les sueurs , les selles, etc. Sydenham et Boërhaa\o ont eu recours à une méthode perturbatrice , lors- qu’ils ont combattu avec succès les fièvres intermit- tentes d’automne qui étaient opiniâtres , en excitant à la fois des sueurs , des déjections , un peu avant (i) Barthez , op. ciU ( i33 ) le temps où la fièvre devait revenir. Barthez a triomphe , au moyen de cette méthode, des affections nerveuses les plus rebelles , dont il composait le traitement, de 1 usage alternatif des remèdes tempe- rans et excitans. L emetique donné au moment de 1 invasion d un accès de fièvre intermittente quarte rebelle , a été souvent un moyen perturbateur très- utile. Une saignée copieuse , faite dans les memes circonstances , a été suivie des meilleurs effets. Une affection morale très-vive , suscitée subitement , au moment de l’invasion d’un paroxysme fébrile , dans le cours d’une maladie chronique , etc. , est encore un des moyens qui appartiennent à la méthode empirique perturbatrice. Il s’agit , suivant l’esprit de cette méthode , d’ex- citer une secousse plus ou moins violente , dont les effets n’ont , d’ailleurs, aucun rapport direct avec la nature des affections contre lesquelles on les dirige. L’expérience a constaté que des états mor- bides différens et des habitudes vicieuses ont disparu à la suite d’un trouble, qui a fortement ébranlé tout le système , et l’on tente de provoquer des commo- tions analogues à l’aide de divers moyens physiques ou moraux. Les méthodes empiriques spécifiques , sont celles Méthodes dans lesquelles on administre les remèdes dont sPec,%uê5', i expérience a fait connaître la vertu spécifique pour détruire ces maladies. Ici l’on attaque directement ( i34) la maladie par un moyen qui a eu de bons effets dans le plus grand nombre des cas. L’usage des spécifiques tend alors à produire un changement total de l’état morbifique, par une sorte d’incompatibilité entre la modification consti- tutionnelle de cette affection, et celle que le corps vivant reçoit de l’impression de ces remèdes ; leur action décompose et dissipe immédiatement la maladie. Une méthode spécifique attaque la maladie sans aucun intermédiaire ; et feffet en vertu duquel elle guérit , ne peut s’apercevoir que chez ceux en qui se trouve actuellement le mode d affection dont elle est le moyen curatif. Ainsi, la vertu anti-syphiliti- que du mercure est directe , et ne dépend nullement des autres changemens connus que cette suostance peut déterminer dans les forces vitales. Il en est de même de la propriété anti - périodique du quin- quina (i). Cette classification des procédés , au moyen des- quels l’art de guérir procure la solution des mala- dies, est la plus convenable pour assigner à chacun d eux le genre d’utilité qu’il peut avoir , pour déter- miner les cas ou l’on doit donner la preference à l’un sur l’autre , pour en rectifier d’anciens et pour en créer de nouveaux ; en même temps quelle rap- porte à des principes bien établis les observations (i) Barthez , op. cih ( î 35 ) thérapeutiques que l’empirisme laisse isolées , et celles que le dogmatisme rejette, comme ne pouvant s’accorder avec ses théories. Lorsqu’on a reconnu les indications; lorsqu’on a Moyens.5 établi les méthodes et les règles qui doivent diriger dans le traitement ; lorsqu’on a , enfin , décidé l'es- pèce de modification à produire sur le système vivant, pour changer les conditions contre-nature qui constituent letat maladif, il s’agit de déterminer de quelle manière on peut atteindre ce but , et de choisir les moyens de guérir. Les moyens que la Thérapeutique emploie pour la cure des maladies, sont pris dans la Diète , dans la Pharmacie et dans la Chirurgie. Ils se divisent donc en moyens diététiques , pharmaceutiques et chirurgicaux. Je ne dois m’occuper que des moyens qui appartiennent aux deux premières divisions. La Diététique ne se borne point à régler l’usage . Diététique; des alimens , comme Font prétendu les auteurs qui Font définie , l’art d’ordonner la nourriture , ars ordinandi victum . Elle se propose aussi d’examiner Faction de tous les objets au milieu desquels Je malade se trouve placé, et de les faire coopérer à sa conservation et à son rétablissement. L’Hygiène détermine l’influence que ces objets exercent sur notre corps, en calcule les effets, et prescrit la manière dont on doit en user pour Fen- ( i36 ) tretien de la santé. La Diététique considère le même sujet sous un autre rapport , elle fait concourir les effets de cette influence à la guérison de la maladie. Les choses qui font la matière de l’hygiène , sont regardées , dans les traités de pathologie , comme les causes les plus générales des maladies. Les qua- lités de l’air , la succession des saisons , la position des lieux , les climats, la nature des alimens, des boissons, de l’eau , les professions , le mouvement, le repos, les affections morales fournissent l’origine la plus commune des affections morbifiques. Ces agens , soit par leur impression forte et soudaine f soit par leur action plus faible et prolongée sur le corps vivant , le modifient sans cesse , au point d al- térer l’état normal des actes qui constituent la vie et la santé. Mais s’il est prouvé qu’ils ne peuvent rompre l’harmonie des fonctions, quen exerçant une. influence telle qu’ils opèrent de grandes modi- fications, on est forcé de reconnaître , qu’il est pos- sible d’en retirer les plus grands avantages dans la curation des maladies, en écartant ou en provo- quant à propos, et en dirigeant d’une manière convenable , l’exercice de leur influence sur les malades (i). Les Anciens, dont les ressources en matière médi- cale n’étaient pas aussi étendues que celles des (i) V. Traité dllygiène appliquée à la Thérapeutique , par xVl. Barbier* ( i37 ) Modernes, faisaient beaucoup de cas des moyens de l’Hygiène qu’ils appliquaient à la Thérapeutique, ïls s servaient comme de secours indispensables au succès de leurs plans de traitement (i). Hippocrate , Galien , Arétée , Celse , Cœlius-Auré- lianus , Alexandre de Traites et autres , en nous transmettant les grands principes de l’art de traiter les maladies, n’ont pas manqué d’indiquer tous les avantages que l’on peut obtenir de l’action bien dirigée des objets extérieurs. Hippocrate nous en- seigne que tout doit concourir à la curation de la maladie; le médecin, le malade, les assistans , et les objets extérieurs. Oportet autem non solum seipsum exhibere quce decent facientem , sed etiani œgrotum et pressentes, et quce externa sunt. Aph. i. Sect. i. Les premières et les meilleures règles de la diététique ont été fixées par le médecin de Cos ; (i) Anciens avaient classe les objets de l’Hygiène dans ce cju ils appelaient les six choses non naturelles » Le professeur Halle les a compris dans six ordres , sous le titre de circum - fusa , applicata , ingesta , excreta , gesta et percepta. Une partie de cette classification est empruntée de la division des causes occasionelles des maladies y adoptée par Jonston et par Boèrîiaave ( Institut . medicœ , §. 744 ). Ces auteurs n’avaient admis que les circumfusa > les ingesta , les excreta , les gesta , que les Anciens exprimaient ainsi : Ta sfoOsv TtpoGiuixTQVToi , quœ extus accidunl ; Ta tt poafspopevK, quœ apponuntur ; Ta xevo upsva, quce vacuantur ; Ta 7roiov/xsva , quœ geruntur . ( Y. Encyclopédie méthodique. ) ( 1 38 ) e’est à lui que nous devons les notions les plu* précieuses sur le régime auquel il faut soumettre les malades dans les affections aigues. Le principe de Futilité du régime délayant et affaiblissant , dont Hippocrate a reconnu le premier , la généralité , a presque toujours été adopté et suivi par les grands médecins. Il vient d etre reproduit , de nos jours ÿ avec une extension qui doit amener souvent des résultats fâcheux , par les applications qui en ont été faites à toutes les maladies et à toutes leurs périodes. On peut assurer que le traité de victûs ratione in morbis acutis , contient sur cette partie si essen- tielle de la doctrine médicale , des préceptes qui sont d'une vérité éternelle. Les Anciens , les Méthodistes surtout , portaient la plus grande attention aux qualités de 1 air , pour les faire contribuer à la guérison des maladies. Ils spécifiaient toujours les propriétés que doit avoir Pair qui entoure les malades; iis le modifiaient pour l'approprier à chaque affection morbifique 9 en le chargeant quelquefois d’émanations parti- culières. On trouve dans les écrits des Anciens , la dési- gnation expresse des alimens qu’on doit prendre , ainsi que la prescription de l’exercice ou du repos , du sommeil ou de la veille ; et lorsqu’ils ordonnent l’exercice , ils précisent celui auquel le malade peut se livrer ; iis ne négligent, enfin , aucun des moyens ( l39 ) hygiéniques qui jouissent de quelque action sur le corps. Ils savaient aussi combiner , dans l’exécution de leurs méthodes de traitement , les moyens de l’Hy- giène et les agens de la Thérapeutique, Lorsqu’ils prescrivaient un médicament, ils faisaient concourir au succès de son action , l’air , la nourriture , le mouvement, etc. (i). Ils possédaient, enfin, l’art de décider dans le système vivant , par des moyens divers, des modifications propres à détruire l’état maladif (2). Hoffmann , parmi les modernes , a parfaitement apprécié tous les avantages que la Thérapeutique peut retirer des moyens de l’Hygiène, lorsqu’il dit: Plurima nullius momenti et exigua videntur , quæ tamen in servandis corporibus et morbis abigendis , incredibili gaudent potentiâ , et talia sunt , quæ sex rerum non-naturaliiim titulo comprehenduntur , quibus si rectè utamur , magna in medicinâ sine medicinâ prœstare possumus. ( Dissert. De motif optimd corporis medicinâ. ) Nous pouvons maintenant appliquer h la Théra^ peutique les moyens de l’Hygiène , avec d’autant plus d’avantages, que les progrès des sciences phy- siques et chimiques, qui ont pour but de nou^ (1) Galen * Method. med. lib. III. cap . VIII. (2) V. Cœl. Aurelian. , Morb. chron. lib. I. cap . Corporis hqbitiun çpuîdam mutcuicme rejiciunt. ( i4o ) éclairer sur la nature et sur les propriétés de la plu- part de ces moyens, nous ont mis dans le cas d’ap- précier toute l’influence qu’ils exercent sur le corps Tivant , et d’en mieux calculer les effets , dans l'état de santé et de maladie. La considération de la grande influence qu exer- cent sur nous les objets au milieu desquels nous vivons , et dont l’action tend incessamment à modi- fier nos organes et les forces qui les animent , doit suffire pour prouver de quelle importance peuvent être ces mêmes objets dans le traitement des mala- dies , lorsqu’on dirigera avec habileté leurs impres- sions , de manière à leur faire produire des modi- fications capables de changer les affections mala- dives , ou de favox-iser les effets des remèdes qu’in- dique la nature de ces affections. Dans l’examen des modifications que le corps vivant reçoit de l’action des objets extérieurs, il importe de déterminer : i.° Si l’influence des modificateurs n’est pas con- traire aux vues que nous nous proposons , dans la cure de la maladie du sujet qui est actuellement soumis à cette influence. Lorsque les mêmes causes qui ont disposé ce sujet à une maladie ou qui l’ont provoquée , continuent d'agir sur lui, il est évident quelles ajouteront sans cesse à l’intensité des acci- dens morbifiques , et quelles rendront tous les soins du médecin infructueux. L’indication la plus ur- gente n est-elle pas alors de soustraire le malade à ( ) l’impression des causes actives qui ont amené la maladie , et d’éloigner toutes les circonstances nuisibles (i)? La conduite que l’on tient alors peut seule assurer l’efficacité des moyens que l’on doit mettre ultérieurement en usage. 2.0 On ne doit pas se contenter d’écarter ou de supprimer 1 influence des circonstances extérieures^ et des causes qui pourraient aggraver ou entretenir la maladie. Le médecin doit porter bien plus loin ses vues , relativement aux choses qui font la matière delHygiène. Il fautqu’il changeles qualités actuelles des agens hygiéniques, et qu’il les dirige de manière à déterminer dans le corps malade , des modifica- tions favorables aux intentions quil a, de diminuer les accidens de la maladie et de la guérir. Le mé- decin doit transformer les agens hygiéniques en moyens thérapeutiques. La Pharmaceutique nous fournit les moyens pro- Pharaniceafe près à remplir les indications auxquelles la Diété- 4i<*ac* tique ne saurait suffire. Elle se compose de la Matière médicale et de la Pharmacie. La Matière médicale traite de l’histoire naturelle y physique et chimique des médicamens, de leurs propriétés, des doses auxquelles ils doivent être (i) Oiruiia vero ex prœsenti statu transmovere , œgrotanti ®pitulatur » Si enim quod morbum facit , non transmo péris t auges cit. ( Hipp. , De locis affectis . ) ( i4« ) donnés , de la forme de leur exhibition , ainsi que du choix des organes par lesquels ils peuvent être administrés. La Pharmacie s’occupe de la préparation et de la conservation des médicamens. Action Aéra. Nous avons posé en principe , que l’essence de la peutique des ma’ia(lie nous est inconnue. Cette ignorance nous médicamens. ^ dans rimpossibilité de déterminer la manière d’agir des moyens curatifs. Nous ne pouvons établir avec exactitude , les rapports que les médicamens ont avec les états morbides qui les indiquent , pour en déduire leur mode d’action. Les affections mala- dives supposent une lésion des propriétés vitales , ou une altération de l’organisme , en tant que vivant, laquelle est inaccessible à nosmoyens d’investigation. Connaît-on ce qui constitue le scorbut, la syphilis, les dartres , les scrofules , le cancer , et l’inflammation elle-même ? Croit - on avoir donné une idée bien claire et bien exacte de l’inflammation , lorsqu on a dit , que c’est une exaltation des propriétés vitales? L’inflammation nous est aussi inconnue dans sa nature , que toute autre maladie. Nous ignorons quel est le changement qui survient dans l’orga- nisme vivant; quel est le mode vicieux des forces, des solides et des fluides , d’où dérive le mode inflammatoire. Nous avons déjà prouvé que toutes les tentatives qui ont été faites depuis les premiers temps de la ( 143 ) medecine jusqu’à nous , pour découvrir la nature ces maladies , sont restées sans succès , et n’ont abouti qu’à nous présenter des hypothèses plus ou moins ingemeuses que l’imagination a enfantées et détruites tour à tour. àous avons prouvé aussi qu’il était impossible de ramener toutes les maladies à deux états viciés de 1 organisation ou des forces qui l’animent ; qu’il fallait , au contraire, reconnaître autant d’affections morbides que l’on remarque de différences dans les caractères essentiels des maladies , et dans les mé- thodes de traitement II faut, en effet, multiplier ces affections en raison de ces différences ; et même pour peu quil y ait de l’incertitude sur l’identité de deux affections , on doit les considérer comme dis- tinctes, et comme ayant quelque chose de spécial. La connaissance que nous avons de la manière agir des médicamens , est une connaissance tout# empirique; c’est-à-dire, que ce n’est que par un# suite d observations et d’expériences qui ont cons- tate .es bons effets d’un médicament dans un grand nombre de cas analogues , qu’on est parvenu à déterminer les propriétés de ce médicament dans tel ou tel état morbide. Les agens thérapeutiques produisent , dans tout e système vivant ou dans les organes en particulier, de vraies altérations qui diffèrent des altérations maladives , seulement par le résultat. Les modifi- cations que ces agens déterminent dans le corps , ( î44 ) pour y rétablir 1 état de santé , sont des modifica- tions propres que l’expérience clinique a constatées, et qui dépendent de l’impression de ces agens , ou de ce qu’on appelle F action thérapeutique . Ces effets ne peuvent avoir lieu que dans un corps malade ; ils résultent d’une action directe contre l’état de maladie , en sorte qu’on ne saurait toujours en ren- dre raison par les phénomènes qu’ils occasionnent dans un corps sain, ou dans letat physiologique. Une bonne Thérapeutique ne peut donc être faite à priori , c’est-à-dire , d’après les théories , que Ton s’est faites de la nature des maladies et de Fac- tion physiologique des médicamens. Elle doit , au contraire , être fondée sur 1 expérience clinique et composée à posteriori . Le raisonnement doit être subordonné aux ré- sultats des faits recueillis au lit des malades , cai le raisonnement seul n a pas plus fait connaît! e les cas où l’opium , le quinquina , le mercure , etc. , sont indiqués , que la physique et la chimie n’ont servi à déterminer les propriétés médicinales de ces substances (i). (i) Mon stratum enirn in iis libris est , qui de medicamentis sunt inscripti , in quibus exercitatum esse censui , quisquis ex his commentariis fructum percipiet , nullam ejusmodi facullatem sine experientiâ inveniri ; esset enimprofectofelicitatiscujusdam munus , si quis inspecto lithargyro , nul castoreo , aut cantha- ride , produits eorum vires intelligent.. \Galen. Method. med. ' lib. JF. cap . 111. ) t ( i45 ) Il faut donc distinguer dans le mode d'agir des medieamens ? 1 effet thérapeutique qui se rapporte directement à 1 état morbide 7 ou à l’indication ? quelles que soient les explications qu’on puisse don- ner de cet effet , c est-a-dire , quels que soient les phénomènes physiologiques qui se passent dans un 01 gane ou dans tout le système 5 apres 1 administra- tion de ces médicamens. La considération des phé- nomènes physiologiques que l’on observe après l’administration des médicamens , ne saurait suf- fire y dans tous les cas y pour arriver à la connais- sance des effets thérapeutiques ; ceux-ci sont des effets propres qui ne se rapportent qu’à l'affection morbide , ou au sujet de l’indication qu’ils sont des- tinés à remplir. i.° En partant des effets physiologiques des mé- dicamens , on est conduit à ne reconnaître qu’une seule propriété dans des substances qui en ont plusieurs , et à confondre des remèdes qui ne sau- raient être assimilés sous tous leurs rapports. Le quinquina , par exemple , ingéré dans l’estomac % ou administré de toute autre manière , produit ? d’abord , tous les signes d’une irritation plus ou moins vive. Mais peut-on dire qu’il n’a d’autre vertu que celle d’exciter ou de relever les forces f et qu’il n’est anti-périodique , que parce qu’il est tonique? S’il en était ainsi , pourquoi ne pourrait-on pas le remplacer par tout autre remède pris au hasard ? dans la classe des toniques ou des excitans ? io ( i46 ) Le quinquina jouit de deux propriétés; il esttonîque et anti-périodique , et on ne saurait apercevoir au- cune liaison nécessaire entre sa propriété générale tonique, et sa propriété spéciale anti-périodique (i). On peut en dire autant du mercure , de l’opium et des autres substances dans lesquelles 1 expérience clinique a constaté des effets généraux , et des effets particuliers qui constituent leur vertu propre et spéciale. 2.0 Si l’on s’en tenait aux effets physiologiques des substances médicamenteuses , on serait obligé de soutenir , contre les assertions de tous les pra- ticiens , l’inefficacité de certains remèdes , parce que de très -fortes doses de ces remèdes , prises dans l’état de santé, n’altèrent pas sensiblement le poids , et ne produisent pas d’effets remarquables. C’est par une semblable raison que M. Alexander a cru ' que le castoreum n’est d’aucune utilité contre les maux spasmodiques. « Mais l’expérience seule , dit Barthez , doit déterminer si le castoreum n’est point spécifiquement adapté à de telles aberrations du système des forces , qui ont lieu dans tel genre de maladie. Or , ce remède a été trouvé généra- lement utile pour les maladies nerveuses par un très-grand nombre de bons observateurs , depuis Hippocrate et Arétée jusqu a nous (2). « (1) Y. M.r J. B. Bousquet : Revue médicale, t. IY ,pag. 4*5. Ja) Nouveaux Élémeos de ta science de l’homme. ( *47 ) L observation clinique nous fait reconnaître dans les médicamens des effets généraux par lesquels ils peuvent se réunir et se confondre, et des effets particuliers qui constituent l’action thérapeutique spéciale d’un grand nombre d’entr’eux. Il est cer- tain qu’une substance qui accélère le mouvement circulatoire du sang, qui augmente la force du pouls, et élève la température du corps, est un moyen excitant , tandis qu’une autre qui produit des phénomènes opposés est un moyen débilitant ; cependant on ne saurait conclure que tous les effets de ces substances se bornent à cette impres- sion immédiate et sensible , et quelles ne possè- dent pas d’autres propriétés qui constituent leur efficacité contre un état morbide donné , et des- quelles résulte leur action thérapeutique propre. L’analyse des effets des substances médicamen- teuses y fait distinguer des propriétés générales ou communes , et des propriétés particulières ou spéciales. Les propriétés générales sont celles d’après lesquelles on a reconnu des remèdes toniques et excitans, et des remèdes débilitans et antiphlogis- tiques: tous les médicamens qui appartiennent à l’une ou à l’autre de ces classes, se ressemblent , et ils ne présentent d’autre différence que celle qui est relative au degré de leur activité. Quant aux propriétés spéciales , un grand nombre de médicamens en sont pourvus; elles ont leurs indications propres dans lesquelles il serait impos- ( î48 ) sible de les remplacer , si , comme nous l’avons déjà dit, il n’y avait plusieurs manières de ré- soudre le même problème thérapeutique , c’est-à- dire, plusieurs méthodes pour obtenir la guérison de la meme maladie. Les propriétés spéciales, lorsqu’elles se. mani- festent d’une manière évidente , ne sont autres que les propriétés spécifiques (i). Si l’on prend le mot spécifique dans son accep- tion rigoureuse ; si l’on n’entend par spécifiques que lesmédicamens qui guérissent toujours et dans toutes les occasions la même maladie, on peut dire qu’il n’y a point de spécifique : car il est presqu im- possible de trouver deux maladies parfaitement semblables , deux tempéramens identiques , deux malades enfin , placés dans les mêmes circonstances sous tous les rapports. Une maladie n’est pas d’ailleurs’ réduite toujours à un état de simplicité tel quelle ne présente qu’une seule indication. Lors- qu’elle est compliquée , il faudrait que le remède réunît toutes les propriétés nécessaires pour rem- plir les diverses indications relatives à ses compli- cations , afin qu’il fut toujours suivi du même succès. S’il n’y a pas de spécifique de maladie , il y a des spécifiques d’affection , et des indications qui peuvent être remplies par des moyens spéci- fiques. C’est ainsi que l’affection vénérienne est (i) M. Bousquet , op. cil. ( *49 ) 1 objet d une indication dont le mercure est le spé- cifique. Mais supposez que cette affection ne soit point simple , et quelle se trouve compliquée d’in- flammation , de scorbut ou de toute autre maladie, le mercure administré, alors, sans précaution man- que son effet, et cela , parce que ce médicament qui n’a d’action que contre le principe syphilitique , exaspère les états morbides qui , dans ce cas , viennent le compliquer. On entend par remède spécifique , celui qui , par une action dont ne peuvent rendre raison les analogies physiologiques, guérit une affection mor- bifique donnée , plus souvent que d’autres ' re- mèdes. Le quinquina , le mercure , etc. , sont des spécifiques. Il ne faut pas exiger qu’un remède spé- cifique guérisse toujours la meme maladie , sans aucune exception ; car, ainsi que nous l’avons dit, cette maladie peut présenter dans chaque individu des circonstances particulières , connues ou même inconnues et indéterminées , qui annulient l’effet spécifique du remède. C'est d’après un ensemble de faits nombreux et concluans, que l’on doit pro- noncer sur la spécificité d’un médicament. Quelques auteurs nient en vain l’existence des remèdes spécifiques. L’expérience est là pour les contredire , et pour prouver la fausseté de leurs prétentions. Les moyens spécifiques offrent les res- sources les plus précieuses de la médecine. Quel systématique , après avoir refusé toute spécificité au ( i5o ) Quinquina, ne se hâtera d’avoir recours à ce remède héroïque , s’il est atteint d’une fièvre intermittente pernicieuse ? On doit admettre deux ordres de spécifiques, des spécifiques d’affection et des spécifiques d’organe. 11 est des substances qui portent particulièrement leur action sur un organe , plutôt que sur un autre. Il est un grand nombre de médicamens qui semblent choisir , parmi tous les organes dont se compose le corps , celui qui leur convient. Aussi a-t-on désigné Cette faculté spéciale dont jouissent ces substances 9 sous le nom de propriété élective. Il y a donc des propriétés spécifiques d’organe et des propriétés spécifiques d’affection. Celles-ci , relatives non à l’organe , mais à la nature de la lésion , se manifestent, quel que soit le siège quelle occupe. Le quinquina jouit de la même efficacité dans toutes les affections périodiques , quel que soit l’organe malade. Les auteurs qui assurent que toutes les maladies sont des lésions de l’organisation , ne voient dans les médicamens d’autres facultés que celles de changer et de modifier cette même organisation , et de rame- ner ainsi les parties malades à leur état naturel , ou à leur structure primitive et normale. Mais il est prouvé que les substances médicamenteuses ont sur le système vivant une action indépen- dante des altérations organiques qu’ elles peuvent ( i5j ) produire. Les effets instantanés de certains moyens perturbateurs, fournissent un argument bien fort en faveur de 1 action purement dynamique des» remèdes, c est- à -dire, de la propriété qu’ils ont d agir directement sur les forces qui animent la matière organisée , sans amener aucun changement sensible dans celle-ci. D ailleurs, s il existe desagens qui attaquent et détruisent d une maniéré directe la vie , sans atteindre 1 organisation , pourquoi n admettrait-on pas des moyens qui agissent aussi directement sur les forces du corps , pour les modifier de diverses façons ? Car leur action ne se borne pas à exciter ou à affaiblir la puissance vitale. L’action thérapeutique ne saurait être réduite à deux modes généraux, l’excitation ou la sédation De même qu’il faut reconnaître qu’il existe des ma- ladies dans lesquelles les forces ne sont pas seule- ment modifiées en plus ou en moins , mais dans lesquelles elles sont viciées et dépravées , on doit admettre aussi des médicamens qui ont une action propre contre ces dépravations, qui les détruisent directement par des propriétés spéciales ; et ces propriétés doivent les faire distinguer d’autres reine- des dont ils se rapprocheraient, d’ailleurs, par leurs effets immédiats et généraux. Si tous les organes étaient immédiatement soumis a notre action , il suffirait de s’occuper de la re- cherche des moyens nécessaires pour changer leurs ( i52 ) modifications vicieuses ; mais , comme la plupart1 d’entr’eux sont hors de notre portée , i'i faut , avant dVir savoir comment nos moyens pourront les atteindre. Le corps vivant ne fait qu’un seul tout lie par ]a continuité et par les rapports des parties , et surtout par les forces vitales qui les animent. 11 est des organes principaux qui exercent sur tout le système une influence aussi active qu etendue. Enfin , certains organes , indépendamment des rapports généraux qui les unissent a tous les auties, ont èntr’eux des relations spéciales plus intimes , qui sont le principe de leurs sympathies. Il résulte de ces faits, qu’il suffit d agir sur une partie , pour introduire dans toutl organisme vivant, les modifications qu’on a d’abord déterminées dans cette partie ; et qu’en agissant sur un organe qui a une sympathie générale avec tout le système , ou une sympathie particulière avec un autre organe , il est possible d’occasioner dans tout le système , ou dans ce dernier organe , les modifications qu’on a excitées dans le premier. L’absorption est sans doute un moyen puissant , à l’aide duquel les médicamens sont introduits dans le système vivant, et vont porter successivement dans les organes les modifications nécessaires pour y détruire les causes de leurs maladies. Ce qui prouve cependant que les remèdes n’agissent pas seulement par l’absorption de leurs molécules médicamen- ( i53 ) teuses qui arrivent aux organes , par ^intermédiaire des voies circulatoires, c’est, i.° la promptitude avec laquelle se produisent quelques effets médica- teurs, promptitude qui est incompatible avec la nécessité d’un certain intervalle de temps , pour que l’absorption se fasse; 2.0 la manifestation des effets médicateurs sympathiques , lors même que le médicament a été rejeté -au- dehors bientôt après son ingestion , en sorte qu’on ne peut pas supposer qu’il ait eu le temps d’être absorbé; 3.° la diffé- rence d’action qu’exerce une meme substance médi-' camenteuse , suivant quelle est ingérée dans Festo- mac ? on appliquée a la surface extérieure du corps ^ ce qui ne serait pas si elle avait été absorbée; 4.° le defaut de 1 apport entre les effets médicateurs des remèdes , et la quantité de la matière médicamen- teuse. Ces effets ne sont pas proportionnés à cette quantité , mais à l’intensité de l’impression ressentie par la surface de l’application. L’absorption seule ne saurait donc nous rendre toujours raison de l’action thérapeutique des remè- des ; cette action est indépendante de l’absorption de leurs molécules. On est obligé de reconnaître qu outre cette voie , les médicamens agissent en vertu de cette unité d’action et d’affection , qui fait oe tous les organes vivans un système unique , et en vertu des rapports sympathiques généraux ou spéciaux, qui unissent ces mêmes organes entr’eux ou à tout le système, * ( i54 ) i.° L’unité d’action et d’affection nous fait con- cevoir , comment des agens thérapeutiques , dont l’impression ne se fait sentir que sur une seule partie, peuvent communiquer et étendre les modi- fications qu’ils produisent dans cette partie, à toute la constitution, pour lui faire subir les altérations opposées à celles qui entretiennent la maladie. Tout est lié dans l’économie animale. Le système vivant est un , c’est-à-dire , qu’il y a dans tous les actes de la vie , une unité , une harmonie d action , qui tient sous sa dépendance toutes les parties du corps, et fait quelles se transmettent réciproquement toutes leurs affections dans l’état sain et dans 1 état malade ; consensus unus , conspiratio una , consentia omnia. ( Hipp. ) De même que les maladies doivent être conçues , comme des affections de l’unité vitale ou physio- logique, qui en exprime les effets dans 1 ensemble de la constitution ou dans un organe , et qui les manifeste par le dérangement de tous les actes vitaux , ou par le désordre des fonctions départies à cet organe , on doit reconnaître aussi que les me- dicamens n’agissent qu’autant qu’ils déterminent sur cette unité , des impressions qui s’étendent à tout le système , lorsqu’il est &eneralement a ? qui retentissent en particulier clans 1 organe malade, lorsqu’il existe une affection locale. Ce n’est qu’en admettant cette unité qui lie en- tr’elles toutes les parties du corps ? et en forme un i. ( i55 ) seul système, dont tous les points communiquent et se correspondent , que Ton peut se rendre raison de la manière dont les substances médicamenteuses agissent. 2.0 La connaissance des sympathies , ou des cor- respondances d’affection qui unissent d’une ma- nière plus particulière certains organes entr’eux , ou avec tout le système , nous éclaire sur Faction des médicamens , en meme temps quelle doit nous diriger dans leur application. Les sympathies qui lient l’estomac et les intestins a presque tous les organes de l’économie animale , sont la principale cause de l’activité reconnue des moyens introduits par cette voie. Tous les remèdes donnés à l’intérieur et introduits dans l’estomac et dans les intestins , déterminent sur ces viscères un effet dont tous les organes se ressentent bien, mais auquel l’organe malade est le plus sensible (i). C’est ainsi que Faction des toniques , des anti- spasmodiques , etc., se passe d’abord dans le ven- tricule , et ensuite dans les organes , contre l’af- fection desquels on les dirige. Il en est de meme pour les lavemens chargés de substances douées de ces propriétés médicamenteuses, dont l’effet se (i) Consultez Barthez , Nouveaux élémens de la science de l’homme. ( î 56 ) répète sympathiquement, de l’intestin sur les parties affectées (i). Mais , indépendamment de ces sympathies géné- rales dont quelques viscères principaux sont doués , jl en est d’autres plus particulières entre certains organes. 11 des cas où , sans recourir aux premières sympathies ou aux sympathies générales , on peut décider une modification dans un organe , en agis- sant sur un autre, avec lequel le premier entretient une correspondance sympathique spéciale. La con- naissance de ces sortes de sympathies doit nous guider, pour le choix du lieu où il faut appliquer les moyens destinés à déterminer des altérations im- portantes. Lorsqu’on veut changer la direction des raouvemens et des humeurs, qui est vicieusement établie vers la matrice , on applique des ventouses sur les mamelles, avec lesquelles on sait que ce viscère est uni par des sympathies étioites. Ce qui est bien digne de remarque , c’est que les sectateurs d’une doctrine qui fait jouer le plus grand rôle aux actions sympathiques, et surtout aux irradiations consensuelles des surfaces muqueuses gastro-intestinales , sont ceux qui prétendent que les médicamens ne produisent d’effets , qu’autant qu’il y a eu absorption de leurs molécules , et trans- port de celles-ci dans les voies de la circulation , (i) Fr. Hoffmann , De consensu partium , prœcipuo Patho - lo°ice et Praxeos fundaniento. Halce. i 7I7> § ( i57 ) ' , qui les transmettent aux divers organes malades. Quoique l’effet des médicamens doive être le résul- tat d’une impression locale sympathiquement réflé- chie sur tout le système , ou sur une de ses parties , pour que l’action imprimée aux forces qui les ani- ment, devienne le principe des phénomènes médi- cateurs , soit généraux , soit locaux, il faut admettre aussi , que ces moyens modificateurs agissent par l’absorption de leurs molécules , ainsi que le dé- montre un grand nombre de faits. Mais quelle que soit la force des preuves que ces faits fournissent en faveur de 1 absorption , on n est point autorisé pour cela a dire , que tous les médicamens ne peuvent avoir d’action qu’autant qu’ils sont absorbés. \ Les remèdes n’ont pas d’action absolue , néces- saire et rigoureuse. Leurs effets sont relatifs à la manière d’être de tout le système , ou des organes au moment ou on les applique. Cette circonstance fait que les modifications qu’ils produisent, ne sont pas toujours les mêmes , et quelles varient d’après cette disposition générale ou particulière. L’observation a prouvé que beaucoup de subs- tances médicamenteuses ont des résultats qui, étant en rapport avec la condition actuelle d’un organe ou de toute la constitution , ne sauraient être toujours identiques. L’opium, le camphre , la digi- tale , etc. , ont produit des effets opposés chez le même sujet , suivant qu’il se trouvait dans un état ( i58 ) de sânté ou de maladie , ce qui doit nous rendre très-circonspects dans les inductions que nous pou- vons tirer , pour la détermination des propriétés des substances médicamenteuses ? des expériences tentées sur l’homme en santé. Dans l’état de maladie même, les médicamens ont eu des effets différens, suivant que le malade était disposé, de manière à favoriser ou à contrarier leur action. L’opium , chez les individus qui sont tour- mentés par la fièvre, n’a d’autre effet que d’ajouter à l’excitation fébrile et d’augmenter l’insomnie. La digitale ingérée dans un estomac irrité , augmente cette irritation qui s’irradie alors à tout le système ; et loin d’être sédative , la digitale accélère le mou- vement circulatoire du sang , accroît la chaleur , la sécheresse de la langue , la soif, et devient excitante. On doit donc reconnaître que les différences dans les effets des remèdes , dépendent non - seulement des différences de doses et de préparations de ces remèdes , mais encore des dispositions diverses ou se trouvent les forces de tout le système , et celles des organes sur lesquels les remèdes agissent direc- tement Barthez a expliqué le double effet que peuvent avoir plusieurs remèdes , par la considération de la nature des substances qui entrent dans leur com- position , et par la considération de la disposition du corps qui peut se rencontrer dans des conditions variées , propres à favoriser Faction de l’une ou de ( ï59 ) l’autre de ces substances. C’est ainsi qu’il rend raison des effets différens et meme opposés de l’opium et du camphre , qui agissent par leurs parties âcres et irritantes, lorsque le corps est disposé de ma- niéré à se prêter à cette action , tandis que Fin- fluence de leurs parties calmantes et sédatives pré- domine lorsque le corps est dans une condition favorable à 1 action de ces parties. Il a réuni un grand nombre de faits , dont les résultats immédiats conduisent aux principes qu’il a établis sur la double action de ces médicamens (i). Les remèdes, quoi qu en disent les Solidistes, ont une action directe sur les fluides. Les humeurs sont susceptibles de modifications vicieuses, dans leur crase ou dans la mixtion intime de leurs molécules constituantes , contre lesquelles 1 expérience clinique a reconnu des agens thérapeu- tiques directs. Les medicamens antiphlogistiques ont une effi- cacité bien reconnue , pour abattre l’incandescence et la raréfaction du sang et des humeurs. Les remèdes résolutifs ont, sur le sang et les humeurs , une action qui en augmente la fluidité , ainsi qu’il est prouvé par les expériences de Freind , de Schwencke , de Boèrhaave et de Van-Swieten, (i) Nouveaux élémens de la science de l'homme. I ( î6o ) Les médicamens astringens et styptiques opèrent la condensation du sang et des fluides, qui est rendue sensible dans un grand nombre de cas. C’est à cette action qu’on doit rapporter la formation du caiilot, après l’administration de ces remèdes dans les hémorrhagies. S’il n’y avait en faveur de cette assertion un grand nombre d’observations clini- ques, on pourrait l’étayer de l’expérience de Schuize. Les remèdes anti-septiques , anti-scorbutiques , etc. , ont la propriété de changer le mode vicieux du sang et des humeurs , qui est un des élémens des affections putrides, scorbutiques, etc. On doit reconnaître, enfin, que, dans quelques circonstances, les médicamens peuvent agir par leurs propriétés générales chimiques et physiques. Tels sont, Messieurs , les principes que je dévelop- perai dans le cours de Thérapeutique et de Matière médicale, dont je suis chargé. Les idées générales que je vous ai présentées, acquerront toute la clarté dont elles sont susceptibles , par les preuves sur lesquelles elles seront appuyées. Ces principes sont ceux d une doctrine qui est fondée sur 1 examen comparatif de l’universalité des faits fournis par l’observation. Les théories qui prennent leur origine dans cette doctrine , ne sauraient jamais nous égarer, puisqu’elles ne vont pas plus loin que l’ob- servation , ou plutôt puisqu’elles ne sont que 1 ob- ( i6i ) Ovation elle-même ; tandis que les autres théories se hatant de ranger d avance tous les faits sous des principes généraux , qui ne se rapportent qu a un petit nombre d’entr’eux , ou meme altérant ces faits pour leur faire dire autre chose que ce qu’ils expri- ment , et pour les plier sous le joug de l’hypothèse déjà établie 7 nous induisent toujours en erreur. C’est de l’observation qu’est née la Médecine ; ce n est que dans l’observation quelle a pu puiser ses premiers matériaux et ses principes constitutifs, L observation a été et sera toujours le moyen le plus puissant de son perfectionnement ; elle est la seule route que le médecin doive suivre dans la pratique , et le principal instrument de ses succès, Noster in hoc opéré scopus eo pertinet , ut dilu~ eidè cognoscatur , quantum momenti in medicind ufferat observatio. ( Baglivi. ) \ FAUTES A CORRIGER. Page i5, ligne i5 , de son siècle , lisez: de son temps. _ 34 ? __ 6 ? après diathèses, ajoutez: humorales. __ 5i, — 7 , de faits, lisez: des faits. , 5^ ? _ i3 ? de ces moyens, lisez: de ces substances. «_ 85 > — 20 , ques , lisez : que. _ 92 , — i3 , à les combattre , lisez: à combattre ces vices. — ï»4 , 22 , les altérations de l’organisme vivant , lisez : les modifications de l’organisme vivant mémoires SUR LE TRAITEMENT méthodique / DES FLUXIONS, ET SUR LES COLIQUES ILIAQUES Qui sont essentiellement nerveuses. Par P, J. BARTHEZ. A MONTPELLIER, Chez SE VAL LE, Libraire, Grand’Rue. x8 1 6. PREMIER MÉMOIRE. Du traitement Méthodique de s fluxion, , qui sont des élemens essentiels dans divers genres de maladies. I. T'fv- • . tJ fluxion tout mouvement qui porte le sang ou une autre humeur sur un organe particulier, avec plus de force, ou suivant un autre ordre que dans l’état naturel. La fluxion peut être aiguë ou chronique. Lile est un élément essentiel dans la for- mation d’un nombre indéfini de genres de maladies, tant aiguës que chroniques; par- ticulièrement de celles qui constituent les obstructions , les inflammations , les ulcères et les divers flux. Dans ces maladies, l’élément de la fluxion présente très-communément des indications distinctes et majeures. Par cette raison, il est avantageux, pour établir plus parfaitement les méthodes de traitement de ces maladies. 4 d’avoir bien déterminé les règles du traitement spécial qui convient à la fluxion considérée en elle-même. Il me parait qu’une des principales causes des incertitudes que présente le traitement de ces maladies , dont la fluxion est une partie essentielle, est que Jes auteurs > tant anciens que modernes y et même les plus mé- thodiques , n ont point fixé avec la précision et les détails nécessaires , les lois du traitement de la fluxion en général, et les applications de ces lois. I I. Hippocrate , Galien , et leurs sectateurs , ont donné sur ce sujet beaucoup de pré- ceptes épars ; mais seulement d’une maniéré incidente, et en parlant de divers genres de maladies particulières , inflammatoires ou autres. Cette manière a dû influer sur les con- tradictions qu’on remarque entre Hippocrate et Galien , par rapport au traitement des fluxions. Cependant ces contradictions de ces deux auteurs ne sont quelquefois qu’apparentes. C’est pourquoi il n’est pas inutile de recher- cher si leurs assertions qui semblent opposées, peuvent s’accorder ; et , dans ce cas , le seul 5 moyen solide de les concilier, est défaire voir qu'elles s’appliquent également à des faits établis par l’observation médicale. C est ainsi que les plus Habiles commen- tateurs d’Hippocrate, tels que Duret et Prosper Mai tianus , ont bien vu que la meilleure manière d’éclaircir et de commenter Hippo- crate , est d’en expliquer les textes difficiles, en les rapportant uniquement aux faits ob- servés dans la médecine-pratique. Les auteurs galéniques qui ont écrit fort au long sur le traitement des fluxions, tels que Mercatus (i) , sont aussi tombés dans le défaut de ramasser des observations partielles , qu’ils n’ont point rapportées à des principes fixes et uniformes : et ce vice fondamental les a conduits à donner sur le traitement des fluxions, des règles douteuses et incohérentes, qu’on ne peut réduire en un corps de doc- trine solide. I I I. Je me propose de faire voir comment ce vide, qui a subsiste jusqu’à présent dans la doctrine médicale, peut et doit être rempli , en ne faisant usage que des faits constatés (i) Dans ses deux livres de recto prcesidiorum arti* medicœ usu « : m6 par des observateurs éclairés et exempts de préjugés, et en rapportant ces faits. à des principes généraux, qui en sont les résultats simples et nécessaires. Je vais exposer d’abord ces principes géné- raux, et j’en donnerai ensuite de nombreuses applications. Je donne aux évacuations et aux irrita- lions attractives f épispases J considérées par rapport à un organe particulier ( d’où naît la fluxion, ou bien auquel elle se termine) le nom de révulsives , lorsqu’elles se font dans des parties éloignées de eet organe ; et le nom de dérivatives , lorsqu'elles se font dans des parties voisines de cet organe. I Y. Premier Principe . Lorsque dans une maladie, la fluxion sur •un organe est imminente , qu’elle s’y forme et s'y continue avec activité ; comme aussi lorsqu’elle s’y renouvelle par reprises pério- diques ou autres ; on doit lui opposer des évacuations et des attractions révulsives par rapport à cet organe. Dans tous ces cas, les dérivations auraient peu d’effet pour détour- ner et affaiblir la tendance de la fluxion. Il faut la combattre puissamment par de grandes distractions des forces de la nature $ 7 à qui Ton imprime des ensembles de mou- vemens ( synergies J qui tendent vers des organes éloignés ÿ et qui sont perturbateurs des mouvemens qu’affecte la fluxion. Y. S econd Principe • Lorsque la fluxion est parvenue à Fétat fixe , dans lequel elle se continue avec une activité beaucoup moindre qu’auparavant ( dans les maladies aiguës ) ; ou lorsqu’elle est devenue faible et habituelle ( dans les maladies chroniques ) ; on doit en général , préférer les attractions et les évacuations dé- rivatives qui se font dans les parties voisines de l’organe qui est le terme de la fluxion. Les mouvemens de la fluxion étant alors concentrés auprès de l’organe qui en est le terme , il sympathise d’autant plus faible- ment avec les parties éloignées : et la nature ne peut ressentir utilement que l’influence sympathique qu’exercent sur cet organe les affections excitées dans les parties qui en sont voisines,, Il est un grand nombre de maladies ou la fluxion totale est composée de plusieurs reprises particulières de fluxion ; .de sorte qu’il est difficile de déterminer dans les divers temps de la fluxion totale , si on doit la traiter comme étant parvenue à son état fixe, ou comme étant dans l’imminence de son renouvellement paroxystique» On a été fondé à dire en général , qu’il faut considérer avec soin , dans le traite- ment des fluxions ; si les humeurs se meu- vent avec force et en abondance , ou peu à peu et doucement ; continuellement ou par intervalle : afin de régler sur ces dif- férences , les révulsions ou les dérivations. Y î. Troisième Principe . Apres avoir fait précéder les révulsions et les dérivations qui sont indiquées , il faut souvent recourir à des attractions ou à des évacuations qu’on appelle locales , parce qu’elles se font dans les parties les plus voisines qu’il est possible de celle ou se termine la fluxion ; et ou elle est comme concentrée , l’affection forte de cette partie l’isolant en quelque manière de tout le reste du corps. Il est encore souvent nécessaire , pour arrêter les progrès de la fluxion , lorsque l’organe qui en est le terme est le plus vivement affecté, d’employer ail ernativement des attractions ’et des évacuations locales, pendant qu’on fait usage de celles qui sont dérivatives, et même de celles qui sont ré- vulsives. 9 V î I. Quatrième Principe . Les principes précédens se rapportent aux cas où la fluxion qui se jette sur un organe, vient de diverses parties du corps qui ne sont connues que vaguement ; et où l’organe qui reçoit cette fluxion , est le seul Lien déterminé. Mais dans les maladies où l’organe dont vient la fluxion , peut être assigné ou bien connu ; 1 affection de cet organe présente un autre ordre d’indications essentielles. Ce dernier cas est beaucoup plus commun dans les fluxions qui ont lieu dans les maladies chroniques. Dans ce cas , il faut établir une dériva- tion constante , non auprès de l'organe où la fluxion se termine , quoiqu’il soit prin- cipalement affecté ; mais auprès de l’organe d’où cette fluxion prend son origine. Je donnerai des développemens de ce quatrième principe, en traitant du choix de l’application des cautères , dans des di- vers cas de fluxions habituelles où ils peu- vent être indiqués. VIII. Cinquième Principe . L’utilité de la dérivation dans les cas où elle est indiquée, tient à cette sympathie I 10 particulière et puissante , que les parties du corps vivant exercent entre elles a raison de leur voisinage ( qui leur donne des vais- seaux et nerfs communs , etc. ). Les remèdes qu’on emploie comme ic- vulsifs , et sur-tout comme dérivatifs j ont d’autant plus d’efficacité, qu’ils sont appliqués à l’endroit des organes qui ont les sympathies les plus fortes et les plus constantes, avec l’organe par rapport auquel on veut opérer une révulsion ou une dérivation. Ainsi il est généralement plus avantageux de placer les remedes révulsifs ou dériva- tifs , dans la même moitié latérale droite ou gauche du corps ou se trouve cet 01 gane . parce que c’est une sympathie très - puis- sante et très-générale que celle des organes qui sont situés ainsi dans une même moitié du corps. Cette sympathie est prouvée par des faits sans nombre , observes depuis Hippocrate jusqu’à nos jours. L’on a reconnu dans tous les temps , qu’une hémorragie critique du nez se fait plus avantageusement par la narine droite dans l’inilammation du foie , et par la gauche dans les maladies de la rate : que les abcès spontanés les plus salutaires , sont ceux qui se formel} t dans la meme moitié latérale du corps ou est la partie affectée ; f secundum reciitudinem loci affectif Cad iæin J : etc. M. Dupui (i) a fait une grande collection de semblables observations , qui établissent pathologiquement une division radicale de l’homme intérieur en $es deux moitiés droite et gauche : et il serait facile d’ajouter a cette C Uection un très - grand nombre de faits analogues. Les anciens ont fait la plus grande at- tention aux sympathies des organes , dans le traitement des maladies causées par les fluxions. Mais les écrivains 4de ces deux der- niers siècles ont ete portés à négliger ce trai- tement j par ce motif même, qu’il était lié a la considération des sympathies. Ces modernes se sont accordés à rejeter Tétude et la discussion des faits que les an- ciens avaient observés relativement à celte doctrine des sympathies , ainsi qu’à plusieurs autres points importa ns de la science médi- cinale. ils ont cru pouvoir négliger l’étude d’un nombre immense de faits de détails , sur lesquels cette science doit porter ; en pré- tendant que la recherche en est devenue (i) Dans sa dissertation de homine dextro et si* mstro 9 Lu%d* Batav ; 1780,0 Inutile depuis la découverte de la circulation de sang. Cependant cette grande découverte ^ qui reste encore elle-même imparfaitement déterminée) n'a réellement éclairé qu’un petit nombre d’objets dans la médecine-pratique. I X. * * Les principes généraux que je viens d’ex- poser, ont les applications les plus étendues dans le traitement des fluxions , relativement au choix des saignées, et à l’usage des épispas- tiques et des cautères. Ces divers remèdes , employés comme révulsifs ou comme déri- vatifs, sont les seuls que je me propose mainte- nant de considérer dans la cure des fluxions. Je traiterai dans un second mémoire , ce qui regarde l’emploi des épispastiques et des cautères. Je me bornerai dans ce premier mémoire , à faire voir comment les principes précédens s’appliquent au choix des saignées qui doivent être faites ett différentes parties du corps ; suivant les cas et les périodes des fluxions inflammatoires ou autres , aigues ou chroniques. X. Quelque vagues et confuses que fussent les règles qu’ont donné les anciens auteurs. en se conformant plus ou moins à la doctrine d’Hippocrate ou à celle de Galien , sur le choix des saignées dans les divers états de la fluxion inflammatoire ou autre ; elles étaient encore sans comparaison plus utiles, que n’ont été les lois de la révulsion et de la dérivation qu’on doit opérer par la saignée , qu’ont cru pouvoir établir sur des théories prétendues hydrauliques , plusieurs écrivains de ce siècle ( tels que Silva , Chevalier , Quesnay et autres ). Ces dernières lois n’ont pu être adoptées que par des hommes peu versés, et dans la science de l’Hydraulique , et dans celle de la Médecine-pratique. X I. Dans le traitement d’une fluxion , qui doit être combattue par des saignées dérivatives ou locales ; lorsqu’il y a pléthore , ou orgasme de la masse du sang , pour pratiquer ces sai« gnées avec plus de sécurité et de succès , il faut toujours faire précéder une saignée ou autre évacuations générale plus ou moins forte. Les anciens qui faisaient des saignées très- fortes pouvaient remédier à la pléthore ou à l’orgasme du sang , par la même saignée qu’ils employaient pour produire la déri- vsticm. Mais chez les modernes , les saignées dérivatives étant beaucoup moins considé- rables, ont commu nément des effets nuisibles, lorsqu’on n’a point fait précéder des évacua- tions générales qui pouvaient être indiquées. J’ai vu des exemples nombreux des suites pernicieuses, qu’a • l’iguorance ou la négli- gence de cette règle essentielle du traitement des fluxions que la routine des gens de l’art paraît avoir fait oublier totalement. Ainsi j’ai vu très fréquemment des fluxions inflammatoires snr les veux, qui auraient été d’abord faciles à résoudre ; devenir ou fort graves, ou long-temps rebelles ; parce qu’on avait appliqué dans leurs premiers temps , et sans avoir fait précéder une évacuation géné- rale convenable, des sangsues au tempes ou à d’autres parties voisines des yeux affectés. X I I. Lorsque la fluxion n’est qu’imminente , ou n’est point encore établie , on convient qu’il faut préférer la saignée révulsive. Ainsi lors- qu’une partie du corps vient de souffrir un coup , une chute , ou une autre impulsion vio- lente ; il faut détourner par une saignée révul» sive, la fluxion des humeurs qui tendent à se jeter sur cette partie affaiblie. i5 Dans les premiers temps de rinvasion et des aecroissemens de la fluxion , on doit y ordonner d’abord la saignée révulsive £ et d’au- tant plus , lorsqu’on est fondé à croire que le traitement de cette fluxion exigera plusieurs saignées. Telle est la pratique que Galien a suivie, et qu’il a attribuée à Hippocrate : et le précepte en est appuyé sur l’observation de tous les temps. Quand la fluxion est dans l’état , ou bien fixée ; s’il y a lieu de penser qu’une seule saignée sera suffisante ; il faut que cette saignée soit dérivative. On doit alors toujours suivre cette pratique, qui d’ailleurs était celle d’Hip- pocrate, comme Prosper Martianus l’a dé- montré. Elle souffre seulement une exception dans les cas où la fluxion porte sur l’une des ex- trémités supérieures ou inférieures. On voit que dans ces cas , à moins que la fluxion ne soit invétérée , on l’aggraverait en ouvrant une veine située dans la même extrémité. XIII. Lorsqu’une fluxion inflammatoire qui se porte à la tête, est parvenue à son état fixe, où elle se soutient sans variations ; la sai- gnée de la jugulaire y est pareillement in- diquée ( comme Font enseigné les auteurs cités par Tralies ). La saignée du pied est conlr’indiquée dans ces cas, comme l’a vu Short, qui dit fort bien qu’on doit s’abs- tenir de la saignée du pied, lorsqu’il y a refroidissement des extrémités , avec des dou- leurs de tête fort vives , et d’autres signes qui donnent lieu de juger que Finflamma- tion est formée dans la tête# Mais il faut saigner du pied , et non du bras, lorsqu’il n’y a que des indices d’un raptus , ou d’une tendance plus ou moins forte d’une fluxion de sang vers la tête. Baglivi a fait à ce sujet une observation importante. Il a^vu (i) que dans des fièvres malignes ou la saignée du pied était utile, la saignée du bras déter- minait tout l’effort dé la maladie à se porter impétueusement* à la tête , d’oii s’ensuivait le délire , des affections soporeuses , etc. X I Y. La saignée du pied peut avoir très-prompt tement des effets salutaires dans les fluxions sanguines et inflammatoires qui occupent les parties inférieures du bas-ventre. (i) Praxeos medicœ, Lib . x. cap . i3. n* VI . 17 Galien assure qu’il a eu guéri dans un jour pnr la saignée du pied , des sciatiques eau* sees par 1 accumulation du sang dans les vais- seaux des parties voisines de la hanche Hoffmann a eu fait saigner du pied , avec un succès soudain , un homme attaqué de dysurie , et tourmenté de douleurs cruelles dans les lombes, les flancs, la vessie, et parties génitales. — J’ai procuré plusieurs lois un prompt soulagement, par la saignée du pied, dans un flux imparfait et doulou- reux des hémorroïdes. Il est pourtant vrai que Galien a con- seille, et la saignée du bras, et celle du pied , dans la sciatique sanguine. Mercatus qui en a fait la remarque , a tâché d’oter la contradiction apparente de ces deux con- seils : mais ce qu’il dit là-dessus, n’a rien de satisfaisant. Ces conseils divers convien- nent à divers cas de la sciatique sanguine en partant du principe que je vais exposer! • x y.. Pour décider si la saignée dérivative est indiquée ou non , dans une fluxion san- guine ou inflammatoire parvenue à son état J faut sur-tout reconnaître si cette fluxion est produite par une pléthore de sang particu- lière à 1 organe affecté , ou bien si elle est entretenue par une pléthore générale. Mercatus a peut-être senti cette distinc- tion; mais il Fa présentée d'une manière vague et vicieuse ; lorsqu’il a dit qu'il est plus utile cle saigner du pied dans la suppression des règles , qui est causée par l’obstruction des conduits du sang menstruel e£ par l’inon- dation des humeurs dans ces parties. En effet f il est une infinité de cas ou la saignée du pied n’est point indiquée par les obstructions de la matrice, même lorsqu’elles déterminent nn plus grand afflux, des humeurs sur ce viscère. Une da me , h la suite d’une répression vio- lente d’une hémorragie utérine, souffrait des douleurs horribles dans les régions lombaire et hypogastrique , qpi revenaient tous les mois an temps des règles , et duraient en- viron quinze jours à chaque reprise. On com- battit vainement ces douleurs par plusieurs saignées du bras et par beaucoup de narco- tiques. Les médecins ordinaires de cette dame craignaient qué la saignée du pied ne déterminât l’inflammation de la matrice. Je prescrivis celte saignée , et la fis répéter avec le plus grand succès au deux retours suivans du période des règles ; je donnai ensuite des remèdes qui rendirent plus libre l’évacuation menstruelle ; et cette dame fut parfaitement guérie. La saignée du pied peut être aussi utile pour prévenir l’avortement , dans les cas où cet accident peut être produit par une congestion de sang cjm se forme actuellement sur la ma- trice. S thaï n’est pas le premier qui ait fait cette observation, comme l’a cru son disciple Storeh. Zacutus Lusitanusme semble en être îe premier auteur ; et quoiqu’il ait été absur- dement calomnié à ce sujet , il a eu plusieurs imitateurs. Ainsi Hénriquez de YiJlacorta fié saigner , avec succès et plus d’une fois , du pied , une dame attaquée au sixième mois de la grossesse, d’une fièvre tierce sous-con- tinue ; qui avait été saignée quatre fois du bras sans aucun soulagement , et dont il jugea que la maladie était entretenue parla pléthore des vaisseaux utérins. Cependant cette pra- tique me paraît trop hasardeuse , à cause de la commotion que la saignée du pied peut faire ressentir spécialement dans la matrice. x y i. D’après tout ce qui a été dit, on voit que lorsque la fluxion a atteint son état d’une maniéré fixe , la saignée dérivative est géné- ralement celle qui est indiquée. Maislorsqu’on observe que la fluxion qui paraissait être dans un état fixe se renouvelle à plusieurs reprises; il faut employer ensuite la saignée révulsive. ® Telle paraît avoir été la principale raison pour laquelle Hippocrate, dans les maladies par fluxion qui indiquaient plusieurs saignées, ayant commencé par la saignée dérivative, passait ensuite à la saignée révulsive. Prosper Martianus Ta prouvé : il a dit d'ailleurs que Galien , dans les cas de fluxion où il faut saigner plusieurs fois , a suivi un ordre con- traire à la pratique d’Hippocrate. Mais cela paraît fort douteux ; puisque suivant ce que Galien a dit (i), Hippocrate doit avoir em- ployé la saignée révulsive dans les fluxions commençantes . O Cette pratique, que j’attribue à Hippo- crate , de faire succéder des saignées révul- sives à la dérivative , lorsque la fluxion qui semblait être parvenue à son état fixe, se renouvelle par reprises , a été suivie dans tous les temps par les médecins éclairés. Ainsi les praticiens qui ont le génie de leur art^ ou beaucoup de sagacité naturelle et acquise, savent placer avec un succès surprenant une saignée du pied , dans ces redoublemens d’une fièvre aiguë fort avancée, où il se reproduit un mouvement violent d’une fluxion de sang vers la tête , qui cause le délire , ou une affection soporeuse , etc. (i) Meth. mcd . L. VII . cap. ult . 2 I X Y I I. Les saignées locales se font par le moyen des scarifications ou des applications des sang- sues sur l’endroit de la peau qui répond à la partie affectée. Ces saignées sont encore plus puissantes que les saignées dérivatives pour affaiblir sympathiquement la sensibi- lité de lorgane qui est le terme de la fluxion, et pour résoudre l’affection spasmodique qui est si généralement produite dans cet organe. Mais à raison meme de l’affaiblissement que ces évacuations de $ang locales causent dans l’organe affecté ; on a lieu de craindre qu’elles n’aggravent la fluxion qui se porte sur cet organe ; si on ne les fait précéder d’une évacuation du sang générale, lorsqu’elle est indiquée par la pléthore ou par l’or- gasme du sang, ainsi que je l’ai dit ci-dessus ( Art. xi ). J’ajoute ici qu’il est des genres de maladies, ou quoique la pléthore ait été détruite , et 1 orgasme abattu par les évacuations géné- rales que comportait l’état des forces du malade , la saignée locale est nuisible ; parce que ces évacuations générales n’ont pu faire cesser la disposition prochaine au re- nouvellement de l’affection inflammatoire. C est ce que j’ai observé particulièrement; 22 flans plusieurs eas de rhumatisme ; ofi ÿ quoiqu’on eut pratiqué des évacuations géné- rales qu’on pouvait croire suffisantes, l’appli- cation des sangsues sur la partie affectée déterminait une aggravation considérable et permanente de l’affection rliurfra tique de cette partie. Hippocrate a connu combien il est géné- ralement. utile de faire précéder les saignées locales par dés saignées générales révulsives ou dérivatives. C'est pourquoi , dans l’origine^ il faisait saigner du bras avant de faire ouvrir une veine sublinguale ou ranine. Prosper Martianusa mal vu ce procédé d’Hippocrate, comme faisant une exception h sa méthode générale, de commencer toujours le traitement d’une fluxion inflammatoire par la saignée dérivative. H à x y î i l Î1 faut encore observer 5 qu’il est souvent necessaire de recourir aux saignées locales , pour affaiblir dans la partie affectée la chaleur et la sensibilité qui peuvent y attirer et y per- pétuer la fluxion ; avant qu’on n ait pu faire précéder toutes les saignées générales que la nature de la maladie peut indiquer. Galien est le premier auteur de cette re- marque essentielle. Il a très-bien yu que la 25 sensibilité vicieuse de Forgane affecté peu! y entretenir la fluxion , et la rendre perni- cieuse * quoiqu’on répète à Fexcès les éva- cuations révulsives qu’on propose à cette fluxion. Jacot dit que ce précepte est aussi important qu’ignoré du vulgaire. Yallesius recommande aussi beaucoup cette pratique , comme étant conforme aux vrais principes de la méthode; et il assure que, par ce procédé, il a sauvé la vie, d’une manière frappante , à plusieurs malades attaqués d’in- flammations internes des plus dangereuses* X I X. Dans lé traitement méthodique des fluxions, les révulsions et les dérivations qu’on veut opérer par la saignée , doivent être faites par l’ouverture des veines qui sont dans 3a même moitié latérale droite du corps où est Forgane principalement affecté. Mais il arrive quel- quefois que ce traitement méthodique manque d’effet ; et qu’il faut avoir recours à d’autres saignées dont le choix n’étant point indiqué par des principes généraux, n’a pu être trouvé que par voie d’essai , de sorte que ces saignées agissent d’une manière indéfinie et comme perturbatrices. 11 est des fluxions anciennes où , après avoir employé inutilement les saignées des veines H situées dans la même moitié latérale du corps ou est 1 organe affecté ; on réussit mieux eu ouvrant des veines de la moitié oppqsée du corps. Ainsi Hippocrate a conseillé la section des veines occipitales, potir guérir des fluxions invétérées sur les yeux. Il a dit aussi (?) «jn une saignee faite à la veine verticale du front, est utile dans les douleurs qui se font sentir au derrière de la tête ( ce qu’on peut i apporter aux communications que les Branches de cètte veine frontale ont avec les veines occipitales ). ^ On assure avoir souvent obtenu des succès singuliers, dans le traitement de diverses maladies causées par des fluxions rebelles , par la section d une artère ou d’une veine très-petite , et spécialement par celle de la saïvatelle. Dans des hémorragies excessives , venant a une cause interne , les anciens faisaient un cas particulier de cette saignée de la saîva- teîle, qu ils répétaient plusieurs fois. Thiery atteste avoir vu en Espagne, des plexxrétiques qui , étant toujours affectés des symptômes de l’inflammation de poitrine, et étant tom- bés dans une grande faiblesse après qu'on leur avait fait plusieurs saignées , étaient 1 — - - - - (ï) sîphor* 68 } sect , 5* guéns par une saignée de la salvatelle, du cote ou était, la douleur. Baglivi rapporte à une cause occulte (comme est , par exemple , celle de la sympathie singulière qu’on a observée entre la poitrine et les gras des jambes ) le succès complet qu il assure que la saignée de la salvatelle a eu souvent pour guérir des fièvres inter- mittentes, qui n’avaient pu céder h aucun remède ( digestif , résolutif, ni fébrifuge). Un de mes amis m’a assuré avoir vu plus d’une fois, que la saignée de la salvatelle gauche avait ete singulièrement utile dans des engorgemens de la rate. Ce fait peut etre lie avec celui que je viens de citer de Baglivi ; mais l’un et l’autre sont pareil- lement inexplicables. X X. o Je vais rappeler les principales règles que j’ai données dans ce mémoire , sur le choix des saignées, dans le traitement méthodique des fluxions , en présentant l’application de ces règles au traitement des fluxions inflam- matoires sur la poitrine. G est faute d avoir détermine y relativement à des règles fondamentales, les effets des diverses saignées dans les divers cas de ces fluxions de poitrine; que les anciens et les modernes ont trop généralisé les conséquences de leurs observations, et ont donné des préceptes contradictoires sur le choix des saignées dans ces maladies. Ainsi Hippocrate, Galien et presque tous leurs sectateurs ont ordonné, dans la pleu- résie, de saigner du bras du coté de la douleur. Archigène, Arétée, et presque tous les Arabes , ont prescrit de saigner du coté opposé à la douleur* Cette division d’opinions est exposée avec les plus grands détails dans des dissertations savantes de Brissot et de Moreau. Depuis la découverte faite par Cesalpin et par Harvey de la circulation du sang, la plupart des auteurs ont pensé , comme Freind, que cette question était indifférente. Malgré ce préjugé, devenu presque général, Triller a soutenu vers le milieu de ce siècle, que des expériences comparées faisaient voir, qu’il est plus avantageux , dans la pîeuresie , de saigner du coté affecté : et son assertion a été appuyée par Ludwig et par Lentin. Mais ces expériences comparées nous ont prouvé seulement, que la saignée du eôté affecté réussit plus souvent dans la pleurésie et la péripneumonie, que la saignée du coté opposé: et elles n’ont point été relatives k Ig détermination des temps et des cas de ces fluxions inflammatoires de poitrine, oii cha- cune de ces saignées doit être employée de préférence, et avoir plus de succès que l’autre. Je vais exposer les résultats les plus as- sures que je crois que donnent les .obser- vations des anciens et des modernes 5 sur le choix des saignées dans ces premiers temps des fluxions inflammatoires sur la poitrine, ou ces fluxions doivent être principalement combattues par la saignée. Ces résultats sont ceux auxquels je me suis conformé dans le cours de ma pratique , avec tontes les appa- rences du plus grand succès que puissent avoir les saignées dans ces maladies. XXL Dans le commencement d’une fluxion in- flammatoire sur la poitrine, il faut faire révulsion , en saignant d’une partie éloignée, comme quelquefois du pied ( ce que j’ai trouvé particulièrement utile, lorsque la douleur occupait une des parties supérieures de la poitrine); et communément du bras du côté opposé au siège delà douleur. Pi- quer dit: que la meilleure méthode, dans la pleurésie, est de saigner d’abord du pied, ensuite du bras opposé au côté de la douleur , et en troisième lieu , du bras du même côté. Dans l’état de la fluxion ( c’est -à * dire ^ 28 lorsque ses accroissemens gradués ont cessé, et qu'elle est parvenue à un degré assez constamment fixe), on doit saigner du bras du côté qui est affecté , et y répéter la sai- gnée, suivant l'indication. Il arrive souvent que la fluxion inflam- matoire sur la poitrine se renouvelle par des reprises, qu'il faut observer avec beaucoup d’attention, pour y placer de nouveau des saignées révulsives. C'est ce qui a lieu sans doute dans ces inflammations de poitrine , ou Réga a vu, qu’après avoir saigné plu- sieurs fois inutilement du bras, on * avait guéri par la saignée du pied ; quoique cette saignée n’eut point été indiquée par aucun symptôme de délire, ni d’affection de la tête. Les saignées locales, pourvu qu’elles aient été précédées d’autres saignées * peuvent être très-salutaires dans plusieurs cas d’inflam- mation de poitrine. Leur usage a été d’autant plus négligé , depuis qu’on a généralement reconpu l’utilité qu’a, dans cette maladie, l’application d’un vésicatoire à l’endroit de la douleur, après qu’on a fait précéder la saignée. Mais il est plusieurs cas où l’ap- plication de ce vésicatoire est entièrement contr’indiquée (comme je le dirai dans le mémoire suivant )* et parmi ces cas, j’ai trouvé qu’il en est où l’on peut obtenir les 29 meilleurs effets de l’application des sangsue^ employée convenablement, et même alter- nativement avec les saignées ( d’après le con- seil de Galien que j’ai cité ci-dessus ). X X I h Il semble qu’après avoir fixé les règles du choix des saignées dans le traitement des fluxions ; on pourrait déterminer de meme s par analogie des principes et des préceptes relatifs au choix que l’on doit faire dans ce traitement , des autres évacuations d’hu- meurs particulières par les voies d’excrétion qui leur convienneut. Mais les rapports des diverses sortes d’é- vacuations d’humeurs particulière , aux di- vers genres de maladies dont les fluxions peuvent être des élémens essentiels 3 sont si variés; que ce ne peut être d’après des principes généraux, mais seulement d’après des considérations relatives à la nature de chaque genre de ces maladies y qu’on doit y fixer le choix et l’ordre des évacuations d’humeurs particulières, Hippocrate n’a point connu ce principe, que je crois qu’on peut regarder comme fondamental. C’est pourquoi il a donné des règles très-vicieuses sur l’emploi des divers évacuans qui peuvent convenir aux diverses maladies cm la fluxion présente nue indi- cation majeure. Il a suivi a l’égard de cés évacua ns, une pratique analogue à celle qu'il suivait sur le choix des saignées : ce qui Ta conduit à des erreurs manifestes. 4 Ainsi , clans une maladie qu’iljugeait devoir être traitée par l’évacuation des premières voies , il purgeait le malade par en haut , si l’organe souffrant était au-dessus du dia- phragme, et par en bas , s’il était placé au- dessous (i). Cependant on sait que cette pra- tique est sujette à de nouvelles exceptions ; comme, par exemple, dans des cours de Ventre invétérés , oii Hippocrate lui - même a eu conseillé de faire vomir , etc. Dans les maux de tête vioîens , produits par des causes différentes ; comme par la pituite * par l’ivresse même, et autres; les médecins de l’école d’Hippocrate employaient d’abord de forts sternutatoires. Ils faisaient aussi ouvrir une veine de l’extérieur de la tête, et ensuite ils purgeaient , ou faisaient vomir comme arbitrairement (2). Yallesius a très-bien remarqué contre cette méthode de traitement, qu’il attribue à Hip- (1) Aph . 18 , sect . IV . (a) De qffectipnibus , sect . I, cap, IJ? et de mordis , lib . III, cap, VII I. 5 1 puera te ; que les sternutatoires sont déplaces dans tous les cas des maladies de la tête où il y a de la fièvre (r) : et que lorsque 1 affection de la tete est inflammatoire , les vomitifs y sont nuisibles, et l’opération des purgatifs y est généralement suivie d’un état soporeux. XXIII. Lorsque je rappelle ces erreurs d’Hippo» ci aie et de ses disciples , et que j’indique une cause generale qui les a multipliés 9 je ne puis avoir pour objet d’affaiblir le respect dû au génie de ce grand homme. Hippocrate a porté au plus haut degré cette sagacité, qui , dans des sciences de faits dont les détails sont immenses, comme est la médecine -pratique , peut faire saisir et fixer des rapprochemens à la fois simples et vastes ; les seuls qui puissent convertir des combinaisons de faits en principes de la science. Il est douteux s’il a jamais existé un autre homme dont la tête fût aussi bien or-< ganisée pour donner des bases à la méde- / cine : mais il me paraît certain que tous les autres médecins célébrés ressemblent si peu (i) Suivant cette maxime d’Hjppocrate lui-même. {De loc . in hom, c. 12.) Febricitanti caput ne pur* gato , ne furiosus fiat. 32 à Hippocrate , qu’aucun d’eux ne peut être nommé le second dans la même carrière. Cependant il est essentiel de remarquer que l’instrument de l’analogie, qu’Hippocrate a employé le plus souvent avec tant d’habileté et de succès , lui a présenté quelquefois des inductious trompeuses , dont il est nécessaire de se garantir. Il importe surtout de reconnaître que, s’il n est point d’autorité qui puisse sanctionner des erreurs , elles ne doivent jamais servir de prétexté a 1 ignorance pour négliger des vérités utiles qui se trouvent placées à côté de ces erreurs , ou qui même ont pu y con- duire par de faux raison nemens. Ainsi , quoique l’on puisse trouver dans Hippocrate , Galien et leurs sectateurs plu- sieurs assertions vicieuses et opposées entre elles sur le choix des saignées , et sur l’emploi d autres évacuations dans les fluxions ; on doit toujours s’attacher à recueillir les résul- tats des observations relatives à ces objets, faites par la généralité des médecins éclairés de tous les temps: et ces résultats dirigent, avec la plus grande probabilité d’un heureux succès, le choix de ces évacuations dans le traitement méthodique d’une infinité de cas de fluxions. «WW.- SECOND MÉMOIRE. I. ll/OBJET de ce mémoire est le traitement méthodique des fluxions , considéré relati- vement à 1 emploi des épispastiques et des cautères. Les épispastiques ou attractifs , sont de deux sortes : i ,° ceux qui sont simplement irritans sans évacuer , comme sont les ven- touses seches^ et les sinapismes j 2.0 ceux qui> en même temps qu’ils irritent , déter- minent une évacuation par la solution de continuité de l’organe extérieur, comme sont les ventouses avec scarifications , les vésicatoires , les cautères et les sétons. I 1. On peut employer utilement, dans le traitement des fluxions , des stimulans qui attirent sans évacuer, ou qui agissent indé- pendamment de l’évacuation peu considérable qu ils déterminent. On a vu récemment des 34 hommes peu instruits en médecine, pro- duire des effets remarquables , en appliquant plusieurs ventouses sèches à l'endroit d'or- ganes gravement affectés : et ces effets ont paru merveilleux à beaucoup de gens , parce que depuis long- temps cet usage des ven- touses est généralement négligé en France. L’application des ventouses sècbes à l'en- droit des parties affectées par les fluxions , est soumise aux memes principes généraux que les évacuations de sang locales. Elle est par conséquent efficace dans les cas où ces fluxions sont entièrement fixées, et où il n'existe point chez les malades de plénitude du sang et des humeurs. C'est avec ces restrictions , qu'on doit adopter les observations , telles que celles d'Hippocrate , qui dit qu’une sciatique fut soulagée par Fappli cation d’une ventouse au-dessous de la hancbe ; et que l’humeur qui était fixée auprès de cette articulation ; se jeta sur des parties inférieures : celle de Sculiet , qui fit cesser une suppression de règles en réitérant souvent l'application des ventouses sèches sur les jambes : celle d'un autre médecin , qui soulagea par l’applica- tion des ventouses sur le dos , des douleurs opiniâtres dans les seins , qui faisaient crain- dre le cancer, etc., etc. 35 Ÿ I I I. , Les siiapîsmes sont des attractifs non evaouans qui peuvent avoir des effets salu- taires dans un grand nombre de cas; en ex- citant les forces vitales des organes au-dessus desquels on les applique , ou en détçrminant une révulsion puissante vers ces organes. L usage des vésicatoires étant devenu de plus en plus général, a fait que celui des sinapismes est maintenant borné à leur ap- plication sur les extrémités inférieures , dans des maladies goutteuses ou soporeuses. Ce- ' pendant, les sinapismes auraient de l’avan- * tage sur les vésicatoires, en plusieurs cas; à raison de ce que leur effet irritant, qui n’est suivi d’aucune évacuation, est beaucoup plus prompt, et peut être gradué. i y. Je passe à la considération des épispas- tiques ou attractifs, qui ^déterminent une évacuation considérable, par une solution de continuité qu’ils opèrent dans le tissu de 1 organe extérieur : ces épispastiques éva- cuans sont les ventouses avec scarifications, les vésicatoires , les cautères et les sétons. r L°rS(lu’on multiplie , sur une grande etendue de la peau, les ventouses suivies de 36 scarifications, l'attraction du sang et de$ humeurs vers la peau, ajoute à l’effet qu’ont les scarifications , pour opérer un grand changement dans l’organe extérieur , qu’oc- cupe une forte affection spasmodique. On a trop négligé la pratique de Baglivi , qui a observé de grands effets de ce puissant remède, dans des cas très-graves de petite- vérole et de fièvres pétéchiales. Il l’a vu avoir un succès décisif dans la petite-vérole, lorsque son éruption difficile était accompagnée de beaucoup de mal de tète, de chaleur et d’anxiété, de soubre- sauts de tendons , etc. : comme aussi lors- que sa rentrée causait une extrême difficulté de respirer, auquel cas il excitait ensuite le retour de cette éruption, en faisant faire des onctions avec un Uniment volatil huileux sur toute l’étendue des parties scarifiées. Un de mes amis a suivi cette pratique de Baglivi y dans un cas analogue de rentrée de petite-vérole; et elle lui a parfaitement réussi. Je pense qu’il est particulièrement indiqué de l'imiter, dans ces épidémies de petite-vérole , ou communément les boutons ont moins de disposition à suppurer que dans les espèces ordinaires de cette maladie. 37 V. Baglivi a constaté aussi l’utilité de l’appli- cation des ventouses suivies de scarifications dans les fièvres pétéchiales essentielles, où. la rentrée de l’éruption causait des symp- tômes graves. Mercatus avait déjà recom- mandé dans les fièvres malignes pourprées d’appliquer des ventouses avec scarifications, au dos, à l’opposite de la région du coeur et près de la nuque lorsqu’il y avait délire. Il se proposait d’attirer au dehors, par ce moyen, la matière morbifique, lorsqu’elle était d’une nature vénéuéuse, et menaçait de gangrène les parties où elle s’était fixée. Mais ces idees sur le venin que renferment les humeurs dans ces fièvres , sont trop vagues, et ne présentent point une indi- cation assez déterminée. Y I. \ oici quel est, a mon avis, la principale cause de 1 heureux effet qu’ont les ventouses suivies de scai 1 fications , lorsqu’on les emploie dans les premier^ temps des petites-véroles malignes, dont Irruption se fait difficile- ment, et est accompagnée de taches pour- prées ; et dansées temps avancés de cette maladie, lorsque la rentrée de l'humeur varioleuse en détermine des fluxions perni- cieuses sur les viscères. L’attraction du sang vers la peau qu’opè- rent les ventouses, les scarifications qui dé- brident en beaucoup d’endroits cette partie très-nerveuse * et l/évacuation considérable de sang qui succède à ces ruptures, ne peu- vent que détruire le spasme général de l’organe extérieur qui s’oppose à l’éruption de la petite-vérole, ou qui en force la rentrée. 11 est souvent très- difficile de vaincre ce spasme par les moyens usités ^ comme par les bains tièdes , par un grand usage du camphre intérieurement et extérieurement , etc. Mais ce spasme, s’il n’est résous, dé- termine des étranglemens dans plusieurs des parties du tissu de la peau qu’affecte la pe- tite-verole (voyez Cotugno ) ; et ces étran- glemens causent des taches pourprées pi us ou moins disposées à la gangrène. On n’a point distingué jusqu’ici cette cause des taches pourprées qui accompagnent la petite-vérole maligne , et surtout de celles qui paraissent dans ses premiers temps. On attribue généralement ces taches, en quel- que temps de la petite-vérole qu’elles sur- viennent, à deux autres causes qui cependant les produisent beaucoup plus rarement au commencement de cette maladie que dans sfës temps plus avancés; et l’on prescrit, re- lativement à ces deux causes présumées, des 39 remedes qui sont nuisibles ou sans effet , lorsque ces taches sont causées par 1 ’afïection spasmodique de la peau. Ces deux causes sont la sympathie de l’ir- ritation produite dans les premières voies, et la dissolution putrefactive de la masse du sang. On voit que dans le cas que j’ai in- diqué, on emploie vainement ou pernicieu- sement ( dans la vue de combattre ces causes ) , soit des evacuans répétés des premières voies, soit l’acide vitriolique et le quinquina , cor- rectifs d ailleurs si efficaces de l’état putride universel qui se développe à la fin d’un grand nombre de petites-véroles d’une na- ture maligne. VII. C’est d’après les principes qui font pré- férer la révulsion' ou la dérivation dans le traitement des fluxions, qu’on doit régler le choix des parties sur lesquelles il est le 'plus avantageux d’appliquer les vésicatoires. Mais ces principes ont été souvent ignorés ou négligés par des médecins qui étaient d’ailleurs très-éclairés. C’est ce qui a produit ^ par exemple, l’op- position qui est entre Hoffman, qui conseille d’appliquer les vésicatoires aux pieds plutôt qu’à la nuque dans l’ophtalmie , et Heister 4° gui veut qu'on les applique plutôt à la tête dans cette maladie. Nenler a bien vu que l'ophtalmie est souvent augmentée par l'ap- plication des vésicatoires derrière le^ oreilles, mais il n'a point remarqué ce que j’ai ob- servé dans un très-grand nombre d'oph- talmies ; que l'effet nuisible de ces vésica- toires avait lieu , lorsqu’on n'avait pas fait précéder des évacuations générales ou ré- vulsives convenables. Il est assez ordinaire dans diverses maladies aiguës , où les humeurs se portent avec vio- lence sur la poitrine ou sur la tête, et où l'on juge qu'il faudra employer plusieurs vésicatoires , qu’on les applique d'abord aux. jambes, et successivement b la poitrine , ou dans des parties voisines de la tête; mais il est aisé de voir que l'usage seul a établi cette pratique , et qu'on ne la rapporte point aux lois du traitement des fluxions. En effet, cet ordre est souvent interverti# dans la pratique vulgaire, 11 est vrai qu’il peut l'être aussi quelquefois, quoique beau- coup plus rarement, d’après les principes mêmes du traitement des fluxions. Car si, dans une inflammation du poumon , l’ap- plication locale d'un vésicatoire est trouvée Insuffisante, on peut ensuite soutenir et exciter Faction des forces de ce viscère , qui doivent opérer la résolution de l'inflamma- tion , en appliquant d'autres vésicatoires sur des parties éloignées. Mais si on ne les ap- plique point alors sur des parties qui aient avec la poitrine une sympathie ou de voisi- nage ou autre spéciale, comme entre les épaules ou au gras des jambes', on peut craindre que ces vésicatoires soient non- seulement inutiles, mais meme dangereux. C'est ainsi que Sarcone a vu dans une in- flammation de poitrine, que l'expectoration avait été troublée par l’application des vé- sicatoires sur les cuisses. VIII. L'application des vésicatoires qui est /o- cale y ou qui se fait à l'endroit même des parties affectées, est aujourd’hui d’autant mieux' déterminée dans ses conditions rela- tives aux principes du traitement des fluxions, qu’elle est devenue d’un usage commun dans les fluxions inflammatoires. Cette applica- tion locale a été bornée d’abord aux inflam- mations de la plèvre et du poumon. Pringîe a beaucoup contribué à répandre cet em- ploi des vésicatoires , qu’il a étendu à l’in- flammation des autres viscères , et même à celle des reins et de la vessie , ou cepen- dant cette pratique est dangereuse. * 42 Lorsqu’après avoir fait précéder les sai- gnées qui sont indiquées, on applique un vésicatoire à l’endroit d'un viscère enflam- mé, l’irritation et la rupture que ce vésica- toire cause dans l’organe extérieur, me sem- blent produire dans ce viscère ( à raison de la sympathie spéciale qui est entre les organes voisins ) une affection nouvelle et puissante , qui change et résout l’état spasmodique qu’a excité la fluxion inflammatoire, et par le- quel cette fluxion est entretenue et renou- velée. • Cette application locale des vésicatoires est particulièrement indiquée pour arrêter les progrès des inflammations internes , qui s’annoncent comme devant être d’une nature gangreneuse ; l’affection spasmodique y étant portée au plus haut degré, comme dans l’esquinancie et la péripneumonie gangre- neuses, etc. Je suis d’autaut plus porté à croire que le vésicatoire résout l’inflammation de la partie interne à l’endroit de laquelle on l’applique, par une action qui est éminem- ment antispasmodique, que j’ai obtenu le plus grand succès de l’application locale du vésicatoire dans un très-grand nombre de cas où il n’existait qu’une affection spas- modique des organes affectés, sans aucune 43 apparence qu’ils fussent enflammés ni même engorgés. Je recommande , sous ce rapport , l’ap- plication d’un vésicatoire sur la région épi- gastrique , dont j'ai obtenu d’heureux effets dans divers cas de vomissement rebelle, com- me dans l’irritation de l’estomac qui faisait rejeter immédiatement des remèdes néces- saires y et particulièrement dans ce spasme du diaphragme qui accompagne le catarrhe suffocant (comme je le dirai ailleurs), etc. I X. Divers auteurs ont indiqué un grand nom- bre d’exceptions# différentes , qui doivent empêcher l'application locale du vésicatoire dans les inflammations de poitrine , soit phlegmoneuses, soit même rhumatiques. J'ob- serve qu’entre ces exceptions , toutes celles qui sont fondées doivent être rapportées aux principes généraux du traitement des fluxions , et qu’elles peuvent être classées sous les chefs suivans : i.° quand la fluxion inflammatoire n’est pas assez affaiblie par un usage précédent de la saignée, et des autres évacuations d’une humeur particulière qui peut être surabondante , auquel cas le vésica- toire appliqué localement peut augmenter l’inflammation au lieu de la détruire ( comme l’a observé Tissot ). 44 3.° Quand le poumon est affecté , dans d'autres parties que celle qui est enflammée, d'obstructions antérieures à cette inflamma- tion ; de manière que le vésicatoire local, en irritant ces parties, peut y exciter de nouvelles fluxions inflammatoires. 3.° Quand l'état des forces du malade est réduit , au point qu'on a lieu de craindre que le vésicatoire, après avoir produit d'abord une excitation des forces vivantes de la partie qui est le terme de la fluxion inflammatoire, ne cause par son action continuée, un af- faiblissement de cette partie qui y attire un nouvel afflux de sang des vaisseaux les plus Yoisins, et y détermine uae|§tase gangreneuse. X. Avant de parler des cautères ou issues qu5 on établit en divers endroits du corps, à la suite d'un escarre qui est produite par l’application d'un caustique ( comme aussi par le moyen d'une incision faite à la peau ) ; je vais considérer les effets du cautère actuel, ou du feu , dans un très-grand nombre de fluxions lentes ou chroniques, ou il doit être appliqué conformément aux règles du trai- tement de ces fluxions. Le cautère actuel étant appliqué conve- nablement pour les douleurs de goutte, de : • 45 rhumatisme , de colique , etc. fait cesser ces douleurs , et par le sentiment d’une dou- leur diverse qu’il excite , et par le chan- gement que son action cause dans le tissu, et dans les mouvemens toniques 9 des par- ties voisines de celle qu’il brûle. On peut calmer les douleurs d’une ma- nière analogue par d’autres moyens ; comme par ces piqûres que les Japonais font au bas-ventre avec des aiguilles , dans des co- liques très-violentes ; et même par des caus- tiques., puisque Baillou a vu de grandes douleurs de colique être calmées par l’ap- plication d’un emplâtre caustique sur le nombril. Mais le cautère actuel , à raison de sa ma- nière d’agir bien plus vive et plus profonde, a de grands avantages sur les caustiques. Il me paraît que séparant avec beaucoup plus de violence l’escarre qu’il produit d’avec les parties placées au-dessous et à côté de cette escarre , il n’y laisse point subsister entre les fibres ces tiraillemens imparfaits > que cause l’action prolongée et successive des caustiques , et qui excitent des douleurs con- tinues plus ou moins cruelles. C’est sans doute par une raison semblable que , suivant une observation de Pouteau, on a eu calme par la seule application du feu , des douleurs Q" 46 horribles causées par I euphorbe appliqué sur les os. X I. Le cautère actuel * en même-temps qu’il agit avec une grande energie , comme épis— pastique , sur les parties voisines de celle qu il brûle , dissipe l’humidité vicieuse des chairs , et d autres parties intérieures à l’en- droit desquelles on l’applique. Il augmente ainsi la force physique du tissu de ces par- ties j lorsqu il était trop lâche et trop mu- queux f subrnucidusj , pendant qu’il y rap- proche et assure les oscillations des mou- vemens toniques. Il en résulte dans ces par- ties internes , une nouvelle manière d’être* à laquelle on peut donner le nom de Trié- tasyncnse ; nom par lequel les anciens mé~ thodiques désignaient vaguement le renou- vellement total de la contexture des par- ties du corps qui avaient été malades. Prosper Alpin rapporte que ^ chez les Égyptiens, le cautère actuel est un remède éprouvé pour resserrer et affermir les par- ties environnantes des articulations qui sont affectées de relâchement et de faiblesse; ainsi que pour fortifier toutes les parties sujètes aux defluxions des humeurs, et abreuvées par un excès d’humidité; les Scythes se cau- térisaient de même en plusieurs endroits du 47 corps , pour en consumer Pliumidité super* flue et pour se donner plus de force dans leurs exercices. On sait que le cautère actuel a été employé de tous temps, dans la mé- decine vétérinaire, pour produire de sem- blables effets. X I I. Il est remarquable que les Égyptiens et les Arabes, qui ont recours aux brûlures avec le moxa (tente formée des feuilles sèches de l’armoise ), dans une infinité de maladies de la tête, de la poitrine, du bas-ventre, des « os , etc. , observent des lois du traitement des fluxions , dans le choix des parties sur lesquelles ils appliquent le moxa. Ainsi, Prosper Alpin, qui nous a instruits en detail de la pratique des Égyptiens dans 1 usage du moxa , rapporte qu’ils Rem- ploient comme un dérivatif puissant, non- seulement auprès de la partie gravement af- fectée, qui reçoit une fluxion, mais encore auprès de la partie dont la fluxion prend son origine, ou bien dont elle peut être réfléchie. Ainsi , ils placent souvent le moxa sur la tête, à la nuque, et derrière les oreilles^ dans diverses maladies opiniâtres de la tête, des oreilles et des yeux , et quelquefois aussi ils appliquent en même temps à la tête et à la poitrine , comme dans certains cas d’asthme. 43 Le rapport aux lois du traitement des fluxions , que doit avoir le choix des appli- cations du cautère actuel , est assez marqué dans les observations de Pouteau , qui a peut-être fait plus d’usage de ce remède, qu’aucun autre homme de l’art , depuis Hippocrate , ( dont les textes sur Futilité des iuustions dans diverses maladies, ont été recueillis par Leclerc , Ten ïllivue, Yau- Swieten et autres )< s Pouteau a fait un usage heureux des brû- lures avec des cônes ou mèches de coton, dans beaucoup de cas d’affections doulou- reuses, particulièrement de rhumatisme ( à Limitation des Chinois , qui emploient le moxa dans les maladies goutteuses). 11 a très- bien observé que dans les douleurs anciennes et fixées, c'est sur le centre même de la partie qu’occupe la douleur qu’on doit ap- pliquer le feu ; mais que si la douleur a été déplacée , et se trouve occuper un nou- veau siège, on doit porter le feu sur le lieu ou elle existait primitivement, et non pas sur celui oit elle se fait sentir. XIII. Je passe h ce qui concerne les cautères ou issues , et le choix du lieu de leur appli- cation. Ces remèdes sont indiqués dans un 49 grand nombre de maladies chroniques eaii^ sées par fluxion , ofi l'on a lieu de croire que le flux habituel qu’ils procurent, fera une révulsion constammentavantageuse. Telle est l'utilité des cautères dans divers cas d’af- fections ulcéreuses de la matrice ou du pou- mon , dans la colique habituelle, etc. Le choix des endroits où l’on doit appliquer les cautères, doit être ordinairement réglé d’après les principes généraux qui ont été indiqués au commencement de mon premier mémoire, et particulièrement d'après le qua-* trième de ces principes , qui y est énoncé dans l'article VIL Lorsque l’organe principalement affecté, l’est par une fluxion d’humeurs qui s’y portent s ü faut distinguer deux cas par rapporta l’appli- cation du cautère i celui oiicetfe fluxion vient de diverses parties du corps, dont aucune n’est spécialement déterminée ; et celui où celte fluxion a manifestement son origine principale dans un autre organe plus ou moins éloigné» Premièrement, dans le premier cas, on doit en general établir le cautère dans une partie voisine de l’organe principalement affecte , et qui soit située dans la même moitié latérale du corps* Ainsi , dans 3a sciatique produite par des causes externes et locales , lorsque le cau« 4 tère est indiqué , il faut l’appliquer près di| genou du même coté. Sanctoriüs rapporte qu’on soldat bien constitué , après avoir souf- fert du froid et fut un excès d’équitation , fut pris d’une sciatique du coté gauche ; qu’on lui donna sans succès divers remèdes internes , et qu’on lui appliqua au Taras , et sous le genou du côté droit > des cautères qui ne produisirent aucun soulagement ; mais qu’en fin il fut parfaitement guéri par un cautère appliqué au-dessus du genou gaÉfche. Cependant l’observation a fait aussi recon- naître dans ce cas que les cautères peuvent être placés quelquefois plus utilement dans une partie éloignée; à raison de l’influence qu’ont des causes de sympathie singulières* Ainsi l’on applique , avec un succès très- marqué, des cautères aux jambes dans plu- sieurs maladies de poitrine : et Part imite alors un procédé heureux de la nature ; puis- que., suivant l’observation d’Hippocrate, les abcès qui se forment aux jambes à la suite des pulmonies ont un effet salutaire. X I Y. Secondement , dans le cas ou la maladie d’un organe principalement affecté est pro- duite par une fluxion qui vieut d’un autre organe suffisamment déterminé ; la règle gé- ' . 5 1 «> P°'ot appliquer le H-?1 ° aUPres srrrfi-* ** « >-*» Æsr ^ *• ™»» 4 «tre s.;prii"l~f î* ««• qu’ou doive le rétablir • et L P OU pression cause „„e graves dans quelqu’autre or-ane • o naît qu’il est mieux en général d’T m-T cautère, non auprès de ce" a t " ^ jnj auprès de la partie où éJl SJ q«e l aux i- des hémorroïdes. PPresSïou dçs réglés ou des exceptions. Il ne fam ,ale doitav oiç dérer isolément ( point les eonsic daus ,c z:s‘gi::: x « 1 Mew > •accéder à de semblable ,„!? P“v“t es suPP'’essions ; mais il faut les rapporter à rm principe commun. Ce principe est que le cautère doit être placé alors auprès de Forgane sur lequel porte la fluxion survenue à la suppression ; si cet organe continue d’étre long-temps griè- vement affecté (ce qui indique que diverses parties du corps concourent à former la fluxion qu’il reçoit ) , ou si l'affection de cet organe est devenue sensiblement moins dépendante de celle de la partie d’où la fluxion a pris son origine (comme lorsque cette partie étant fort éloignée, la fluxion subsiste depuis long- temps ). x y, - î f-/: Les sétons établissent des issues sembla- bles à celles des cautères. Mais ils sont moins en usage ptour remédier aux fluxions , que pour dissiper la surabondance relative des kumeurs qui engorgent habituellement tels ou tels organes. Ainsi Fabrice de Hilden et d’autres , ont guéri des pulmoniques , prin- cipalement par le moytn d’un séton établi entre les cotes, etc. On néglige maintenant beaucoup trop les avantages qu’on peut retirer de l’application, du séton à l’endroit du foie, delà rate., de la matrice 3 lorsque ces viscères souffrent un empâtement manifeste et considérable. Dans €es engorgemens, qui donnent si commu- nément naissance à des affections hydro- piques et mélancoliques graves, ce remède employé à temps ne pourrait avoir que d’heu- ieux effets , il pourrait dans ce cas être plus avantageux que les inustions qu’ïïippocrate faisait pratiquer a 1 endroit de ces viscères® x y i. Je termine ici ce qui regarde le traite- ment des fluxions par les épispastiques et les cautères» Je m étais proposé de consi- dérer ainsi dans ce traitement le choix et l’administration des topiques , et d’en rap- peler 1 emploi a des règles plus précises et plus sures que celles qu’ont données les an- ciens qui en ont traité. Mais je dois à pré- sent me borner à l’exposé de leur doctrine , que i accompagnerai de diverses remarques critiques. Dans le traitement des fluxions , les topi- ques doivent être placés au-dessus de l’or- gane qui donne naissance à la fluxion , ou bien au-dessus de l’organe oii elle se termine, suivant que l’affection de l’im ou l’autre de ces organes est la plus déterminée , et celle qu il importe le plus de détruire. Yoici ce que prescrivent les anciens sur le choix des topiques qu’il convient d’appliquer à l’un ou à l’autre organe. 54 Premièrement , dans l’application des topiques à l’organe d'où naît la fluxion , il faut considérer principalement la surabon- dance de rimmeur séparée par cet organe : et distinguer deux cas différées de cette surabondance , dont nous prendrons pour exemple celle de l’humeur bilieuse. Lorsque la sécrétion et l’excrétion de la bile sont excessives , et qu’il existe une sura- bondance de celte humeur , qui produit des fluxions, il faut, disent les anciens, appliquer toujours au-dessus du foie des topiques astringents et forti flans , dont on augmente la force par gradation , à mesure que le traitement général a un succès plus marqué. Mais cette pratique me paraît sujète à de grandes difficultés , car les fluxions bilieuses qui ont leur origine dans le foie ( et qui causent la jaunisse , la diarrhée, etc. ) , peu- vent être déterminées par une surabondance de la bile , qui n’est point l’effet d’une irrita- tion locale dans ce viscère , mais d’une biles - ceiice établie dans la masse du -sang et des humeurs. Or , dans ce cas, les topiques as- tringens appliques à l’endroit du foie, qui empêcherait une augmentation proportion- nelle de la séparation de la bile dans ce vis- cère, ne pourraient qu’aggraver les fluxions 55 bilieuses produites par la surabondance de cette humeur. XVII. lorsque les fluxions d’humeurs bilieuses sont causées par la surabondance de la bile dont la sécrétion dans le foie est très-consi- derable,, et n est pas suivie d’une excrétion proportionnée , il est évident qu’on ne doit point appliquer a l’endroit de ce viscère des topiques as tri n gens qui aggraveraient la cause de ces fluxions ^ ou bâteraient la for- mation des engorgemens du foie ; niais . dans ce cas , les anciens se proposaient d’aider la faculté epcpultrice du foie , et dans cette vue ils conseillaient d’appliquer à l’endroit du foie des topiques médiocrement chauds et diapboretiques dont on augmentait l’aci- tivité par degrés. Je ne m arrête point à faire voir combien cette indication des topiques chauds et dia- phorétiques à employer dans ce cas , était vague et incertaine. L’espèce de diapliorèse ou de dissipation de l’humeur bilieuse dans le foie y qu’on se proposait d’opérer par ces moyens y n’était pas assurée, et ces remèdes actifs pouvaient causer un nouvel accrois- sement de la sécrétion de bile dans ce vis- cère. XVIII Secondement , entre les topiques qu'on peut appliquer au-dessus de l’organe qui reçoit la fluxion , les anciens ont prescrit très-généralement les astringens et les répul- sifs. Cependant leur emploi est dangereux dans les cas où cette fluxion est invétérée, s’il n’est précédé et accompagné , surtout dans les sujets pléthoriques ou cacochymes, d’un long usage de remèdes révulsifs et d’un régime approprié. Sans ces précautions , ces topiques causent une répercussion des hu- meurs que la fluxion avait fixées dans l’or- gane où elle aboutissait, ou bien une pro- duction directe de nouvelles fluxions d’hu- meurs semblables qui se portent sur des organes essentiels à la vie. On trouve dans tous les livres d’obser- vations médicinales, et tous les praticiens ont ete à portée de voir de nombreux exem- ples de suites funestes qu’a eues l’emploi des astringens externes , pour arrêter ou dissiper des sueurs ou des éruptions d’hu- meurs âcres sur les extrémités et sur d’autres parties de la surface du corps. On a vu alors se former de nouvelles fluxions de ces hu- meurs âcres sur le poumon , sur l’estomac ou sur d’autres viscères , qui ont souvent .conduit à la mort par la consomption. 5 7 Des auteurs , meme modernes , ont pro« pose quelquefois de répercuter par des as* tringens l'humeur qui , en se jetant sur une partie, peut y former un dépôt gangreneux ( comme dans 1 esquinancie gangreneuse mais cette pratique présente trop d’incer* titude et de danger, XIX. 11 est , dans le traitement des fluxions , d'autres genres d'indications , que les an- ciens ont tâché de remplir par le moyen des topiques appropriés. Ce sont célies qui présentent les affections spéciales de dou- leur et d’irritation , ou bien d’intempérie froide ou chaude , soit dans l’organe d’où vient la fluxion , soit dans celui ou elle se termine. Ils combinaient les topiques adoucissans et caïmans ^ indiqués par l’irritation ou la douleur de ces organes ; avec des topiques résolutifs ou autres convenables à l’état pré^ sent de la fluxion. Cette combinaison ne peut qu’être approuvée ; mais il y faut choisir et graduer les topiques résolutifs „ de ma- niéré qu’ils ne deviennent point irritans. Les anciens apportaient le plus grand soin à modérer , par des topiques relatifs , l'intempérie chaude ou froide de l’organe 58 d'où venait la fluxion ( comme on peut ie voir * par exemple, par ce qu'a dit Alexandre de Tralles , sur Fhérnoptysic causée par une fluxion venant de la tête ) ; mais ils mêlaient des topiques fortifions et astringens avec les écliaufians et les rafraîchissans , dont ils étaient persuadés que Faction devait tou- jours affaiblir cet organe. Ils appliquaient généralement des topi- ques rafraîchissans au-dessus des parties dont l’excès de chaleur déterminait sensiblement la fluxion à s’y jeter avec plus de violence. II me paraît qu’ils ont porté beaucoup trop loin l’usage de ces topiques , particulière- ment dans le traitement de l'érysipèle. Hippocrate, Galien et Avicène appliquent sur l’erysipèle du col et delà poitrine, qui succède à certaines espèces d’angine , des sucs de laitue et de pourpier rnis à la glace et renouvelés assez souvent, et d’autres ra- fraîchissans très-actifs. Glass a cru, sans fon- dement , que ces remèdes ont toujours la faculté de fixer au dehors cet érysipèle. Je pense que cette pratique est dange- reuse, et que ces rafraîchissans peuvent ré- primer pernicieusement l’éruption de cet érysipèle critique, pendant tout le temps où elle n’est pas complète , temps qu’il est très-difficile de déterminer. 59 X X. On ne peut douter , d’après tout ce qui précède, que des topiques de diverse na- ture, appliqués à l’endroit des organes d’où naissent , et de ceux dans lesquels se ter- minent les fluxions , ne puissent fournir de puissans secours dans le traitement métho- dique de ces fluxions. On serait persuadé que ces ressources ne sont point négligées dans la médecine moderne , si l’on ne con- sidérait que les éloges que font des vertus de ces remèdes externes, la pharmacopée de Fuller et d’autres pharmacopées récentes. Cependant il est trop vrai que les topi- ques ne sont guère employés aujourd’hui pour la cure des affections des parties in- ternes, que dans certains cas de douleurs, de tumeurs manifestes ou d’obstructions formelles; et qu ils sont communément né- gliges dans la pratique de nos jours, pour le traitement méthodique des fluxions. C’est ainsi qu’une inertie presque générale tend continuellement à rétrécir de plus es plus le cercle des remèdes efficaces. XXI. Il est d autant plus à désirer qu’on renou- velle et perfectionne l’ancienne doctrine. 6 o sur l’usage des topiques, dans le traitement des fluxions , que les conséquences de cette doctrine pourraient s’étendre avec succès à d’autres genres de maladies. J’ai vu des exemples de maladies qui étaient analogues aux fluxions sous ce rap- port, dans des cas singuliers de fièvres in- termittentes, dont les reprises tenaient ma- nifestement à une affection particulière de tel organe ; où cette affection excitée spas- modiquement par telle cause extérieure à cet organe 9 déterminait la reproduction des mouvemens fébriles périodiques , et où les remèdes externes arrêtaient ces reprises de fièvres, en changeant la manière d’être de l’organe affecté , au-dessus duquel on les appliquait. Je pourrais citer plusieurs faits propres à éclaircir et à confirmer ce que je viens de dire. Je me bornerai à rapporter l’ob- servation suivante. Il y a quelques années que je fus con- sulté par un médecin de Carcassonne, sujet, depuis plusieurs mois, à des reprises d’une fièvre tierce, qui étaient constamment et uniquement déterminées , lorsqu’il s’expo- sait à l’air libre , pendant un temps un peu long , comme en faisant une promenade à la campagne. Les accès qui formaient h chaîne de chaque reprise , surtout le pre- mier , avaient un développement fort pro- longé et fort irrégulier. Ces circonstances me donnèrent lieu de reconnaître, pour l’affection qui causait les retours de cette fièvre , un état de sensi- bilité et d’irritabilité , dépravées dans Z’or- gane extérieur . En conséquence je con- seillai spécialement les remèdes externes , que je jugeai les plus propres à modifier et à détruire celte affection vicieuse de 1 or- gane extérieur. J’insistai surtout sur l’usage très-fréquemment répété des onctions hui- leuses , fort étendues sur la surface du corps ; pratiquées à la suite de bains temperes et de frictions faites avec des linges pénétrés de fumées aromatiques. Le malade fit non-seulement usage de ces onctions huileuses , mais encore il prit plusieurs bains dans l’huile pure. Dès les premiers essais de ces remèdes, il fut guéri, de sa fièvre, dont il n’a plus eu de retour, même en s’exposant à toutes les variations de l’air. XXII. On voit combien peut s’étendre utilement l’application des remèdes externes dans le traitement des fluxions , et d’autres genres de maladies qui peuvent être analogues aux fluxions. Cette branche importante de la science médicinale a sans doute été négligée par les médecins des derniers temps , parce que 1 utilité sensible de ces remèdes externes a paru souvent m’être pas proportionnée aux soins avec lesquels il fallait en régler 1 administration dans chaque malade , et en observer les effets 4 Ce travail est devenu d’autant plus pé- nible, qu il devait être appuyé sur la dis- cussion des règles prescrites par les anciens sur l’usage de ces remèdes externes ; que ces règles sont généralement tombées dans l’oubli,, et qu’il eu était plusieurs qu’ils avaient vicieusement établies ou généralisées Mais si ces différentes causes ont fait de- puis long-temps abandonner presque entiè- rement cette médecine externe dans le trai- tement des maladies internes ; nous avons aujourd hui lieu d’espérer qu’on s’occupera de pins en pl„s à confirmer ou à modifier es principes et les conséquences d’une doc- trine aussi intéressante. Tout nous promet que le mouvement général du zèle que se donnent maintenant ceux qui dans notre patne se vouent à l’art de guérir , opérera successivement le renouvellement de toutes es études vraiment nécessaires aux progrès de cet art sublime. ^ 8 63 NOUVELLES OBSERVATIONS Sur les Coliques iliaques qui sont essen- tiellement nerveuses . O V-aN appelle colique iliaque , cette affection douloureuse des intestins, qui est accompagnée d’un état de constipation et de vomissemens fréq uens. Ces Symptômes qui indiquent que le mouvement prédominant dans les intestins se dirige vers l’estomac, ont lieu sans doute dans le plus grand nombre des coliques; mais ils n existent pas dans beaucoup d’autres, comme par exemple dans les vermineuses (i). La colique iliaque que j’appelle essentielle- ment nerveuse , est celle dont la cause essen- tielle n est ni un vice dans les mouvemens ou les qualités des humeurs ; ni une lésion des intestins, soit idiopathique par obstruction , (i) Ainsi Piquer n a pas ete fondé à n’admettre au- cune espèce de colique qui ne soit iliaque. Vojez sa Praxis Med. Lib. III. Cap. X. De Dolore Colico iliaco. €»4 inflammation., étranglement, distension £ta- tueuse, etc. soit sympathique, comme dans les coliques néphrétiques , hystériques et menstruelles, etc* On ne peut donc reconnaître celte sorte de colique , qu’en procédant avec des recher- ches très-attentives, par l’exclusion de toutes les affections organiques des solides et de toutes les altérations sensibles des humeurs ou de leurs mouvemens naturels, qui peu- vent causer les autres sortes de coliques qui ont les memes apparences. Mais un semblable travail est indispensa- blement nécessaire pour connaître , et pour traiter avec succès, un grand nombre d’au- tres maladies chroniques ; ou l’on suppose des lésions organiques ou bien des vices des hu- meurs , qui n’existent point \ et que l’on combat vainement; de sorte que l’on finit par regarder ces maladies comme incurables, ou comme ne pouvant céder qu’au régime et au temps. Je donne le nom de nerveuse à cette coli- que iliaque , pour indiquer par ce terme général, qu’elle est de la classe des coliques , dont la cause est une lésion immédiate du principe de la vie , qui sent dans les nerfs , et qui agit dans les fibres des intestins. Je crois qu’il faut rapporter toutes les coli- 65 sjnes à trois classes distinctes, suivant qu’elles sont produites , t .<> par une lésion dans les solides des intestins; 2.° par un vice ou par le cours irrégulier des humeurs qui se portent sur ces organes; 3.° par une complication de ces deux sortes de causes, qui peut être avec dominance de l’une ou de l’autre. Maigre les préjugés des médecins qui ont voulu rejeter la pathologie humorale; il huit absolument reconnaître , que des vices des humeurs, ou des désordres de leur cours, sont des causes essentielles d’un très-grand nombre de coliques , comme d’autres mala- dies ; et que le traitement de ces maladies doit être principalement rapporté à ces causes. Ainsi il n’est pas douteux qu’il ne faille travailler principalement à corriger l’altéra- tion 5 et a procurer des évacuations conve- nables de la bile , dans la colique proprement dite bilieuse ; à corriger l’atrabile, à en pro- cuter et en regler les évacuations , dans la colique atrabilaire (1). (1) Je viens de traiter avec un heureux succès un cas singulier de cette colique atrabilaire ( chez M. D. de Limoux ) par l’usage combiné de l’esprit de vitriol donné dans une décoction de racine de guimauve , des blancs d’œufs pris en grande quantité , des purga- tions avec la magnésie blanche, du musc opposé au hoquet, du vin donné comme cordial , et du laudanum 5 La colique iliaque essentiellement ner- veuse peut être aiguë, ou chronique. Sous liquide employé pour enrayer les évacuations înunO' dérées d’atrabile. Il serait déplacé de faire ici une énumération d’au^ très maladies qui , de meme que ces coliques , sont essentiellement bilieuses ; et qui doivent être traitées comme telles. Mais je crois pouvoir remarquer à cette occasion, que dans les progrès de ces maladies bilieuses , Faffec- tipn des solides peut devenir dominante ; et qu’on ne doit point négliger d’avoir égard à ce changement. Je vais en donner un exemple , que je crois utile d’expo- ser en détail, d’autant que les applications n’en sont pas rares. J’espère qu’on me pardonnera cette disgression. Je pense que Stoll a parfaitement bien fait de con- sidérer et de traiter la fievre contmue-bilieuse , séparé- ment des autres fièvres continues ( dans ses Aphorismi de Febribus ) en rapportant son caractère constitutif aux vices de la bile et à ses mouvemens irréguliers ; aux- quels seuls il suffit de diriger le traitement dans les cas ordinaires de cette fièvre. La fièvre continue essentiellement bilieuse peut de- venir mortelle , en prenant le caractère d’une des quatre formes générales qu’ont les fièvres aigues sim- ples , lorsqu’elles affectent pareillement tout le corps ; qui sont les genres de l’ardente , de la rémittente , de la putride universelle et de la maligne proprement dite. On doit alors régler le traitement de cette fièvre originairement bilieuse, sur le genre dont elle prend le caractère, à proportion de ce que ce genre devient dominant. Mais une chose que Stoll n’a point remarqué, et que je ne crois pas que personne ait observe avant moi j ce rapport , on doit en distinguer deux es- peces différentes ; mais le traitement de l’une C’esj qu’indépendamment de ces changemens dans ]s gem-e de la fievre continue qui est primitivement bi- lieuse; cette lièvre, en conservant son caractère propre peut devenir funeste par la complication symptomal tique d une affection spasmodique dans les viscères vCorQis,ux# . Cette affectl0n ne doit Pas être supposée par con- jecturerais elle doit se manifester par divers signes comme par nn sentiment de resserrement douloureux dans la région précordiale ; par une gêne dans la respi- ration que le malade rapporte à la même région par des anxiétés , de l’insomnie , etc. ’ ^ Dans ces cas j’ai trouvé qu’il est nécessaire de com- battre avant tout cette affection spasmodique, par des antispasmodiques appropriés, tels que le camphre et le musc ; par l’application d’un vésicatoire sur l’épigastre - et surtout par l’opium. Ces moyens assurent la réussite" des purgatifs , qu’exige ensuite la nature bilieuse de cette fièvre ; et qu’il est souvent à propos de combiner encore avec des préparations d’opium. Un médecin de mes amis, à qui j’avais indiqué cet usage de 1 opium dans ce spasme précordial qui sur- vient a la fievre continue-bilieuse , en a obtenu pour la cure de cette fièvre, des effets singulièrement avan- tageux. 1 ^ '41 Ces remèdes antispasmodiques et sédatifs , en diss i pant le spasme précordial , sont aussi très-efficaces pour prévenir les affections pernicieuses des viscères de la poitrine et de la tête ; que ce sDasme „ déterminer, soit par son influée pur^t ” nque , soit en excitant des métastases de la bile sur ces viscères. Wi; 68 ou de l’autre espèce , quoiqu’elles le rendent susceptible de modifications particulières , doit être radicalement la même. C^est ce qu’on verra dans l’exposé que je vais faire de fhistoire de deux de ces coli- * ques ; 1’uiie aigue , et l’autre chronique ; et du traitement qui a singulièrement bien réussi dans l’une et dans l’autre. Je donnerai ensuite mes observations sur la cause de la colique iliaque essentiellement nerveuse, et sur le choix des remèdes qui sont appropriés dans cette colique; je terminerai ces obser- vations par quelques réflexions générales. I. M. D. P., de Carcassonne , était attaqué d’une inflammation lente du pharynx qui subsistait depuis quelques mois ; et dont les suites avaient affecté toute sa constitution , au point qu’il était tombé dans un #état de dépérissement , qui allait en croissant d’une manière sensible. On combattit cette maladie par un grand nombre de remèdes différens : mais d’ailleurs les degrés d’activité de ces remèdes , et les temps de leur administration furent tels, qu’il a été impossible, de leur attribuer raisonnablement aucune action irri- tante sur les organes des premières voies. Après tous ces divers traitemens, soit par mie extension sympathique de la maladie de la gorge, soit par qaeîqo autre cause qu’on n a pu déterminer avec précision ; l’estomac et les intestins du malade se trouvèrent être? extrêmement affectés. Il y ressentit des dou- leurs qui devinrent de jour en jour plus fortes , qui ne cédèrent point à l’usage des anodins les plus doux, qui s’aggravaient meme par les bains d eau tiede j et qui mon- tèrent à un tel degré de violence, qu’elles firent perdre le sommeil et le repos. Lq malade devint sujet alors à éprouver chaque jour , environ quatre heures après son dîner ( ou il ne prenait que des alimeus des plus sains ) un spasme douloureux dans la région épigastrique, qui gênait la respiration , et qui était le précurseur d’un vomissement dont les efforts étaient violemment convulsifs. Ce. vomissement n avait entraîné d’abord, que des restes d alimens mal digérés ; mais un jour il chassa une grande quantité de ma- tière liquide , que le malade rendit sans y sentir aucun goût amer, ni autre marqué; et qui était d’une couleur verte foncée; de sorte que les parens du malade jugèrent que cette matière était la meme que la décoction de feuilles et fleurs de mauve qu’il avait pris en lavement une demi - heure auparavant. Un examen attentif ne présenta lien qui , 7° parut contredire celte opinion . On assure que le même phénomène se répéta encore à la suite de deux ou trois iavemcns semblables , Équi furent pris peu de temps après. L’état du malade étant devenu aussi grave, j’ordonnai le régime et les remèdes soi va ns : On nourrit le malade avec de petites prises souvent répétées de bouillon de viande, et de gelée de corne de cerf acidulée avec du suc de citron : il usa pour boisson , d’éan de poulet où Ton avait fait infuser des feuilles de menthe. On évacua un peu de sang par le moyen des sangsues appliquées au fondement. On fit prendre des îavemens avec la décoction de mauve, ^dans laquelle on ajouta seulement une fois une demi- once de sel de Glauber , en y joignant vingt-cinq gouttes de laudanum liquide , qui était indiqué en même-temps pour les douleurs de la colique. On n’em- ploya d’ailleurs aucuns médicamens purgatifs, ni autres évacuans des premières voies. On établit sur la région épigastrique tm vésicatoire camphré , et on pansa assidue- ment, matin et soir, la plaie faite par ce vésù catoire. On fit faire plusieurs fois le jour des onctions avec de l’huile camphrée , sur toute la surface du has-ventre. On fit prendre au malade , .de trois en trois 7 1 • heures , un bol compose avec si x grains d’assa- fœtida , deux grains de camphre, six grains de nitre, et suffisante quantité d’extrait de menthe. Ce remède , qui fut sensiblement très-efficace , fut continué pendant plusieurs jours, avec les modifications convenables. Le lendemain du jour oii le malade com- mença l’usage de ce régime et de ces remèdes , il sentit une diminution considérable de ses douleurs ; mais il eut des mouvemens de ho- quet , dont les reprises , quoique seulement de quelques minutes, se répétaient assez souvent. Ce symptôme inquiéta le malade et alarma les assistans ; mais* je déclarai au con- traire , qufil me paraissait être alors de bon augure ; et que survenant avec la djminution des douleurs , il indiquait que l’affection morbifique , si fixe auparavant, commençait à se résoudre ; et que s’étendant par inter- valles dans l’œsophage, elle y produisait le hoquet par un mouvement antipéristaltique beaucoup eplus faible que celui qu’elle avait jusque-là déterminé constamment dans l*es- tômac et les intestins. Le troisième jour de ce traitement, les douleurs^s’effacèrent encore par degrés , et les vomissemens cessèrent absolument. Enfin le quatrième jour, il ne resta au malade que le souvenir des souffrances que lui avait causé # ' i;. ' r'"*’ 72 cette maladie des entrailles. Il reconnut aussi 3e meme jour , avec autant de surprise que de satisfaction , que le mal du gosier dont il avait été long-temps tourmenté, se trouvait être entièrement dissipe: et en effet , depuis près d’un an qui s’est écoulé jusqu'à ce jour, il n a point eu de rechute de ce mal si rebelle* Madame D. B. , de Bordeaux, d’une cons- titution délicate et très-sensible, fut attaquée , à la suite de longs chagrins, d’une diarrhée rebelle qu’elle crut devoir guérir par une abstinence excessive , qui ruina les forces des organes de la digestion , et augmenta extrême- ment 1 irritabilité habituelle de ces orna nés . . * U Depuis cette époque , elle a vécu pendant cinq ans sujette à des attaques journellement répétées de colique violente , qui revenaient 3e plus souvent deux ou trois heures après le dîner , et dont les reprises se terminaient presque toujours par des vomissemens. Da malade reconnut que la matière qu’elle avait rejetee dans un de ces vomissemeus , avait la couleur , l’odeur, et le goût d’une décoction d’espèces émollientes sepibîable à ceile qu elle avait prise peu auparavant en, lavement. Les douleurs de cette colique étaient çoim» ?3 munément dirigées de l’épigastre à l’hypo- chondre gauche, et se prolongeaient ^vers îes reins de maniéré qu'elles paraissaient avoir leur siège principal dans Tare gauche du colon. Aucune situation du corps ne dimi- nuait la force de ces douleurs ; et elles étaient seulement rendues plus supportables par de fortes compressions du poing , du genou , ou d’un autre corps dur, appuyé contre la partie du bas-ventre ou elles se faisaient sentir avec le plus de tiolence. Durant 1 espace de ces cinq années , ces douleurs avaient été combattues par un grand nombre de traitemens différens, qui avaient tous été infructueux ; la malade n’éprouva aucun soulagement considérable, que dans le cours d’un été ; où il parut que l’augmenta- tion de la transpiration lui avait été salutaire. Mais bientôt après , elle retomba dans son état habituel de souffrances : et les progrès de sa maladie alîeretA depuis en croissant. Les vomissemens assidus interceptèrent presque entièrement la nourriture; et la malade fut réduite à un état extrême de faiblesse , de maigieur , et de consomption, qu’aggrava la cessation des évacuations menstruelles. Cette malade étant venue il y a environ huit mois à Carcassonne, pour me demander et suivre mes conseils ; je commençai par me 74 convaincre du peu d'utilité des remèdes ordi- naires qu’on disait avoir été employés sans succès pour calmer ses douleurs de colique® Le demi-bain dans l’eau tiède, quoiqu’il soulageât quelquefois , aggravait le plus sou- vent les souffrances d’une manière si marquée et si prompte , que la malade était obligée de sortir du bain quelques minutes après qu’elle y était entrée. Les lavemens laxatifs , qu’indiquait une constipation opiniâtre, irritaient $an$ évacuer considérablement , si ce n’était au bout de plusieurs jjours : et il fallut enfin suppléer à leur opération imparfaite, par le moyen des suppositoires. Les narcotiques pris à d’assez grandes doses , soit par la bouche , soit dans des lave- mens , ne calmaient que fort lentement et pour un temps très-court. Lorsqu’ils finis- saient d’agir , les douleurs qu’ils avaient sus- pendues, se renouvelaient* avec une violence que la malade jugeait être beaucoup plus grande que dans les coliques où elle n’avait point usé de ces remèdes. Je m’assurai par un examen très-attentif et souvent répété ; qu’il n’existait point de cause bilieuse ou autre humorale de cette colique ; qu’il n’y avait point d’obstruction dure ( dite squirrheuse ) au pylore 9 ni dans aucune 7 5 partie des intestins ; et qu’aucun signe ne manifestait la présence d’un état inflamma- toiie, ni d aucune autre lésion organique dans ces viscères. Je reconnus ainsi que cette co- lique était essentiellement nerveuse; dépen- dante d une affection vicieuse du principe de la vie dans les intestins ; affection que repro- duisaient très-fréquemment le travail de la digestion , ou d’autres causes irritantes. D’après cette manière de voir , je réglai ainsi la méthode du traitement et le choix des remèdes de cette maladie. On tint constamment appliqué sur la région épigastrique, un grand sachet piqué et rempli de camphre broyé grossièrement. On pratiqua aussi plusieurs fois le jour, sur toute la sur- face du bas-ventre , des onctions avec de l’huile camphrée à laquelle on ajoutait du laudanum liquide , lorsque les douleurs étaient les plus vives. On fit faire à la malade un assez grand usage de tablettes de soufre. On l’astreignit à porter habituellement des caleçons; et de plus j jour et nuit, une camisolle de flanelle à manches , appliquée immédiatement sur l£ peau. Des pilules de camphre et d’assa-fœtida ( préparées comme il a été dit dans l’histoire précédente), furent un remède principal, dont la malade fit alors usage journellement , et qu’elle a continué depuis pendant très** long- temps. Ces remèdes produisirent dans l’espace d’environ trois mois, une guérison complette de cette colique. Depuis lors la malade n’a plus eu que quelques rechutes de ces dou- leurs, qui ont été très-légères et passagères > et qu elle a pu imputer à des erreurs de régime. Les règles sont revenues à leurs épo- ques naturelles. Les excrétions ont repris un libre cours. Les digestions se sont parfai- tement rétablies, et la malade a acquis succes- sivement autant de forces et d’embonpoint qu’elle en avait dans le meilleur état de sa santé avant cette maladie. I I I. Observations sur la cause de la colique iliaque essentiellement nerveuse . La colique iliaque essentiellement ner- veuse est produite par une irritation directe du principe de la vie ; dont l’affection par- ticulière dans cette colique, ne se manifeste qu’en tant qu’elle fait dominer avec plus de force que dans les autres espèces de colique, le mouvement antipéristaltique des intestins sur leur mouvement péristaltique. Je vais ex.- ■77 poser ce qu'on peut ajouter aux observations connues relativement à cette dominance, qui est contre î ordre naturel j et aux suites qu'elle peut avoir. Les mouvemens péristaltique et antipéris- taltique des intestins ; que manifeste com- munément la dissection des animaux vivans; ont été démontrés , même dans les gros in- testins, par Wepfer , Morgagni , Haller et d’autres anatomistes célèbres ; auxquels on a opposé vainement les assertions négatives de ceux qui ont dit n 'avoir jamais reconnu, ces mouvemens. Hans le mouvement péristaltique des in- testins ( suivant des observations curieuses que Leidenfrost a eu l'occasion de faire ) , la portion d'intestin qui en est affectée , se gonfle , et ses tuniques se renflent en tout sens ; en même temps que cette partie du canal intestinal s etend suivant, sa longueur. Ainsi le mouvement péristaltique est unë suite d'érections et de détentes dans des por- tions successives du canal intestinal. La pro- duction de ce mouvement me paraît être analogue a celle du mouvement vermiculaire ou du rampement des limaces (i). (0 J’ai expliqué ce rampement, p. i46, 7 de ma nouvelle Mécanique des mouvemens de l'homme et des animaux . 78 Ge mouvement péristaltique s’exécute donc d’une manière analogue dans les intestins ( de même que dans l’estomac et dans l’œsophage) , par les fibres musculeuses de ces organes, qui sont susceptibles d’une infinité de mouve- meris divers. Non-seulement ces fibres sont placées dans des sens extrêmement différens , étant longitudinales , transversales , circu- laires , coupées d’inscriptions tendineuses : mais encore le principe vital peut donner les directions les plus variées aux diverses parties de ces fibres , qui n’ont point d’attache qui soit absolument fixée. Car en exerçant la * force de situation fiæe dans tels ou tels en- droits de ces fibres , le principe vital peut y établir spontanément des points fixes ; par rapport auxquels il peut rapprocher ou éloi- gner d’autres parties de ces mêmes fibres > dans lesquelles il exerce des forces de con- traction et d’élongation (i). On n’a pu encore indiquer (2) une raison suffisante , de ce que dans l’état sain , le mou- vement péristaltique des intestins ( qui eon- (1) Voyez mes nouveaux Elémens de la science de V homme , 72-82. (2) Comme je l’ai remarqué, page 11 de ma nova Doctrina de functionihus naturœ Humance, 79 doit la pâte alimentaire du duodénum aux gros intestins ) prévaut sur leur mouvement antipéristaltique | de sorte qu’il faut rapporter cette dominance naturelle du premier de ces moiivemens sur le second , à une loi primor- diale du principe vital. Mais cette affection primitive du principe vital est changée et intervertie dans la passion iliaque, et le vomissement ; ouïe mouvement antipéristaltique domine sur le péristaltique. Schwartz a prouvé par ses expériences^ que cette interversion peut avoir lieu, et produire le vomissement ; lorsqu’on pique divers en- droits du cerveau ou du cervelet , ou les nerfs de la huitième paire près de leurs origines , ou bien le plexus mésentérique. Brunner, en irritant les intestins memes dans divers ani- maux , y a excité des convulsions ; qui ont fait remonter les matières excrémentitielles qu’ils contenaient , dans l’estomac et l’oeso- phage. Cette prédominance du mouvement anti- péristaltique des intestins a produit dans plusieurs cas de passion iliaque , ou d’affection approchante de cette passion , l’effet singulier de faire rejeter par le vomissement un liquide qui avait été pris en lavement ; souvent peu de temps après qu’il avait été reçu , et sans aucun mélange des humeurs ou matières qu’avaient contenu alors les premières voies. 8o Ces faits sont attestés par un grand nombre d'auteurs qu'a cités Morgagni (î) , auxquels on peut joindre Yanswieten et de Haén. D'autres auteurs , cités par Morgagni (2) , assurent qu'on a vu aussi des malades rendre des lavemens par la bouche , quoiqu'ils n'eus- sent point de passion iliaque , ni même de colique ; et qu'un ou deux d'entr'eux eussent seulement une légère constipation. D'après ces autorités ^ on ne doit pas trouver surprenant que le même phénomène ait eu lieu , suivant toutes les apparences > chez l’un et l'autre malade ^ dont j'ai rapporté ci-dessus les histoires. Morgagni dit avec raison (3) , qu’il ne faut pas rejeter facilement aucune "cause probable de ce phénomène , qui est difficile à expli- quer. Il ne suffit pas d’y considérer , que la ma- tière du lavement est chassée vers la bouche par un effet du mouvement antipéristaltique* que le principe vital singulièrement irrité fait dominer sur le péristaltique ; et qui com- mençant dans les gros intestins, se continue * (O Epist. Anat. Med. XXXIV , n . 29. (2) Ibid. (3) Epist, cit, 72. 32. 8 i dans les grêles et jusqu’à l’estomac. Maïs là principale difficulté d’expliquer ces faits, consiste à indiquer comment la valvule de ileou donne alors passage dans l’iléon *à la matière du lavement contenue dans le colon. On n’a donné jusqu’ici aucune explication e ces faits qui ne manque de vraisemblance, e Haen , qui n’a négligé aucun moyen qu i! pouvait avoir d’en rendre raison (,) , a dit que dans des cas semblables, le mou- vement antipéristaltique des intestins peut ctre si considérable , qu’il cause une forte pression des excrémens contre la valvule de i eon , et que cette pression allonge et distend cette valvule, et en fait disparaître 1 anneau. Mais il n’est pas vraisemblable qu’un te e et ait pu être produit par la seule impulsion qu’exerçait contre la valvule de i eon le liquide d’un lavement chassé par le mouvement antipéristaltique du colon , dans des cas oh rien n’indique qu’il se fut amassé une grande quantité de matières fécales dans le colon , et oii elles n’ont point été rejetées par le vomissement. U me paraît probable que dans le cas ou le mouvement antipéristaltique chasse du CO Voyez ses havii , T. 1 1 1. Prçclectiones in Pathologiam 6 «olon dans l’iléon le liquide qui a été reçu en lavement , l’anneau de la valvule de l'iléon se relâche spontanément ; tandis que dans son état naturel il résiste avec force aux pres- sions des matières contenues dans le cSolon ; et que ce relâchement a lieu par un effet de l'affection contre nature qu’éprouve alors le principe vital, dont l’influence gouverne les forces toniques et musculaires de cet anneau (i). I T. Observations sur le choiæ des remèdes appropriés dans la colique iliaque essen- tiellement nerveuse . Vogel a dit beaucoup trop généralement que le bain d’eau chaude adoucit très-effica- cement toute espèce, de douleur de colique. L’effet de ces bains est souvent équivoque dans la colique essentiellement nerveuse ; (i) Je rappellerai ici ce qu’a dit Tulpius , dans la description qu’il a donnée de la valvule de l’iléon. Il a pensé que l’anneau auquel tient le rideau , qui pend de cette valvule à l’extrémité de l'iléon , et qui en ferme l’ouverture ; est une partie animée , comme est l’orifice da l’estomac ( l,e pylore ), qui s’ouvre ou se ferme sui- vant qu’il convient à l’action de Yâme inhérente à chaque organe vivant* • 83 souvent ils né peuvent y affaiblir assez promp- tement la constriction spasmodique qui occupe certaines portions du canal intestinal • et pour lors leur effet relâchant accroît dans autres portions de ce canal , la distension tlçïtueusG et douloureuse. Cette distension était sans doute , par rap- port a la constriction alternative d’autres portions d’intestins , l'affection qui causait habituellement le plus de souffrance dans la colique chronique dont j’ai donné l’histoire. Car la malade y était particulièrement sou- lagée par des compressions fortes et long- temps continuées à l’endroit du siège de ses plus vives douleurs. Dans cette colique les narcotiques peuvent avoir une action imparfaite et peut-être quel- quefois nuisible. Chez la malade dont j’ai parle, quand leur effet calmant finissait, les douleurs revenaient avec une violence sensi- blement plus grande qu’avant l’usage de ces remedes. Sans doute, dans des cas semblables , ou 1 on peut croire que les malades ne se trompent pas sur ce sentiment d’aggravation de leurs douleurs après avoir pris de l’opium, lorsque ce remède cesse d’agir comme cal- mant sur les nerfs de la partie affectée , il conserve encore un reste d’action excitante sur les vaisseaux de cette partie , qui peuvent en être alors spécialement susceptibles ( pas? exemple ., dans une suppression d’évacuations de sang habituelles ) ; et cette excitation ne peut que rendre plus cruelles les douleurs qui se reproduisent. Les remèdes indiqués dans cette colique iliaque , que l’on reconnaît être essentielle- ment nerveuse ; par l’exclusion de toutes les causes dépendantes de lésions organiques et de vices des humeurs ; doivent être pris dans la classe de ces remèdes désignés communé- ment par le nom d’antispasmodiques , qui agissant directement sur le principe vital , changent le mode de son affection morbifique persévérante. Mais dans la classe de ces antis- pasmodiques , quels sont ceux que l’on doit choisir de préférence? Ce sont ceux dont la vertu étant attachée a des principes singulièrement pénétrans et diffusibles , en même-temps qu’elle s’exerce sur les membranes de l’estomac et des intestins , agit dans une infinité de points de l’habitude du corps ; et y produit dans le principe vital de nouvelles affections sans nombre. Toutes ces affections affaiblissent la concentration et les directions que les forces de ce principe doivent avoir pour agiter for- tement les intestins, ou il ressent de vives douleiirs' ; et leur imprimer un mouvement 85 antipeiistal tique dominant ÿ u telle époque de la digestion des alimeos ,, ou bien dans telle autre circonstance où la colique est Habitue] le ni en t déterminée. C’est pourquoi dans le traitement de la colique iliaque essentiellement nerveuse y je prtfei e eoti e tous les remedes qu’on a re- commandés jusqu’ici pour des espèces analo- gues de colique et de cardiaJgie ? le camphre et 1 assa-foelida (i)* On connaîirex.lréme vola- tilité du camphre ; et l’on sait que l’odeur de l’assa-fœtida se fait sentir dans toute l’ha- bitude du corps de 1 homme qui en a pris 9 et dans toutes ses excrétions. Je crois devoir ajouter comme une remarque essentielle 3 que 1 effet salutaire de ces antispasmodiques est plus assure j eu le donnant à petites doses fréquemment répétées (e). (i) J’en ai obtenu encore récemment les meilleurs effets dans une colique nerveuse habituelle de M. S» de Carcassonne. (a) J’ai trouvé plusieurs fois que le camphre et Tassa- foôtida étaient loit efficaces dans diverses affections graves du système nerveux 7 autres que des affections hystériques et hj^pochondnaques. J ai obtenu meme dernièrement des effets très-avan- tageux de ces remèdes , donnés après les évacuations convenables ; pour dissiper les accidens les plus graves que souffrait M. D, G. de Béziers , à la suite d’une 86 Une vue analogue fait présumer les bon# effets que devait avoir ( de préférence aux autres diapborésiques qui y étaient indiqués) commotion très-violente du cerveau , causée par une chute de cheval. J’avais lu dans YAUgemeine Deutsche BibUothek % tonis xxxïx , pag. 12$ , que beaucoup de malades, qui a la suite d’une commotion du cerceau causée par une chute ou autre impression violente sur la tête, avaient passé plusieurs jours sans sentiment et sans parole , étaient entrés en frénésie , etc. après les évacuations nécessaires , avaient été rétablis par le seul usage du camphre (succès qu’on rapportait à F effet diaphorétique de ce remède). Dans cette maladie de M. D G., lopium a produit aussi des effets salutaires, Bromfield a donné l’opium avec grand succès dans beaucoup de ca$ semblables de secousses avec froissement (concussions) de la subs- tance du cerveau ; même chez des sujets qui avaient le crâne fracturé , et qui n’ont point été trépanés. Sans .m’arrêter a l’explication versatile que Bromfield donne de ces elfets de l’opium ( qu’il attribue à la vertu quo 1 opium a cl atténuer le sang ) j je pense que c est par sa vertu dite antispasmodique , et pour parler plus exactement, en faisant cesser! 'irritation, ou plutôt 1 affection du principe vital dans la partie du cerveau qui a souffert la commotion ; que l’opium amène le changement d’état de cette partie , et la résorbtion du sang qui tend à s’y fixer. Je crois qu’il faut voir de meme l’ utilité singulière qu’a pour résorber le sang extravasé dans les grandes contusions , et après des chutes de haut • la thériaque, / 8 7 / le soufre pris journellement dans la colique nerveuse chronique , dont j’ai décrit l’his- toire. Ce remède pénètre par ses émanations tout le corps de celui à qui ont le fait prendre: et par conséquent son action diffusive peut produire des effets révulsifs très-étendus de qui est un ingrédient principal de iHnfusum, trauma- ticum , et du decoctum traurnaticum de Fulier , etc. C’est aussi à leur action perturbatrice de l’affection qui a été imprimée au principe vital , que je rapport© l’efficacité, singulière du camphre et de l’assa-fœticLa dans plusieurs cas de plaies de la tête , et de commo- tions du cerveau. Les bons effets que produisent alors ces remèdes , combinés avec l’opium , suivant les circonstances du malade , me paraissent être particulièrement dignes d’attention dans le traitement des plaies de k tête. Car l’illustre Desault ayant fait voir que , dans ces plaies , l’opération du trépan est presque toujours ou inutile ou pernicieuse ( voyez ses Œuvres chirurgicales publiées par Xavier Bichat , seconde partie , pag. 4.0-1. 80-2 ) ; on a été depuis réduit , comme lui , à n’attendre le salut de ces blessés , que des effets révulsifs que peuvent opérer le tartre stibié ( dont l’emploi est d’ailleurs nécessaire ) , et l’application des vésicatoires sur la tête. Je rapporte au même principe qu’a l’utilité du cam- phre et de l’assa-fœtida dans les cas susdits., celle du castoreum dans des affections paralytiques , qui a été sur-tout recommandée par les Anciens. J’ai trouvé le castoreum sensiblement efficace , après les remèdes généraux , dans une affection soporeuse avec langueur paralytique des extrémités inférieures, dont était at- taqué M. M. de Carcassonne. 88 l’affection des intestins qui a lieu dans ceüe colique. Ijne semblable irritation révulsive très- € tendue sur la surface du corps , paraît devoir être produite et renouvelée assidû- ment par 1 application constante des flanelles sur la peau j et en tenant toujours vêtues les extrémités inférieures. L application perpétuelle de la laine sur la peau a ete conseillée depuis Galien , aux personnes sujettes a de frequentes coliques. Ce moyen ne peut que concourir avec F tisane interne du soufre y à rétablir la fonction de la tianspiration 5 dont le dérangement doit aggraver les coliques habituelles. On voit enfin que, dans le traitement de la colique iliaque nerveuse , il ne faut point négliger les remèdes externes qui excitent prochainement une révulsion efficace^ comme est l'application perpétuelle du camphre, ou celle d'un vésicatoire sur l'endroit de la douleur, etc. rr:ilîl V. Réflexions generales sur la méthode du trai- tement qui convient aux coliques iliaques ' essentiellement nerveuses . ïi me paraît que toute méthode de trai- tement qui peut convenir aux coliques ilia* 89 ques essentiellement nerveuses , doit être nécessairement, comme celle que j’ai suivie 9 mie Métliode Empirique. J appelle Méthode Empirique de traite- ment d'une maladie , celle qui , par des icmedes spécifiques ou antres , dont l’expé- rience fait connaître Futilité dans des cas analogue ô, , change eu entier l’affection du puncïpe de la vie qiîi constitue l’état morhi- fique y et remplace cette affection par d’au- tres qti elle imprime à ce principe , et qui i en dent susceptible de reproduire ses mou- vemens naturels dans Fordre qui entretient l’etat de santé. J ai dit 4 la fin de la Préface de ma Nova Doctrma ae Jonclionihus naturce humancs V imprimée en 1774)? que toutes les mé- thodes de traite ment des maladies doivent être rapportées à trois Ordres : L Ordre des méthodes Empiriques > qui sont celles que je viens de définir : L’Ordre des méthodes Naturelles , dont 1 objet direct est d aider les mouvemens spon- tanés de la Nature ou du principe vital «, qui tendent a opérer la guérison de la maladie (i). vO C est dans ces méthodes naturelles , qu’on peut dire, Suivant 1 ingénieuse expression de mon respec- table ami M. Poissonnier des Ferrières ; que le Mé- decin accouche la nature ? Medicus nçituros oEtctri-x* * go I/Ordre des méthodes analytiques , où ayant décomposé une maladie dans les élé- mens dont elle est produite, on les attaque par des moyens directs , et proportionnés dans leur activité aux rapports de force et dmiîuenc.e que ces élémens ont entr’eux ; afin que la nature puisse résoudre plus fa- cilement celle maladie simplifiée. La méthode de traitement de la colique iliaque essentiellement nerveuse, ne peut être ni Naturelle , ni Analytique . Elle doit être Empirique. Cette méthode ne peut être naturelle : çar la nature n 'affecte dans cette colique aucuns mouvemeos spontanés, que l’on voie aboutir à aucune terminaison salutaire. Cette mé- thode ne peut être Analytique : car quelque dangereuse ou rebelle que puisse être cette colique , sa nature ( à laquelle on peut donner le nom général de Nerveuse ) est , non seu- lement très-obscure , mais très-simple ; et elle ne peut être décomposée en des élémens, dont on doive considérer séparément et suivre les indications particulières. Pour développer et confirmer pleinement mon assertion, je crois qu’il est à propos, ( ce qui peut être d’ailleurs d’une utilité générale ) d’établir les limites des méthodes de traitement qui sont naturelles, et de celles qui sont analytiques. 9l Des limites des Méthodes de traitement Na- turelles ou tous ceux qui ont suivi alors mes leçons de Médecine-Pratique., et qui ont lu mes' Nouveaux Elémens de la Science de l’homme (publiés en 1778); ont dû reconnaître que dans tous les points im- portai! s , ma doctrine sur les fonctions de l’homme vivant, sur les causes des divers genres de maladies , et sur les différentes méthodes de leur traitement, a toujours été diamétralement opposée, et à celle de Van- helmont , et à celle de Stahl. J’ai été des premiers en France à recom- mander plusieurs observations que Stahl a faîtes avec sagacité sur les hémorrhagies ; et sur d’autres genres de maladies. Mais en 9 4 même temps j’ai indiqué plusieurs des erreurs nombreuses auxquelles il a été induit dans sa pratique parle vice perpétuel de sa théorie. C’est ainsi que, dans les fièvres intermit- tentes , il a respecté beaucoup trop souvent, et trop long-temps^ des mouvernens de la Nature qu’il fallait combattre ; et qu’il a rejeté pernicieusement Fusage du quinquina dans telles de ces fièvres où il est parfai- tement indiqué , pourvu que son adminis^ tration y soit préparée et réglée convena- blement ; etc. etc. Stahl a été certainement un homme de génie dans la Chimie , comme le démontre son Specimen beccherianum . Mais il ne peut être compté parmi les médecins-pra- ticiens d’un ordre supérieur, et tel qu’à été, par exemple, de nos jours; le célèbre Stoll. Des limites des Méthodes de traitement Ana- lytiques , ou qui se rapportent à /’Analyse des maladies. Les Méthodes Analytiques du traitement des maladies , se rapportent à l’analyse des maladies, qui en lait considérer séparément les élémens constitutifs. On voit que ces méthodes ne peuvent convenir qu’à des maladies dont les élémens se développent successivement , ou bien qui sont compli- quées ; de sorte qu’on puisse y observer des parties distinctes , et les traiter par des moyens relatifs à chacune de ces parties. Ainsi les limites des méthodes analytiques du trai- tement des maladies semblent être suffisam- ment fixées. ‘ Cependant il n’est point de méthode du traitement des maladies , qui ne dût être dite analytique ; si en adoptant une dénomination qui s’est nouvellement répandue , on appel- lait Analyse y toute bonne manière de philo- sopher ou de raisonner dans la Science de la Médeci ne-pratique. On a pu être conduit à cette application trop etendue du terme Ay Analyse y par quel- ques expressions inexactes de l’Abbé de Condillac , qui tenaient à des idées trop peu definies qu’avait sur l’Analyse ce Métaphy- sicien , qui est d’ailleurs justement célèbre. Quand on rapproche ce que Condillac a dit sur Y Analyse (i), on voit qu’il a nommé Analyse y la Méthode Philosophique, dans laquelle on fait , i .® la décomposition entière (i) Dans son Art de Penser ( en divers endroits, et spécialement p. m. 129-32 et 222-3 1 , édit, de Paris 1798 , au VI. 9$ des qualités ou des élémens de l'objet dont otl veut connaître la nature : 2.0 la distribution des idees partielles ainsi acquises,, dans un ordre de gradation simple , qui fasse remonter a I origine de l’objet par une génération qu’on s’en forme; 3.° la composition de ces idees ou notions partielles , comparées par tous les cotés ( et sur-tout sous les rapports favorables a la découverte qu’on a en vue ) ; de manière qu’on épuise, s’il est possible, toutes leurs combinaisons ( par addition et soustraction ) jusqu’à ce qu’on leur ait fait reproduire complètement l’idée de l’objet dont on s’occupe. Cette Méthode d’ Analyse que Condilîac prend dans un sens si étendu , qu’il y ren- ferme aussi la synthèse ou recomposition des objets analyses ; consiste donc à diviser, or- donner, et combiner le mieux possible les idees partielles qui doivent composer l’idée entière de î objet qu’on veut connaître. Mais tous les hommes qui se sont livrés à des recherches dans les sciences de faits , ont séparé, ordonne, et combiné des connais- sances particulières pour s’élever à des vérités g en ei aies. Us 1 ont fait avec plus ou moins d’avantages ou de défauts , suivant le carac- tère de leur esprit , et l’étendue de leur savoir. i 97 m • Ën dernier résultat , sur quoi sont fondés les procédés de cette méthode d’analyse ! Comment peut -on comparer les idées par- tielles des qualités ou des ci émeus d’un objet sous tous les rapports possibles; les distribuer suivant la gradation la plus simple ; les com- * biner de toutes les manières qu’on juge ou pressent devoir être avantageuses pour se former l’idée parfaite de cet objet ; si on n’estime le degré d’analogie qu’ont entre elles ces idées partielles , et si on ne fonde * sur cette analogie des inductions, d’abord plus limitées , et ensuite générales? Il faut donc toujours en revenir au principe de l’induction fondée sur l’analogie des faits particuliers ; principe qui a été suivi de tout temps®, dans les sciences de faits , par les hommes doués d’une logique naturelle. Mais l’on n’a pas été plus avancé dans l’étude de ces sciences, en suivant l’idée de Bacon qui a fait de ce principe unq règle générale de logique artificielle (i). (i) Baker (dans ses Réflexions sur les Sciences ) a fort bien dit contre Bacon : que quelque sûre que la voie de Y induction ait pu paraître, à Bacon , une seule circonstance qui vient à la traverse dans une expérience, peut aussi aisément détruire Y induction , qu’un terme ambigu peut mettre un syllogisme en défaut. Il ajoute qu’il n’y a qu’à en faire l’essai sur les parties que Bacon a données de Y H istoire Naturelle. 7 98 * Personne ne peut douter d’ailleurs qu’il rie soit nécessaire 3 de ne pas suivre seulenient l’impulsion de l’esprit qui tend aux décou- vertes , mais encore de le diriger dans son progrès conformément aux règles les plus parfaites de la méthode philosophique ; dans les recherches que présentent les sciences de faits ÿ et particulièrement celle delà Méde- cine-Pratique (i). Plus on fait usage de la bonne méthode *dc philosopher dans la science de la Méde- cine-Pratique ; plus on Reconnaît que toutes les parties essentielles de cette science sont entièrement hétérogènes aux sciences de la Physique générale , de la Chimie > et de PHistoire Naturelle. Celles - ci peuvent lui fournir quelques applications heureuses , et plusieurs remèdes précieux. Mais la science de l’Art de guérir 9 sans négliger aucuns des ™ ~ (î) C'est ce que j’ai principalement recommandé , et dont j’ai fait voir Futilité par des exemples nombreux ; dans tous les cours publics et particuliers de Médecine- Pratique , que j’ai faits dans l’Université de Médecine de Montpellier depuis 1760 jusqu’en 1781. J’ai eu pour Auditeurs dans ces cours , beaucoup de Médecins très-distingués , qui conservent avec intérêt et recon- naissance le souvenir de la doctrine ^qui m’appartient spécialement. * ♦ 99 # moyens subsidiaires qu’elle peut leur devoir, existe par elle-même, et reste indépendante. L’utilité première de cette science semble pouvoir la placer au-dessus de toutes les autres connaissances humaines. Mais à ne considérer que l’exercice et les développemens qu’elle peut donner aux facultés de l'intelligence il n’est point de science plus digne d’occuper les hommes d’un génie élevé. En effet, la science de la Médecine-Pra- tique renferme tous les élémens d’un calcul de probabilités , qui ne peut être porté à sa perfection dans une infinité de cas difficiles, que par les plus grands efforts de l’esprit. Dans ces cas , c'est par des combinaisons , souvent neuves., et toujours profondément raisonnées ; qu'on doit s'assurer toutes les chances possibles d’un heureux succès , en liant des approximations sur la nature des maladies qui ne sont pas entièrement connues, avec d’autres approximations sur les effets des remèdes dont les vertus ne sont pas rigoureusement déterminées. E I N.' #• MONTPELLIER, De l’Imprimerie de Tourner Frères, rue Aiguiilerie, N.° 43. CONSEILS S ü R LA MANIÈRE D’ÉTUDIER LA. PHYSIOLOGIE DE L'HOMME. CONSEILS SUR LA MANIÈRE D’ÉTUDIER LA PHYSIOLOGIE DE L’HOMME Adressés à Messieurs les Elèves de la Facultède Médecine de Montpellier • Par Jacques L OR DAT, Professeur d’ Anatomie et de Physiologie de la même Faculté^ A MONTPELLIER, Chez DELMAS, Libraire breveté , plaça St. -Pierre, vis-à-vis l’Ecole de Médecine. i8i3. ; CONSEILS sua LA -W3K- MANIÈRE D’ÉTUDIER LA PHYSIOLOGIE DE L’HOMME. La Brutère a dit que . si certains hommes ne vont pas dans le bien jusques ou ils pomroient aller , cest par le vice de leur première instruction (i). Quelque jus le que soit cette maxime en morale, elle l’est peut- être encore plus dans les sciences ; des premières idées dépendent en effet les (i) Les caractères ou les mœurs de ce siècle IChap. XI. 1 (O progrès qu’on peut y faire. Elle y est sur- tout d’une application plus générale et ne regarde pas seulement certains hommes ; parce que le génie qui , dans ce cas, peut tenir lieu de la première instruction , ou même la corriger, est , beaucoup plus rare que la conscience qui peut y suppléer dans l’autre* L’exactitude des premières idées , dans les sciences physiques , dépend elle-même du point de vue sous lequel on considère l’objet qu’on se ® propose d’étudier"”, des moyens d’investigation dont on se sert pour la recherche des faits , et de la mé- thode qu’on suit pour en déduire des consé- quences générales. Le premier service que doivent donc vous rendre ceux qui sont chargés de vous diriger , jeunes Élèves , c’est de vous indiquer dans cet objet les faces qui vous intéressent , de mettre à votre disposition les bistro mens les plus sûrs pour les explorer , et de vous rappeler sans cesse à la bonne manière de philosopher* Les règles qu’on peut prescrire sur ces trois points sont plus ou moins obligatoires, selon que la science est pratique ou spé- culative, Etablir des principes qui doivent servir de fondement à un art , est une affaire autrement sérieuse, que de chercher à prouver des opinions ou même des vérités stériles, dans la seule vue d’exercer l’enten- dement. Aussi , dans les conseils que je vais vous donner , je n’oublierai jamais votre destination : ayèz-Ia vous-même toujours devant les yeux durant le cours de vos études , si vous ne voulez pas risquer de perdre un temps précieux à des recherches trop étrangères à votre sujet. Que nous importe que vous marchiez, si les pas que vous faites ne vous approchent pas du but où vous devez tendre? Bien des gens étudient la Physiologie uniquement pour satisfaire leur curiosité , et pour essayer les forces de leur esprit sur une science qui présente autant d’attrait qu’au- cune autre. Il n’est pas sûr pour vous de les prendre pour guides , ni d’adopter leurs méthodes. Comme c’est sur-tout du plaisir qu il leur faut , ils sont sujets à sacrifier l’utile à l’agréable, le sûr au commode, le vrai à l’ingénieux. Quant à vous , jeunes Elèves , vous êtes appelés à exercer l’art dont le but est'de soulager nos maux phy- siques , et de réparer les désordres qui troublent l’économie de notre corps. La première étude qui doit vous occuper est \ celle des lois de cette économie (i). La Physiologie humaine n’est donc pas pour vous une science de pure spéculation , puisqu’elle est la base sur laquelle reposent les dogmes et les règles de la médecine pra- tique. L’influence que cette première^ étude aura sur toutes celles qui la suivront, vous fait un devoir de préférer la méthode la plus sévère. Il ne vous est permis ni d'employer d’autres momens que ceux du délassement à résoudre des questions étran- gères à l’art de guérir ou à chercher des rapports stériles , ni de négliger les mo- yens les plus sûrs de parvenir à la vérité, fussent-ils les plus dégoûtans , ni d’adopter la théorie la plus brillante , si elle est en opposition avec un seul fait. Cette austé- rité pourra vous coûter quelques jouissances intellectuelles; mais elle vous procurera un plaisir moral inestimable , celui de sentir que vous êtes constamment utiles (2). C) Nalura corporis est in medicïnâ principium studii Hippocrat. de lotis in homme , (a) Cognitio co?itemplatioque natures manca quo~ dammodo atque inchoata fit , si nul la actio rerum consequatur . Ea antem actio in horninum commodis Uiendïs maxime cernitur . Pertinet igitur ad sotie- ( 5 } ï. Tachez , avant tout , de vous faire une idée claire du véritable objet de la Physio- logie humaine. L Homme, pendant toute la durée de son existence , présente a i observation une série non interrompue d’actes , d’opérations, de changemens dont la simple description constitue son histoire naturelle. La conser- vation du corps, au milieu d’un grand nombre d agens physiques et chimiques de destruction , la digestion , la nutrition , l'ac- croissement , les sécrétions, la respiration, les sensations , la pensée # les passions , les mouvemens , la succession alternative de la veille et du sommeil , les mutations amenées parles progrès de l’âge , la génération , les ma- ladies, leur guérison spontanée, la mort : voilà ce que nous voyons, et ces effets suffiroïent certes pour nous exciter à la recherche des causes , quand même un intérêt plus puis- tatern genens humani Ergô hœc cognitioni ante - ponenda est. Cicero , de offieiis , Lib. I. Au reste , la métaphysique et la morale peuvent! recevoir quelques lumières de la Physiologie. En payant un tribut a ces sciences , le physiologiste y trouve une diversion agréable sans cesser un instanS de se conformer à la maxime de l’orateur romain. comman- C 6 5 sant que la curiosité ne nous en deroit pas l'étude. Gomme il est impossible d apercevoir aucun rapport entre la pensée et les pro- priétés connues de la matière , on a de bonne heure séparé cette opération d’avec les phénomènes qui sont évidemment cor- porels , et on l’a rapportée à une cause spèciale qui fait l’objet de la Psychologie. Les plus grands physiologistes modernes ont tenu la même conduite , et quand on voudroit faire abstraction de l’influence que la manière de voir à cet égard doit exercer sur la morale , il me semble que tout homme sensé aimera mieux cette distinction des causes, que de dire , avec un grave Auteur de nos jours, que le cerveau sécrète la pensée comme le foie sécrète la bile. Au reste, la Physiologie, en cédant à une autre science la considération de cet admirable phénomène , ne se croit pas dispensée de constater l’action réciproque du corps sur les opérations de l’Étre pensant , et de l’Etre pensant sur les fonctions du corps ; la mé- decine pratique a trop d’intérêt à connoître ces relations, pour quelles puissent être négligées par la Physiologie. Les phénomènes de l’état de maladie (7) n’ayant paru que le résultat d’une imper- fection de la constitution du corps , des effets d’un désordre survenu dans la ma- chine ; les médecins ont jugé à propos de les soustraire encore du nombre de ceux dont le physiologiste doit particulièrement s’occuper , et d’en faire le sujet de la patho- logie , autre branche très - étendue de la science de l’Homme. Ce sont donc les phénomènes corporels de l’état de santé qui sont proprement le sujet de la Physiologie; quant à son objet formel, le voici. Ces phénomènes apparens ont pour cause d’autres phénomènes cachés qui se passent dans l’intérieur du corps. Il s’agit d’aller à la recherche de ces derniers, d’assi- gner l’ordre de leur filiation et le mode de leur combinaison ; de suivre leurs successions , depuis les phénomènes apparens jusqu’aux actes les plus élevés que notre esprit puisse apercevoir dans ces chaînes , de déterminer le nombre des principes d’action , d'après celui de ces actes , et d’établir les lois selon les- quelles ces agens produisent leurs effets (r). (i) Gomme tous les phénomènes ont une fin utile, et qne les cachés sont la cause des apparens , ils portent tous également 3e nom de fonctions, nom qui semble signifier des actes relatifs à une destination. ( 8 ) Si je ne m’abuse pas ÿ l’objet de la Physio- logie est plus clairement indiqué dans ce pro- blème que dans la plupart des définitions. Les unes ont le défaut de promettre plus que la science ne peut tenir, comme celle de Castelli (i). Cest la science qui explique la santé , ses causes et ses accidens ou modifications . D’autres ont celui de présenter le sujet d’une manière trop abstraite , sans faire sentir le rapport sous lequel on l’envisage , comme celle-ci : cest la science de la vie ; ou cette autre ; c’est la partie de la médecine qui s'applique à rechercher la constitution de V Homme (a). D’autres ont celui de ne montrer l’objet formel de la Physiologie que d’une manière extrêmement incomplète , comme celle de Haller: la Physiologie est V histoire ( enarratio ) de tous les mouvez mens extérieurs et intérieurs qui s'opèrent dans l'Homme ; et celle de M. Caldani : (i) Lex . v. Physiol. Celle de M* Procliaska me paraît avoir le même vice : Physiologià ...... singu - larurn ejus f hominis ) partiurn f quitus compositus est y foiina , si tus nexus , structura , vires et officia EXPLICA.NTUR , QUO CLARÈ PATEAT quemadmodum ex mutuo illarum auxilio vita et sanitas dependcat * Inst, physiol. , §, 2* (3) porræus , Varandæus , çtc. cest la science qui décrit la structure $ les fonctions et les usages des diverses parties du corps (i). En rédigeant ce problème , je me suis aussi attaché à n’y introduire aucune con- dition dont la possibilité ne soit démontrée. Je n’ai pas voulu , comme certains , vous imposer l’obligation d’analyser les phéno- mènes du corps vivant, jusqu’à ce que vous les ayez ramenés aux lois générales de la physique et de la chimie ; ou de les expli- quer par telles propriétés vitales dont il m’aurait plu de déterminer le nombre. Ici on ne préjuge rien ; on ne vous fait pas un devoir de trouver ce qu’on s’imagine être la vérité; on ne pense pas être en état de circonscrire le nombre des principes d’action, et de soutenir que la science sera complète , quand ils vous suffiront pour rendre raison de tout (2). (1) Inst, physiolt9 C. J. (2) Si nous ne ramenons pas tous les phénomènes aux lois générales de la matière , a-t-on dit , il faut s'en prendre à rignqrance où nous sommes de quel- ques faits intermédiaires. Mais puisque cette igno- rance est générale , doù sait-on que de plus grandes lumières nous conduiroient à ce résultat ? ( 1° ) On ne vous demande que de ne pas vous écarter de l’objet qui vient de vous être indiqué , de compter pour rien tout ce qui ne nous aide pas à le remplir , d’aller aussi loin que les faits concluans vous le permet- tront > et de vous arrêter dès qu’ils vous manqueront. Si vous ne parcourez pas un long chemin , il est sûr au moins que vous ne vous égarerez pas. II. La méthode que plusieurs Auteurs ont suivie dans des Traités fort estimés, me suggère une question. Convient-il de faire précéder l’étude de la Physiologie humaine de celle des principes de la Physiologie générale de tous les êtres organisés, ou au moins de la Physiologie des animaux , prin- cipes dont la Physiologie de P homme ne seroit qu’une application particulière ? En d’autres termes , la connoissance de quel- ques résultats généraux ,, obtenus pac la comparaison de tous les animaux connus , prépare-t elle avantageusement l’esprit à la Physiologie humaine , et en abrége-t-elle l’étude ? Je ne puis m’empêcher de remarquer, en passant], qu’on n’a jamais tant exalté en théorie les méthodes analytiques d’exposi- tion , èt que jamais on n’a plus constamment; ( II ) suivi la synthèse dans les ouvrages didac- tiques. Toujours des vues générales , des principes abstraits , et ensuite les faits particuliers. Je ne blâme ni n’approuve , mais cette contradiction me frappe. Après y avoir bien réfléchi, je trouve que l’utilité de cette Physiologie générale pour notre objet, est très-difficile à dé- montrer. En effet , cette science se com- pose , i.° de l’analyse de plusieurs idées complexes , telles que celles de vie , Rani- mai, de végétal ; 2*0 de quelques recherches sur les fonctions qui sont communes à tous les animaux : 3.® de conjectures sur les conditions essentielles de la vie ; 4«° de considérations relatives aux fonctions qui s’exécutent dans certains auimaux et dont d’autres sont privés; 5.° de l’énumération des différences très-nombreuses que présentent les organes par lesquels ces fonctions sont exercées , et des combinaisons que ces organes offrent dans les diverses espèces. i.° Mais d’abord les idées qu’on travaille si péniblement à éclaircir , sont des notions abstraites que presque tous les hommes pos- sèdent également sans s’en rendre compte et qui sont par rapport à la Physiologie , ce qu’est par rapport à la géométrie, la ( ta ) ligne droite , que personne n’a bien définie , et que tout le monde conçoit de la même manière (i). 2.0 Quant aux fonctions générales, l’idée qu’on en a , .tient de si près à celle d’ani- mal , qu’il n’est pas possible de les séparer et je ne crois pas qu’on apprenne rien à personne, quand on [dit que tout animal sent et qu’il exécute des mouvemens au moins intrinsèques. 3.° Tout semble prouver qu’il n’y a point de condition générale et indispensable à laquelle on puisse rapporter la vie ; que la Nature , comme parle M. Frochaska , a divers moyens de produire ce phénomène. II est au moins certain que, de ce qui tombe sous nos sens, rien n’est commun à tout ce qui vit, rien ne détermine constamment et infailliblement la vie (2). Il s’ensuit (1) D'Alembert t hlémens de Philosophie. (2) Aristote cherche quels sont les organes communs à tous les animaux ; il 11e trouve que l’ouverture pour recevoir les alimens , et la cavité pour les conserver , c’est-à-dire , la bouche et l'estomac. ( De kist. ctnirn. , lib, 1 , c. % ), Sur cela , je fais les remarques suivantes : t.° il est des animaux chez lesquels la bouche et l’estomac ne s >nt pas des organes ou des parties ; mais seulement , un passage et un (i3) qu’après avoir appris , par la voie de Inex- périence , quelles sont les conditious aux- quelles tient la vie d’une espèce, on n’en peut rien conclure avec sûreté pour les autres , et qu’un semblable examen doit être fait directement sur chacune. 4.0 Pour tout le reste, je ne vois pas comment une galerie d’organes très-diffé- rens, et de combinaisons diverses de ces organes, pourroit abréger et faciliter l’étude de l’Homme. Si dans ces assortimens, on apercevoit une nécessité qui liât un tel sys- tème avec un tel autre 9 qui lorsque certains organes seroient réunis , rendit indispensable la présence d’une partie déterminée; on trou- veroit dans ces études préliminaires le moyen de deviner une grande partie de la Physiologie et de l’anatomie humaines. Quand un homme sac résultant de la conformation générale de l’animat en manière de poche. Il en est ainsi dans les actinies et dans le» polypes à bras. 2.0 Ces circonstances de structure , nécessaires pour prendre et pour garder la nourriture, ne peuvent pas être évidemment considérées comme la cause de la vie ; il est si vrai qu elles sont indifférentes dans la production de3 phénomènes vitaux , que si l’on désorganise l’animal par une ou plusieurs sections entières , chaque partie jouit de la plénitude de la vie , et a le pouvoir de 5e compléter. C 14 ) est savant dans les mécaniques, il lui suffit de connoître les bases d’une machine com- pliquée dont il voit les effets pour en suppléer bientôt tous les détails. Mais dans la structure des animaux, on ne découvre point de né- cessité ; lors même qu’on ne connoît aucune exception à un fait général d’anatomie , personne n’oseroit prononcer que sa cons- tance dépend de l’incompatibilité ou de la concomitance indissoluble de deux organes. Après ce qu’on a vu dans l’ornithorhynque <*) > un homme prudent ne doit assurer l’impossibilité d’aucune combinaison, fût- elle aussi bizarre que celle des griffons ou des sphinx. D’après cela, comment un élève muni de ces résultats fera t-il des progrès plus rapides dans la Physiologie humaine , si aucune notion générale ne le dispense d’un _ D) Animal de la Nouvelle Hollande, dont le oorps , à l'exception de la tête , ressemble en petit à celui d’une loutre , mais qui , au lieu de mâchoires , a un véritable bec (Sonnini). La dissection a fait connoître qu’il avoit des rapports avec les oiseaux , non-seulement par cet organe, mais encore par ceux de la circulation et de la respiration , et par la forme de l’épaule ; et avec les reptiles , par ceux de la locomotion et de la génération (M. de Blainville). ( i5 ) examen particulier ? L’ordre inversé des études me paroît plus sûr et plus cour. Il est bien plus facile à celui qui connoît parfai- tement un terme de comparaison , de saisir les propositions générales qu’à celui qui ne connoit que ces dernières , de se faire une idée exacte des faits auxquels elles se rapportent. Ajoutons qu’il ne convient pas de donner sa confiance à des propositions générales ÿ avant qu’on ait acquis au moins quelques faits particuliers qui puissent servir aies vérifier, et de se mettre ainsi à la merci de ceux qui, en les établissant , n’ont peut être eu qu une counoissance imparfaite du seul être qu’il nous importe d’étudier à fond. Ma is , vous dit-on , en habituant l’esprit à l’étude d’un sujet isolé , il perd la faculté de comparer les êtres, et de sentir leurs véritables irapports....» Mais, sans disputer sur la vérité de ce fait, je vous le demande, puisque toutes les habitudes mentales ont des effets semblables , aimeriez-vous mieux que celle de comparer des êtres et de cher- cher leurs rapports , vous rendît incapables de vous captiver à l’étude sévère de l’homme. Songez à votre destination, et puis com- parez les suites de ces deux inconvéniens* \ C 16 ) III. Revenons au problème physiologique et occupons - nous des moyens de le ré« soudre. Le premier instrument d’investigation que la raison indique , c’est l’anatomie , c’est- à-dire , la dissection du cadavre humain , et l’examen de toutes les parties qui le composent; car il semble tout naturel de penser que l’on trouvera dans les rapports mutuels et dans le jeu sensible de ces par- ties la cause efficiente des phénomènes à expliquer % comme on trouve dans les mou- vemens d’une machine artificielle la raison des effets qu’on lui voit produire. Les Anciens présumèrent l’utilité de ce moyen aussi bien que nous , et ils le mirent en usage , autant que le leur permirent les lois et les opinions de leur temps. Mais bien des obstacles retardèrent la marche de l’anatomie, et les empêchèrent d’en retirer tous les services qu’elle est capable de rendre. La Physiologie doit-elle s’en plain- dre ou s’en féliciter? Je ne saurois répondre, quand je songe que la difficulté d’employer ce moyen d’investigation en fit perfection- ner un antre , dont les résultats étoient bien plus importans et d’un intérêt bien plus prochain ; je veux parler de l’observation , C 17 ) de 1 Homme malade -, que quelques-uns surent si bien faire servir à fonder les principaux dogmes de la doctrine physio- logique. Les connoissances anatomiques que nous possédons aujourd’hui , jointes aux lois de la physique , et en quelque sorte fécondées par elles , constituent un moyen indispen- sable d’expliquer un grand nombre de phenomenes de l'économie animale , prin- cipalement de ceux auxquels tiennent immédiatement plusieurs fonctions appa- rentes. C’est pour cette raison que Pana. tomie vous est présentée comme la base de la Physiologie. D excellens préceptes vous ont été donnés sur la manière de l’étudier (1). Je neveux y ajouter que quelques réflexions sur celle d appliquer l’anatomie à la solution du pro- blème physiologique. i.° Quel ordre vous convient-il de suivre ? Sera-ce l’ordre physiologique ou l’ordre anatomique ? Prendrez-vous une fonction composée, et irez vous chercher tous les mstrumens qui concourent ensemble ou (1) Voyez, sur-tout l’Introd. aux princip. de Phy, «îojogie de M. Dumas , première édition . ( i8 ) Successivement à l’exécuter ? Ou bien , quand vous examinerez un organe , assi- gnerez-vous sa manière d agir dans les diverses fonctions auxquelles il contribue? L’un de ces ordres u a pas une supério- rité e sur Fautre ; chacun a des avan- tages relatifs à la position où se trouve celui qui étudie. Lorsqu’on ne s’occupe de l’application de Fanatomie à la Physiologie qu’après avoir étudié la structure du corps entier , l’ordre physiologique me paroît préférable , comme plus propre à fixer l’esprit sur son véritable objet,. Mais lors- qu’on ne travaille pas sur de simples idées, et qu on procède actuellement à la décom- position du corps, en suivant la marche reconnue la plus facile par les anatomistes, on peut , sans inconvénient , mettre a profit la connoissance anatpmiquè dun organe a mesure qu’on l’acquiert , pour expliquer quelques éîémens des grandes fonctions auxquelles il coopère. Ces explications par- tielles s ordonnent ensuite fort bien , dans les revues que l’esprit fait de temps en temps de ses idées pour se les mieux appro- prier, Cet ordre est presque le seul qu’on puisse suivre , lorsqu’on étudie énsemble Panai o mie et la Physiologie; si Ton sobs- Ç ’9 ■) tinoit à garder invariablement celui des fonctions, on seroit obligé de revenir plu- sieurs fois sur les mêmes parties , d’autant que , comme le remarque Vandèr Linden (i), la plupart de nos organes sont laits, selon l’expression des Anciens, à la manière des glaives de Delphes (2). 2.0 Dans tous les temps, on a senti qu’en faisant l’analyse des diverses parties du corps animal, il était commode d’en rapporter les élémens organiques ou les divers tissus , à un certain nombre de genres , qui aide- raient la mémoire et rendraient la descrip- tion de la constitution d’un organe bien plus aisée. Ces tissus sont ce que les Anciens nommoient parties similaires. Il n’est pas né. cessaire , pour porter le même nom , que ces élémens, considérés dans diverses régions, soient identiques ; c’est assez qu’ils aient une ressemblance générale qui frappe au (1) Medicina physiol. lié. 11. , c. 2 , §. ,3. (2) Les Anciens chsoient cela de toutes ies choses qui pouvaient servir à divers usages, lis faisaient aliusion à des glaives qui se fabriquoient à Delphes , «t qui étaient également propres aux sacrifices et à punir les coupables de la peine capitale. Voyez Erasme , Adag , 2\ an ceps et dubius « ( 20 ) premier coup d’œil. Si Ion vouloit apporter à ces choses une exactitude scrupuleuse on ne pourroit faire aucun rapprochement. L’arachnoïde , membrane séreuse du crâne, diffère beaucoup du péritoine , membrane séreuse du bas-ventre, par sa consistance , son degré de transparence , l’odeur de son excrétion , etc, Le parenchyme du foie est bien différent de celui de la rate et des reins ; la substance celiuloso-vasculaire de l’urètre diffère de celle des poumons. Il est même possible qu’entre les élémens de deux muscles, il y ait des différences * puisque la chair des animaux a des goûts différens dans diverses parties de leur corps. Si quelque tissu élémentaire semble homo- gène dans toute son étendue , c’est bien celui des nerfs. Hé bien ! un anatomiste distingué , M. Red , assure qu’il n’est point de nerf qui n’ait sa forme , son organisation intime , particulière et distinctive, qui mise en évidence par les procédés qu’il indique , ne le fasse aisément reconnoitre à celui qui Ta déjà observé (i> (i) Exercitat, anatom, 9 fasc. primas , de s tract, nervon » Eolœ 3 ( 2' > Comme il n’est pas aisé de; tracer les lignes de démarcation entre les diverses sortes de parties similaires ; que s’il y en a quelques-unes de bien distinctes , d’autres ont des caractères infiniment moins pro- noncés ; vous ne serez pas surpris de voir les anatomistes différer sur ce point : ma»s si vous songez au degré d’utilité de ces classes , sous le rapport anatomique , vous vous inquiéterez peu de cette diversité d’opi- nions ; vous vous instruirez dé toutes les divisions qui ont été faites , et vous choi- sirez un terme moyen entre celle qui réduit ces tissus à un trop petit nombre, et confond des choses évidemment distinctes , et celle qui , à force de pousser l’analyse , n’a plus l’avantage qu’on cherche dans ces classifi- cations. Mais souvenez-vous que lors même que vous connoissez les propriétés générales des divers genres de tissu, vous n’êtes pas dis- pensés d etudier les modifications qu’ils pré- sentent dans chaque organe , puisqu’elles peuvent aider à concevoir quelques-uns des phénomènes qui s’y observent. Dans ces derniers temps, on a mis une grande importance à l’étude des parties similaires , et on a prétendu que la con* C ) noissance de leurs propriétés organiques et vitales étoit le fondement de la Physio logie, Nous examinerons ailleurs ces opi- nions, 3.° Les applications de l'anatomie à la Physiologie, ont pour but de résoudre une de ces trois questions : i;° un organe étant connu, déterminer ses fonctions; 2.0 l’exis* terme d’une fonction étant connue , assigner l’organe qui l'exécute ; 3.° dans l’un et l’autre cas, expliquer le mode d’opération de l’or* gane. La première se résout . x,° d’après l’obser- vation immédiate du corps vivant, ce qui ne peut guères avoir lieu que pour les or- ganes extérieurs ; 2. ° d'après le sens intime}; ainsi nous sentons bien que le cerveau est l'organe matériel de la pensée ; 3.° d’après les traces que les fonctions laissent dans la partie ou dans celles qui en dépendent? ainsi l'humeur contenue dans les vaisseaux ou dans le réservoir d’une glande , suffit pour décéîer les usages de cet organe ; 4-° d’après les rapports qui existent entre un organe caché et les lieux extérieurs où O s’exécutent certains actes d’une fonction composée ; ainsi les rapports du poumon avec les parties par où nous sentons Pair ( .0.3 ) entrer et sortir , font penser que ce viscère est l'organe de îa respiration , et le sens in- time achève de nous convaincre ; 5.° d’après la conformation qui rend un système d’or- ganes propre à exercer un tel acte méca- nique ; ainsi Ilaryée , pour démontrer la cir- culation , a tiré un bon argument de la struc- ture du système sanguin. On verra que ces moyens de solution ne sont pas toujours suffisans ; mais nous en avons d’autres dont il sera question ailleurs» Je n’ose pas ranger parmi les instrumens légi- times l’analogie tirée de la ressemblance des tissus constitutifs des organes. Nous en savons trop peu sur le rapport qui existe entre l’organisation des parties similaires et leurs fonctions , pour que cet analogisme soit sûr. Aussi qui oserait soutenir d’après l’examen seul de la contexture , que les parties nom- mées la glande pituitaire, la glande thyroïde, le thymus, sont des organes sécrétoires ? La seconde question le résout par les mêmes moyens. On doit sentir, en effet, que les rapports qui existent entre la con- noissance de l’organe et celle de la fonction , A et qui, à l’inspection de l’un, nous font assigner l’autre , doivent produire un effet semblable quand l’esprit procède d’une C M ) nière inverse ; c’est-à-dire associer à l’idée de la fonction , celle de l’organe le plus "propre à la remplir. Je n ai pas besoin de dire combien Fana» tomie subtile peut être nécessaire dans les recherches de cette sorte. Il est aisé de sentir que la perception du rapport entre la fonction et l’organe , est quelquefois sub- ordonnée a une circonstance anatomique fort délicate , dont la découverte est indis- pensable a la solution de ces problèmes. Mais il existe beaucoup de fonctions bien constatées dont les organes ne peuvent pas être déterminés par ces moyens. Tantôt la ténuité des organes les dérobe à nos recherches ; tantôt leur complication nous rend incertains sur celui a qui une fonction doit etre attribuée; tantôt enfin nous n’osons pas assurer qu’elle ne puisse appartenir à des parties qui semblent avoir une autre destination , mais où la multiplicité des usages n est pas impossible, il faut recourir alors à tous les secours que l’observation , ^ expérience et î induction peuvent nous fournir , et dont nous parlerons en traitant des autres instrumens d’investigation. Mais ou ne doit jamais se permettre la supposition d’organes qu’il est impossible C 25 ) de démontrer, lors même qu’on s’y croiroit autorisé par les analogies. Les ressourcés de la Nature ne nous sont pas assez connues pour nier qu’elle ait pu opérer de vingt manières différentes de celle que nous ima- ginons. N’admettez donc que lorsqu’on vous les montrera , ni les glandes des membranes séreuses , ni le fluide nerveux , ni les fibres vésiculaires des muscles , ni les vaisseaux ^xliaî ans , ni les nerfs du cristallin, etc. Passons à la quatrième question. 4-° Quand on connoît a conformation, la structure intime, les rapports de situation et les connexions des organes , et que par l’ob- servation immédiate ou par d’autres moyens d’investigation, on a découvert le mode de mouvement de ceux qui sont actifs, il est aisé d’appliquer à ses eonnoissances les lois de la physique pour en déduire l’explication d’un grand nombre de phénomènes. Cette manière d’assigner les fonctions mécaniques des diverses pièces qui com- posent un système d’organes , ou comme disent les physiologistes , un appareil 5peut , dans quelques cas , être préférable à la méthode expérimentale , et donner des ré- sultats plus cestains. Pour expliquer ce paradoxe , je vais citer un de ces cas* C 26 ) Dans la 'plupart des appareils, la Nature ne s’est pas tenue au strict nécessaire , elle s’est occupée aussi de Futile et du com- mode (1) .; elle y a introduit une sorte de luxe , uue surabondance de pièces qui fait qu'une demeurant dans l'inaction ou venant à manquer , il en reste encore assez à la rigueur, pour exécuter la fonction. Ainsi l’obstruction d’un des points lacrymaux n’empêche pas les larmes de parvenir à leur destination , puisqu’il en reste un autre; ainsi presque tous les organes reçoivent des vaisseaux et des nerfs de plusieurs troncs , et la suppression de quelqu’un de ces moyens de communication n’empêche pas qu’au bout d’un certain temps , Jes fonctions de l’organe qui l’a éprouvée ne se rétablissent» Cette multiplicité de res- sources assure, jusqu’à un certain point p l’intégrité des fonctions , contre les acci- dens qui menacent continuellement notre frêle machine. Supposons que , de la permanence d’une (1) Omnia Natura aut propter id quod ne ces- sarium est , facit , aut propter id quod melius , dit Aristote, ( Lib. i , de Générât, animatiurn p c. 4). ( 27;) fonction après la destruction d’une pièce de son appareil, on se pressât de conclure que cette pièce ne contribue en rien à cette fonction ; la conséquence ne seroit pas rigoureuse : cette expérience ne pour- voit affoiblir à mes yeux l’opinion qu'auroit fait naître la comparaison de la structure de l'appareil avec la fonction a expliquer , et je resterois0 persuadé que l’organe détruit auroit pu remplacer celui qui maintenant opère seul, si ce dernier avoit manqué, ou si quelque circonstance l’avoit gêné dans son action. Une des applications les plus intéres- santes de l’anatomie , c’est de démontrer l’utilité de chaque circonstance de struc Cure pour la conservation du corps. Quand on compare la délicatesse de ce corps avec les violences extérieures qu'il essuie sans périr , on ne peut s’empêcher de penser qu’il doit y avoir dans la disposition et dans la constitution des organes, des causes qui diminuent le nombre des chances malheu- reuses. Pour faire sentir routes les sortes d avan- tages qui résultent de la construction des diverses parties , Galien s’est souvent i C s8 ) servi d’an raisonnement que quelques-uns semblent ne pas approuver (r) , mais où je ne vois rien de repréhensible: il cbnsiste à supposer une structure différente de celle qui existe réellement, et à déterminer par la pensée les résultats qui s’ensuivroient. Il est vraisemblable que ces suppositions ont été blâmées dans la crainte qu elles ne favorisoient l'influence des opinions ton- chant les causes finales sur les recherches physiologiques. Mais quelle que soit l’in- tention éloignée de ceux qui s’en servent, il me semble qu’ou aurait tort de les nt- gliger , lorsqu’elles mettent mieux au jour l’utilité des pièces de la machine. Dans les essais de cette espèce , on doit éviter uu écueil : c’est de porter trop loin le désir de trouver une utilité physiologique à toutes les circonstances de l’organisation. Un homme presque aussi éminent par les qualités de son esprit que par celles d’un ordre plus relevé , disoit qu'il ne fallait pas demander pourquoi une chose est ainsi» lorsque , si elle étoit autrement, on pourroit (i) Voyez Barthez > dise* prélinn des Elém. de la science de l’Homme. C 29 ) faire la même question (r). D’après cela i nous ne serions pas fondés à demander , par exemple, pourquoi la sole , le turbot , l’huitre ne sont pas symétriques, puisque, s’ils l’étoient, on seroit tout aussi autorisé à demander pourquoi ils le sont. Bichat me paroît s’écarter de cette règle lorsqu’il disserte longuement sur la symétrie des organes des fonctions animales , et sur l’utilité de cette symétrie pour la perfection de ces fonctions. 11 ne peut pas prouver que , par la nature des choses , la symétrie soit essentiellement nécessaire dans tous les animaux , à l’exécution des fonctions de relation ; son discours ne peut donc tendre qu’à dire que , d’après le système adopté par la Nature dans la construction de l’Homme , les parties doubles et les moitiés symétriques des parties impaires » doivent agir semblablement pour la perfec- tion des fonctions ; et comme , au lieu d’imiter Aristote , qui applique ce principe seulement à l’appareil de la progression , il a résolu de soutenir sa thèse pour toutes les parties où s’exécutent des fonctions de (1) Nec in eâ debet esse quœstio , ubi quidquid es set y quœitiù essety D, Aur< Au g 4 , ep* 3* C 3° ) cet ordre; il entasse des propositions, ou d’une évidence proverbiale, comme que deux yeux voient mieux qu’un /û) ; ou fausses ; comme que les deux moitiés latérales du Corps sont naturellement égales en dimen- sions et en forcera); ou hasardées , comme ce qu’il répète d’après Haller et Biiffon , sur la fausseté de la voix , qu’ils attribuent à l’action inégale des deux côtés du larynx , et tout ce qu il avance sur les dépravations de l’odorat par la sensibilité inégale des deux narines , et du goût parcelle des deux moitiés de la langue; ou enfin, tellement vagues et arbitraires, que personne ne prendra la peine d’en examiner le fondement, comme que la fausseté du jugement provient de 1 inégalité d action des hetnispheres céré- braux ( 3). Voilà ou conduisent les questions (i) Une autre assertion de la même certitude , c est que le plan où »e termineroit l'hémiplégie chez une huître ne seroit pas si facile à placer que cheai 1 homme» I)e la vie et de la mort , page i5, (i) Il est facile de prouver que la préférence uni- versellement accordée au côté droit , est l’effet de l’inégalité primitive, et non la cause. (3) Il est si sur de son lait , qu’il ajoute : « si nous * pouvions loucher du cerveau comme des yeux > > c’est-à-dire , ne recevoir qu’avec un seul hémis- (30 oiseuses. Si l’on s’expose à perdre ses peines, ce doit être au moins en s’occupant d’un objet utile , afin que la bonne volonté serve d’excuse , et que les efforts infructueux paroissent encore dignes d’estime* 5*° Il existe une différence essentielle entre les organes du corps animal et les machines que l’art invente. Ces dernières sont mues par une impulsion étrangère , et l’exactitude de leurs mouvemens est subordonnée à la précision de leur struc- ture. Les organes , au contraire , portent souvent leur cause motrice dans l’intimité de toute leur substance ; et cette Cause peut varier et changer la configuration des pièces de l’appareil, selon les besoins du moment* ! Si donc on déterminait les effets mécani. ques d’un organe d’après sa constitution sur le cadavre , et d’après la supposition d’une cause motrice uniforme ou bornée à un point, sans avoir égard aux change* mens perpétuels que l’agent caché dans toutes les molécules peut amener soit dans » ptière les impressions externes , n'employer qu'un » seul côté du cerveau à prendre des déterminations, » à juger , nous serions maîtres alors de nos opé^ I» rations intellectuelles ». C 32 ) la quantité ou la direction de ses mouve- mens , soit dans la forme meme des parties ; on obtiendroit fréquemment des résultats Bien éloignés de la vérité. Il y a long temps qu’on a fâit cette remarque; mais je pense qu’il n’est pas hors de propos de la répéter puisqu’un physiologiste étranger des plus modernes (i) , a adopté, pour la circula- tion, une théorie entièrement fondée sur les lois de l’hydraulique , où il semble rejeter, comme impossibles, tous les faits qui pourroient l’impugner. Les erreurs qui ont été commises k cet égard, vous font un devoir detre circons- pects , quand il faut assigner tous les modes d’action d’un appareil ; de ne pas les déduire de 1 anatomie seule , mais de comparer sans cesse sa structure avec les diverses circonstances de la fonction que vous entre- prenez d’expliquer , afin d’apprécier les changemens que la cause motrice toujours présente a pu introduire, à tous les instans» dans le mécanisme. De cette manière vous assignez la véritable utilité de la construc- tion des organes , les avantages d’une cons- truction précisé dans les uns , et d’une (i) Prochaska , lnstit. PhjsioL , g. 4a i et seq. (33) structure libre et îâche dans les autres, et vous recueillez en même - temps des faits d’un autre ordre , qui vous seront d’un grand usage poùr les recherches ulté- rieures (t), 6.® L’impatience avec laquelle nous dési- rons de trouver , dans les connoissances anatomiques , la raison des phénomènes à expliquer , nous fait tomber souvent dans une faute grave , qui consiste à saisir un rapport très éloigné entre une circonstance de 1 organisation , et une circonstance d’un fait physiologique , pour en faire la base d’une théorie de ce fait. On commet la faute dont je parle , par exemple , lorsque abusant d’une idée ingé- nieuse de Bordeu , on veut trouver dans ce qu’on nomme les étranglemens du tissu cellulaire , la raison suffisante de cette espèce de division physiologique , qui , malgré la continuité de toutes les parties, (i) Cette espèce de départ entre les effets physi- quement nécessaires de la structure et de la cons- titution des organes , et ceux de la cause invisible cachée dans leur substance , pendant l’exercice des diverses fonctions , est l'objet du beau travail de Barthez , qui a pour titre : JSova doctrina de junc « tionibuç corpori$ humants c % > semhl* les séparer en départernens èmi chacun a ses organes liés par des rapports plus intimes (i)> Ces étranglemens n'em- pêchent pas les communications , et les phé- nomènes sur lesquels on a imagine cette division ont certainement d’autres causes que l’anatomie n’a pas découvertes, Martine d’Edimbourg la commise , cette même faute , lorsque pour expliquer la succession alternative de rinspiration et de l’expiration ? il a prétendu que la position, du nerf diaphragmatique l’exposoit à des retours alternatifs de iiberté et de com- pression, qui étoient la cause des mouvemens successifs de contraction et de relâchement du diaphragme (a\ IV. Malgré le soin que les anatomistes ont mis à étudier et à décrire toutes les circonstances de l'organisation et tous les (i) Les Anciens désignoient cette liaison sous lé nom de rectitude locorum. Iis considéroient la sépa- ration comme formée par deux plans , dont 1 un ■vertical diviseroit le corps en deux moitiés latérales, et dont l’autre, horizontal , le couperoit en parties supérieure et inférieure , à la hauteur du diaphragme. Voyez Vallesius , Comment, '^ in epid, Hippocratw # Ltb. Il , sect. 3, (a) Essais d’Edimb. , T. I, Art. XIL (35) élemens de la^onstitution intime du corps ÎS "0ilt pas pu ren,onter bien haut dans a se ne des phénomènes ; le prem;er anneau de chaque chaîne leur est resté inconnu , et ils n’ont jamais su déterminer en quoi 1 an, mal vivant diffère du cadavre. Quand ils ont voulu expliquer une fonction de mouvement, ils ont bien trouvé dans la conformation des organes et dans leurs rapports réciproques , le mécanisme qui devoit amener cet effet lorsqu'une cause motrice les mettroit en jeu; mais cette cause leur a complètement échappé. Quand ils ont observe un phénomène de composition ou de décomposition, ils ont quelquefois pu e suivre, pas à pas, et décrire tous les degrés par lesquels la matière a passé avant de prendre sa dernière forme; mais dans ces changemens successifs, ils n’ont pu reconnoître l’action libre des affinités, ni prévoir les résultats en vertu des lois de la chimie , et il a fallu confesser qu’une cause inconnue dirigeait cette série de mutations. Dans les phénomènes de sensation , on n’a rien découvert qui rendît raison du fait ; seulement dans certains organes r on a ren- contré une disposition anatomique qui favo* nsoit 1 accès des corps extérieurs aux sur- ( 36 ) laces pa*> lesquelles se fait la perception. De plus, on a scrupuleusement examine bien des parties dont les fonctions etoient connues par le sens intime, par l’observation de l’Homme vivant ou par les traces que ces fonctions laissent sur le cadavre; mais il a été impossible d'apercevoir le moindre rapport entre ces usages et les propriétés physiques constatées dans les organes. En un mot , la dissection du corps nous a fait voir les lieux où s’exécutent un grand nombre des phénomènes de la vie ; mais elle ne nous a donné aucune lumière sur les causes essentielles de ces phénomènes (i), et la stagnation où nos connoissances à cet é. a d restent depuis long-temps , maigre ï (■A C’est ce que Fernel me paroît avoir déclaré , quand il a dit: ut ad Historiée Jidem Ceographia , sic ad rem medicam corporis humani descri, >tio petâorcenda, Physial , Lib. 1 , floral. Je ne ré- ponds pas. que Riotan ait entendu le vrai sens de ce paie. Jndkrop., Lib 7, c X. ^ , c ururg.eu Merv exprimoit la même vérité , quand il diaoit , * 3a manière: nous autres anatomistes, qui poursui- vons les parties du corps jusqu’au. * dernières^ mo- lécules, nous, ressemblons au.c crocheteurs de Pans aui connaissent parfaitement toutes les rues cette Vide , mais qui ignorent ce qui se passe f intérieur des maisons. Voy. ForUeéelle , Eloges. I (S7) les progrès de l'anatomie, suffit pour nous ôter toute espérance. Ce n’est pas tout : les divers actes simul- tanés ou successifs qui composent une grande fonction sont liés et coordonnés; il en est de meme des grandes fonctions entr’elles . or, il est impossible de trouver dans la dis- position et dans les rapports anatomiques des organes la raison suffisante de cette merveilleuse harmonie, de cette individualité physiologique. Aussi les Médecins ont - ils toujours admiré la justesse de la comparaison que Galien fait du corps animal avec la forge de Yulcain, où selon la fiction d’Ho- mère , tous les instrumens pénétrés d’une vertu divine , se mouvoient d’eux-mêmes 8 dans l’ordre et avec le degré de force con- venable à leur usage actuel (i). Si l’on y pense bien, on sentira que notre découragement au sujet des services qu’on peut attendre de l'anatomie, n'est pas fondé seulement sur l’expérience, mais encore sur le défaut de rapport ( j'ai presque dit l’in- compatibilité ) entre les phénomènes vitaux; et les propriétés que nos sens bornés peuvent- découvrir dans la matière. (i) Ve usu partium , Lib, lVf c. a. C 38 ) Aussi dès l’origine de la médecine et ayant d’avoir épuisé les ressources de Fana* îomie, on admit , pour les corps vivans ’ des principes d’action différées de ceux qui s’aperçoivent dans la matière brute. Cette manière de voir en passant chez le peuple a pu être la source de cette fouie de Divinités que l’Antiquité préposa à la conservation et aux fonctions des organes ç telles sont la Déesse Ossilago , chargée de former et d’en- durcir les os ; la Déesse Carna , qui entre- tenoit dans leur ordre naturel les viscères importans^ sur-tout le foie et le cœur ; la Déesse Mena, qui régîoit les évacuations périodiques desi femmes ; la Déesse Prosa , qui dirigeoit convenablement la tète de Fenfant au moment de sa naissance (i ). Les Médecins se garantirent sans doute de ces extravagances ; mais ils conservèrent tou- jours la tradition d’une cause spéciale de la vie : malgré la diversité du langage , les noms à'impetum faciens , de Nature , d’Àme sen- sitive , d’Àrchée , d’Esprit, rappeloient tou- jours cette idée ; cependant ni les Médecins anciens , ni ceux du moyen âge , n’eurent ( jamais une doctrine arrêtée et complète* et ils associèrent constamment à cette opi- nion les hypothèses puisées dans la philo- sophie du temps. Il fut une époque où les Philosophes crurent devoir bannir tous les principe# d’action qui ne se trouvoient pas dans la matière brute. On érigea en règle , que lorsque l’explication des phénomènes n&- pou voit pas être déduite de leur obser» vation immédiate, il falloit avoir recours k des suppositions de causes connues , com- binées de telle sorte quelles dussent amener des effets analogues à ceux qu’on devoir expliquer. Pourvu que les hypothèses ne fassent pas tout à fait gratuites, mais qu’elles eussent un air de vraisemblance fonde sur quelque circonstance physique, et qu elle* rendissent raison des principaux faits , on recevoit cette doctrine comme constante*, et s^il survenoit un fait qui y fût opposé, on y paroît en la modifiant par une nouvelle hypothèse. Cette méthode de philosopher , accrédité# sur-tout par Descartes, s’empara de la Fhy* siologie : les hypothèses furent prises rte 1* physique et de la chimie 5 et rendues vrai- semblables par une anatomie phaotastitpi#* C4o) Mais il se trouva toujours quelques pra- ticiens austères qui professèrent peu d es- time pour une science futile, sans cesse en opposition avec des milliers de faits , ignorés des spéculatifs qui l’avaient créée* C est alors quelle fut flétrie du nom de Roman de la médecine , Ce qu’il y eut de singulier , c’est que beaucoup de Mé- decins qui adoptèrent les théories à la mode , restèrent fidèles à la pratique d’Hip- pocrate. Grâces à l’inconséquence de l’es- prit humain , on apprenoit des doctrines vaines , pour lesquelles on dévenoit fana- tique , mais dont on se seroit bien gardé de suivre les principes au lit des malades. Ainsi ceux meme qui étoient les plus chauds partisans des hypothèses mécaniques , confir- rnoient par leur conduite et par leurs observations médicales l’idée qui les coin battoit. Enfin , peu a peu l’on vit prédominer le nombre des Médecins qui sentirent la néces- sité de reconnoître des principes d’action , différées de ceux qui suffisent pour ordon- ner les phénomènes de la matière morte. M ais iis furent loin de s’accorder sur leur nature» Au milieu de la diversité des opi- nions, deux sentimens sur-tout firent for- C 40 tune : celui de Stahl , qui regardent l’Etre pensant comme le principe moteur , sen- sitif , individuel et ordonnateur , et comme la cause efficiente de tout ce qui se passe dans Je corps ; et celui de Pacchioni et de Baglivi , qui admirent dans le solide vivant xme force motrice inhérente. Haller donna une nouvelle face à ce dernier par ses expé- riences multipliées sur l’irritabilité et sur la sensibilité , deux propriétés ou principes d’ac- tion dont il fit la base de sa Physiologie. Mais le Stahlianisme dut vivement attaqué par les défenseurs du solide vivant ; lattri- Lution des fonctions corporelles à l’Ame parut trop hypothétique. Elle révolte, en effet, le sens intime : personne ne veut croire qu’il fasse tant de choses à son insçu. D’un autre côté , les principes d’action admis par les premiers solidistes étoient Insuffisans. Pour qu’ils pussent faire face à tous les phénomènes; on complétoit les théories en recourant à des hypothèses dont les bons esprits ne s’accommodoient pas mieux que des anciennes. Enfin Bordeu se mocqua avec tant d’esprit des doctrines hypothétiques pures et mixtes, et Barthez enseigna une autre philosophie avec tant d autorité, que les Médecins orit i 4* ) généralçmeut senti la nécessité de renonce? aux suppositions gratuites (1) et de recon- noître un plus grand nombre de faits mitifs propres aux corps vivans. V* Aujourd’hui aucun Médecin ne refuse (i) Je ne suis pas peut-être tout à fait exact. On voit de temps en temps quelques théories qui se ressentent des anciennes habitudes. M Prochaska , par exemple , a grand penchant à croire que la vie animale n'est qu’une combustion. Sa grande raison ; la voici : vit a animaüs cum Jlammd id commune habet , quod ad s us te n tan dam intam eademquc ad flammam alendam , aeris conditio requiratur. Jnst. Physiol . hum. , ( §. 149 ). Il trouve aussi fort vraisemblable que la succession alternative des appétits et de la satiété ( quand ils ont été satisfaits ) , in mirû electricitatis positives et négative# diçtœ , aut vis attractives et répulsives vicissitudine couses teve ? ( S- ao5 )• M. Girtanner a imaginé de nos jours une théorie hypothétique de la contraction musculaire. Il fait dépendre ce phénomène de la combinaison de l’hy- drogène, du carbone , de l’azote et des autres subs- tances combustibles qui se trouvent dans le corps charnu du muscle , avec l’oxigène qu’apporte le sang des artères; combinaison qui est déterminée par un courant nerveux . Il seroit à désirer que des Acteurs estimables n’employassent pas* l’ascendant de leurs talens et de leur réputation à mettre en crédit de pareilles imaginations. éle regarder comme une règle incontestable que , puisqu’il se passe dans le corps vivant «les phénomènes qui ne ressemblent point à ceux que nous présente la matière brute , ils doivent être considérés comme l’effet de principes d’action particuliers à ce corps principes qu’il faut désigner par des noms qui rappellent leurs effets sensibles. Il ne faut pas s’attendre à trouver la même uniformité 0de sentiment sur la ques- tion de l’origine de ces principes ou forces- Comme les élémens du corps une fois séparés, sont de la matière brute, les pro- priétés que leur réunion possède dans le système vivant , semblent ne pouvoir leur venir que de leur organisation , c’est-à- dire , de leur arrangement; ou de l’addi- tion d’une substance inconnue douée de ces forces. beaucoup de Physiologistes adoptent l’une ou l’autre de ces opinions et prétendent la convertir en vérité démontrée : de là des disputes intermi- nables. Nous îi’avons pas les données nécessaires . pour nous décider. Si , d’une part , il est contraire à la bonne manière de philoso- pher , de supposer l’existence d’un être substantiel , et de faire , de cette snppo* (44) sttion , la base 'd’une doctrine, de l’autre , nous sommes obligés d’établir une certaine relation entre nos idées : or il n’y en a point entre ce que nous connoissons de la matière et l’idée que nous avons de la sensation , de la génération, de l’individualité d’un Être , etc. Si l’arrangement de la matière peut produire de tels effets , le mode de cet arrangement passe nos conceptions , ou la matière a des propriétés que nos sens ne peuvent saisir et dont l’organisation déve» loppe les effets : quoi qu’il en soit , il reste toujours un intervalle immense entre la notion que nous avons des propriétés générales des corps , et les phénomènes de la vie. Prendre un parti ne me paroît clone pas conforme aux règles de la pru- dence , et je sens de la méfiance pour quiconque a le ton affirmatif sur cette question. Heureusement nous pouvons rester en suspens. L’admission dune force est une abstraction qui ne préjuge rien sur sa nature ni sur son origine. Ce qui nous intéresse j ce sont les effets. Or 3a certitude de ces effets et des conséquences qu’on en tirera dépend de la manière ô dont on constatera les uns et dont on déduira les autres , et / C 45 ) non de l’opinion qu’on peut avoir sur là source des principes d’action. VI. Uue autre règle sur laquelle tout le monde est d’accord , c’est que le nombre de ces principes doit être égal à celui des ordres de faits, et que les ordres eux- mêmes doivent être établis sur les diffé- rences essentielles de ces faits; mais ’il s’en faut bien qu’il y ait la même unanimité > quand on en vient à l’application. Barthez reprochoit aux Anciens d’avoir trop multiplié les v facultés ou principes d’action ; mais il pensoit que les modernes tomboient dans l’excès opposé. Il est impos- sible de n’ètre0 pas de son avis , en voyant les ouvrages qui ont été publiés depuis quelques années , en France , sur la Physiologie. La sensibilité de conscience, la sensi bililé locale , la force motrice volontaire et involontaire ; et le ton vital des solides f voilà les principes auxquels on prétend tout ramener. Examinez , vous dit un » Auteur moderne , tous les phénomènes » physiologiques , et tous ceux des mala- r> dies , vous verrez qu’il n’en est aucun. qui ne puisse en dernier résultat , se rap » porter à une des propriétés dont je vi cm ( 46 ) ** de parler » (i) : et ce sont celles qué j’ai désignées moi-même sous les noms anciens. Il y a trop à dire contre cette assertion , pour que je ne my arrête 'pas un instant. Pourquoi avons-nous reconnu la néces sité d admettre des principes d’action par~ ticuliers aux corps vivans, principes qui se combinent avec les propriétés générales de la matière pour produire les phénomènes que nous observons dans ces corps P C’est premièrement , pour nous dispenser d’avoir recours aux explications hypothétiques ^ secondement , pour mettre une relation entre les idées que nous avons des effets et celles que nous nous faisons des causes. Or si nous diminuons trop le nombre des principes d action, il arrive qu’il n’y a*? plus de relation entre un grand nombre d’effets et les causes auxquelles on les attribue, et que, pour en établir une, on est obligé de recourir à l’hypothèse. Quelques exemples rendront ceci plus sensible. Un des phenomenes de la vie est quun corps éminemment corruptible par sa (i) Bichat, Anat. génèr. considérations générales^ pag, ÆfV. (47) Constitution , se maintient â l’abri de la. décomposition chimique , au milieu des agens destructeurs qui l’envirbilnéht (i). Stahl considéroit cet effet de la vie comme le plus étroitement lié à sa cause » comme celui qui en attestoit encore la présence, lorsque tous les autres avoient disparu. Je demande quel rapport l’esprit peut aperce- voir entre ce phénomène et la contractilité ou la sensibilité. Comment ces propriétés rendront-elles raison de la formation du fœtus ? Est-il possible de tie Voir , dans l'opération qui Cn assemble les matériaux , les organise , eti fait un être semblable à ceux dont il pro- vient , que l’effet de diverses contractions ? (i) M. Soemmerring attribue l'incorruptibilité du corps à un fluide nerveux qu’il revêt de toutes les propriétés nécessaires pour rendre raison de plusieurs effets vitaux, comme d’engendrer la moelle nerveuse, de vivifier toutes les parties , etc. ( Afi cm, sur la résorption de Vhunïèur contenue dahs la substance des nerfs ). Mais puisqu’il faut accorder a ce fluide tant de propriété* purement vitales , que gagne-t-on à son admission ? On est toujours forcé d’en venir à reconnoître des principes d’action particuliers aux èorps vivans , et on embarrasse la doctrine d’un* Jijpoûiesè gratuite* C 48 ) J’en dis autant de l’élaboration des ma* iières contagieuses. Je ne puis rien voir de commun entre leur fabrication et le simple mouvement ou les sensations. Les sécrétions et la nutrition meparoîssent dans le même cas , et on l’a bien senti, puisqu’on a eu recoursà l’hypothèse pour les expliquer: on a supposé dans les parties une sensibi- lité élective qui les rendoit propres à attirer telle, molécule plutôt qu’une autre , sans songer qu’on n’expliquoit pas comment cette molécule a voit été élaborée de ma- nière à se trouver en rapport avec cette sensibilité; que les élémens organiques des parties ne leur sont pas présentés tous formés , que chacune prépare les siens ; qu’enfin cette sensibilité ne rend pas raison de la régularité et de la constance des formes , malgré l’abord continuel des sucs alibiles. Je ne crois donc pas que les principes d’action ( ou les propriétés vitales ) admis exclusivement par un grand nombre de phy- siologistes modernes, puissent suffire à la classification de tous les faits. Je trouve un avantage à en augmenter le nombre r et je n’y vois point d’inconvénient. Il me paroît même que s’il est de notre nature de C4g) donner toujours dans quelques excès, il v ci ut mieux trop multiplier les classes que de tomber dans le defaut contraire# Ne pas remonter jusqu’à la cause commune de deux ou trois ordres de faits , c’est rester en deçà de la vérité; mais réunir, sans des raisons suffisantes, des ordres distincts f cest risquer de tomber dans upe erreur. Or, en médecine, comme le précepte de ne pas faire du mal est beaucoup plus absolu que celui de faire du bien , nous sommes plus tenus d’éviter l’erreur que de trouver la vérité. YIl. Il s’agit donc maintenant de pro- céder à 1 étude des phénomènes purement vitaux ou hyper organiques (i) qui se passent dans 1 intérieur des organes , et de les rap- porter à des facultés ou propriétés parti- culières. Les lois de chaque propriété se déduiront des faits qui lui seront attribués. L esprit pourra saisir ensuite plus commo- dement ces phénomènes , et suivre leurs combinaisons , leur filiation et leur associa- tion avec les effets mécaniques de la struc» (i) Je crois qtiv, cette expression a été employé® d’abord par Grimaud ; Dumas l’a adoptée. 4 ( 5° ) ture .des parties, pour établir la théorie des fonctions. Il faut considérer les phénomènes de chaque organe sous trois points de vue principaux : i.° En tant qu’ils constituent sa manière de vivre particulière, et indépendamment de toute relation avec le tout ; c’est la ce que Galién appelle les fonctions privées de cet organe , et ce que Bordeu, a rendu célèbre sous le nom de vie propre d’une partie. 2.0 En tant qu’ils se rapportent au service du système entier ; et qu’ils sont comme le tribut d’utilité payé par chaque, partie au corps dont elle est membre ; c’est ce que Galien nomme les fonctions publiques > 3.0 En tant qu’ils découvrent entre des organes distincts un lien secret ( inexpli- cable par les rapports physiques ) qui les unit et établit entr’eux une communauté ou une alternative d’affections , lien qui est connu sous le nom de sympathie. L’étude des fonctions privées est une des bases sur lesquelles repose la détermination des principes d’action propres au corps vivant, ou l’analyse des forces vitales. La connaissance des fonctions publiques est ( 5i ) proprement ce que ies Anciens nommoient la doctrine de V usage des parties. Comme dans les recherches sur ces divers phénomènes, il faut , entre les voies égale- ment sûres , suivre la plus courte , nous nous arrêterons un moment à examiner une question dont la solution peut influer sur notre choix. VIII. Quelques physiologistes de ces der- niers temps ont voulu que Ton considérât les propriétés vitales comme inhérentes aux parties similaires, en vertu de V arrange- ment organique de leurs molécules (i) ; ils ont dit que chaque tissu réunit à des degrés diffèr ens , plus ou moins des quatre pro- priétés dont j’ai parlé plus haut , et vit par conséquent avec plus ou moins d’éner- gie (2) ; que la plupart des organes n étant que des composés de tissus simples , Vidée des forces vitales de ces organes , ou comme parloit Bord eu , de leur vie propre , ne peut s'appliquer qu'à ces tissus simples (3). Ceci n’est pas une conjecture hasardée. (i) Bichat, Anat. génér. , considérât, génér. , pag , Ixxjx . (%) Ibid, y pag, Ixxxiij, (3; Ibid. ; (50; c’est une assertion qui fait la base dé la Physiologie et de la Pathologie de oeis Auteurs , et ils prononcent expressément , que si vous voulez connoître les propriétés et la vie d'un organe , il faut absolument le décomposer en ses tissus simples (i), ' Cette manière de voir me paroît sujette h de grandes difficultés* J en vais présenter quelques-unes , qui pour être connu iSes 9 n’ont pas besoin d’un grand nombre de connôissances de détail. i,o X^e premier principe de cette doctrine est une assertion arbitraire et sans preuves. Sur quel fondement peut- on avancer que les tissus simples possèdent une vie qu’ils ne tiennent que d’eux -mêmes ; que des nerfs , des fibres musculaires , du tissu cel- lulaire , des os , vivent indépendamment du corps auquel ils appartiennent ? Si l’on vonloit soutenir que la vie appartient au sys- tème entier; que celle des organes en est une émanation, qu'ils en jouissent en tant qu’ils font partie du tout , que s’ils l’emportent dans leur séparation ? elle ne tarde pas à les abandonner, et même long-temps avant (i) Ibid. p pag Ixxxv* 9- C 53 ) quil soit survenu dans l’organisation ua changement capable de justifier cette perte ; on auroit pour le moins autant de raison que les partisans du système que j’examine; et si cette question reste indécise , ii est toujours bien certain qu’une doctrine qui la suppose résolue , porte sur une base peu solide. 2.0 Affirmer que les propriétés vitales sont inhérentes à chaque tissu en vertu de l arrangement organique de ses molécules , c’est encore avancer plus qu'on ne peut prouver. L extinction de ces propriétés: peut-elle avoir lieu sans qu’il soit possible d apercevoir le moindre changement dans 1 organisation de ces tissus ? Personne n’osera répondre négativement. Peuvent- elles changer dans leur intensité 9 dans leurs proportions , en un temps fort court , sans qu’aucune altération sensible se montre dans l’arrangement organique ? Bichat lui-même a reconnu l’affirmative , puisqu’il en fait le fondement de sa dis- tinction des forces physiques et des forces vitales (i). On dira peut-être qu’il s’opère (i) Ibid., pag. liijt . (54) alors dans l’organisation des changement qui sont inappréciables ; mais soutenir 1 exis- tence de tels changemens , c est ériger son opinion en principe , ce qui n’est pas permis. 3.o Si la vie d’un organe composé n’est formée que de la combinaison des pro- priétés vitales des tissus élémentaires qui entrent dans sa constitution , il s ensuit que lorsque ces tissus sont bien connus sous le rapport physiologique, on peut prévoir d avance tous les actes vitaux qui se pas- seront dans cet organe. Faisons-en l’ex< pé rien ce ^ et supposant que nous ignorons les phénomènes vitaux qui se passent dans Festomac j dans les poumons, dans le cœur, tâchons de les trouver à l’aide de la con- noissance de leurs tissus respectifs. Qu* osera croire que cette physiologie faite à priori , puisse avoir quelque ressemblance avec la vraie Physiologie? que nous ayons des moyens pour assigner d’avance les pbé- inomènes des organes composés, ou même pour prévoir la différence qui se trouve entre l’estomac et la vessie , la parotide et la mamelle , le foie et le rein ? Or si la Physiologie des tissus ne m’apprend pas cela , et ne me dispense pas d’étudier imncié- C 55 ) diatementles phénomènes deH’çrgane Entier, à quoi est*elle bonne ? 4-° Bicliat a senti l'objection; il a voulu l’éluder en disant que quand nous étudions une fonction , c’est-à-dire , l’usage d’une partie , il faut considérer (furie manière générale V organe composé qui V exécute ; mais que quand vous voulez connoitre les propriétés et la vie de cet organe , il faut absolument le décomposer . Je réponds à cela , d’abord , que la distinction de la fonction et de la vie propre d'un organe a bien un se ns dans la doctrine d'Hippo- crate , dans celle de Galien , et même dans celle de Bordeu , mais quelle ne me semble en avoir aucun dans celle des soli- distes dont je parle. Je réponds , en second lieu , que si l’on admet une fois cette distinction , on ôte à la Physiologie des tissus toute la certitude dont on la gratifioit. Car si l’on convient que l’organe compose peut recevoir uue aptitude à remplir uue fonction quelconque , d’uue autre source que de sa texture organique , il est hors de doute que cette aptitude change la vie propre qui , selon la théorie dont il s’agit , devoit résulter uniquement de la combinaison des tissus élémentaires* Un exemple rendra (56) ceci plus clair. Vous prétendez que les pro- priétés vitales des mamelles dans l’état de repos peuvent être déterminées d’après ieur analyse anatomique : je l’accorde pour un moment : mais lorsque ces parties entrent en orgasme pour la galactopoïèse , leurs propriétés vitales changent dans leurs pro- portions ; elles deviennent plus sensibles > plus disposées aux fluxions , aux engorge- mens , aux inflammations. Voilà donc tout le système de ieur vie propre altéré par l'influence de la cause qui leur donne l’ap- titude à opérer une nouvelle fonction. Ainsi dans la supposition même la plus favorable aux Auteurs que je combats , la cannois* sance de la vie propre d’un organe chargé d’une fonction publique ne pourroit pas résulter de l’étude de ses elémens anato- miques , puisque cette vie est modifiée par une cause étrangère à son organisation. Mais je n’ai garde de convenir que ces fonctions soient la seule cause qui fasse changer la proportion des forces vitales dans un organe qui reste anatomiquement le même. La conséquence de tout cela est que , pour connoître les phénomènes vitaux d’un organe, il ne me suffit pas d’en pouvoir c 57 ) rapporter les élémens aux diverses classes de parties similaires , que cette méthode de composition ne fournit que des notions peu sures et incomplètes, et que rien ne peut me dispenser d’une étude directe de l’organe pris dans sa totalité, et tou- jours considéré comme partie d’un système vivant, qui exerce une influence perpétuelle sur les pièces qui le composent. IX. Occupons-nous maintenant des moyens d investigation dont on peut se servir pour aller a la découverte des phénomènes vitaux qui se passent dans les organes. Un des hommes qui ont obtenu le plus de célébrité dans la Physiologie , Haller en a consacré trois par son exemple ; et comme ce sont les seuls dont il fasse men- tion à la tete d un ouvrage ou il se propo- sait d établir les fondemens les plus solides de la science (1) , on peut croire qu’il les regardait, sinon comme les seuls légitimes, au moins comme surpassant de beaucoup tous les autres par l’abondance, la certitude et l’utilité de leurs résultats. i.° Un de ces moyens est l’anatomie fi) Elem* Pkysiol. , in Prœfat . (58) pratique ou pathologique. Il la propose pour les recherches relatives à 1 usage des parties. Supposons, dit-il, qu’une fonction déterminée soit attribuée a un tel organe, et que vous cherchez a vous assurer si cette opinion est fondée , vous ne trouverez pas de moyen plus certain que l'exploration des cadavres où cet organe est sensiblement vicié. Si tandis qu’il étoit malade , la fonction s’exerçoit naturellement , on ne peut pas évidemment lui attribuer cet usage. Dans le cas contraire , il est très vraisemblable que l’organe remplissoit les fonctions qui ont été abolies ou altérées depuis sa maladie. 2.0 Le second moyen est l’anatomie des animaux. G’est pour le même genre de fonctions que Haller en vante l’utilité. Je» prouve tous les jours, dit-il, qu on ne peut porter un jugement sain sur l’usage de la plupart des organes du corps humain , si l’on ne connoît la structure des organes correspondans chez les quadrupèdes, chez les oiseaux , souvent même chez les in- sectes. 3.0 Enfin , le troisième est l’ouverture des animaux vivans , soit pour y contempler sans obstacle les mouvemens spontanés des parties , dans la connoissance desquels (59) Haller fait consister toute la Physiologie (i) , soit pour soumettre les organes à des expé- riences dont les résultats lui paroissent avoir plus avancé la science de l’Homme que tous les autres moyens ensemble. Je m’étonne de ne point voir sur cette liste un moyen d’investigation qui ne le cède à aucun autre , disons mieux , qui mé- rite le pas sur tous , à cause du nombre , de la certitude et de l’importance de ses résultats : je veux parler de la Pathologie T ou de l’histoire des faits observés sur l’homme malade. Haller s’en est pourtant servi assez souvent ; mais , si l’on en reconnoît futi- lité, pourquoi ne pas lui donner son rang ? Les secours qu’on en peut tirer n’ont pas été méconnus par Barthez. « Les faits re- » latifs à l’histôire des maladies ou à la » pratique de la médecine , dit-il , sont de 55 la plus grande importance pour former » de justes idées sur l’économie de la santé, 5> Hippocrate a vu avec génie, que la nature si humaine ne peut se manifester parfaite- (j J Physiologîa est enarratio rnotuum quibus animata machina agitatuv . Ailleurs il dit : in motu animati corporis interno et e.vterno tota Physiologia versatur . (f 60 y » ment par aucune de ses faces , qu’à celui » qui possède le système entier des con- » noissances de l’art de guérir (i) ». Malgré une déclaration aussi expresse , presque tous les physiologistes modernes ont gardé le même silence que Haller sur ce moyen d’investigation. Ceux qui con- Koissent le bon esprit que M. Sœmmerring a porté dans l’exposition des vérités physio- logiques , s’imaginent bien qu’il est compris dans l’exception; mais il parle de l’usage qu’il a fait de la Pathologie en homme qui pense avoir besoin de se justifier (2). M» Prochaska fait encore mention de ce moyen , mais sans laisser entrevoir quel est le degré (A) » Censeo vero qubd de naturâ ( Hominis ) u manifestum quiddarn cognoscere non aliunde * possibile fuit , quàm e.c arte medicâ : quod quidem » facile eiit penitiis nos se , si quis ipsam artem « medicam universam probè cornplexus fuerit ». De priscâ medic. (2) Morbidas partium mutaîiones sicco pede PRÆTERIRE NON POTUIT , partim quod in medi - corum gratiam liber conscriptus est , partiin qubd solidani et perfectam cognitionem legum , vis et verœ naturce nostri corporis , sœpiùs declmationes tnorbidœ demùm perficiunt » De corp. hum. fa.br « in præfat. '( 6i ) d'estime qu’il lui accorde , et la manière dont il s'exprime laisse douter s’il le croit aussi nécessaire que la chimie et la bota- nique (i). Il est pour vous du plus grand intérêt d’examiner sérieusement les divers moyens d’investigation , afin de proportionner votre confiance au nombre et à l’importance des services que chacun peut vous rendre. Cet examen peut se faire selon deux méthodes; l’une consiste à présumer les services d’après la nature de chaque moyen ; l’autre à dis- * cuter la valeur des faits et des principes dont la science lui est redevable. La première est évidemment la seule dont il me soit permis ici de faire un essai. (i) Multarum scientlarum notitia requiritur , quas inter,, u mec ho. me ci , hy drohea, , tum chemin y hoUinia , anatomia , zootomia , et ipsa pathologm prœcipuum locum occupant, % 3. M. Modéré a tex- tuellement donné la préférence à ce moyen sur les autres. Il dit , dans 1 Introduction de sa Physiologie Positive ( pag. xxxiv ) : « Afin de connoître , d’une « manière plus positive , les vrais rapports et les « usages des parties, que ni l’Anatomie, ni les expé- « riences sur les animaux vivans , ne sauraient déttr- « miner à fond, je me suis attaché a faire une com~ « pa raison suivie des organes de l’Homme malade « avec ceux de l’Homme sain i( • (62) X* Haller semble trop limiter l’emploi de l’Anatomie pathologique , quand il n en montre Futilité que sous un seul point de vue ; il est facile en effet de juger qu’elle ne se borne pas à éclairer la doctrine de l’usage des parties. i.o Et d’abord, c’est l’ouverture des ca- davres qui nous a appris que la mort spon- tanée peut arriver sans aucune altération dans l’organisation sensible , et qui nous a montré l’impossibilité de prouver cette opi- nion , qui compte néanmoins encore quel- ques partisans, savoir, que la vie dépend immédiatement et par une nécessité phy- sique, de l’intégrité et d’une certaine dis- position des organes , de sorte que la mort ne puisse atteindre un corps ou ces conditions subsisteront. 2.° L’analyse des facultés vitales peut etre perfectionnée par l’histoire des faits tires de la même source. Ces facultés excessi- vement exaltees 9 affoiblies ou depravees , altèrent l’organisation. Les traces que les viciations laissent sur le cadavre nous ap- prennent ce qui a du se passer quand il jouissoit de la vie. Nous avons appris de cette manière que diverses parties habituellement insensibles , (63) acquièrent , dans certains cas , un haut degré de sensibilité , puisque , après^ des douleurs vives , le siège de la maladie » ✓ s’est trouvé dans des os , dans des car. tilages , dans des ligamens qui , chez des sujets sains , ne semblent pas sus- ceptibles de sensations de conscience ; que d’autres parties où l’on ne peut apercevoir aucun mouvement intestin , avoient dû cependant , pour subir l’alté- ration qu’on y découvre , opérer sponta- nément des contractions ou des dilatations de leur substance , des oscillations fluxion- naires,, etc. Les recherches de ce genre serviront dans la suite à détermi ner jusqu’à quel point l’organisation que nous voyons dans une partie , est nécessaire à l’exercice des actes qui lui sont propres ; elles nous feront con- noître si cette partie peut continuer de les exécuter , si elle peut continuer de sentir , de se mouvoir , de se nourrir selon l’ancien mode , malgré de profonds changemens survenus à sa constitution. Parmi les faits qui intéressent ce point de doctrine , nous rappellerons une observation précieuse de M. Corvisart. Ce médecin a vu que lorsque les muscles se convertissent en tissu grais- ( 64 ) seux , ils ne perdent pas toute leur faculté contractile (i). r Les extispices doivent fournir à la science les principaux matériaux pour l’histoire de la force qui préside à la conservation de l’organisation. Les faits que vous connoîtrez par là vous feront sentir l’impossibilité de tout rapporter à des vices de la sensibilité et de la contractilité. Des organes flétris, atrophiés , indépendamment de toute affec- tion des facultés sensitive et motrice ; le sang détruit , annihilé , et les vaisseaux sanguins absolument vides ; des parties dont la substance naturelle est transformée en une autre tout à fait différente ; de véri- tables tissus organiques nouvellement for- més , et en tout semblables à ceux qui existent dans le corps depuis son organisa, tion primitive ; ces observations vous met- tront à portée d’apprécier ces théories hyp o- thétiques , où , pour avoir ,1e mérite de n’admettre qu’un petit nombre de forces (%) Maïad. du cœur, pag. i83. On sent que cette ' question s'applique seulement aux cas où le chan- gement d’organisation n’est pas un obstacle mécanique à l’exercice des actes. Ainsi, je sais bien qu’un muscle ossifié ne peut pas se contracter. c 65 ) on ne considère qu’une partie des phéno* mènes à expliquer. 3.® Eu souscrivant à ce qu’on a dit de l’utilité de Fanatomie pathologique pour la recherche des fonctions publiques des or- ganes , je ne dois pas négliger de vous avertir d une erreur où elle peut induire ceux qui voudroient lui accorder une confiance ex- clusive , et se passer du secours des autres moyens d’investigation. Il y auroit quelquefois du danger à nier qu’un organe contribue à une telle fonction , parce qu’on a vu cette fonction s’exercer pendant la maladie de l’organe ; car les extispices nous apprennent que souvent le défaut d’un organe est réparé par l'accrois- sement de l’action d’un autre f ou par d’autres procédés naturels qui nous sont inconnus. Faudroitil dire que le cœur n’a point de part à la circulation du sang, parce qù on l’a souvent trouvé dans un état de désorganisation tel , que tout mouvement de sa part devoit , depuis longtemps , être impossible ? Les observations d’anatomie pathologique doivent servir de moyen d’épreuve pour ces théories qui font dépendre nécessairement la vie de l’action de telle partie , dont elles 5 ( 66 ) supposent Fintégrité absolument indispen- sable. On sent combien elles d-eviendroient précaires , si l’ouverture des cadavres nous prouvoit qu’il n’y a pas un organe dans le corps humain , dont l’altération la plus pro- fonde nait pu coexister avec la vie , pourvu* que cette viciation se soit introduite lente* ment et par des degrés insensibles. 4.0 L’histoire des sympathies 11’a, sans contredit , rien de plus curieux que les faits dont elle est redevable à ce moyen. Il est souvent arrivé qu’on a découvert , bien loin du lieu où les symptômes avoient eu leur siège et vers lequel on avoit dirigé les remèdes , la cause organique des maux auxquels le malade a succombé. 5.0 Mais un des services les plus impor- tais , et qui intéressent le plus la médecine- pratique , c’est de nous apprendre à distin- guer les effets nécessaires d’un vice orga- nique d’avec ses effets contingens; de nous faire voir que des àccidens regardés vulgai- rement comme les suites inséparables de ce vice . tiennent à un véritable élément pathologique que cette lésion provoque , mais qui peut s évanouir maigre qu elle persiste , puisque souvent il est intermit- tent quoiqu’elle soit permanente; que, par 1 ((i) * * * * 67 î conséquent , on ne doit pas désespérer d’être utile à un malade atteint de palpitations , d’épilepsie ou de toute autre maladie occa- sionnée par un vice organique , lors même que l’Art seroit impuissant contre ce vice(i). (i) Dans les notes manuelles dont Barthez [se ser- vent pour ses leçons de Physiologie, je trouve le passage suivant ( première leçon ) : ce i’anatomie-pra- « tique peut être utile même en découvrant que les » lésions et les symptômes peuvent n’avoir point de » rapports constans. Il est plusieurs cas où les dissec- » tions ne découvrent point même les derniers effets » des causes morbifiques ( Rivière , Yalsalva ). Les dis- tt sections ne peuvent présumer des désordres semblables » à la suite de maladies toute différentes, ( Morgagny , » Thyerry ). Enfin , l'anatomie-pratique a découvert » quelquefois des corruptions très-graves d’organes , * dans des sujets qui avoient péri de mort violente , » et qui n’avoient ressenti aucun des symptômes v> patognomoniques de ces lésions. Eile a souvent » éclairé , même en mourant qu’il n’y avoit point » de vice organique , dans des cas où tous les symp- » tômes en faisoient présumer un ( comme dans » beaucoup de maladies inflammatoires qui avoient » été incomplètes ). Elle a montré réciproquement n que des vices organiques très-graves { comme ceux » du cœur et des gros vaisseaux ) , peuvent ne point » produire d’une manière constante des symptômes » qui semblent en dépendre nécessairement , mgis » affecter seulement par intervalles le Principe Vital ( 68 ) 6.° Il y a une autre vérité physiologique dont nous sommes redevables aux dissec- tions , et qui me paroi t féconde en résultats- pratiques : c’est que les organes se com- muniquent leurs affections, non-seulement par la continuité des tissus qui les forment , ce qui ne surprend nullement, mais en- core par la simple contiguïté d’une surface malade avec une surface saine. L’épiploon enflammé cause souvent une vraie phlogose à tous les points du cylindre intestinal avec lesquels il est en contact ; l’inflammation des organes renfermés dans une hernie ne tarde guères à être suivie de celle du sac ; une plaie à l’intestin détermine une inflam- mation dans la partie du péritoine que touchent les lèvres de cette plaie , et l’adhé- sion de l’intestin blessé avec la paroi abdo- minale en est promptement la suite. Je vous fais remarquer ces faits , parce que la com* municaûon des affections au moyen de la contiguité , justifie une pratique dont, au reste, on a de tout temps reconnu futilité; je veux parler de l’application des topiques sur les parois des cavités dont les organes intérieurs sont affectés, faite au point qui répond à fa lie et ion. - XL L’anatomie des monstres doit être X 09) considérée comme une section de l’ana«l tomie pathologique , puisque les êtres dont elle s’occupe, sont malades par rapport à 1 espece. -Elle me paroit encore propre st répandre du jour sur plusieurs points de Physiologie. Je ne dirai rien des monstres par excès , dont l’étude est pourtant d’un grand intérêt pour rétablissement de plusieurs vérités spé- culatives , je vous ferai seulement remarquer les argumens que fournit l’anatomie des monstres par défaut contre l’opinion de ceux qui assignent irrévocablement à chaque organe une telle fonction , qu’ils prétendent etre la suite nécessaire et exclusive de sa constitution physique, et pour l’exécution de laquelle nul autre , suivant eux r ne peut le remplacer. Si l’on me dit que la distribution de la matière alibile dans toutes les parties da corps , ne peut se faire qu’au moyen du mouvement circulatoire du sang , et que ce mouvement lui-même ne peut s’opérer que par l’impulsion du cœur (r) ; j’opposerai à ces assertions l’anatomie des fœtus qui se (i) Bichat en plusieurs endroits , particulièrement dans l’Anatomie descript, , art* du cerveau ' C 7° ) sont formés et ont pris cîe l’accroissement quoiqu’ils fussent privés de ce viscère (i). Si l’on prétend que la moelle épinière est l’organe d’où découle exclusivement la puissance vitale, que la vie, dans les diverses parties du corps , n’est que le résultat de Son influence directe par les nerfs , et de son influence indirecte par les vaisseaux sanguins, dont le premier mobile est sous la dépendance de la moelle ; l’anatomie des monstres me fournira une objection qui fera évanouir le prestige des expériences les plus ingénieuses: des fœtus se sont développés, , et ils étoient dépourvus de moelle épinière. Donc la nutrition et l’accroissement peuvent s’opérer et par conséquent la vie exister dans un animal , sans l’organe qu’on en veut regar- der comme la source. Que répondra-t-on ? Que ces faits sont extrêmement rares ? L’ob- jection est aussi forte , quand de tous ceux (1) Entre autres faits de cette nature , voyoz une observation d’Ant. Everard , rapportée dans l’Ap- pendix que Blasius a mis à la suite du Traité de Monstris de Liceti , et celle que Camper a faite sur un veau monstrueux , qu'il conservoit dans son cabinet ; Réponse à la question de la Société Jdaiave f etc0 € 7 1 ) qui ont été rapportés (i ) on n'en admettrait qu’un seul. Que dans la plupart , il restoïl assez de moelle épinière pour entretenir les mouvemens du coeur (2) ? Mais on ne gagne rien , si l’on ne peut affirmer cela de tous; et certes c’est impQsssible. Que la destruc- tion de la moelle est l’effet d’une mala- die (3)? Mais ce n est là qu’une conjecture , et quand nous l’adopterions , on n’en seroit pas plus avancé 7 puisque , dans cette hypo- thèse y la disparition de l’organe a dû être ( 1 ) Aux observations que cite Haller , joignez celle de M. Soemmerring sur nn monstre sans cerveau et sans moelle épinière qui est dans le conservatoire anatomique de Marpurg 9 de Corp. Hum. fabricâ 9 T. IV. §. 87 , et celles que Huber a rassemblées dans sa Dissertation de Medullâ spinali. (a) Haller , Pkjrsiolog. Elément. , Tout, IV f pag . 356. (5) ld . ibid. On a remarqué que le cerveau pou- voit manquer sans la moelle , mais que toutes les fois que la moelle manquoit, le eerveau manquoit aussi. Cette circonstance exclut toute idée de destruction de la moelle par maladie , puisqu’il n’y aurait pas de raison pour supposer que la cause désorganisa- trice doit agir constamment et en même- temps sur la moelle épinière et sur le cerveau. L’absence simul- tanée des deux . organes doit donc tenir à des con- ditions de l’organisation primitive. ; <70. d’une désorganisation qui , depuis long-temps, en rendoit l’action impossible » et si le fœtus s’est conservé à l’abri de la décomposition et vivant , ce n’a pu être par l’influence de ce viscère. Que ce sont des anomalies , des jeux de la nature ? Mais ces expressions n’ont pas de sens dans Yordre physique , et il est impossible de concevoir rien d’intermédiaire entre le phénomène régulier et le miracle. Si l’on affirme que nos penchans et toutes les déterminations de l’instinct , sont l’effet des perceptions de certains organes , dont les besoins s’expriment par ces impul- sions (ij, nous trouverons dans l’observa* tion des individus naturellement mutilés; des faits qui jetteront bien des doutes sur cette théorie. Pourra-t-on la regarder comme incontestable , par exemple , si l’on voit des personnes , sinon complètement dépourvues des organes de la génération , au moins privées de ceux qui donnent de battrait a 1 union des sexes , ressentir l’amour avec assez de violence pour franchir les bornes de la pudeur, et se soumettre à tous les l— — ----- I - - M I r-1 ■ -iTttmtMiLjij (ij Cabanis , Rapport du physique et du moral de l’Homme. précédée C 73 > désagrémens inséparables d’une liaison illi- cite (1) ? . Je n’irai pas plus loin. Il me suffit de vous avoir montré la variété des services que l’anatomie pathologique peut vous rendre , pour que vous sentiez la nécessité d’en faire une étude sérieuse. XII. On parle tant , depuis quelques années , de ceux que la Physiologie humaine doit attendre de l’anatomie comparée, qu’il vous importe de tâcher d’apprécier au juste l’utilité de ce moyen d’investigation. » D’abord , on ne voit pas qu’elle puisse servir à l’analyse des facultés vitales. Les faits sur lesquels cette analyse doit reposer, (1) M. Rubini a publié , dans le Journal de méde- cine de Parme ( io.e volume ) , l’histoire d’une fille dépourvue de toutes les parties naturelles extérieures, en qui on ne découvroit pour tout organe sexuel qu’un vagin d’un pouce de haut , terminé par un cul-de-sac , et qui n’a voit jamais éprouvé ni sensa- tion , ni appétit vénérien • Elle avoit pourtant un attachement très-vif pour un jeune homme avec qui elle vivoit dans le commerce le plus intime. Cela me rappelle une remarque de St. Jérôme , consignée * je crois , dans une lettre à Læta , sur l’éducation de sa fille : c’est que les eunuques retiennent toujours les inclinations d’un homme. ( 74 ) ne peuvent pas être pris hors de l'Homme. C’est seulement d’après les phénomènes qui s’observent en lui , qu’on s’élève à la détermination des principes d’action qui résident dans son corps et qu’on en pose les lois. Que pourroit-on donc demander à l’anatomie comparée ? De nous montrer les circonstances de l’organisation d’où ces principes peuvent dépendre ; mais elle ne peut rien nous apprendre sur ce sujet; les phénomènes vitaux n’ont point leur cause dans ce qui tombe sous nos sens , un polype y une médnse sentent , se meuvent, savent trouver leur nourriture et la saisir, digèrent , croissent , se nourrissent , propagent leur espèce aussi bien qu’un cheval , quoique de tout ce que nous pouvous apercevoir , il n’y ait rien de commun entr’eux. Si donc elle est de quelque utilité dans cette partie de la Physiologie , c’est seule- ment en confirmant ce que l’anatomie pratique et la pathologie nous ont appris sur le défaut de correspondance constante entre les manières d’être des facultés vitales et celles de l’organisation sensible. Pour ce qui est des fonctions publiques des organes , rappelons-nous la distinction que nous avons faite entre celles qui déri*: vent de la conformation et de la structuré de ces parties, par une nécessité physique , et celles qui dépendent de principes d’ac- tion inconnus et observés exclusivement I dans les corps vifans. Les premières peuvent, à, la rigueur, être connues au moyen des lois de la phy- sique bien appliquées , et ne paroissent pas avoir besoin d’un secours étranger. Néan- moins, il faut convenir que la comparaison de la structure de l’Homme avec celle des animaux, peut réveiller l’attention sur plu- sieurs détails du mécanisme de ses organes et de l’usage des parties. Il est bien pos- sible que nous ne connussions pas si bien les rapports du squelette humain avec la situation bipède , si la comparaison de ce squelette avec ceux des quadrupèdes ne nous avoit fait réfléchir sur les circonstances qui l’approprient à cette attitude. Tous les avantages de l’appareil destiné à la masti- cation ne nous auroient peut - être pas frappés , si nous n avions observé les diffé- rences qui existent chez les autres espèces , et qui sont relatives à la diversité de la nourriture. Il faut remarquer que , dans ces cas , l’anatomie comparée ne nous éclaire pas C 76 ) précisément comme moyen direct d’inves- tigation , mais seulement en tant qu’elle nous fournit 1 occasion de mieux étudier notre objet, en faisant naître mille ques- tions auxquelles nous n’aurions pas songé. On a dit encore, d apres Aristote, Galien , Fallope , Camper, que « telle partie dont » l’utilité nous échappe dans le corps humain, » parce qu’elle y est foihïement dessinée » et produite comme par hasard; se montre » dans les animaux avec des variétés de 73 forme et de grandeur, qui sont manifes- » tement relatives aux variétés des besoins « et des mouvemens de chaque animal , 33 et que le dessein fondamental se découvre » par cette variété d’exécution ( 1) ». Sur cela je ferai deux observations. i.° Quand un organe qui porte le même nom chez divers animaux a dans chacun une conformation, une grandeur et une situa- tion qui l’appropriant à des usages parti- culiers, je ne vois pas que la comparaison qu on en fait dans les différentes espèces, fournisse des counoissances sur son utilité dans chacune. Ainsi les fonctions du coccyx ne peuvent nullement être éclaircies par fi) Barthez , Sc« de 1 Hom, , Discours préliminaire C 77 ) celles de la queue des animaux, qui u’est, dit-on , qu’un coccyx prolongé. Bien plus , les fonctions de la queue de l’écureuil n’ont rien de commun avec celles de la queue des sapa- jous , qui est un instrument de préhension , delà queue du kanguroo , qui est un organe de station* et de locomotion, etc. Quand les circonstances anatomiques changent considérablement , les effets changent à proportion , et les comparaisons ne donnent aucun résultat. IVIoo ignorance sur l’organe à peine ébauché de l’homme reste donc la même , encore que j’aye clairement vu les fonctions de l’organe correspondant parfai- tement développé chez certains animaux. 2.0 Quant à ce dessein fondamental que l’anatomie comparée nous fait découvrir, cest un principe dont il seroit trop facile d abuser , pour qu il n’en faille pas borner 1 usage (i). On doit le considérer comme (i) Un des inconvéniens de son admission dans la Physiologie , c’est qu’on semble s’obliger à rendre raison des dérogations. Par exemple, le trou incisif, dans plusieurs espèces , paroit destiné à porter l’humeur lacrymale dans la bouche. Il est évident que , dans l’Homme , il ne peut pas avoir cet usage. Si nous disons qu il est là pour 1 uniformité du plan 9 nous nous enga*» ( 78 ) un résultat général et non comme un moyen d'investigation. Je ne puis raisonnablement rapporter à ce principe l’existence d une partie , que lorsque je me suis convaincu de sa superfluité , de sa complète inutilité dans le système; c’est-à-dire , quand je suis sur cette partie tout ce qui intéresse le physiologiste. D’ou il s ensuit que là Phy- siologie confirme le principe , mais non que le principe est un instrument de décou- verte pour la Physiologie. On voit donc qu’en regardant de près les applications de l’anatomie comparée à la théorie des fonctions organiques ou méca- niques de l’Homme, leur utilité se réduit à nous montrer des oppositions qui sont pour nous une occasion de mieux étudier notre objet. Passons aux services qu’on peut en retirer pour déterminer les usages des parties, en tant que ces usages dépendent dune action hyperorganique. geons à dire pourquoi la Nature a renoncé tout à fait a cette uniformité dans les cétacées , où Ton n’observe point de trou incisif , et même dans l'éléphant , où l’on ne trouve qu’un conduit presque imperceptible # qui est vraisemblablement celui du nerf nasopalatirt de Scarpa. C79 ) XIII. Il me semble qu’on peut réduire aux quatre propositions suivantes , ce qu’on a dit en faveur de ce moyen considéré sous le rapport dont je parle. 1. ° L'anatomie comparée nous fait connoîfre les usages d’un organe, en nous montrant quelles sont les fonctions qui manquent aux animaux qui en sont privés, et celles qui dominent chez les animaux où il est très-développé, 2. ® Elle détermine l’utilité de chaque pièce d’un appareil organique, en observant dans les divers animaux quelles sont les variétés de structure qui correspondent à des variétés données des fonctious. 3. ® Elle nous apprend à estimer l’impor- tance respective des organes , d’après leur degré de constance dans les différentes classes. 4.0 Le corps humain , dit on encore , est le système d’organes le plus compliqué ; ce système se simplifie à mesure qu’on des- cend dans l’échelle des animaux. D’après cela, le procédé le plus conforme aux règles de l’analyse pour étudier l’Homme , seroit d’étudier successivement les fonctions de ces organes d’abord dans les êtres les plus simples, ensuite dans les plus voisins pourvu? ( 8o ) d’un organe de plus, et ainsi de proche en proche jusqu a l’Homme, où l’on trouve réunis presque tous les organes qu’on a vus s’ajouter en détail aux combinaisons précédentes. i.° Est-il bien vrai que l’anatomie des animaux puisse nous donner des notions certaines sur l’usage des parties , en nous montrant que l’absence d’une telle fonction chez diverses espèces, coïncide avec celle d’un tel organe ? Je conviens d’abord que, si l’on voyoit une fonction déterminée s’exercer dans toutes les espèces pourvues d’un tel or- gane et disparoître dans toutes celles où cette partie manqueroit , et l’activité de l’une toujours proportionnée au dévelop- pement de l’autre , ce seroit une raison suffisante pour regarder l’organe comme l’agent de cette fonction. Mais il y a là deux conditions trop difficiles à remplir, pour que l’usage de ce moyen n’en soit pas extrêmement restreint. En premier lieu, il est clair que la con- clusion n’a le degré de probabilité suffisant, que lorsque la simultanéité de l’existence et de la non-existence de la fonction et de l'organe , et le rapport entre la perfec- CB. ) lion de lïine et le développement de l’autre , ont été observés sur un grand nombre d’es- pèces, et qu’on est en état d’affirmer que, dans aucun animal , on ne trouve la fonction sans l’organe ou réciproquement. Cette cons- tance est d’autant plus nécessaire que notre esprit n’apercevant aucune relation entre les qualités sensibles de l’organe et la nature de la fonction qui lui est attribuée, on a toujours à craindre de tomber dans un non causa pro causa , et de prendre une coexis- tence fortuite pour la preuve d’un rapport de causalité : erreur qu’il est bien difficile d’éviter , et de laquelle n’ont pu se?garantir ni G. W. Wedelius , qui a soutenu que l’Homme est redevable à la luette de la variété prodigieuse des inflexions de sa voix , et a fondé son sentiment sur ce que l’homme possède seul cette faculté et cet organe (i); ni M. Carlisle, qui fait dépendre la rapidité (i) Exer citât. Medic. Philos, decad . du et , exerc . XI. Je parle ici de cette erreur , quoique la formation de la voix ne soit pas une fonction byperorganique j car , si dans une fonction de cette sorte > on tombe dans une pareille méprise , que sera - ce pour «telles qui n’ont aucune relation apréciabic avec ,1a structura de leurs organes ? 6 < 8a } des mon ve mens musculaires, de la dispo- sition rameuse des vaisseaux sanguins, et îa lenteur des tardigrades.de ia distribution des artères des membres eu manière de plexus (i); sans songer qu’il y a dans les diverses espèces , par rapport au degré d'agilité , des variations infinies avec lesquelles la structure des artères n'a aucune relation constante. M. Sœmmerring, pour prouver l’existence du fluide nerveux, qu’il croit de nature électrique , tire son principal argument d’ua fait d’anatomie comparée, qui est que dans les poissons électriques , les nerfs des or- ganes électriques sont extrêmement gros (2)* Je cherche pourquoi cette preuve ne me per- suade pas ; et je crois eu trouver la cause en ce qu on rie me montre pas dans toutes les espèces un rapport constant et direct entre le développement des nerfs et la faculté de produire volontairement des phénomènes électriques. Si l’Homme avoit ce pouvoir en que’ que degré , et s’il se manifestoit dans les autres animaux avec une intensité (1) Philosophie „ Trnnsact. Voyez aussi M. Cuvier Leçons d Anat. comp. , 25.e leçon , art. i.er fa) Mém* cité sur îa résorption de l'humeur de» nerfs. C 83 ) propôrtionnée à la grosseur de leurs nerfs , je ne contesterois plus; cela n'étant point, on ne peut pas exiger que je compose la Physiologie de l’Homme avec des observa- tions faites sur la torpille. En second lieu , je demande s’il est aussi facile de constater l’absence d’une fonction hyperorganique , que celle d’un organe. Les fonctions sur les agens desquels on a des incertitudes , doivent être des élé- mens accessoires des grandes fonctions , élémens qui se rapportent à des besoins inconnus. Or , qnand un organe disparoît dans une espèce , tout m’induit à penser ou que le besoin auquel il s’applique n'y existe pas , ou qu’un autre organe y pour* voit. Je n’ai donc aucun moyen de m’as- surer de ses usages , puisque tout étoit pri- mitivement arrangé pour se passer de lui, et que je n’ai jamais l’avantage d’observer les effets delà vacance de son emploi. Suis- je bien avancé sur Futilité de l’appendice vermiforme du cæcum , quand je sais que , de tous les mammifères , l’Homme et l’Orang seuls en sont pourvus P Que puis- je conclure sur les usages de la vésicule du fiel , de ce qu’elle manque chez des animaux de genres très-divers , et notara- C 84 ) usent chez le rat commun et chez la souris , qui se nourrissent de la plupart des su-fesM tances qui forment les alimens de l’Hotnme ? Qu'apprends je sur les fonctions de la rate, quand je vois ce viscère diminuer de grandeur et d’importance anatomique dans les espèces inférieures * et disparoître chez les insectes? Pour tirer parti de ces connoissances , il fau- droit que l’absence des organes se fît sentir par quelque besoin non-satisfait ; faute de cela , je n’en puis rien inférer sur les avan- tages que l’Homme retire de leur possession. 2.° Cette dernière objection me paroi t avoir la même force contre la seconde pro- position avancée en faveur de Fanatomie des animaux. Pour découvrir les usages de chaque pièce d’un appareil très-composé, sans doute il seroit du plus grand intérêt de suivre les diverses imperfections des fonctions de cet appareil , à mesure qu’il se simplifie dans les espèces inférieures. Que manque-t-il à lac- com plissement de ce projet? C’est de pou- voir constater l’imperfection de ces fonc- tions, et montrer la correspondance d’une telle défectuosité physiologique avec un tel retranchement anatomique. Les recherches des anatomistes modernes sur Forgane de Fouie chez les divers ani- ( 85 ) maux , sëmbloîêut nous promettre de grandes lumières sus? futilité des diverses parties de l'oreille. « C’est ici que se lait sentir » l’avantage de l’anatomie comparée n, dit celui des physiologistes qui est le plus ca- pable d’obtenir de cette science tous les services qu’elle peut rendre (i). cc II est 53 bien naturel de croire que les parties qui a? se trouveront constamment dans tous les 3> animaux qui entendent , seront celles qui 33 sont absolument nécessaires à l’ouïe en 33 général ; et que celles-là auront un rap- 33 port plus particulier avec tel ou tel ordre >3 de qualités du son , qui se trouveront plus 33 développés dans ceux des animaux qui >3 perçoivent plus parfaitement cet ordre de 33 qualités (2) », Voilà nos espérances; voici un aveu qui paroît les détruire sans retour: » C’est ce dernier point qui présente seul 33 de la difficulté, continue M. Cuvier, parce >3 qu’il nous est presque impossible de nous 33 assurer de l’espèce et du degré des per- (1) M Cuvier , 1. c. , leçon i3,e , art. i.er (a) On ne peut cependant pas affirmer h priori que les diverses qualités du son ayent besoin de divers organes pour être perçues ; un organe unique suffit bien pour plusieurs qualités tactiles difféi entes. (86 > » ceptLons de tout ce qui n’est pas nous », Et en effet , nos connoissauces sur Les usages des parties de l’organe auditif de l’Homme se réduisent encore aujourd’hui aux vérités et aux conjectures qu’on pos- sédoit avant les découvertes modernes sur la structure de cet organe dans les animaux, 3.° Haller nous donne un exemple de Futilité de Fanatomie comparée, pour dé^ cider lequel de plusieurs organes qui appai> tiennent au même appareil dont on connoît la fonction , est l’organe essentiel; il le tire de l’appareil biliaire. « On demande , dit-* » il , si toute la bile se sécrète dans le foie y » si toute se sécrète dans la vésicule , ou si » elle est le produit de l’un et de l’autre, » Il seroit très-difficile de décider cette ques^ » tion d’après Fanatomie humaine seule ; mais celle des animaux vient à notre » secours. Elle nous montre plusieurs espèces ” où la bile se forme seulement dans le foie, » puisqu’ils n’ont point de vésicule : elle ne v nous en découvre aucune où l’on trouve » la vésicule sans foie.... Par où l’on voit que 8 -k* a besoin du foie pour sa formation , » quelle peut se passer de la vésicule , que » par conséquent elle ne se sécrète pas a» dans cç dernier organe , mais qu’elle ( 8? > 3# y passe apres avoir été préparée clâiï* » l’autre ». Qu’on réfléchisse sur cet exemple , et qu’on voie si cette manière de raisonner produit la conviction. Chacun doit mettre à part les inductions qu’il aura pu tirer de l’anatomie ordinaire et de l’anatomie patho- logique , et se demander si son opinion seroit suffisamment affermie sur cette preuve. U me semble que , sans mériter le reproche detre trop difficile, il est permis de répondre; tout cela ne me prouve qu’une chose ; c’est que le foie sécrète de la hile, et qu’il est le seul organe de cette fonction dans les animaux dépourvus de vésicule. Mais comme j’ignore les conditions d’organisation indis- pensables pour cet emploi , je n’osérois jamais affirmer que la vésicule est incapable de contribuer à le remplir, quand même les crustacés n’auraient pas pour tout organe biliaire ces vessies ou tubes >que M. Cuvier nomme cæcums hépatiques . Quant ax l’im- portance de la partie, si j’étois persuadé que la vésicule ne se borne pas à partager les fonctions du foie , mais qu’elle eu rem- plit de distinctes tout aussi essentielle», votre raisonnement ne pourroit me prouver que je me trompe ; car de ce que la sécré- ( 88 ) tion du foie suffit à un animal , je ne dois pas conclure que celui qui est pourvu de la vésicule pût vivre s’il en étoit privé. 4- Pour ce qui est du conseil de pro- céder « à la solution du grand et difficile >y problème de 1 économie vivante , en com- 55 me néant par en expliquer les termes les w plus simples ; en s élevant par degrés des M Pentes aux animaux végétans , tels que 53 les polypes , de ceux-ci aux animaux à 33 sang blanc; puis aux poissons et aux rep— 33 tiles ; de ces derniers aux animaux à sang 33 chaud , et enfin à l’Homme lui-même , » placé au sommet de cette longue série 33 d Etres »; il seroit bon à suivre, si le polype n étoit qu’une plante avec un organe de plus ; les animaux a sang blanc , un polype avec un organe de plus; les ani- maux à sang chaud , des poissons ou des reptiles avec un organe de plus; l’Homme , ■ une brute un peu plus compliquée ; encore même, dans ce cas , ne seroit-on pas sûr d éviter 1 erreur, s’il est vrai que les fonctions* ne dépendent pas seulement de la constitu- tion organique des parties, mais encore de l’action d’une cause inconnue dont les affec* tions et les dispositions intimes ne conservent pas dans leurs variations chez les différentes («9 T ■ espèces, un rapport direct avec les variations de l’organisation sensible (i). Que si l’on néglige !a considération de cet agent ; qu’on s’obstine à dire que les phénomènes vitaux dépendent exclusive- ment des propriétés inhérentes à la matière organisée : il faudrait au moins , pour échap. per aux difficultés autant qu’il est possible ( ï) Aux preuves de ce défaut de rapport que nous avons plusieurs fois rappelées , nous en pourrions ajouter bien d'autres. Il ne seroit pas difficile d’éta- blir , i.° que l’analogie de structure entre deux or- ganes semblables chez deux animaux , ne suppose pas identité du mode d’action ; ainsi quelle que soit la ressemblance de 1 appareil musculaire des yeux chez les mammifères et meme chez les reptiles , certains de ces animaux , tels que le lièvre et le caméléon, peuvent mouvoir les deux yeux en même- temps en deux sens divers , tandis que chez d’autres ces organes sont soumis à des mouvemens synergiques sur lesquels la volonté ne peut rien.: quoi qu’en ait dit Porterfield , qui a prétendu contre son sens in- time , que puisque le caméléon dirigeoit ses deux yeux en même- temps sur deux objets divers , l’Homme devoit avoir la même faculté , et qui a fait de cette opinion la base de sa Théorie du strabisme ( Essais de méd. d’Edimbourg , T. 3 ). 2.0 Que la différence de structure de deux organes homologues n’empêche pas quils ne remplissent des fonctions identiques. Sur ce derniers point , je citerai un fait récemment 1 C go ) de le faire quand on s’amuse à des hypo- thèses , supposer , comme Cabanis , que dans cette complication successive des or- ganes, l’adjonction d’un organe nouveau n’a pas seulement pour effet d’ajouter ses fonctions à celles du système antérieurement formé, mais que la nouvelle combinaison amène en vertu des sympathies, des chan- acquis. M. Provençal , professeur de zootomie à la Faculté des sciences de Montpellier , dans un mé- moire présenté à la Société des sciences et des arts y nous apprend qu’il existe une grande différence entre la structure du nerf optique de l’Homme , si bien décrite par M. Red ( Exercit, anat . fasc. i ) , et celle qu’il a lui-même trouvée dans le nerf optique d’un gros thon. Au lieu de ces petits canaux remplis de substance médullaire , et unis par de fréquentes anastomoses , dont parle le premier , il a vu dans ce poisson une véritable membrane médullaire plissée inégalement , de manière que ses plis parallèles for- moient un solide presque cylindrique ; membrane qui «st susceptible de se développer par la dissection. Malgré cette diversité de structure , le nerf optique et son expansion ont le même usage dans les deux espèces # celui de servir à la perception de l’impres- sion faite au fond de l’œil : or l’objet de cette per- ception est si simple , qu’on ne conçoit pas même qu’elle puisse s’opérer de deux manières , et l’on n’a pas ici la ressource de faire une analyse semblable à telle que l’on a faite des qualités du son. (90 geraens profond# aussi impossibles à prévoir que ceux que les combinaisons chimiques introduisent dans les élémens qui se réunis- sent pour former des mixtes. Or , dans cette supposition , après l’examen prétendu ana- lytique des organes disséminés, on ne seroit pas plus avancé pour la connoissance de l’Homme , qu’on ne le seroit pour celle des propriétés physiques de l’eau après l’examen de l’hydrogène et de l’oxigène , par lequel on en auroit commencé l’étude. Tenons-nous donc dans une juste réserve; suivons les conseils de M. Sœmmerring , qui déclare avoir rarement fait usage de ce moyen , parce que les raisonnemens déduits de l’anatomie des animaux ne doivent être appliqués à l’Homme qu’avec la plus grande retenue ( i ); sachons tirer de l’anatomie comparée les services réels qu’elle peut nous rendre, mais ne donnons pas ce titre à des promesses flatteuses sans (i) Tantum dumtaxat è brutorum anatome ïnse~ rui 9 quantum ad exp licandam corporis hutnani structuram , vel illustrandam Physiologicarn thesin çpus esse videbatur . ..... partira quod argumenta è brutis collecta , non nisi maximâ cum cautione in horninem conferri passant partit n. , quod prcecipuè medicis considéré voiuù ( 92 ) effet. Elle peut se passer de louanges exa- gérées. Quand elle seroit complètement isolée et étrangère aux sciences- pratiques , elle a assez de charmes pour qu’on ne fut jamais tenté de demander à quoi elle est bonne. Mais outre qu’elle [est la base de la Physiologie générale , et qu’elle fournit les preuves les plus convaincantes pour le prin- cipe des causes finales ; le médecin peut eu retirer de quoi se payer des momens qu’iL lui aura consacrés. 11 y puisera des faits dont il pourra se servir contre ceux qui rapportent tous les phénomènes vitaux à 1 organisation. Il y trouvera la confirmation de ses théories sur 1 utilité de nos organes 1 en suivant les changemens que les formes subissent dans les autres espèces , selon la diversité des besoins et selon les rapports de chaque partie avec le système entier. Elle lut donnera le moyen de satisfaire ce goût naturel que nous avons tous , selon la remarque d Aristote , pour la recherche des ressemblances cachées entre des Êtres dif- férens (Q. Enfin des connaissances dans fi) M. Blair a développé ce principe dans ses leçons de Rhétorique. Il y ajoute que le plaisir intellectuel ïi est pas moindre quand nous découvrons des diffé-? rences entre des objets semblables. C 93 ) 1 anatomie comparée sont indispensables pour faire sans tatonnemens et avec adresse les expériences sur les animaux vivans, autre moyen d’investigation dont nous allons examiner l’utilité. XIY. L’ouverture des animaux vivans a du paroi (re de bonne heure un moyen très- propre à mettre en évidence toutes les fonc- tions cachées. Quand apres l etude de Fana- tomie , la curiosité s’est trouvée si loin dune satisfaction complété, elle a inspiré l’envie de contempler sans voile le jeu de ces parties , dont 1 immobilité est comme celle d’un atelier quand l’artiste est absent. Dans • les deux cas, comment découvrir la destination de ces instrumens , si on ne les a jamais vus sous la direction de celui qui apprit à les conduire ? Ce désir a facilement triomphé de la Au reste , ceux qui se livrent à renseignement de la Physiologie humaine peuvent tirer de l’anatomie comparée des secours infaillibles pour répandre de l’agrément dans leurs leçons. Rien ne plaît tant aux auditeurs que ces sortes de rapprochemens , lors même qu’ils n’ajoutent rien à la solidité ni à la clarté de la doctrine. Or , comme le Professeur ne peut pas instruire s il n intéresse , il se priveroit d’un grand avantage s’il s’interdisoit l’usage de ces applications- ( 94 ) compassion qu’excite naturellement en noué la vue des souffrances d’un Être sensible t et si l’on encroyoitdes bruits apparemment calomnieux , la soif de l’instruction auroit même poussé quelques hommes à des excès qu^aueun motif ne peut soustraire à l’exé- cration* Mais comme les vraisemblances sur l’uti- lité des vivisections pourroient n'être pas la vérité , réfléchissons. i.° En mettant à découvert les organes cachés d’un animal vivant, on y aperçoit les phénomènes de mouvement et de cou- leur, et généralement tous ceux qui peuvent frapper la vue. Nous jouissons ainsi d'un spec- tacle qui nous intéresse plus encore par sa singularité que par les connoissances directes que nous en retirons. Cette autopsie a plus d’efficacité pour produire dans l’esprit du plus grand nombre une entière conviction* que les raisonnemens par lesquels nous avons conclu que les choses dévoient se passer comme nous le voyons. Deux ou trois faits communs et la structure anato- mique du système vasculaire , démontrent à notre entendement l’existence et le mode de la circulation du sang ; n’importe , nous trouvons encore du plaisir à voir de (95) nos propres yeux les mouvemens de ce fluide dans les vaisseaux diaphanes d’un animal vivant. La couleur vive du sang rendu dans l’hémoptysie , la différence qui existe entre le sang artériel et le sang veineux , la teinte livide que prend souvent toute îa surface du corps , lorsque la res- piration est interceptée ; tout cela nous apprend assez quel est le changement que cette humeur subit dans les poumons ; ce- pendant nous voulons encore l’examiner immédiatement à son entrée et à sa sortie du viscère. Il ne nous suffit pas que la fonction soit connue par les faits , les yeux veulent partager les jouissances de l’esprit. Ce désir est général ; il est raisonnable. Au lieu de le blâmer , reconnoissons haute* ment l’utilité du moyen qui nous sert à le satisfaire , et disons que pour toutes les fonctions qui tombent sous les sens et qui sont communes à l’Homme et aux animaux, les vivisections nous procurent un avantage réel en nous fournissant l’occasion de les observer de nos propres yeux. Mais il ne faut pas tirer parti de cet aveu pour déclarer que ce moyen est toujours indispensable. Tout le monde n’a pas besoin C 96 ) pour être convaincu de certains faits, que la connoissance lui soit immédiatement parvenue par la voie des sens ; il est des hommes qui peuvent sans danger se con- tenter de la conviction acquise par les ins- trumens de recherche qui sont à la dispo- sition de l’esprit. Quand De Lisle avoit, par le rapprochement de divers passages des anciens Auteurs , éclairci un point obscur de Géographie , il n’étoit guère moins certain $e: la vérité de ses décou- vertes , que ne Font été depuis les voyageurs qui les ont vérifiées par des observations directes. 2.0 Dans ces derniers temps , les vivi- sections et les expériences ont été fami- lièrement employées à la recherche analy- tique des propriétés vitales. Mais si l’on y pense bien , on trouvera que ce moyen est insuffisant et souvent fautif. D’abord, ces propriétés ne nous étant connues que par leurs effets , il n’y a que celles dont les effets frappent promptement les sens , qui puissent etre découvertes par des tentatives de ce genre. La propriété d’opérer un mouvement en vertu du contact de certains corps ; celle de donner au sen- sorium commun la perception d’une im- ( 97 ) pression pénible (i); celle de recevoir et de communiquer à tout le système vivant les effets graves et subits de certaines im- pressions délétères; voilà presque tout le domaine des vivisections employées à l’ana- lyse des facultés de la vie. Mais la propriété de composer, avec les matériaux extraits des ab mens , une substance semblable à celle dont nous sommes formés; de l’ajouter à nos parties, pour accroître notre corps ou réparer ses pertes , et de la rendre partici- pante de toutes les forces qui appartiennent au système vivant; mais celle de modifier les fluides de maniéré à leur donner le pouvoir de transmettre les maladies conta- gieuses : mais celle d’opérer une sorte de dé- part dans les humeurs , et de donner aux flui- des séparés de la masse générale une forme déterminée; mais celle qui maintient 1 as- sociation des molécules hétérogènes dont le corps animal se compose, et les empêche d obéir à l’action des agens dissolvans je le demande , que nous apprennent les expériences sur ces propriétés et sur plu- (i) Je dis pcnible\ car si l’impression ressentie ne cause pas de la douleur , l’animal ne témoigne pas la sensation. , i 7. (9« ) sieurs autres que l’analyse rigoureuse des faits nous force d’admettre ? L’École de Haller, qui a pris l’irritabilité et la sensibilité pour les pivots de sa doc- trine , et qui a cru pouvoir expliquer tous les phénomènes vitaux par ces deux pro- priétés , a donné une importance outrée aux vivisections, et Ion en voit assez la cause. Mais celui qui ne veut pas se prêter aux combinaisons hypothétiques , nécessaires pour donner un air de vraisemblance à l’explication d’une infinité de phénomènes diflérens par un si petit nombre de prin- cipes , n’a garde de mettre un si haut prix à des travaux dont la Physiologie médicale a retiré peu d’avantages , et dont même elle a souvent été obligée de cor- riger les résultats* Ouï , corriger. Il y a dans ce mode de recherche plusieurs causes d’erreurs contre lesquelles on ne s’est pas assez précau- tionné , et dont les effets auroient uni à la science , si les Médecins ne s’étoient op- posés à des dogmes introduits sans leur aveu. 3.° Mais les expériences sur les animaux ne sont-elles pas au moins Taine de la doc* tri ne des sympathies ? Qu’y a t il de plus C 99 ) simple que de blesser une partie et d'ob- server les symptômes éloignés et sympa- thiques qui résultent de cette lésion ? Que ceux qui sont initiés dans la science de l’Homme répondent , et disent si sur ce point encore, l’événement n’a pas trompé notre attente. Trois raisons feront sentir que si les vivisections accroissent l’histoire des sympathies , ce ne pourra être que par hasard. La première, c’est que les sympathies ne se font pas remarquer également à la suite de toutes les lésions; tel organe souffrira seul un grand nombre d’impressions pré- judiciables , qui s’associera promptement d’autres organes ou même tout le corps pour des affections d’un genre particulier, beaucoup plus légères , au moins en appa- rence , et qu’il ne nous est pas donné de faire naître à volonté. La seconde se trouve dans l’instabilité des relations sympathiques qui les dérobe aux recherches expérimentales, et les met dans le ressort de l’observation casuelle. Ce ne sont pas des phénomènes d’une intensité constante , qu’on puisse remarquer dans tous les instans , à tous les âges , dans tous les états de la vie, et sur lesquels la nature ( 100 ) veuille répondre quand il nous plaît de l’interroger ; ce sont des affections cachées dont il faut lui surprendre le secret quand elle le laisse échapper. La troisième enfin est que les sympathies diffèrent extrêmement dans les diverses espèces , et qu’il n y a point de sûreté à transporter à l’Homme les observations positives ou négatives faites à ce sujet sur les animaux. Que de lésions peut impu- nément supporter chez ces derniers un organe essentiel , qui suffiroient chez la plupart des hommes pour éteindre la vie ou du moins pour bouleverser l’éco- nomie î 4° Terminons l’examen de ce moyen par l’aveu de l’utilité dont il peut être pour découvrir les usages hyperorganiques des parties, lorsqu’ils ne tombent pas sous les sens. C’est sous ce point de vue que les expériences sur les animaux vivans rendent des services réels à la Physiologie. En gênant la liberté d’un organe , en le blessant , en le retranchant , on se procure l’avantage d’observer les changera ëris que ces opéra- tions ont introduits dans les fonctions, et si l’on p ou voit être convaincu que ces or- ganes sont physiologiquement les mêmes - . ^ ( *01 ) que ceux qui leur correspondent dans 1 Homme , les résultats de ces tentatives îaisseroient peu à désirer. Néanmoins il y a ici un piège où] plu- sieurs sont tombés. Un organe a de Fin- fluence sur l’économie entière , non-seu- lement par les fonctions publiques qu’il remplit , mais encore par les relations sym- pathiques qu il entretient avec le système des forces. D’après cela, lorsque l’expérimenta- teur blesse ou retranche un organe , com- ment distinguera-t-il les changemens pro- duits par la cessation ou par le trouble de ses fonctions , de ceux qui dérivent de Faction sympathique dont ces lésions sont la cause? Supposons que ne jugeant des fonctions de 1 estomac que d après les événemens funestes qui en ont quelquefois promptement suivi les blessures , on prétendît que ces fonctions consistent dans la production d’un principe dont 1 irradiation ne peut être un instant suspendue sans laisser éteindre la vie ; il est évident qu’on nauroit pas distingué les usages proprement dits , de Faction sympa- thique, et que cette confusion de viendroit la source d’un dogme faux. Voilà ce qui a du arriver inévitablement à la suite d’un ^rancl nombre d’expériences, et contre quoi je no -( 102 ) eonpoîs de préservatif que dans les obser- vations pathologiques. Je suis loin d’avoir épuisé les reproches qu’on pourroit faire avec justice à ce moyen d’investigation ; mais je puis en rester là , si ce que j’ai dit en montre l’insuffisance , et fait sentir la nécessité de ne pas s’y borner (i). XV. L’Histoire de l’Homme malade est une mine intarissable de connoissances physiologiques. Cette vérité , pour être sen- tie , n’a pas besoin d’un grand appareil de preuves ; il suffit de l’examen le plus super- ficiel. Toutes les maladies dépendent, ou d’une altération organique des parties , ou de la viciation d’une ou de plusieurs des facultés dont le corps vivant est doué. (i) M. Prunelle m’écrivoit dernièrement de Paris : «t J’ni lu la dernière conversation de Lagrange avec « trois grands personnages. Vous vous étonnerez « peut - être d'apprendre que ce grand Géomètre « étoit mille fois plus médecin que beaucoup des gens « qui s’en piquent. Savez-vous qu’il y a dans cette « conversation un passage terrible contre les assom- « meurs de chiens ? C'est en observant F Homme « malade que vous eonnoûrez l'Homme sain , et non « point en tourmentant de pauvres petites bêtes qui « n en peuvent mais ( io5 ) L’étude philosophique des affections qui tirent leur organe de cette dernière cause est la meilleure analyse des propriétés vitales. L’intégrité de certaines fonctions malgré l’imperfection ou l’abolition des autres, nous révèle la différence des facultés d'où elles découlent ; et lorsqu’on ne s’arrête pas aux faits les plus communs, mais qu’on porte son attention sur ces cas qui sont sin- guliers à force d’être simples , qui présen- tent la lésion dune faculté seule au milieu de l’équilibre parfait de toutes les autres ; l’esprit parvient à déterminer à peu près le nombre des actes primitifs et élémentaires qu’exerce la cause de la vie. L’étude des affections locales de tous les genres nous conduit à la détermination de l’usage des parties , et celle des maladies organiques nous apprend quelles sont les conditions de l’organisation sensible , auxquelles semble plus fréquemment tenir le libre exercice des fonctions. Enfin , l’étude des unes et de$ autres nous offre à tous les instans l’occa- sion de constater les rapports sympathiques qui régnent entre les divers organes» Mais si la pathologie nous présente des faits assez concluans pour servir de base à des principes physiologiques f il est évident c *°4 ) comme un axiome que ces faits méritent Ja preference sur les observations étrangères , puisque les conclusions directes qu’on en déduit ont une certitude bien supérieure à celle des conclusions analogiques. Une conséquence de cette vérité incon- testable , c’est que les principes établis sur des faits pathologiques reçoivent peu de lumière de la part des faits étrangers ; que dans le cas de concordance , ces der- niers sont une superfluité dont on ne doit aucune reconuoissance au 'moyen qui les a fournis ; que dans le cas d’opposition , les premiers ne peuvent jamais être ébranlés, mais qu’ils bornent les dogmes contradic- toires aux faits etrangers sur lesquels ils reposent ; qu enfin un principe fondé seule- ment sur des faits etrangers , mais qui n’est pas opposé aux faits propres, n’a pas droit de prendre rang parmi les vérités recon- nues , mais doit etre considéré comme l’ini- tiative d une proposition qui a besoin encore dun appareil de preuves directes (i). (*) On a d.it que « les recherches les plus habiles ® ^es Anatomistes ou des Physiologistes qui n’ont ” aucune connoissanee des rapports naturels ( entre * an“naux ) , restent^ presque inutiles jusqu’à ce c 105 ) Que resteroit-il donc à faire pour établir que ce moyen d’investigation doit tènir le premier rang ? Il faudroit montrer que la quantité et la variété des faits pathologiques sont telles , qu’ils fournissent presque sur tous les points de la Physiologie autant de preuves directes , que les autres moyens en fournissent d’analogiques ; qu’à l’aide de la multiplicité des cas , le hasard produit des circonstances aussi favorables à l’observa- tion que celles que l’art rassemble avec industrie ; qu’en réunissant sur ces faits , pour en considérer toutes les faces, la force d attention qu’on est obligé de partager entre des objets divers , lorsqu’on emploie les deux moyens précédais , on doit en obtenir une foule de résultats dont la certitude et 1 utilité seront le prix de cette préférence. Or , je ne crois pas qu’il fut difficile de porter ces propositions au plus haut point d’évidence , s’il étoit permis de s’engager dans la discussion des faits. *3 qu’elles soient remaniées par des hommes doués « du génie de la classification ». Mais si ce remaniement-là ajoute quelque chose d utile à ces recherches , je réponds toujours bien que ce n’est pas pour les Médecins. ( io6 ) Jetez seulement un coup-d'œil rapide sur la Pathologie externe , et tâchez d’en- trevoir , non pas précisément les services qu’elle a rendus à la Physiologie , mais ceux qu’elle pouvoit lui rendre. Car , pour appré* cier Futilité d’un instrument , il est tout simple qu’il ne faut pas mettre sur son compte la maladresse , l’ignorance ni les dis- tractions de celui qui le tient dans ses mains. Ceux qui se sont particulièrement livrés à l’exercice de la chirurgie , n’ont eu qu’un but dans l’exameti des faits ; celui de per- fectionner les méthodes thérapeutiques. Si la disposition de leur esprit avoit été diffé- rente , s’ils avoient songé que les phéno- mènes dont ils étoient témoins chaque jour étoient la base la plus solide d’un grand nombre de principes spéculatifs ; si au lieu d’être absorbés par une seule sorte de recherche , ils s’étoient appliqués a consi- dérer chaque fait sous tous ses rapports : ils n’auroient assurément pas laissé aux autres moyens d’investigation l’honneur d’une in- finité de découvertes, et la science de l’éco- nomie animale se seroit plutôt enrichie. Le premier qui eut à traiter une de ses larges plaies de l'abdomen qui s’accompagnent d’éventration , pouvait priver Asellius de la ( ) vaisseaux lactés par les vivisections ; et le premier qui reconnut Futilité d’une ligature pour pratiquer la phlébotomie , et de la compression d’une artère pour arrêter une hémorragie , pouvoit prévenir Harvée dès la naissance de l’Art , et épargner à la Phy- siologie peut-être trente siècles d’attente. En jugeant d’après cette maxime les faits dont la Chirurgie s’occupe, on verra si la Physiologie a réellement besoin de secours étrangers. i.° Les plaies et les autres solutions de continuité ont fréquemment soumis à Fex- ploration des sens , les parties les plus pro- fondément cachées, et les fonctions percep- tibles au tact et à l’œil , ont été dégagées de leurs enveloppes, presque aussi parfai- tement que dans les vivisections entreprises pour cette fin. La substance du cerveau a été ouverte en tous les sens , à diverses profondeurs ; les muscles , les poumons , tous les viscères , le cœur lui-même , sont long-temps restés exposés aux regards des chirurgiens. Les observations que les maladies externes nous donnent chaque jour Focca- sion de faire, sont un moyen supérieur â C 3°8 ) tout autre pour procéder à l’analyse des forces vitales ; et certes il existe sous ce rapport une grande différence entre la Physiologie des expérimentateurs et celle des pathologistes. L’histoire de la gangrène nous a donné les notions les plus positives que nous ayons sur les lois de cette force d’incorruptibilité , que Stahl considéroit , peut-être à tort , comme la propriété la plus étroitement liée à la vie , et qui soustrait le corps animal à la décomposition dont il est continuelle- ment menacé par les élémens au milieu desquels il est plongé, et par le peu d’af- finité de ses propres principes. Les observations chirurgicales nous ont appris que la sensibilité de conscience peut se développer accidentellement dans des parties où l’anatomie la plus industrieuse n’a pu découvrir aucun nerf, et qui dans 1 état de santé ne transmettent au sensorium aucune des impressions qu’elles reçoivent : et c est de ces faits, bien constatés, puisque le sujet de 1 expérience étoit lui-même observateur , qu’est déduite cette conclu- sion , que le principe de la sensibilité n’est pas une propriété nécessaire et exclusive du système nerveux. Elles ont prouvé que la puissance d’opérer < 109 ) des mouvemens vitaux de condensation et de raréfaction , ne réside pas exclusivement dans la fibre musculaire, à laquelle on l’avait bornée ; mais qu elle est répandue sur tout le système vivant, sans en excepter les os ; que par-tout el!e rend sa présence certaine par ses effets , par les constrictions spas- modiques , par les dilatations actives : par des fluxions , par la rénitence. Elles nous enseignent à distinguer tous les modes de cette force motrice , et à n’en pas confondre les effets avec ceux de fêlas- ticité du tissu; à ne pas comprendre sous la dénomination vague d’irritabilité, qui ne présente strictement que l’aptitude à réagir subitement et par une secousse convulsive à la suite d’une impression stimulante, ni la force de contraction volontaire dont l’action est si différente , ni celle de con- traction uniforme involontaire, ni celle de situation fixe. Ce sont les observations pathologiques qui nous font voir que tous les mouvemens peuvent se produire d’eux-mêmes , puis- qu on les observe dans des cas où il est contraire à toute vraisemblance de supposer l’intervention d’un stunulus, et où ils ne paroissent pouvoir être rapportés qu’à lac* C 1IO ) tion de la cause supérieure qui constitue l’unité physiologique de l’animal : elles nous font voir encore que lorsque ces mouve* mens s’opèrent à la suite d’une impression reçue , ils doivent être conçus comme occa- sionnés par une sorte de perception orga- nique de l’impression , et conséquemment par une espèce de sensibilité locale qui suit jusqu’à un certain point , les lois de la sensibilité de conscience. Les maladies multipliées qui altèrent le tissu des solides , et qui modifient les hu- meurs de tant de manières différentes , celles qui donnent lieu à des végétations et à des excroissances ; nous avertissent de ne pas trop restreindre les facultés vi- tales ; et de ne pas prétendre tout rapporter à la contractilité et à la sensibilité. 3.° Si la théorie des fonctions mécaniques a besoin de quelque éclaircissement , c’est dans la pathologie chirurgicale qu’il faut le chercher. Les viciations de forme et les mutilations altèrent ou annulent les phéno- mènes de cet ordre , et l’obsèrvation de ces effets est d’autant plus profitable que les défectuosités et les vices sont étudiés dans le même système où l’on a vu la consti- tution naturelle. Les faits de cette nature ( ”1 ) réalisent les suppositions dont Galien use fréquemment pour faire sentir les avantages de la structure de nos organes ; s’il s’est glissé quelque erreur dans cette manière de raisonner , ou si quelque circonstance de l’action organique des parties nous a échappé , quel meilleur moyen de corriger les inexactitudes ou de suppléer au défaut de notre perspicacité , que l’étude des symptômes essentiels des maladies orga- niques ? 4-° Tout ce que nous possédons de plus cer- tain sur les fonctions hyperorganiques a été puisé sans doute dans la même source. La lésion ou la perte des organes nous en révèle les usages , en exposant à notre observation les dérangemens de l’économie qui sont la suite de ces accidens. On peut faire ici deux questions : où est la supériorité des connoissances acquises par ce moyen sur celles qu’on acquiert par les vivisections? Ne craignez-vous plus que les effets sympathiques de la lésion d’un organe se confondent avec les effets de la cessation de leurs fonctions ? Yoici ma réponse. En premier lieu f souvent l’action des parties est si obscure * qu’il est impossible de l’apercevoir , tant ( ”2 ) qu’elle s’exerce avec son intensité naturelle ; mais il est des maladies qui l’exaltent au point de la rendre évidente , et la produc- tion de ces maladies n’est pas à notre dispo- sition. L’action propre des artères seroit en- core un problème, malgré l’ingénieuse ex- périence de Galien , si dans plusieurs cas d’anévrisme, les pulsations ne se montroient hors de toute proportion avec les battemens du cœur. En second lieu , il est vrai que les lésions subites ont Tinconvénient que nous avons reproché aux expériences , et ce n’est pas dans ces occasions que paroissent les grands avantages des observations pathologiques. Mais nous savons que fréquemment dans les maladies locales de longue durée , et sur-tout dans celles qui se forment avec lenteur, les relations sympathiques s’affoi- blissent , et les effets de la lésion la plus profonde se réduisent à la cessation ou à la dépravation des usages de la partie , sans aucun mélange de symptômes provenant d’une autre sorte d’influence ; et lorsque l’action sympathique ne s’éteint pas tout à fait , elle cesse du moins d’ètre constante, elle éprouve des redoublemenset des rémis- sions ou des intermissions complètes , tandis ( 129 ) partout ailleurs. Il ne s’agit plus de déterminer es fonctions hyperorganiques d’une partie , par 1 analogie tirée des fonctions connues de la partie homologue d’un animal, ou d assigner l’utilité d’une telle conformation en observant les effets de Altération de cette structure dans les autres espèces. N avons-nous pas avoué que pour la con- noissance des lois dont nous nous occupons maintenant, la considération des formes étoit de nul intérêt , et les raisonnemens a priori impossibles ? N’est ce pas même Ja dessus qu’est fondée la nécessité de cette nouvelle étude ? Quelque ressemblance qu’il y ait entre les organes de l’Homme et ceux de tels animaux , entre son estomac et le leur , son foie et le leur ; si nous convenons une fois qu’il existe un grand intervalle entre e terme de nos connoissances de détail , et les phénomènes généraux que produit la cause de l’unité physiologique dans chaque espece, il est clair que les présomptions d analogie cessent, et que chaque animal doit etre considéré séparément (i). (I) Ici comme ailleurs les faits tirés de l'histoire des an, maux ou acquis par les expériences , peuvent être considérés seulement comme moyens de conjecture ou de confirmation. Au reste ,.on est autorisé à prendre 9 C >3o ) Mais la source où l’on puisera les faits les plus féconds en vérités utiles , c’est en- core l’bîstoire de l'Homme malade. Soit que dans une maladie, on considère les aber- rations des phénomènes vitaux , soit qu’on y suive la combinaison des actes qui tendent à. ramener l’état naturel , tout nous éclaire sur les lois de l’économie. Les preuves de cette vérité sont si norn^ breuses , qu’on ne sait se déterminer à choisir des exemples. La dépendance où la cause générale de l’unité physiologique tient toutes les parties du corps , est rendue évidente par la métap- tose successive d’une même affection dans des organes bien différemment constitués. Le rhumatisme , la goutte , le cancer , les affections spasmodiques , fournissent souvent l’occasion d’observer des faits de cette nature. par-tout les faits les plus conclnans contre les asser- tions absolues qui intéressent toutes les sciences phy- siologiques. Quand on a dit , par exemple , que la sensibilité étoit la propriété^ du tissu nerveux , à l’ex- clusion de tous les autres ; il a été permis de répondre que les zoophytes qui n’ont point de nerfs , ont un sens très-delicat qui les avertit de la présence de leur proie et les détermine aux mouvemens nécessaires pour la saisir. C i3i ) La faculté que possède le système entier de conserver l’aptitude à produire certains actes dans des temps déterminés, sans que cette aptitude paroisse tenir à aucune cir- constance de l’organisation , ni avoir aucun siège particulier; cette faculté , dis je , est sur-tout rendue évidente par des faits patho- logiques. Nous citerons pour exemple la disposition à exéuter les accès d’une ma- ladie périodique, après des intervalles d’un calme parfait, et sans la coopération d’au- cune cause extérieure à l’agent qui opère; et la coexistence de p1 usieurs dispositions semblables, comme de deux ou trois fièvres intermittentes simultanées, qui entrelacent leurs paroxysmes, opèrent sur les memes organes , chacune en leur temps et avec leurs symptômes propres, sans se confondre , même sans s’embarrasser. Les efforts médicateurs éclairent la doc- trine des synergies, et montrent qu indépen- damment des rapports naturels qui existent entre plusieurs organes , et desquéis semble dériver la simultanéité de leur action dans l’état naturel , il s’en établit de semblables entre d’autres organes au moment où le concours de leur action peut être néces- saire. ( l32 ) La relation entre les besoins et les appé- tits devient plus évidente , quand les besoins deviennent extraordinaires f et les appétits bizarres. Mais on peut se convaincre aussi que ce rapport n’a rien de nécessaire, et que les appétits ne sont pas l’effet d’une attraction , quand on les voit devenir bizarres et leur satisfaction être suivie d’in- convéniens. Si les pressentimens et les suggestions médicatrices de l’instinct nous apprennent le rapport étroit qui existe entre le corps et lEtre pensant, les maladies où ce rap- port s’est relâché nous font bien distinguer le moi moral du moi physiologique : telles sont ces fièvres malignes où le" trouble de toutes les fonctions , l’agitation générale , l’altération sinistre de la physionomie an- noncent: une destruction prochaine , tandis que le malade n’a plus conscience de ce qui se passe dans son corps , et rend le .P . P ssurant de ses sensations. Finissons de crainte d’être entraînés trop loin. Je ne veux plus que faire mention d une objection , pour qu’on ne m’accuse pas de l’avoir dissimulée. la physiologie doit être la base de la médecine^pratique , comment les faits tirés ( i33 ) de cette dernière pourront-ils servir eux- mêmes de fondement aux dogmes physio- logiques ? Cette difficulté s’évanouit dès qu’on songe que la science de l’économie aui~ male de l’Homme est une ; que pour l’étu- dier, il faut choisir dans les faits qui la composent ceux dont il est plus facile de tirer des principes ; que la collection de ces principes sert ensuite à expliquer ou du moins à classer tous les autres phénomènes dont l’analyse immédiate eût été trop diffi- cile et souvent impossible. Or c’est 4a for* mation de ces dogmes qui est le but de la Physiologie ( i). Yoilà dans quel esprit cette science doit être étudiée. Perfectionner l’histoire des faits; assigner ceux qui résultent évidemment de l’organisation , et les rapporter aux lois phy- (i) Roger Cotes a très-bien exprimé cette manière de procéder, quand il a dit en parlant de ceux qui s’attachent à la philosophie expérimentale .♦ Duplici metkoclo incedimt , Analyticà et Syntheticâ , Naturæ vires legesque virium simpliciores ex SELECT1S quibusdarn phœnonienis per Analysin de Aucun t , ex quîbus deinde per Synthesin reliquorwn constitua tionem tradunt , P r ce fat. in Newtoni Philosoph, riat. Princ. Mathem . ( sîques en vertu desquelles ils s’opèrent ; choisir parmi les phénomènes hyperorgani* ques les faits les plus simples , 'dans lesquels tous les autres sans exception puissent aisé- ment se résoudre ; indiquer tous les lieux où ils se passent; déterminer les eondi lions ana** tomiqueset autres, plus ou moins nécessaires à leur exécution , et les lois qu’ils suivent , soit quand ils restent simples , soit quand ils se combinent ; expliquer les faits les uns par les autres, et tant dans le choix des phéno* mènes simples que dans la détermination des conditions et des lois, ne recourir à ceux que présentent les autres Êtres vivans,que comme à des moyens de conjecture ou de confirmation : telle est la marche qu’il faut suivre pour donner à la Physiologie médi* cale toute la certitude dont elle est suscep- tible. Si je me suis appesanti sur les instrumens d’investigation, c’est que je désirois de vous convaincre que la Physiologie humaine , privée des secours de la pathologie , est trop incomplète et trop surchargée d’opi- nions hasardées , pour être d’une utilité réelle; et que les vrais législateurs dans cette science sont , non pas ceux qui ont ouvert le plus d’animaux vivans ou ( i55 ) morts ; mais ceux qui doués d’un esprit philosophique (f), et pourvus des connois^ sances anatômiques les plus exactes, pos* sèdent le mieux cette immensité de faits dont se compose l’histoire de l’Homme saiù et malade. J’aurois été mal entendu si Ton croyoit que je condamne les moyens de recherche dont il me semble qu’il faut limiter l’usage. Loin de moi le projet de vous détoùrner de l’anatomie comparée et des vivisections: quand je n’y aurois pas reconnu hautement une utilité directe , je vous conseillerois encore de leur consacrer des raomens, comme au divertissement le plus analogue à vos devoirs , çt Je moins capable de vous éloigner des dispositions habituelles où votre esprit doit se maintenir ; le plus propre , en un mot* à vous délasser sans vous désoc- cuper. Ces exercices seroient au moins pour (i) Je trouve que M. Exige! s’est bien mal exprimé quand il a dit de Haller, qu 'ilètoit plus grand physio- logiste que philosophe ( Idées sur le Geste et l’Action théât. , lettre 18 j. On n’est pas physiologistes pour savoir beaucoup de faits sur l'économie animale , et un ne peut contester à un Auteur l’esprit philoso- phique sans attaquer son mérite physiologique. ( ï56 ) vous ce que la chasse est pour le guerrier. Mais j’ai voulu que dans l’âge et dans les circonstances où votre esprit doit déférer à l’autorité , vous sussiez qui sont les hommes dont il est plus sûr de suivre le sentiment; j’ai voulu que les études sévères, et sous quelques rapports rebutantes , qui absorberont dans la suite presque tous vos momens, ne vous fissent pas envier le bon- heur de ceux qui se livrent à des travaux plus attrayants, et que vous fussiez per- suadés qu’il dépend de vous d’arriver plus sûrement au même but , sans quitter la voie où vous marchez ; j’ai voulu enfin que lorsqu’il vous sera permis de vous tracer un plan de recherches , les divers instru- mens dont vous emprunterez les secours fussent classés dans votre estime selon leurs services, que les services fussént appréciés sur vos intérêts, et vos intérêts calculés d’après votre destination. Ici comme dans d’autres sciences , certaines questions se résolvent par plusieurs méthodes qui dif- fèrent entre elles en élégance et en certi- tude, Malheureusement la plus agréable n’ëst pas toujours la plus sûre. Or s’il est permis à l’amateur , pour qui la Physio- lo gie est une science de pur agrément , de C 137 ) donner îa préférence à des moyens de re- cherche qui multiplient ses plaisirs , mais qui souvent, au lieu de découvrir îa vérité, ne lui en montrent que l’apparence ; il ne 1 est pas a celui pour qui cette science sert de base a un art , et à l’art le plus redou- table comme le plus salutaire* De telles maximes, je le sais, sont si contraires à l’esprit du siècle , elles écartent tellement des voies qui mènent à une prompte renommee , qu’il faut bien de la force pour les suivre. Mais vous devez savoir a votre tour que la vérité veut des sacrifices, et qu’elle est une divinité jalouse dont le temple est fermé à celai qui n’a pas eu le courage de renier toutes les idoles. fin. a Montpellier, De l’Imprimerie de Jean - Germain TOURNE L , place de la Préfecture, n.o 216. i8i3. V f. \ v '• > i * à - ; I * I / f ( % \ ■ " 1» f- ? ->■ ( • V ' C "3 ) que les défectuosités de la fonction demeu- rent toujours les memes ou gardent un rap- port exact avec l’altération de l’organe. 5.» Qu’est-il besoin de parler de l’histoire des sympathies ? Toutes celles que ne démontre pas l’observation journalière de 1 Homme sain , ne nous sont connues que par les travaux des praticiens. Tous les effets éloignés d une affection locale ne se découvrent qu’à ceux qui peuvent étudier ces phénomènes chez un grand nombre d’individus diversement disposés , à la suite d’affections très - différentes , pendant un temps assez long pour que les circonstances fortuites puissent réveiller l’activité des rela- tions intimes; qu’à ceux enfin que leurs con- noissances pathologiques mettent en état de distinguer dans une maladie compliquée , les phénomènes sympathiques de tout ce qui les embarrasse. XVI. Quand on connoît , sur les fonctions privées et sur les usages des organes , tout ce qu il a été possible de découvrir, on est encore loin de posséder toutes les lois de l’économie animale. Celles qui restent à étudier sont même pour vous d’une impor- tance supérieure à celles dont nous nous^ sommes entretenus jusqu’ici. 3 C »»4 ) Tout comme avec les matériaux d’un organe composé quelconque, vous n’oseriez vous promettre de le former , par la pensée , tel qu’il dut exécuter toutes les fonctions , et éprouver toutes les affections que vous y observez ; de même , avec tous les organes que vous avez examinés en détail, votre imagination ne parviendroit jamais à com- poser l’Homme tel qu’il est. Voyez , par exemple , si les faits généraux que je vais citer peuvent se déduire des connoissances acquises sur chaque partie. Indépendamment des forces vitales qui résident dans chaque partie et qui sont indispensables à sa vie , il y a dans le corps un surcroît d’énergie , qui peut se distribuer egalement , ou s’accumuler dans un endroit et y produire une augmentation d’action et d’autres phénomènes insolites , ou passer successivement d’une partie à l’autre.-* Quand par une distribution inégale de c:s forces disponibles , il est survenu dans un point du corps une augmentation d’ac- tion , ou qu’il s’est établi un état insolite de spasme , de fluxion , ou d’éréthisme quel- conque ; une impression extraordinaire pro- duite sur un point éloigné peut, dans cer- tains cas , détourner une partie de l’énergie C "5 ) employée à cette action ou à cette affection, et égaliser la répartition des forces. Plusieurs actes du corps vivant ne peuvent s’exécuter que par le concours d’un grand nombre d’organes , entre lesquels on n’aper" çoit aucun rapport anatomique spécial , et dont les actions sont d’ailleurs indépendantes pour plusieurs autres actes ; on peut citer pour exemple la toux , l’éternuement , l’hémor- ragie active avec frisson. Quand le moment de l’exécution est arrivé, les organes qui doivent y contribuer entrent en action ou simultanément ou successivement avec une harmonie étonnante , et l’acte s’accomplit. Il est aussi des affections composées telles que l’inflammation, dont les actes élémen- taires ( la douleur , la fluxion , la phlogose , etc. ) ne sont pas unis entre eux par des liens nécessaires. Chaque acte peut exister sépa- rément , et leur coïncidence dans ces affec- tions est l’effet d’une cause analogue à celle qui coordonne l’action de plusieurs organes pour produire une fonction composée. Rangeons encore ici le sommeil , l’ac- croissement et le décroissement du corps; les modifications générales introduites par la répétition fréquente de certaines sensations , modifications qui constituent les habitudes , ( ”6 ) les maladies constitutionnelles , qui consistent dans une disposition à produire des symp- tômes locaux, et dans lesquelles on ne peut pas délivrer une partie sans s’exposer k voir des phénomènes semblables se mamiester dans une autre ; la tendance de certains actes à se reproduire à des intervalles pé- riodiques; l’aptitude à développer des affec- tions , telles que la rage , le cancer , qui subsiste pendant un temps indéfini , sans donner aiicun signe de sa présence , et; qu’on ne peut raisonnablement attribuer à aucune circonstance matérielle imaginable; les effets médicateurs ; mille autres phéno- mènes, et la mort même considérée dans le cas où elle n’est pas due à la lésion des organes les plus essentiels. Encore une fois, la Physiologie particu- lière des organes ne nous donne point les moyens de prévoir ni d’expliquer ces faits, soit que les phénomènes intermédiaires , indispensables pour établir la succession , échappent à nos recherches ; soit que les phénomènes observés dans les organes ne soient pas la cause des autres, mais qu’ils soient tous des effets coexistans d’une cause supérieure : quoi qu’il en soit, on est encore bien éloigné du but , quand on s’est borné ( ïi7 ) à l'étude de la vie propre et des usages des organes. De là naît U obligation d’examiner l’Homme tout entier et de chercher les lois des actes généraux qu’il exécute , par une méthode semblable à celle qu’on a suivie pour ta Phy- siologie de chaque partie. L’Homme sera donc un grand organe que vous étudierez selon la marche expérimentale et dont vous rappor- terez encore les actes à autant de principes d’action qu’il en faudra pour classer les faits. XVII. Il est possible que ce nouveau point de vue ne vous paroisse pas aussi riant que le premier ; mais il gagne en im- portance ce qu’il perd en agrément. Les principaux dogmes de la médecine-pratique dérivent de cette manière de considérer l’objet : c’est assez vous en dire. On s’étonne que la médecine ait marché d’un pas si rapide chez les anciens , et que ses progrès chez les modernes n’aient pas ré- pondu aux travaux de nos Physiologistes fi). CiJ Quand je parle de la médecine, il «st question du corps de la science, des grand dogmes qui la cons- tituent. Le perfectionnement d’un grand nombre de moyens curatifs , l’invention de quelques autres * n ont guère été, que le développement ou 1 application de règles anciennement connues. C»8) Je crois qu’on en pourroit trouver la raison dans la direction qu’on a donnée aux études à ces diverses époques. Les Anciens furent assez heureux pour n’avoir pas la liberté de se livrer aux recherches minutieuses de la Physiologie organique. La religion et les préjugés ren- dirent les connoissances anatomiques pro- digieusement difficiles à acquérir : or le goût pour les expériences ne vient que par l’anatomie. Ils lurent donc obligés de se rabattre sur cette Physiologie de l’Homme entier , et de s’y adonner avec d’autant plus de zèle qu’ils n’espéroient rien d’ail- leurs. Aussi connurent-ils la plupart des grandes lois de l’économie animale, comme l’individualité physiologique ; l’effet des ha- bitudes ; les forces médicatrices ; l’antago- nisme 3 des diverses parties par rapport ! à la distribution des forces disponibles ; les métaptoses; les rapports sympathiques entre certaines régions du corps ; l’influence des âges, des saisons , des climats sur le sys- tème des forces; les variétés de la combi- naison de ces forces , qui constituent les tempéramens ; les diathèses ou dispositions morbifiques ; les périodes ou les âges des maladies ; la fermentation vitale des hui I ( ) meurs , le départ qui s’opère entre celles dont la présence est utile et celles qui sont des produits dépravés ou nuisibles; et beau- coup d’autres laits généraux qu’on doit considérer comme les plus solides fonde- mens de la médecine -pratique. Les modernes au contraire ont cru arriver plus sûrement à la connoissance des lois de l’économie animale par l’examen des or- ganes. Ils se sont donc livrés. aux détails, et ils ont négligé , peut-être dédaigné comme trop empirique cette Physiologie du système total (i). Le perfectionnement de l'anatomie , et l’application aux expé- riences ont tourné au profit de la patho- logie et du traitement des maladies qui consistent dans une aPération anatomique ; mais comme il n’a pas été possible de pousser assez loin l’analyse physiologique pour se mettre en état de rendre raison des grandes lois dont je parlois , et qu il est resté une immense lacune entre ce qu’on (i) Haller ne semble pas même vouloir lui donner le nom de Physiologie, puisqu’il dit , en parlant de Fernel et de G. Hoffman , si licet sincerum esse de totâ Physiologiâ , t antis viris vix quidquam innotuit. L. c. ( 120 ) âvoît acquis et c® qu il y avoit a expliquer , tous ses travaux n'ont nullement augmenté la certitude des dogmes médicaux (r) , et nous ont toujours laissés dans l’obligation d’étudier directement les faits sur lesquels ces dogmes sont établis. Il s ensuit delà que l’ordre dans lequel nous avons disposé les matières jusqu’ici n’est pas invariable , et que si l’on vouloit faire précéder la Physiologie organique de celle du système entier , rien ne s’y oppo- seroit. Peut-etre meme y auroit-il un avan- tage à prendre ce dernier parti: un grand nombre des phénomènes qui forment l’his- toire physiologique de chaque organe , ren- treroient dans les lois générales de la syner- gie, de l’instinct, de l’habitude , etc. En montrant f la chaîne s est trouvée rompue ; il faudroit voir si la continuité s’en conserve en descendant; puisque les lois de la vie locale n ont pas pu nous faire deviner d’a- vance celles du système entier 9 il convien- drait d’examiner si les lois du système entier ne nous donneraient pas une intelligence plus complète de celles des phénomènes (i) Fontenelle a ingénieusement présenté cette vérité, dans le dialogue entre Erasistrate et Harvér C Î21 ) locaux ; ou si ces derniers ne proviendroient pas d’une même cause qui suit la même marche dans l’exécution de tous ses actes. XVIII. Le plus important des résultats qu on obtient en considérant l’Homme sous ce point de vue , c’est que tous les phéno- mènes vitaux sont liés par une cause secrète qui les produit au besoin, qui n’obéit pas nécessairement aux agens extérieurs qui tendent à les faire naître , mais est déter- minée par leur impression ; qui les dispose dans un tel ordre pour le faire concourir à certaines fins , et qui les maintient au de gré convenable à l’opération qu’ils doivent actuellement exécuter. C’est cette unité et cette harmonie qui ont de tout temps frappé les Médecins , et pour l’explication des- quelles ils ont souvent admis des causes hypothétiques , telles que des êtres d’une nature intermédiaire entre l’ame et le corps, ou l’action immédiate, non réfléchie et non sentie , de l’Être pensant. L’inutilité et même les dangers des hypothèses ont été trop bien démontrés pour que je puisse vous conseiller de faire grâce à aucune. Celles même dont les ré- sultats se rapprochent le plus de la vérité * pgr cela seul qu’elles sont hypothèses , C 122 ) doivent être bannies. Les faits tous nus , sans explication , valent toujours mieux qu’une théorie fictive. Quant à la liaison qui existe entre les actes vitaux, sa considération est essentielle, et on ne peut se faire de notions justes sur les lois de l’économie animale , si dans l’expression analytique et générale des faits on néglige les termes qui la représentent. Bien plus, la Physiologie du système total et la pathologie cessent alors d’être des sciences. Puisqu’il faut parler de cette harmonie, il faut un nom pour en désigner la cause. Ce nom doit être tel qu’il fasse allusion aux effets, et qu’il ne préjuge rien sur la nature de la chose nommée : Principe d'unité , Principe d'harmonie , rempliroient cette condition. Comme il n’est pas facile de distinguer la cause productrice des phénomènes vitaux d’avec la cause qui les met en harmonie , Barthez a tout exprimé par la dénomination de Principe Vital . Ce mot ne signifie donc dans son langage que la cause , quelle quelle soit , de tous les actes vitaux et du rapport mutuel qui les unit . Quand elle seroit elle-même un résultat , un effet , rien ( 123 ) n’cmpêche de lui donner le nom de prin- cipe, puisqu’on la considère seulement en tant qu’elle produit. Malgré le soin avec lequel Barthez a écarté de sa doctrine toute influence de l’imagi- nation ^ malgré l’attention avec lequelle il a évité les traces de Van-Helmont et de Stahl , pour se conformer aux règles de la philosophie Newtonnienne ; on a dit que le principe Vital est une hypothèse. Mais il n*y a certes point d’hypothèse a assurer que le rapport harmonique des actes vitaux a une cause , et à parler de cette cause comme un analyste parle d’une inconnue dont il énonce les fonctions qui 1 inté- ressent. Quoi qu’on en puisse dire , cette manière de raisonner est exactement celle de Newton (i). (i) J’ose meme avancer que l’expression Principe Vital est plus conforme à l’esprit de Newton que le mot attraction , parce qu’elle a un sens moins déter- miné. Celui-ci représente une force qui réside dans le corps vers lequel un autre est forcé de se mou- voir. Or , Newton n’osoit rien affirmer sur la nature de la cause de la gravité ou du mouvement centri- pète , et le mot en disoit plus qu’il ne vouloit. C'est pour cela, je pense, qu’il s’est expliqué plusieurs fois sur ce qu’il entendoit par le mot attraction , notam- C 124 ) Ceux qui sont étrangers à notre Art ne voient pas quelle utilité il peut y avoir pour la science à rapporter les phénomènes vitaux à un principe inconnu; ils s’imaginënt que ce n’est qu’un moyen d’éluder la recherche des causes , et de masquer l’ignorance. Mais à peine serez vous initiés dans la médecine que cette objection s’évanouira complète- ment à vos yeux. Supposons que vous ayez à exprimer médicalement ce qu’est la goutte. Si vous vous permettez des hypothèses , c’est de la peine perdue ; personne n’est obligé de vous écouter. Si vous vous contentez de faire des descriptions décousues des symptômes ment dans le 3.e livre de l’Optique , quœst. 3i , où il dit .* Quam ego attractionem appello , fieri sanè pot est ut ea efficiatiir impulsu , vel alio aliquo modo nobis ignoto. Hanc vocem attractionis ita hic accipi velitn , ut in universum solummodb vim aliquam significare intellegitur , quâ corpora ad se mutub tendant ; cuicumque demùrn attribuenda sit ilia vis. Je ne crois pas , malgré le sentiment de M. Sigorgne % que ces déclarations aient seulement pour but de ne pas rebuter le lecteur préoccupé d’une autre doctrine , mais bien de rendre la science indépendante de l’opinion, qu’on se feroit de la cause d’un phénomène principal , dont il cherchait à déter- miner la part dans plusieurs phénomènes composé*. ( 125 ) par lesquels elle se manifeste , vous aurez manqué à la condition ; vous n’en aurez parlé qu’en historien ; vous n’aurez pas montré la liaison des faits, et sans 1 indi- cation de ce rapport , point de Pathologie. Vous ne serez guères plus avancés, si, à l’imitation de quelques sectes , vous vous bornez à classer vaguement la maladie parmi les névroses, les asthénies, les C4: chexies humorales , les phlegmasies, etc. C’est n’envisager l’objet que par un côté, c’est se mettre dans l’alternative de recourir à l’hy- pothèse , ou de laisser épars des phénomènes qui sont liés dans la nature. Mais si vous dites que la goutte est une disposition de la cause de la vie et de l’unité , ou comme certains parlent , de la constitu- tion , à produire , ou continuellement ou par intervalles , une altération déterminée dans les humeurs , et une viciation spéciale dans les mouvemens toniques des solides; que cette viciation est réalisée plus particulière- ment dans les parties qui sont actuellement infirmes relativement aux autres organes; que l’état vicieux des forces toniques qui constitue l’état goutteux, est accompagné de douleur et partant de fluxion ; que I ( ta6 ) s’il coïncide avec le départ des humeurs , il en résulte un mouvement dépuratoire ; que si la disposition subsistant toujours , on empêche l’état goutteux des solides de s’établir dans une partie , le principe d’unité l’établira dans un autre ; que les lieux où il le place d’abord sont ordinairement tels et tels, mais que les habitudes peuvent dans la suite renforcer ou changer les détermi- nations ; que les infirmités variables des organes peuvent rendre ambulatoires les déterminations du principe d’unité , mais que nous pouvons les diriger jusqu’à un certain point, en sollicitant une autre dis- tribution des forces disponibles , etc. Si vous parlez ainsi, vous traduisez fidèlement tous les faits, mais vous les présentez dans cette dépendance mutuelle où ils sont réellement; en un mot, vous donnez une doctrine sans hypothèses , et vous fournissez une base à l’Art, N’en croyez donc point ceux qui taxent d’inutilité cette méthode de philosopher , et restez persuadés , encore une fois , que si dans l’expression analytique des faits généraux qui constituent la science de l’Homme, on omet ce qui rappelle la liaison C 127 ) harmonique des actes vitaux , il est impos* sible de former les dogmes sur lesquels repose la médecine - pratique (i). XIX. Il nous reste à dire quels sont les moyens par lesquels on peut selever a rétablissement des lois qui constituent la Physiologie du système entier. Parmi les faits dont se compose la partie de la Physiologie qui s’occupe de l’analyse des forces vitales , de lusage des parties et des sympathies spéciales , presque tous ceux que l’on nomme hyperorganiques peuvent servir de matériaux , parce qu’en les rap- prochant les uns des autres , et en les (i) Une objection faite à la doctrine de Barthez , c’est quelle induit à réaliser une abstraction , c’est- à-dire à donner une existence substancielle au prin- cipe vital. Mais l’opinion que chacun peut se former là-dessus d’après la totalité des phénomènes t ne fait rien à la solidité de [la doctrine. 11 suffit qu’en posant les dogmes fondamentaux , on se soit tenu à la règle et que le nom de la cause n’ait été employé que d’une manière qui ne préjuge rien sur sa nature. Newton laisse bien percer son opinion particulière 5i2p la cause de la gravite j et cette opinion a fait fortune parmi les modernes. Mais si comme il le croyoit possible , on venoit à prouver qu’elle n’est pas l’attraction, y auroit-il pour cela une idée à changer dans les théorèmes qu’il a démontrés ? C 128 ) contemplant sons de nouvelles faces , on, découvre entre eux des relations, des liens qu on navoit pas d abord aperçu. Ainsi je crois voir dans le système osseux lui même des phénomènes qui rentrent dans la loi de la synergie , mais qu’un examen super- ficiel a laissés isolés jusqu’ici. Il n est pas douteux qu’en examinant toutes les circonstances des phénomènes journaliers les plus apparens , on n’y trouve le fondement de plusieurs lois de l’écono- mie qui ont dû échappera ceux qui ont vu l’Homme en naturaliste. Barthez , dont les Êlemens de la science de l'Homme ont spécialement pour objçt la Physiologie du système entier , en a su découvrir plusieurs tres interessan tes dans 1 histoire du sommeil* dans les phénomènes de la chaleur animale , dans les tables de mortalité. L’instinct , les synergies, l’antagonisme des diverses régions , la sympathie des organes , les habitudes , la tendance aux retours périodiques , et? bien d’autres faits généraux de la même impor- tance , peuvent être établis sur des obser- vations aussi communes. Il est aisé de pressentir que les faits tirés de l’histoire des animaux doivent être em- ployés ici avec encore plus de réserve qu$ • ' OBSERVATIONS SUR LES AFFECTIONS CATARRHALES. f OBSERVATIONS SUR LES AFFECTIONS CATARRHALES EN GÉNÉRAL, ET PARTICULIÈREMENT SUR CELLES CONNUES SOUS LES NOMS DE RHUMES DE CERVEAU ET de RHUMES DE POITRINE ; Par P. J. G. CABANIS, Docteur en Médecine, Membre du Sénat, de l’Institut national, de l’Ecole et Société de Médecine de Paris , de la Société' Américaine, de celle de Médecine de Bruxelles, etc. Non fingendum , sed inveniendum. Bac, SECONDE ÉDITION. A PARIS, Chez Caille et Ravier, Libraires, rue Pavée-Saim- André-des-Arcs , n° 17, Et à la Librairie Medico- Chirurgicale , rue des Mathurins Saint-Jacques, n° 19, au coin de la rue des Maçons, 1 8 1 5 . AVERTISSEMENT, u écrit suivant a pour objet de présenter îe résultat d’une suite d’observations , com- mencées depuis plus de vingt-cinq ans. Je Fai resserré dans le moins de pages qu’il ma été possible , sachant trop , par ma propre expérience, combien la patience et le temps des lecteurs ont besoin d’être ménagés i j ai seulement tâché d’être clair , ce qui me paraît encore plus indispensable que d’êtrè précis. Cet écrit ne peut rien apprendre aux maîtres de Fart ; il ne peut intéresser en aucune manière ceux qui cherchent de sa- vantes théories^ il n’est pas fait pour les gens du monde , car la lecture des livres de médecine -pratique leur est toujours nui- sible, soit pour eux - mêmes , soit pour les personnes qu’ils se jugent en droit de s droguer à leur fantaisie : il ne convient et ne peut être utile qu’aux jeunes praticiens. J’espère qu’en effet il pourra leur suggérer quelques vues pour le traitement d’un genre de maladie qui se présente chaque jour, et dont en général on néglige beaucoup trop de prévenir les dangereuses suites. Ceux qui se donneront la peine d’observer atten- tivement la nature , retrouveront sans doute les mêmes choses que j’ai vues ; car elle est uniforme dans sa marche : mais il n’est pas inutile de savoir d’avance ce qu’on doit regarder. Quand je n’aura: s fait que leur épargner des tâtonnemens, je serais suffi- samment récompensé d’un faible travail ; et mon but serait rempli. I COURTES OBSERVATIONS SUR LES AFFECTIONS CATARRHALES, Et pai ticuhei ement siiv cgIIgs cjm sont connues sous Igs noms do rhumes de cerveau gî de rhumes de poitrine. A' on Jingendum , sed inveniendum » Bac. Les anciens médecins n’avaient point ignoré quel rôle important les affections catarrhales jouent parmi les maladies dont peut être attaqué le corps humain ; et ils avaient tracé pour leur traitement des plans sages et fondés sur l’ob- servation. Ils s’étaient fait > il est vrai , sur ce* qu’ils appelaient le catarrhe, des vues théori- ques , erronées à plusieurs égards ; car il est impossible d’admettre avec eux qu’il a sa source dans le cerveau ; qu’il dépend d’une intempérie à laquelle certaines circonstances rendent ce viscère spécialement sujet ; enfin, qu’il découle i . OBSERVATIONS de la cavité du crâne , pour se porter de lâ sur diverses parties du corps plus ou moins éloL gnées de cette source primitive : mais ils avaient observé les causes occasionnelles et détermi- nantes de cette maladie , ses phénomènes ca- ractéristiques , sa marche , sa terminaison , ses résultats , avec une sagacité et une exactitude qui ne se trouvent guère que dans les tableaux tracés par ces habiles observateurs, A la renaissance de la médecine en Europe , leurs dogmes furent sans doute adoptés avec trop peu de choix et de critique. Les savantes mais illusoires théories de Galien sur les hu- meurs , détournèrent trop long-temps les meil- leurs esprits , et même les plus grands admi- rateurs d’Hippocrate , de la véritable méthode hippocratique ; et les écoles , au lieu de s’atta- .cher à l’étude réfléchie du premier de tous les livres, du seul fidèle, de la nature, que .tous les autres doivent avoir seulement pour but de nous apprendre à mieux interroger , s’affermis- saient d’autant plus dans leurs préjugés galé- niques , qu’un futile appareil d’érudition et de raisonnemens subtils en rendait chaque jour le SUR LES CATARRHES, etC. 5 ridicule et 3’ absurdité de plus en plus mécon- naissables à leurs yeux. Cependant, guidés par des observations très-sures , quoique rapportées a de vaines doctrines, leurs plans de traitement étaient loin d’être aussi fautifs qu’on pourrait l’imaginer ; du moins les vices qu’on peut y reprendre avec raison , sont-ils étrangers à ceux des systèmes qui dominaient alors • et plusieurs de ces mauvais théoriciens furent des prati^» ciens sages et heureux. L’habitude de fonder les vues dé physiologie et de pratique , moins sur l’observation du corps vivant dans l’état de santé et de maladie , que sur des descriptions anatomiques le plus sou- vent muettes , comme le cadavre dont on les a tirées , et sur des idées mécaniques toujours séduisantes parce quelles sont faciles à saisir , et souvent dangereuses parce qu’on renonce avec peine à ce qu’on s’imagine voir et toucher distinctement : cette habitude , louable à d’au- tres égards , a fait rejeter par les modernes une foule de ces observations précieuses faites au- trefois , que la prévention les empêche d’aper- cevoir ou de vouloir reconnaître dans la pra- OBSERVAI1! O NS tique y mais qui frappent tous les jours des yeux attentifs et libres de préjugés. Bordcti s’en était déjà plaint à l’oecasion du sujet même qui nous occupe ; et il crut pouvoir expliquer , par ses belles découvertes sur le système cellulaire plusieurs faits qu’on avait rejetés comme faux y parce qu’ils étaient inex- plicables suivant ces idées étroites 9 où l’on ne sait concevoir et croire possible que ce dont on peut ^ pour ainsi dire y toucher au doigt y les causes et leur liaison avec les effets observés. Au reste , mon dessein n’est point ici de faire de grands frais d’érudition pour défendre les idées des anciens sur le catarrhe et sur les différentes espèces de pituites ? quoiqu’il ne fût peut-être pas difficile de trouver dans les au- teurs les plus exacts ? et quoique j’aie fait moi- même un assez grand nombre d observations qui se rattachent bien mieux à ces idées, qu’à celles que la plupart des modernes ont cru devoir leur substituer. Mais je suis fort éloi- gné , je l’avoue , d’adopter des théories fondées sur quelques notions positives trop incomplètes , SUR LES CATARRHES, etc. J -et tirées de sciences que les meilleurs praticiens n’ont cultivées que d’une manière accessoire, et que le premier de tous , sans aucune com- paraison , le grand Hippocrate , ignorait près- qu’entièrement. Je ne suis cependant pas moins éloigné d’écarter , avec les empiriques absolus , toute vue théorique de la médecine-pratique : il se- rait même impossible de reconnaître dans les faits qui se présentent , l’identité ou l’analogie avec d’autres faits antérieurement connus , si l’on n’avait point su lier les derniers par des résultats communs , c’est-à-dire par des prin- cipes : mais il vaudrait mieux n’avoir absolu- ment aucune théorie , que d’en adopter une démentie par un certain nombre de faits régu- liers, ou du moins de ne pas s’en servir avec assez de réserve pour ne point méconnaître , dans ceux qu’on observe pour la première fois, les différences qui peuvent les distinguer de ceux auxquels on imagine devoir les rapporter. Ce que nous disons ici de la médecine est ega- lement applicable à toutes les sciences d’obser- vation : quand on s’attache aveuglément à ce 8 OBSERVATIONS qu’on appelle souvent , avec si peu de raison £ les principes , on ne peut que rouler dans le cercle des erreurs ; et les rapides progrès qu’ont i faits , dans ces derniers temps , plusieurs bran- dies de la physique , sont uniquement dus à ce que les meilleurs esprits parmi ceux qui les cultivent, soumettent chaque jour à l’expérience tous les principes que l’on a crus , ou que meme on croit encore , les plus certains et les plus démontrés» Quoique les causes des différentes espèces de flux, et les humeurs qui en forment la matière, soient bien plus différentes que ces espèces elles-mêmes, tous les flux en général sont assujétis à-peu-près aux mêmes lois ; et par conséquent , ils sont liés par une théorie commune, aux yeux de l’observateur attentif. Cette théorie paraît avoir été entrevue par Hippocrate et par quelques autres anciens écrivains de médecine ; mais elle n’a com- mencé à prendre une forme régulière qu’entre les mains de Stahl , qui en a rassemblé et or- ganisé les dogmes épars , en croyant ne tracer peu t-être ue la seule histoire des flux hémor— P rhagiques : elle est devenue plus classique par les travaux de quelques médecins plus modernes , et notamment de Barthez, qui, dans un bon mémoire sur les fluxions , a eu pour objet de l’apporter à quelques points simples les obser- valions les plus exactes faites sur cette matière , et dont Fécrit , sans avoir peut-être rempli com- plètement cet objet, me semble mériter fat*-3 tention particulière des praticiens. Mais je ne traite point ici des fluxions en général ; leur domaine embrasse une foule de maladies absolument étrangères à celles dont je m’occupe, et celles-ci même, je n’entends les considérer avec quelque détail que sous leurs deux formes les plus simples, auxquelles on a plus particulièrement conservé le nom du genre. D’ailleurs, toute théorie quelconque ne doit avoir , aux yeux du médecin philosophe , d’autre importance que celle d’aider la mémoire en liant les faits connus , et de les représenter rapidement à l’esprit pour diriger les raisonne- ur eus d’induction que l’analogie suggère à l’as- pect de tous les objets nouveaux. Ainsi donc, sans plus long préliminaire sur IO O B S ER Y A T X O N S ce sujet , passons à l’histoire des faits qui s V rapportent; car, dans tous les genres, ce sont toujours les faits qui doivent nous servir de guides ; les idées générales théoriques en doi- vent être une expression abrégée , et les vues de traitement une conséquence directe et né- cessaire dans un bon ordre de déduction. Quelques écrivains modernes ont prétendu que les affections catarrhales étaient devenues plus fréquentes dans les derniers siècles. Thiery (i) sur-tout, dans la prévention , qui du reste ne lui est pas particulière, que l’es- pèce humaine se détériore physiquement de M plus en plus , par les progrès même de la ci- vilisation , s’est efforcé d’établir que ces affec- tions n’étaient devenues communes que depuis le catarrhe épidémique et malin de i5io, dont Mézerai nous a laissé l’histoire , et que V allé— viola rappelle en parlant de celui de 1077. Il est vrai qu’avant ce rhume de i5io , qui prit le nom de coqueluche 9 parce qu’il s’emparait de la tête , des épaules , du dos , des reins , (x) Médecine Expérimental?. SUR LES CATARRHES, etc. II et les couvrait comme un long coquelachon , nous n’avons d’histoire régulière et complète d’aucune épidémie catarrhale. Il est également vrai qu’entre i5io et on trouve encore celle de 1 558 ^ qui fut très-funeste ; puis vien- nent celle de i58o, que Bockeiins , Suau 9 médecins de Paris , et quelques autres ont dé- crites avec beaucoup de soin; et celle de 1891^ dont parle Sennert , laquelle parcourut toute l’Allemagne, Enfin y sans nous arrêter aux catarrhes épidémiques du dix-septième siècle 9 nous les voyons se rapprocher en quelque sorte progressivement dans le dix - huitième , depuis celui de 1 7 1 2 , sur lequel C amer arias a fait une dissertation , jusqu’à ceux qui paraissent avoir régné dans presque toute l’Europe pen- dant les dernières années du même siècle et les premières du dix-neuvième. Je ne nie point ces faits ? iis sont consîans : mais je ne pense pas qu’on* puisse les attribuer aux causes que T hier y leur assigne; et je serais sur-tout bien éloigné d’admettre les conséquences qu’il a cru pouvoir en tirer. Comment s’étonnerait-on que les anciens ne OBSERVATIONS. nous aient point laissé d’histoires complètes d épidémies catarrhales, quand celles des autres épidémies le sont elles-mêmes si peu , depuis Hippocrate , jusqu’à la renaissance de la mé- decine en Europe, ou plutôt jusqu’au moment ou 1 imprimerie eut établi des communications promptes et reguheres entre les savans des différens pays ? Encore même les épidémies d Hippocrate n offrent— elles que le tableau des maladies qu i! avait observées dans telle ou telle ville , et tout au plus dans un territoire très-borné. On sait que de son temps les re- lations de pays à pays étaient peu faciles , que les nouvelles parvenaient difficilement de 1 un à l’autre , et que personne n’était assez au fait de ce qui se passait dans les pays même les plus voisins du sien , pour en tracer un ta- bleau general et fidèle. Les épidémies pesti- lentielles étaient à-peu-près les seules dont la terreur commune épiât soigneusement la pre- mière apparition , fit connaître rapidement au loin les dangers , et suivît avec attention la marche et les progrès. Je ne conclurais donc pas du silence des anciens sur les épidémies / SUR LES CATARRHES, CtC. ï 5* catarrhales , qu’elles sont une maladie nouvelle; et comme les causes que leur attribue Thiery, continuent d’agir avec une force toujours crois- sante, je suis d’autant moins porté à partager son opinion, que depuis le catarrhe de i5io, qui était accompagné d’une fièvre maligne très- funeste, les épidémies catarrhales subséquentes, jusqu’à celles des années 5 , 4 et 5 du siècle dix-neuvième, paraissent avoir diminué pro- gressivement de danger, et dans une sorte de proportion analogue à celle du rapprochement de leurs époques respectives. Il faut pourtant excepter les catarrhes compliqués d’angines gangreneuses ; car ceux-là sont toujours graves ; et lorsqu’ils deviennent véritablement épidé- miques , ils moissonnent un grand nombre de malades, et laissent après eux de longs souve- nirs de terreur. À ce sujet on peut observer que la gravité et le danger du catarrhe sont toujours relatifs à la nature de la fièvre dont il est compliqué : ainsi, les fièvres catarrhales épidémiques ont dû se conduire de la meme manière que les autres épidémies, dont la culture perfectionnée, les *4 . OBSERVATIONS progrès de la civilisation , de la police des villes , et les habitudes de propreté , devenues de jour en jour plus générales , ont diminué successivement y et dune manière si frappante « la violence et les effets. Mais pour revenir aux anciens , la preuve que les catarrhes n étaient pas moins fréquens de leur temps qu’aujourd’hui , c’est qu’ils les ont observés et décrits avec l’attention la plus minutieuse ; ils ont meme établi entre eux des distinctions qui nous paraissent subtiles; enfin, leurs plans de traitemens, tracés avec tant d’art et de soin , annoncent toute l’importance qu’ils attachaient à ce genre de maladie , et l’habitude où ils étaient de l’observer chaque jour. Pour peu qu’on soit versé dans leur lecture « ✓ on n ignore pas qu ils se sont particulièrement appliqués à décrire les phénomènes que pré- sentent , et les effets que produisent sur diffé- rens organes, les différentes espèces de pituites y qui forment, à proprement parler, la matière des catarrhes. Galien, dans son Traité des lieuse affectés y s’étend avec la complaisance d’un malade guéri, sur celle que Proxagoras avait SUR LES CATARRHES j CtC. > • y I !j caractérisée par l'épithète de vitrée , parce quelle offrait l’apparence du verre fondu : il rapporte qu’après l’avoir observée plusieurs fois sur d’autres , il fut attaqué lui-mème tout- à-coup d’une violente douleur intestinale qui simulait la colique néphrétique, et que par l’effet d’un lavement d’huile de rhue , il rendit j avec les efforts les plus douloureux, une masse considérable de cette pituite : il ajoute quelle produit toujours au passage un vif sen- timent de froid, et que les assistans, s’ils se bâtent d’y porter le doigt à sa sortie, en re- çoivent la meme impression ; ce qui ne permet pas de douter que sa température ne soit très- inférieure à celle du corps humain. Cette pituite est celle qu’un médecin moderne se félicitait d’avoir retrouvée; quoiqu’en effet le véritable réinventeur bit Diderot , auquel cette décou- verte avait coûté de longues et cruelles souf- frances. Enfin, sans parler des circonstances particu- lières où les crachats sont salés, acides, sucrés , amers , etc. , circonstances que les anciens ont (i) Par infusion, sans doute. lg OBSERVATIONS reconnues avec beaucoup de sagacité , et de-(i) * * 4 erites avec beaucoup d’exactitude, ils avaient remarqué le caractère contagieux de certains catarrhes (i) ; et cela seul doit porter à penser que les catarrhes épidémiques n étaient pas rares de leur temps. Car quoique les maladies épidémiques qui t iennent a des causes ex te— rieures et générales ne soient pas la meme chose que les maladies contagieuses, qui peuvent quelquefois etre produites par les miasmes émanés d’un seul individu , il est sui que les médecins les ont confondues tres-long-temps j et cette même confusion se trouve encore dans les écrits de quelques auteurs modernes , obser- vateurs , du reste , exacts et attentifs. On croit assez généralement aujourd’hui que tous les catarrhes sont causés par la répercus- (i) Us connaissaient le catarrhe adynamîque et gangreneux qui est très-commun dans ce moment ; leur Esculape en était mort avant d’être divinisé : c’est du moins ce qu’on peut raison- A nablement conclure du passage de Suidas. Etre frappé de là foudre et l’être de la gangrène ont été plusieurs fois exprimés par le même mot. Au reste , peut-être , Esculape n’a-t-il ja- mais réellement existé ; mais la maladie dont on dit qu’il moiv* j:ut était assurément ponnue ? sur-tout des médecins. I Sun LES CATARRHES, etc. \j Sion subite de la transpiration, ou par l’action lente de l’humidité, qui dérange cette excrétion nécessaire , en affaiblissant l’action organique de la peau. 13 n y a pas de doute que la trans- piration répercutée ne produise plusieurs dé- sordres graves dans l’économie animale : il est également vrai que les rhumes et les fièvres catarrhales se déclarent souvent à la suite d’un passage brusque du chaud au froid, sur-tout quand 1 atmosphère froide se trouve en meme temps chargée de vapeurs humides. Il est enfin constant, d’après l’expérience de tous les siècles, que l’humidité, sur -tout l’humidité jointe au froid, et plus encore celle des pays ou des temps chauds, en dégradant toutes les fonc- tions digestives et assimilatrices, influent d’une manière directe sur la production des affections catarrhales , aussi bien que de plusieurs autres maladies qu’on ne regarde point comme du même genre. Mais cette cause n’est pas la seule à beaucoup près : les hémorrhoïdes irrégulières, différentes éruptions , les rhumatismes chroni- ques, etc., peuvent -être remplaces par des flux muqueux , et même par des catarrhes de la 2 OBSERVATIONS 18 poitrine ou du cerveau : certaines habitudes de faiblesse et de mobilité du système nerveux se trouvent souvent accompagnées d’une dispo- sition catarrhale , quelles entretiennent , et qui , de son côté , contribue à rendre leur guérison plus difficile : enfin , presque toutes les circons- tances énervantes rendent les hommes, meme les plus vigoureux , plus sujets à toute espece de rhumes ; et chez les individus plus faibles , elles les produisent quelquefois immédiatement. Ainsi, j’ai connu et traité une femme agee de quarante ans , chez laquelle une petite dartre répercutée avait produit de violens et fréquens accès de lonte catarrhale. Ces accès commençaient par un gonflement subit de la membrane du nez et de l’arrière-bouche, et par des picotemens aigus aux points lacrymaux «. bientôt après il s’établissait par le nez un écou- lement d’une humeur limpide presque corro- sive , et par les yeux de larmes brûlantes qui laissaient sur les joues , en les sillonnant , des gerçures d’un rouge vif. Elle fut guérie par l’usage des sucs d’herbes, des savonneux et des eaux de Vichy : ces moyens firent disparaître SUR LES CATARRHES, etc. iq Complètement une obstruction du foie qu’on avait négligée, et que je regardai comme la cause primitive de la dartre et de l'affection catarrhale, produite par sa rétrocession. J’ai soigné également une autre femme , âgée de cinquante -cinq ans, qui se trouvait dans des circonstances très -analogues. Une dartre quelle avait gardée assez long-temps sur la joue droite , disparut un jour d’elle-même. Elle fut aussitôt remplacée par un vif sentiment de froid dans toute la mâchoire supérieure du même côté; et bientôt il s’y établit, dans l’inté- rieur de la première grande molaire, qui était cariée , un écoulement d’une eau claire et glaciale (i), que la malade rejetait par gor- gées de moment en moment. Cette excrétion , toujours précédée du même sentiment de froid, revenait presque tous les matins , et durait une demi-heure ou trois-quarts d’heure. La malade fut guerie par un vésicatoire que je lui fis (i) J’ai sous les yeux, dans le moment meme où j’écris ceci, un autre exemple de cet écoulement d’eaux glacées, qui dis- tillent de la mâchoire dans' l’intérieur de la bouche. Ces cas ns sont pas rares j ils doivent être connus de tous les praticiens» 20 OBSERVATIONS appliquer d’abord derrière l’oreille , et ensuite au bras , et par l’usage prolongé des sucs d’herbes appelées dépurantes. Mais au bout de dix-huit mois ou deux ans, elle eut 1 impru- dence de supprimer son vésicatoire, que je lui proposais de changer en cautere. Bientôt apres, elle commença à ressentir dans le bas-ventre une douleur sourde, ou plutôt un poids in- commode. C’était un squirrhe de l’ovaire droit, qui, ayant acquis rapidement un volume con- sidérable, dégénéra avec la même vitesse, et fit périr la malade dans les plus affreuses dou- leurs. Un homme de cinquante ans venait d’éprou- ver un long et douloureux accès de rhumatisme goutteux. Après avoir gardé le lit, ou sa chambre, pendant plusieurs mois de 1 hiver , il s’était rétabli lentement et péniblement au re- tour de la belle saison ,* enfin §es douleurs rhumatismales , après avoir attaqué successive- ment différentes parties , se terminèrent par un rhume de cerveau, qui a duré près de deux ans , et à la suite duquel le rhumatisme p araît entièrement guéri. Un homme de mes amis, d’un tempéra- ment bdieux , avait été souvent incommodé d une disposition hémorrhoïdale sans caractère distinct, et sur-tout sans accès critiques : il avait presque habituellement , comme il arrive sou- vent alors, de petites dartres assee vives , mais cependant fugaces; et sa constitution, originai- rement vigoureuse, avait été affaiblie par une fievre du genre des ataxiques ou des typhus. A la suite de longs travaux et de vives agitations morales , il fut attaqué presque subitement d’un rhumatisme aigu , accompagné des douleurs les plus cruelles, qui ne laissaient libre aucune partie extérieure. Cette maladie ne se termina point par une résolution complète : il y eut une métastase qui se dirigea vers le système urinaire ; et depuis cette époque il s’est établi un catarrhe chronique de la vessie ,- plus ou moins abondant , suivant le régime observé et letat de l’atmosphère, mais qui diminué dune manière remarquable , au retour d’un flux îié- morrhoïdal muqueux qui reparaît de temps en temps. Je pourrais citer beaucoup de faits an*. 22 observation s logues ; mais ceux-là me semblent suffisais pour prouver que les catarrhes ne dépendent pas toujours de la même cause , et qu outre celle qu’on regarde comme la seule , plusieurs cir- constances peuvent influer sur leur production f et même la déterminer immédiatement. Peut-être les anciens étaient-ils moins lom de la vérité, quand ils faisaient dépendre les dispositions catarrhales d’une faiblesse parti- culière des facultés digestives et assimilatrices, ou d’un défaut de coction. La pituite , dit Ga- lien, est humide et froide ; c est î aliment à moi- tié cuit. 11 ajoute qu’il ne faut point se bâter d’en débarrasser le corps par des évacuans , mais plutôt l’y retenir , pour achever de le cuire par l’usage des stimulans et des echauffans ap- propriés. Hippocrate regardait ce qu’il appelle la pituite Manche > comme la matière dune espèce de cachexie , due à la seule débilité des fonctions : c’est pour cela qu’il la désignait par le nom de leucophlegmatie , qu’elle a conservé jusqu’à ces derniers temps. Elle commence 3 dit -il, par Ie gonflement pâteux de tout le corps ; et si on ne la guérit de bonne heure , elle SUR LES CATARRHES. 23 dégénère promptement en hjdropisie. Dans un autre endroit , il observe que les enrouemens des vieillards , les pesanteurs de tête , et les évacuations catarrhales auxquelles ils sont très- sujets, admettent rarement une complète et véritable coction ; car les remèdes convenables dans ces maladies n’agissent sur eux que très- imparfaitement ; et la matière pituiteuse se ré- génère en plus grande quantité, quelle ne peut être cuite et assimilée aux humeurs vi- vantes. Les passages où il revient sur le même sujet, et toujours dans le même esprit, sont très-nombreux , comme ne peuvent l’ignorer ceux qui se sont donne la peine de lire avec quelque attention les ouvrages de ce grand homme : ils le sont même trop pour qu’il fût convenable de les rassembler dans ce moment. Chez les modernes , Gedéon Harvée , qui a fait un ouvrage curieux sur les fraudes des mé- decins , et un autre plus instructif sur Y utilité de la méthode expectante en médecine ? re- marque , avec raison , qu’un grand nombre de lièvres catarrhales, bien loin d’exiger un grand appareil de remèdes, ne demandent que le repos., 2 4 OBSERVATIONS la douce chaleur du lit , et un régime sévère ; et qu’elles se terminent d’elles-mêmes par une évacuation plus ou moins abondante , mais presque toujours vraiment critique , de la poi- trine, du fond de la gorge, ou seulement du nez. 11 nie sur-tout que l’impression du froid ou de l’humidité soit la seule cause de ces fièvres. Hoffmann' a décrit une fièvre catarrhale bénigne, dont la solution se faisait par une diarrhée critique et par des urines laiteuses, qui déposaient un sédiment rougeâtre. ïl ob- serve aussi qu’il y a des personnes , d’ailleurs bien portantes , qui sont attaquées deux ou trois fois par an d’une fièvre catarrhale dépuratoire , par laquelle la nature renouvelle en quelque sorte leur santé. D’après l’idée que tous les catarrhes sont dus à des répercussions subites de la sueur ou de la transpiration, la plupart des médecins mo- dernes les ont regardés comme des maladies inflammatoires, ainsi que les rhumatismes, qu’ils rangent dans la même classe, en se fondant sur les mêmes motifs. Cette opinion me paraît de- voir être également restreinte dans les deux cas. ^5 sur les catarrhes, etc. Assurément il y a des rhumatismes , sur-tout parmi les aigus , qui présentent des signes in- flammatoires éyidens , sur-tout au moment de leur invasion , sans doute aussi quelques rhumes, sur-tout parmi ceux de poitrine , doivent être , à leur début , traités par la méthode qu on ap- pelle antiphlogistique ou rafraîchissante : mais il n y a pas de temps et de pays où les hommes soient plus exposés aux rhumes , que les temps et les pays humides , et point encore où l’em- ploi de cette méthode soit ordinairement aussi pernicieux. Ce que je dis ici des rhumatismes et des rhumes y n’est pas moins vrai des catarrhes de la vessie et de ceux des intestins. C’est d’après les effets du traitement , et non d’après des théories anatomiques, si souvent illusoires, qu’il faut juger de leur caractère. La méthode in- verse ^ qui consiste à calquer les traitemens sur certaines apparences qu’offrent les organes après la mort ( apparences qui peuvent dépendre de causes si variées) , a toujours été, depuis qu’on veut fonder exclusivement la pratique sur les dissections , la source de beaucoup de fautes et t 2,6 OBSERVATIONS cle malheurs. Bordeu s’était déjà plaint et même moqué de cette habitude où sont quelques hommes de l’art de voir des inflammations par- tout où se présentent sur le cadavre , des injec- tions sanguines et des rongeurs. Antoine Petit , l’un des plus grands praticiens de l’école de Paris, et qu’on ne peut pas soupçonner d’avoir méconnu la réelle et véritable importance de l’anatomie , s’en est expliqué non moins libre- ment. 11 est sûr que les injections sanguines qu’on trouve souvent après la mort , à la sur- face , ou dans l’intérieur de différens organes f sont loin de prouver toujours une inflammation préalable ; souvent elles sont plutôt un symptôme de faiblesse et d’inertie, que d’accroissement maladif de ton et d’action ; et lors même qu’elles sont la suite d’une irritation notable de la partie , il ne s’ensuit pas toujours , à beaucoup près , que cette irritation ait été vraiment inflamma- toire, et que le système dit antiphlogistique ait dû faire la base du traitement. Je ne me propose point d’entrer ici dans le détail des considérations , beaucoup plus éten- dues qu’on ne le pense d’ordinaire , auxquelles SUR LES CATARRHES j etc* 2J donne lieu l’étude attentive des differens ca- tarrhes dont la vessie peut être affectée , et de ceux bien plus varies encore qui vicient les fonctions des intestins. Je crois pourtant devoir observer en passant , que dans le catarrhe de la vessie , sur lequel nous n’avons encore que des vues incomplètes de curation, on doit pres- que toujours, même lorsque les adoucissant sont clairement indiques, leur associer les to- niques doux; et que le seul moyen qui, dans ce cas , ait produit des effets réellement efïh* caces, est l’emploi d’un dérivatif, qui passe avec fondement pour imprimer à cet organe un mouvement particulier et très -vif d’irritation, sur-tout lorsqu’il agit sur lui d’aussi près : car c’est par l’application d’un large vésicatoire à l’intérieur des cuisses, que mon célèbre ami M. Boyer, dont l’exactitude et la scrupuleuse véracité sont si connues, a guéri, chez un homme avancé en âge, cette maladie caractérisée par tous ses phénomènes et confirmée par le temps. J’observe aussi que la dyssenterie , qui comprend sous sa dénomination générique les principales variétés des catarrhes intestinaux, cède souvent , 28 OBSERVATIONS tout-à-coup et comme par enchantement, à des remedes tires de la classe des vomitifs ou des purgatifs héroïques, et de celle des toniques, et meme des stmiuîans le plus généralement reconnus pour tels ; quoique d’ailleurs je n’ignore point quelle peut, dans certaines e circonstances, exiger un traitement tout con- traire , meme lorsque la douleur est peu vive , et que la nature de 1 irritation semble cher- ehei a se rendre méconnaissable aux regards du praticien. Quant aux fièvres catarrhales, j’ai déjà dit cpie leur plus ou moins de danger dépend de la nature de la fievre. C’est principalement vers elle que 1 attention doit se diriger; et dans le ii alternent , il s agit bien moins de combattre le catarrhe , que d’aller au-devant de tous les phé- nomènes pen lieux , propres à la maladie avec laquelle il se trouve compliqué. Les soins par- ticuliers qu il exige sont d’ailleurs si simples en eux-memcs , que , pour en prévoir et tracer toutes les indications , il suffit d’avoir bien saisi 1 esprit de celles qui se présentent dans tou? rhume un peu sérieux. I sur les catarrhes, etc. 29 Je reviens donc aux rhumes proprement dits, dont je m’occupe ici plus spécialement. Quelques rhumes graves sont annoncés d’a- vance , par des alternatives vives et continuelles de frissons courant le long de l’épine du dos , et de chaleur générale sèche et brûlante; un plus grand nombre par de légères lassitudes , la pesanteur de tête , et une impression habi- tuelle de froid ; presque tous par la pesanteur de tête, la crispation de la peau, une plus grande sensibilité au froid , particulièrement au froid humide , un sentiment d’embarras et de gonflement, soit du nez et de l’arrière- bouche, avec éternuemens fréquens ; soit des bronches et de tout le pouîmon , avec toux vive et sèche. Quelquefois le rhume s’annonce ou commence par une légère douleur de gorge, ou par l’écoulement d’une humeur acre et tenue qui distille du voile du palais, de la luette, et de toutes les parties supérieures de l’arrière- bouche. Dans ce derniers cas, la toux se mani- feste sur-le-champ avec une impression d’acreté qui se répand dans la poitrine , le long des di- visions bronchiales; et lenchifrènement ne tard© OBSERVATIONS So pas à s’établir. Dans le premier, l’enchifrène- ment et l’embarras de la poitrine peuvent tarder quelque temps à paraître , et laisser croire que le malade n’a qu’un simple et léger mal de gorge : mais ils paraissent enfin , soit ensemble , soit successivement ; et la durée du rhume semble presque toujours proportionnelle à l’in- tervalle de temps qui sépare l’établissement complet , et en quelque sorte coordonné de ses divers symptômes. Il n’est pas rare de le voir commencer par un vif picotement dans les sinus frontaux , dans le nez , ou dans quelque point particulier de la poitrine : mais quelle que soit la manière dont il débute , l’observa- teur attentif ne tarde pas à remarquer un cer- tain éclat humide des yeux, même lorsque le reste du visage est abattu , et , si la poitrine est fortement prise , la rougeur circonscrite des joues , deux signes qui , pour l’ordinaire , ac- compagnent et caractérisent les dispositions et les affections consomptives de cet organe. L’enchifrènement est suivi d une abondante distillation y pour parler comme les anciens , d’une humeur limpide , tenue et souvent fort SUR LES CATARRHES, etc. 5l âcre. L’engorgement du voile du palais , du fond de la bouche, du larynx et des bronches, détermine également des crachats écumeux et liquides , mais plus filans que l’humeur qui coule du nez , et que fournit la membrane dite pituitaire. Plus la matière de ces excrétions est abondante et tenue , plus elle est âcre et corro- sive : elle l’est quelquefois au point d’excorier non-seulement la membrane muqueuse qui la verse , mais aussi la peau des lèvres ; comme les larmes, dans certain cas, entament, en les sillonnant, les paupières inférieures et la peau des joues. Son abondance et son degré d’âcreté dépendent de la nature et du degré de l’irrita- tion • iis en sont l’exacte mesure. II paraît même que cette propriété corrosive des humeurs sécrétées par les membranes muqueuses peut tenir uniquement à l’action de ces dernières, vicieusement augmentée , ou à leur irritation , puisqu’on la produit pour ainsi dire à volonté par l’application des irritans artificiels. La ma- tière des crachats , presque toujours plus mu- queuse et moins tenue, est aussi pour l’ordinaire moins âcre et moins caustique ; il n’est pour- I 02 OBSERVATIONS tant pas extrêmement rare de voir la langue , le palais, et le fond de la gorge excories, ou couverts d’aphtes, par l’impression qu’elle fait en suintant , ou lors de son passage ; on a même i vu les crachats entraîner des lambeaux (i) de la membrane intérieure des bronches ; et l’ins- pection anatomique a plus d’une fois offert dans leurs divisions et à l’entrée du larynx, ou sur l’épigiote, des délabremens notables, qu’on a rapportés avec fondement à la même cause* Quant aux aphtes, qui paraissent être des pus- tules de la membrane muqueuse , ou des dégé- nérations de son tissu , ils sont si communs dans les rhumes , qu’il n’est pas de médecin qui n’ait eu cent fois l’occasion de les observer et d’en suivre le cours. Toutes les maladies aiguës qui ne sont pas directement mortelles , présentent dans leur cours trois périodes bien distincts : celui d’ir- ritation, celui de coction , et celui de crise. Les rhumes simples, qui ne deviennent mortels que par leur complication avec des fièvres dange- (i) Ces lambeaux me paraissent avoir, en général, le «aractère aphteux. reuses ? ou par leur changement en certaines maladies fatales , comme la phthisie ? l’hydropi- sie, l’œdème du poumon ; les rhumes simples , dis-je , suivent la même marche, se divisent ega- lement en trois temps bien caractérises ? et se terminent par une crise , avec ou sans évacua- tion sensible , qui rétablit et quelquefois amé- liore l’ordre antérieur des fonctions. La durée totale des rhumes , et la durée respective de leurs différens temps y ne sont point toujours les mêmes ? à beaucoup près. Quelques rhumes sont si légers , que la chaleur du lit peut du soir au matin , les faire passer à l’état de coc- tion ; et qu’au bout de deux ou trois jours ? le malade n’y pense déjà plus. D’autres fois > au contraire , les temps d’irritation et de coction se prolongent ; et la maladie , sans passer même à l’état de catarrhe chronique , n’est pas en- core terminée au bout de plusieurs mois. Il arrive aussi qu’à une courte période d’irrita- tion , succède une coction très-lente , - et des éva- cuations du nez > de la gorge ou de la poitrine , qui tantôt semblent ne pouvoir trouver de fin , et tantôt paraissent répondre bien mieux à la 5 54 observations rapidité du premier temps , qu’à la marche tardive du second. Enfin , une longue irritation n’annonce point infailliblement une coction pénible des crises incertaines, ou des évacua- tions prolongées ; et l’observation nous montre quelquefois que le retour à la santé peut alors avoir lieu sans coction , comme sans évacua- tion sensible. Ces diverses circonstances , qui tiennent à celles de la maladie , c’est-à-dire aux causes qui l’ont déterminée, à la constitution de l’air, à la nature de l’épidémie régnante , aux habi- tudes et à la disposition des individus , méritent d’étre soigneusement pesées ; car il ne faut pas, dans tous les temps et chez tous les malades, traiter les rhumes de la meme manière , même quand ils présenteraient ces faux caractères d’uniformité qui , dans tous les genres , trom- pent si souvent les observateurs superficiels. Il est d’autant plus nécessaire d’y donner une sérieuse attention , que les règles de conduite qui en résultent sont également applicables à beaucoup d’autres maladies aiguës et chro- niques , dont le cours ne peut être bien saisi , et SUR LES CAT ARRHES, etc. 55 dont les conversions en d’autres maladies ne sauraient être prevues d’avance , ou même sim- plement remarquées à propos , si Ton ne s’est fait un fidèle tableau des rapports que peuvent avoir entre elles les diverses périodes de la ma- ladie primitive , et des lois suivant lesquelles se . font les passages d’un état du corps à un autre état plus ou moins différent. Dans les rhumes , qui font l’objet particulier de cet écrit , le temps d’irritation se marque par la ténuité et l’âcrete des humeurs qui suintent de la membrane muqueuse : à mesure que l’irritation diminue , les crachats et les mu- cosités du nez s’épaississent. Lorsqu’ils ont atteint ce degré de consistance qui demande un certain effort pour leur excrétion , on peut regarder la coction comme achevée ; et le rhume se termine alors quelquefois par une diarrhée légère , par un flux d’urines chargées d’un sédiment , tantôt blanchâtre et furfuracé, tantôt présentant l’aspect d’un nuage muqueux, d’oit tombe au fond du vase comme une pous- sière briquetée ; mais plus souvent la terminai- son s’opère par F évacuation Je crachats tenaces, 5. 36 OBSERVATIONS et de mucosités du nez et des sinus , plus te- naces encore , et qui ne sortent que difficile- ment. A cette époque , les éternuçmens , qui étaient devenus rares du moment où la coction avait commencé 9 n’existent déjà plus ; la toux* qui d’abord avait été vive et sèche , est molle et grasse \ quelque direction que prenne la crise y la peau reprend sa souplesse ; et une véritable sueur , ou une transpiration plus abondante , annonce que l’ordre de ses fonc- tions est rétabli. On sait que dans les premiers temps des maladies aiguës de poitrine , désignées par le nom de pleurésie et de péripneumonie , les crachats rayés de filets sanglans sont de bon augure ? et qu’au moment qu’ils deviennent rouilles ( c’est - a - dire ressemblans par leur couleur à de la rouille de fer ) et qu’ils sont facilement expectorés au milieu d’une moiteur halitueuse , ils annoncent la coction y la crise et une prompte guérison. Ces crachats rouillés se montrent quelquefois dans les gros rhumes , sur-tout lorsqu’au début ils ont été sanglans : mais pour l’ordinaire , ils sont simplement Jaunâtre, ainsi que les mucosités du nez ; et leur évacuation, pourvu qu’elle ne soit pas trop difficile , n’en termine pas moins avantageuse- ment la crise. Ceux qui sont blanchâtres indi- quent une coction pénible et lente ; ceux qui ressemblent à du lait caillé dont les grumeaux seraient liés entre eux par une mucosité tenace , ne laissent aucun doute sur la prolongation du mouvement critique ; et ils annoncent l’incerti- tude ou la faiblesse de son impulsion. On en voit un exemple frappant dans les coqueluches r ou l’état convulsif trouble toutes les opérations de la nature , et retarde presque indéfiniment la terminaison de la maladie. Tout le monde sait que le£ crachats y présentent ce dernier aspect ; et les observateurs attentifs doivent avoir reconnu qu’ils sont d’une blancheur d’au- tant plus remarquable que l’état convulsif est plus violent. Dans les catarrhes invétérés , l’expectoration , après avoir été long-temps blanchâtre , devient quelquefois plus foncée , prend un aspect comme sanglant , et présente une multitude de points briquetés répandus sur une mucosité > OBSERVATIONS / SB tenace , mais sans aucune apparence de coc^ tion. Quelques médecins croient voir dans ces crachats des signes d’inflammation lente et se- crète du poumon : mais cet organe est alors dans un état de fonte particulière , auquel il faut opposer de bonne heure un sage traite- ment. Le régime antiphlogistique , et sur-tout les évacuations de sang , y précipitent la fin des malades , qui périssent œdématiés. Quand on a l’habitude de voir et de traiter des phthisiques , on ne peut guère se tromper ni sur le caractère ni sur l’odeur de leurs cra- chats : l’odeur des sueurs est sur-tout remar- quable dans les phthisies essentielles , qu’elle sert particulièrement à distinguer de celles qui ne sont que le symptôme ou la suite de certaines affections stomacales , ou des obstructions du foie 5 du mésentère, etc. Dans les rhumes forts et prolongés , il survient souvent des crachats et des sueurs qui peuvent être ou n être pas l’ annonce d’une phthisie menaçante , mais dont le caractère est plus difficile à reconnaître : car, quoique leur odeur soit peu marquée d’abord , ils peuvent être le premier indice d’un danger sur les catarrhes, etc. og imminent ; et quelquefois, quoique très-suspects, iis sont uniquement le résultat de la longue durée du catarrhe et de l’affaiblissement des fonctions de l’estomac et de celle du poumon: Dans plusieurs circonstances , le tact le plus exercé suffit à peine pour garantir le médecin des plus graves erreurs ✓ Dans toutes les maladies de poitrine , îa na- ture et la marche des sueurs méritent îa plus sérieuse attention : les sueurs colliquatives in- termittentes ont plus d’une fois , à leurs premiers accès , été prises pour une évacuation critique ; d’autres fois aussi , l’on a regardé comme éner- vantes et dangereuses celles qui terminent chez les personnes faibles les rhumes longs et mal traités. En général , les sueurs nocturnes doivent être suspectes ; cependant , si le pouls conserve pendant leur durée une plénitude suffisante , avec la mollesse et l’ondulation sou- tenue qui caractérise ces mêmes sueurs , quand < elles sont favorables; et, ce qui est bien plus décisif encore , si les forces se trouvent relevées par l’effet même de cette évacuation , on peut hardiment les déclarer critiques et salutaires,. 4^ OBSERVA T IONS confondu quelquefois ces granulations sans con- sistance , avec les petits tubercules ronds que , dans un genre particulier de phthisie , on re- marque souvent au milieu des crachats. Ici , je crois devoir exprimer sans détour mon sentiment sur une opinion généralement reçue dans le public , et qui paraît même ne laisser presqu’aucun doute parmi les praticiens : je veux parler du caractère purulent qu’on at- tribue à l’expectoration dans toute phthisie confirmée. Je suis loin de partager cette opi- nion : on dit tous les jours y je le sais , qu i! n y a pas encore ou qu’il y a du pus dans les crachats de tel ou tel malade ; et le pronostic est déterminé par le jugement qu’on adopte sur cette circonstance particulière. Pour moi , je l’avoue, il m’a presque toujours été bien dif- ficile de reconnaître un véritable pus dans les crachats des phthisiques ; j’oserais même à peine affirmer que j’y en aie vu quelquefois ; quoi- qu assurément j’aie traité un grand nombre de ces malades , et à toutes les époques de la maladie , et que j’aie été consulté par un plus grand nombre encore ? qu’on en croyait ou qui SÜR LES CATARRHES, eîC. 0 en étaient réellement attaqués , ou enfin qui menaçaient de l’être dans un temps plus ou * moins éloigné* Les vomiques renferment du pus véritable : celui qui prépare les cicatrices des blessures pénétrantes de la poitrine , et celui des empyèmes précédés d’inflammation , offrent des caractères qui ne sont pas équivoques ; mais il n’en est pas de même du pus qu’on s’imagine , depuis Hippocrate , voir dans les crachats de tous les phthisiques , et qu’on sup- pose toujours formé par la suppuration inflam- matoire des bronches et du poumon. Bennet avait déjà observé que dans les ca- davres des phthisiques on ne trouvait souvent aucune trace d’ulcération , ni même d’érosion ; que la substance du poumon était détruite , et tous les rameaux des bronches affaissés et repliés les uns sur les autres , sans que leur membrane parût entamée. Dehaën , qui , depuis , a plusieurs fois eu l’occasion de faire la même remarque , en a conclu que dans certains cas la suppuration peut avoir lieu dans la substance du poumon , sans communication avec les voies aériennes, et le pus être résorbé par les vaisseaux sanguins. 44 OBSERVATIONS dans lesquels, suivant son opinion il roule avec les autres humeurs , dont il altère la masse 4 comme un ferment putride. Les évacuations puriformes que la nature opère quelquefois d’eile-même dans les suppurations dorsales ou Sciatiques y et la bouffissure y en apparence purulente , qu’on observe chez beaucoup de phthisiques , lui faisaient juger que la chose devait en effet se passer ainsi ; mais cette théorie (i) ne me paraît pas admissible dans l’état actuel de nos lumières ; elle est d’ailleurs inutile à l’explication d’un phénomène que la prévention a pu seule empêcher de reconnaître et d’observer bien plus souvent. Quoique je ne doive énoncer qu’avec beau- coup de réserve une opinion qui contrarie , au moins en quelques points , celle de tant d’hommes éclairés , j’ose néanmoins ; d’après les observa- lions les plus nombreuses et les plus attentives , (r) Je ne nie pas que des re'sorbtions purulentes puissent avoir lieu ; mais la manière dont elles s’opèrent est encore trop mal connue 5 et , d’ailleurs , elles n’ont aucun rapport avec les alterations des différentes humeurs produites par la consomption du poumon, et avec les sédimens puriformes que les urineg- déposent quelquefois alors. avancer qu’il n’y a que très-rarement du pus véritable dans les crachats des phthisiques , et que la matière qui les compose est dans le com- mencement la matière nutritive , pure ou mêlée avec d’autres humeurs qui l’altèrent ; et dans les derniers temps , cette même matière mêlée avec la substance du poumon , que la maladie met dans un état de fonte (i) particulière (sui generis ) : et j’ajoute que cette fonte ou consomp- tion de l’organe respiratoire , présente différent aspects et différentes indications au médecin, suivant la nature de la cause qui l’a déterminée, et suivant le caractère de toutes les circons- tances qui peuvent influer sur sa marche et précipiter ou retarder son cours. Assurément la matière de l’expectoration n’a point toujours le même aspect et les mêmes qualités ; les cra- chats de la phthisie catarrhale ne ressemblent point à ceux de l’hépatique , ni ceux de la mésentérique à ceux de la scorbutique (2) ; (1) Il en est de la fonte du poumon comme de celle du foie: les crachats des phthisiques ne sont pas plus du pus véritable que la matière du flux hépatique. (2) Je pourrais parler ausgi des crachats rares, propres à la 4^ OBSERVATIONS niais clans certains cas , dont l’œil ne distingue point tout seul la différence * il est facile de re- connaître que celle des causes et des circons- tances leur fait annoncer des degrés de danger* et demander des secours très-différens. Mon intention n’est point de traiter ici des maladies consomptives du poumon : elles exi- geraient elles seules un ouvrage bien plus étendu que ne doit l’être ce mémoire ; et quoiqu’elles aient été l’objet unique ou principal d’un grand nombre de recherches et d’observations ? je ne craindrai pas de dire que , malgré les travaux des hommes les plus éminens cpii s’en sont occupés * elles n’ont peut-être encore été consi- dérées que sous une partie des points de vue nombreux quelles présentent à l’observateur. Mais y quoique je ne veuille entamer dans ce moment aucune discussion à leur sujet ? l’idée que toute consomption pulmonaire est carac- phthisie nerveuse , et les opposer à l’abondance extrême de ceux qui caractérisent la pb’hisie aiguë , dont Piquer a , Je crois ? lait mention le premier j maladie peu commune, mais qui l’ctait devenue eu Angleterre, il y a vingt-cinq ou trente ans, et qui, depuis la fin du siècle ; parait aussi vouloir s’éta- blir parmi nous. SUR LES CATARRHES, etc. /{.~j îei isee par une suppuration , produit d’un véri- table état inflammatoire , n’a pas seulement empêché de remonter «aux différentes causes dont cette maladie peut etre le résultat , et de la distinguer en ses différentes espèces , dont chacune exige un traitement particulier ; elle a de plus en même temps influé sur la manière de considérer presque toutes les affections de la poiti me , notamment celles dont la phthisie est souvent la suite et le dernier terme ; et elle les a ramenées à un système de traitement in- signifiant et sans effet dans le plus grand nombre de cas , et décidément pernicieux dans quel- ques-uns. Les vues de théorie et de pratique le plus généralement adoptées sur les affections catar- rhales s’en sont particulièrement ressenties ; c’est pour cela que , sans vouloir appuyer ici mon opinion de toutes les raisons qui la motivent , j’ai cru devoir l’énoncer librement , ne dût-elle avoir d autre utilité que de déterminer les pra- ticiens à faire des recherches plus approfondies sur ce sujet. J’ajoute seulement que de véri- tables états inflammatoires, distingués par leurs ^8 OBSERVATIONS causes , le caractère de leur marche , le degré de leur intensité , peuvent occasionner et occa- sionnent en effet assez souvent un genre parti- culier de phthisie ; et que dans les derniers temps de toute consomption pulmonaire , quels , qu’aient été d’ailleurs sa cause et son caractère primitif, presque toute excitation y devenant nuisible , les remèdes les mieux appropriés d’abord peuvent, à cette époque, en précipiter la fatale terminaison ; car malheureusement , pour traiter cette maladie avec un succès com- plet , il faut s’y prendre de bonne heure ; à mesure quelle fait des progrès , les symptômes se compliquent , les contre-indications se mul- tiplient ; et quoiqu’il ne faille jamais employer des remèdes contraires à son génie primitif , la manière d’appliquer les seuls efficaces devient de plus en plus difficile , et la chance du succès de plus en plus incertaine. En un mol ( et cela paraît presque également vrai dans toutes les variétés de cette maladie redoutable ) , il vaut mieux s’occuper du soin de la prévenir , que se repaître de l’espérance, trop souvent vaine, de la guérir. Quon me permette cependant encore quel- ques observations sur la nature des crachats, ou plutôt sur l’apparence qu’ils offrent dans plusieurs maladies qui tendent , plus ou moins rapidement , à la consomption pulmonaire , et notamment dans les affections catarrhales, dont tout le monde convient qu’elle est fréquemment le résultat définitif. Hippocrate range parmi les crachats suspects , ceux qu’il appelle grandineux , ou semblables à des grains de grêle. Suivant ce grand observa- teur , ils annoncent la phthisie , et ils ont une tendance très-marquée à devenir purulens. Ces crachats , formés d’une humeur transparente qui se coagule , indiquent du moins un état d’ir- ritation ou d’action augmentée dans les glandes de la trachée et des bronches, ou leurs conduits excréteurs la versent alors en plus grande abon- dance. J’ai retrouvé ces crachats dans les dis- positions catarrhales chroniques , et dans le com- mencement d’une phthisie particulière , qu’on appelle laryngée , et qu’Hippocrate parait avoir lui-même connue de son temps ; mais je me suis assuré qu’ils n’annoncent pas toujours la con- 4 OBSERVATION S somption pulmonaire , ou que du moins ils n’eu sont qu’une menace éloignée , quoiqu ils méritent toujours de l’attention , et que, joints a d’autres symptômes équivoques , ds en éclairent l’obscurité. J’avais cru d abord quils venaient exclusivement des glandes trachéales, et qu’ils n’étaient autre chose que l’humeur bleuâtre dont leurs canaux paraissent habituellement remplis ; mais j’ai reconnu qu’ils viennent sou- vent des dernières ramifications des bronches, d’ou la toux les arrache avec effort. Ils ne sont ordinairement que de la grosseur d un pois , mais quelquefois ils ont le volume d’une noi- sette. Les plus petits affectent différentes formes, et présentent des pointes anguleuses : les plus gros sont globuleux ; iis ont quelquefois une queue ressemblante à celle d’une balle de pis- tolet qui sort de son moule ; iis ont la consis- tance de l’humeur vitrée de l’œil , et sont traiis- parens comme le crystal. Le même Hippocrate parle de crachats douceâtres , amers , salés ; et il regarde ceux qui donnent l’une de ces impressions au ma- lade, comme les avant-coureurs du crachement 5r SUR LES CATARRHE s , etc. de pus et de la consomption. Toutes ces variétés se présentent journellement dans 3a pratique de la médecine ; et l’on doit les noter avec d’autant plus de soin, que chacune nous met sur 3a voie de mieux reconnaître la cause de la maladie „ et fournit des indications particulières pour le traitement. 11 est difficile de ne pas croire que les cra- chats sucrés sont la matière nutritive elle-même, que les poumons affaiblis , incapabl.es d’agir d’une manière convenable sur le sang , laissent transsuder dans les voies aériennes. Ce qu’il y a de certain , c’est qu’ils sont accompagnés d’un amaigrissement rapide , bientôt suivis d’autres crachats, symptômes de la consomption pulmo- naire ; et que les remèdes indiqués alors sont ceux qui relèvent doucement le ton des organes , et sur-tout celui du poumon. Les crachats amers caractérisent le commem cernent des affections de poitrine dépendantes de celles du foie. Aucun médecin ne peut ignorer que les maladies de plusieurs viscères du bas ventre simulent souvent celles de la poi- trine, ou portent leurs effets sur le poumon , 4* observations. avant même que l’organe primitivement affecte présente aucun signe manifeste de dérangement dans ses fonctions. Le foie est un de ceux qui font le plus souvent ressentir et partager leur état par les organes thorachiques : mais quoiqu’il les altère eux-mêmes à la longue , par Faction contre nature que cette affection sympathique leur imprime , il faut d’abord tourner toutes ses vues vers la source et la véritable cause du mal; et lors même que le poumon est déjà dans un état de consomption véritable , il est encore indis- pensable de prendre en grande considération celui du foie , dont elle n’est qu’un résultat secondaire. Quant aux crachats salés , on les observe dans des circonstances très-différentes , et qui même n’ont point de rapport entre elles ; voilà pour- quoi les anciens médecins en parient si souvent. Leurs premiers disciples chez les modernes pa- raissent s’en être également occupés avec scru- pule ; mais peu- à-peu on a cessé de tenir compte de cette particularité, qui n’a plus été pour beaucoup d’observateurs que le fruit de l’atten- tion minutieuse des malades sur eux-mêmes , SUR LES CATARRHES, 6tC. 53 Ou de leur excessive sensibilité ; car les muco- sités du uez et de b arrière-bouche ont toujours en effet , sur-tout les premières , un degré de salure remarquable ; et , dit-on , il est ridicule de compter parmi les signes de maladie une qualité des humeurs qu’elles ont aussi dans l’état de la plus parfaite santé. Mais ce n’est pas de cette salure naturelle qu’Hippocrate a voulu parler ; il entend celle dont les crachats , tirés de la poitrine par les efforts de la toux , donnent l’impression au malade, ou celle qu’on observe dans les humeurs qui distillent du voile du pa- lais ou de la voûte du fond de la gorge , et qui est assez vive pour y causer des excoriations douloureuses ; celle-là peut hien , sans doute , être mise au nombre des dispositions patholo- giques , ou des symptômes qui méritent toute l’attention du médecin. Ces crachats salés en- traînent quelquefois de petits lambeaux de la membrane interne des bronches ; et les humeurs de barrière-bouche, qui présentent la même qua- lité corrosive, causent souvent à l’embouchure du larynx ou à l’épiglote de légères ulcérations qui déterminent à leur tour, lorsqu’elles ne gué-* 5 4 OBSERVATIONS rissent pas promptement, îa phthisie îaryngëe. Cette circonstance et les éruptions psoriques et dartreuses répercutées me paraissent être les causes les plus ordinaires de cette maladie ; je crois même avoir observé que îa salure extra- ordinaire des crachats et des humeurs qui dis- tillent dans barrière-bouche se rencontre com- munément avec diverses éruptions mordantes de la peau , et que les excoriations qu’elles causent diffèrent sensiblement des aphtes , et présentent plutôt un aspect dartreux. Nous avons déjà vu que certains malades menacés de phthisie rejetaient dans leurs cra- chats des granulations blanchâtres ou jaunâtres. Ces granulations ont assez peu de consistance ; et quand on les écrase , elles répandent une mauvaise odeur. Quelquefois les grains sont entièrement noirs, et ressemblent à de la graine de moutarde. Plus l’odeur qu’ils exhalent est mauvaise, plus le danger est imminent. Je fus y il y a nombre d’années, consulté pour un malade qui crachait journellement une quantité de ces grains noirs ( i ) : heureusement ils (ï) Il ne faut pas confondre ces grains avec les stries d’tra SUR LES CATARRHES j etC. 55 étaient sans odeur. Il s’est parfaitement rétabli , et il sert maintenant avec distinction dans nos brillantes armées , ou l’on sait que les fatigues des officiers , et même des chefs , sont peu diffe- rentes de celles des soldats. Outre ces lambeaux membraneux qu’on trouve quelquefois répandus dans la matière de l’expectoration , on y remarque aussi , quoi- que plus rarement , de petites masses , tantôt charnues , tantôt sébacées , tantôt semblables à des grumeaux de bouillie , qui indiquent des altérations graves, à différens degrés, dans la substance même du poumon. Itlles mont paru toujours accompagnées d’une couleur peu na- turelle du visage ; cependant elles n’annoncent pas toujours un pressant danger , à moins quelles ne soient parsemées de filets d’un sang vif et vermeil. Il n’en est pas de même des concrétions topbacees qui se forment dans 1 in- térieur des bronches , ou dans le parenchyme bleu fonce' qui sont assez souvent , sur-tout chez les femmes , répandues dans les crachats 5 ces stries ne sont que des filets de l’humeur que versent les glandes bronchiales. Morgago a trouve*' la même couleur à l’humeur de la prostate. 56 OBSERVATIONS pulmonaire lui-même (i), et dont la salive (V)* dans certains cas * dépose immédiatement la matière. Leur présence est toujours dangereuse* et leur sortie est presque toujours suivie de crachement de sang* qui bientôt amènent un genre particulier de consomption. Elles sont le plus souvent de vrais dépôts goutteux * ou le produit d'une disposition des humeurs que les accès de goutte ont pour but de dissiper. Au reste * il ne faut pas confondre ces concrétions avec celles que rejettent fréquemment les ou- vriers qui battent ou manient le plâtre ; ni sur»» tout avec ces masses pâteuses * dont le centre est formé d’une poussière blanchâtre * et. qu’on observe dans les crachats des meuniers , des fariniers et des boulangers : cette dernière poussière est uniquement de la farine que la salive n’a pas suffisamment pénétrée pour ne faire du tout qu’un globule pâteux. Je ne m’arrêterai pas non plus aux crache- (1) On a vu aussi des Fragmens osseux dans les crachats de quelques phthisiques 3 mais ce cas est rare. (2) Ce phénomène a lieu par l’augmentation relative et proportionnelle de la quantité des phosphates contenus dans FaîJiumine de la salive } et sur-tout de celui de chaux. SUR LES CATARRHES, GtC. 07 mens de sang , ils demanderaient des explica- tions et des détails dans lesquels je ne puis entrer ici ; je me contenterai d’observer que , suivant leurs causes et leur nature, ils* pré- sentent des degrés de danger très-différens , et que chaque genre indique un traitement parti- culier. On ne peut pas confondre le crache- ment de sang qui se guérit par les vomitifs, avec celui qui demande d’amples et promptes saignées ; ni celui qu’il faut traiter par des to- niques , avec celui qui ne cède qu’aux mucila- gineux et aux adoucissans : il 11’est pas sur-tout permis de ne point savoir distinguer les cra- chemens de sang venant de la gorge , soit scor- butiques , soit hémorrhoïdaux , de ceux qui ne sont que le résultat inerte et matériel des saignemens de nez. Je ne les indique ici que parce qu’on les observe souvent dans les affec- tions catarrhales. Enfin , comme je n’ai pas même la préten- tion de suivre ces dernières maladies dans toutes les phases qu elles peuvent présenter et dans tous les changemens quelles peuvent subir , ni sur- tout de décrire les circonstances 58 O B SE R Y AT ï O NS des nouvelles maladies dans lesquelles elles peuvent se transformer , passons au traitement des rhumes proprement dits. Chez les personnes fortes et saines , les rhumes légers sont ordinairement peu dange- reux ; ils se dissipent d’eux-mêmes , si l’estomac n’est pas notablement dérangé. Après une ou deux nuits de moiteur , il se fait une évacuation plus ou moins abondante de mucus des nar~ rines et de crachats qui donnent des signes de coction ; et pourvu qu’on ne garde pas trop long-temps la chambre, qu’on fasse un exercice doux à l’air libre , en évitant néanmoins l’im- pression du froid et de l’humidité , tout rentre dans l’ordre en peu de jours : quelquefois même on se trouve , après cette légère évacua- tion critique , plus alègre et plus dispos. Cependant le fréquent retour des plus faibles rhumes n’est pas sans inconvéniens , soit parce qu’il indique une disposition catarrhale pro- fonde , soit à cause des habitudes vicieuses qu’il peut imprimer à la constitution. Les rhumes de poitrine les moins dangereux dérangent tou- jours à quelque degré les fonctions d un or- gane important ; ils peuvent même en altérer à la longue la substance , et y laisser le germe de graves maladies. Les rhumes de cerveau f quoique peu menaçanspar leurs effets directs , méritent pourtant quelque attention de la part du médecin ; et pour l’ordinaire il est utile et convenable de les prévenir, sur-tout chez les personnes dont les humeurs se portent habi- tueîlement vers la tête. En attirant sur la mem- brane muqueuse du nez , des sinus , et , par suite, de barrière-bouche , la matière des éruptions dartreuses , psoriques , etc. , ils y produisent souvent une espèce de vésicatoire dont les ef- fets sont incommodes , et peuvent être fort dangereux, en s’étendant de proche en proche jusqu’à l’épigiote et à remhouchure du larynx» Enfin , quand il y a dans les sujets quelque disposition apoplectique , les rhumes de cer- veau qui souvent embarrassent la tête entière , augmentent la tendance vicieuse de tous les rnouvemenSj qui caractérise cette disposition. On ne doit jamais négliger les gros rhumes; ils peuvent produire immédiatement , même chez les personnes les plus saines , de très- OBSERVATIONS funestes effets. L’extrême sensibilité aux impres- sions du froid , qui souvent les annoncent d’a- vance ^ et qui toujours les accompagne à leur début, indique la concentration des mouve- mens à l’intérieur , et la suppression , ou du moins le dérangement de la transpiration in- sensible. La nature semble tracer elle-même le traitement qui convient alors : dans cette première époque , on doit se vêtir et se tenir plus chaudement , et par une petite quantité de boissons tièdes , on tachera d’assouplir la peau et d’j ramener les mouvemens interver- tis ; mais il ne faut pas insister sur les moyens qui provoquent la sueur, ni sur-tout garder long-temps le lit ou la chambre loin d’un air libre , ou dans une atmosphère échauffée ar- tificiellement. Rien n’est plus énervant et ne dispose d’une manière plus infaillible à des rechutes réitérées que ces excitations factices à la sueur ; rien n’est plus capable de prolonger le rhume lui-même que la privation d’exercice et d’air frais. La pratique commune paraît fondée sur des vues toutes contraires ; mais je ne crains pas d'affirmer que la prolongation et V SUR LES CATARRHES, etc. 6ï le renouvellement des maladies catarrhales sont très-souvent le résultat de cette pratique , et que ces vues sont autant d’erreurs , quant aux indications qu’on croit devoir en tirer. Il est rare que les rhumes de poitrine ou de cerveau soient véritablement inflammatoires ; ils le sont pourtant quelquefois : alors il faut faire promptement une saignée , et ne la réité- rer qu’avec beaucoup de réserve. Mais dans le cas où la violence du catarrhe aurait déter- miné une métastase rhumatismale, il faut être moins timide sur les évacuations de sang , pourvu toutefois que l’état du pouls et celui des forces le permettent. Le rhumatisme ne se déplace pas facilement de la poitrine ; et pour peu qu’il y conserve du caractère inflam- matoire , les irritans révulsifs ou dérivatifs n’a- gissent sur lui, pour cet objet, d’une manière utile, qu’ autant qu’on a, par la saignée, dé- barrassé suffisamment tout l’appareil sanguin pulmonaire avant leur application. Cette métastase du rhumatisme sur la poi- trine est un accident très-ordinaire et très-grave. Si l’on n’v remédie pas sur-le-champ, tous les 62 O E SERT ATI O NS moyens deviennent bientôt xmpuissans et su- perflus , et la maladie se transforme en phthi- sie , en œdème du poumon, en hydropisie de poitrine , dont on ne peut guères alors attendre la guérison , ni des efforts de la nature , ni des secours de l’art. Les jeunes gens d’une constitution délicate e% mobile , qui ont la peau fine et transparente , le blanc des yeux d’un éclat de perle , les joues colorées, particulièrement autour de la pom- mette, sont sujets à des rhumes qui demandent nue grande vigilance de la part du médecin. Quand, ces rhumes reviennent fréquemment, sur-tout quand ils sont accompagnés d’un petit crachement de sang et d’une douleur sourde, soit dans tout le poumon , soit dans quelqu’un de ses points particuliers , ils demandent de petites saignée^ faites avec prudence , de loin en loin. Cette précaution, jointe à l’usage d’une eau gommée , suffit ordinairement pour les guérir , dissiper peu à peu la disposition in- flammatoire, lente et cachée qui les ramène, et prévenir la phthisie, dont ils sont F annonce éloignée, mais malheureusement trop infaillible» SUR LES CATARRHES, CtC. , 6 J Tant que cette disposition dure, les eaux sul- fureuses , l’exercice du cheval et les autres to- niques du poumon , qu’on ordonne si souvent au hasard , sont presque toujours nuisibles , et tou- jours suspects. C’est, uniquement lorsqu’on a lieu de la regarder comme entièrement détruite, que ces moyens peuvent être employés d’une manière utile : et dans ce cas on gagne tout en gagnant du temps ; car le progrès seul de l’âge , en donnant plus de consistance à tout l’organe pulmonaire, le rend moins sujet aux conges- tions sanguines , ainsi qu’à tous les autres genres de fluxions. C’était sans doute des phthisies du genre de celles dont je viens de parler que Dovar guéris- sait par de petites saignées, répétées à des inter- valles de temps assez courts, et par un régime adoucissant et calmant. Quoique les rhumes de poitrine imitent quel- quefois la pleurésie ou la péripneumonie , et que ceux du cerveau soient accompagnés d’une vive irritation , il ne faut pas , je le répète , en conclure toujours que leur caractère soit réellement inflammatoire : l’expérience m’a 5 64 OBSERVATIONS convaincu qu’ils le sont clans notre climat , et notamment à Paris , bien plus rarement que ne le pensent beaucoup de médecins ; et j’ose même établir que le système de traitement le plus usité les perpétue au lieu de les guérir , et que , bien loin d’en prévenir le retour , il y dispose le corps par l’augmentation de sensibi- lité générale , et par l’affaiblissement des fonc- tions de l’estomac et de l’organe extérieur, qui en sont l’inévitable résultat. Qu’on me pardonne de revenir plus d’une fois sur le même objet. La sympathie directe, reconnue par Cullen entre le tissu cutané et le poumon , est réelle et constante ; mais elle n’est pas aussi particulière qu’il paraît le penser. La peau ne correspond pas seulement avec les organes de la respira- tion , elle est dans un état d’équilibre ou de contrebalancement continuel avec toutes les membranes muqueuses des narines , des sinus , de la bouche , de l’oesophage , de l’estomac , des intestins, de la vessie : ces différentes par- ties de l’organisation vivante semblent pouvoir se suppléer réciproquement , jusqu’à certain point , dans leurs fonctions y elles partagent SUR LES C AT ARRHES* etc. 65 toujours les affections les unes des autres ; sur-tout il y a des rapports constans d’action et de reaction entre toutes les membranes mu- queuses et l’organe cutané. Mais ceux de l’es- tomac y soit avec lui j soit avec tout l’appareil pulmonaire , me paraissent les plus frappans. Quand la transpiration se dérange y l’estomac 1|| ressent ? pour ainsi dire , a l’instant même ; et quand la digestion stomachique se fait mal 3 la transpiration ne tarde pas à marcher elle-même avec irrégularité ^ c’est-à-dire quelle se trans- forme en sueurs débilitantes , ou diminue et se supprime presque entièrement. D’un autre côté ? l’organe pulmonaire a des liaisons si étroites avec 3’estomac , que les affections qui lui sont spécialement propres ? comme la toux? la difficulté de la respiration , les douleurs même qui paraissent avoir leur siège dans l’es- pace qu’il occupe ? dépendent moins souvent peut-être de son état particulier que de celui des diverses fonctions que l’estomac exécute * et notamment de la première digestion. Dans presque tous les rhumes , les fonc- tions de bestomac et celles de la peau sont , 5 OBSERVATIONS 66 pour l’ordinaire , également altérées. Assez sou- vent , c’est la transpiration répercutée qui affai- blit la digestion stomachique ; mais bien plus souvent encore l’affaiblissement de cette der- nière avait déjà , d’avance et peu-à-peu , dé- rangé la transpiration. Si donc il est nécessaire ^|ans les rhumes de se vêtir un peu plus , de se tenir un peu plus chaudement , il est bien ‘ plus nécessaire encore d’observer à table un régime sévère , et déviter soigneusement tout ce qui peut augmenter l’énervation des forces de l’estomac. J’ai connu des personnes qui , d’après cette seule vue , guérissaient leurs rhu- mes en ne mangeant presque pas dans les pre- miers jours ; cela suffit en effet pour ceux qui sont légers , et chez les sujets jeunes , sains , et qui n’ont point de disposition catarrhale invé- térée. Chez tous, la sobriété est d’une grande importance \ et sans elle , la duree des rhumes les plus simples peut se prolonger indéfiniment. Je dois pourtant observer ici que certains individus ont un appétit plus vif , lorsqu’ils sont enrhumés , que dans l’état de santé par- faite ; il paraît même qu’en mangeant plus qu’a f ordinaire , ils digèrent pourtant bien, et que Faction de Festomac est utile à la coction dé leurs rhumes* G es cas sont rares : ils sont ana- logues a ceux où Fou voit Faction forte du cerveau provoquer et redoubler celle dé Fesfo- mac. J’ai connu un jeune médecin plein de talent , et sur-tout d’érudition , qui ne pouvait travailler qu’ après un repas copieux» J’ai plu-* sieurs fois entendu dire à M» Turgot , l’une des plus fortes têtes qui aient jamais existé, que le moment de la digestion était celui où il se sentait le plus capable d’une méditation pro- fonde et de tous les travaux d’esprit. Or , il mangeait ordinairement beaucoup. Mais cette distraction des forces , qu’elle ait lieu dans l’état de maladie ou de santé ( car il faut regarder Faction qui s’exerce dans un organe malade $ comme l’emploi le plus complet de toute son énergie vitale), cette distraction débilite d’autant plus la constitution , qu’elle est plus fréquente et plus prolongée , et rien sur-tout n’use plus vite et plus radicalement le système nerveux. Le jeune médécin dont je viens de parler est mort , à peine âgé de trente ans , le poumon 5. 68 OBSERVATIONS farci de tubercules squirrheux ; et M. Turgot ^ dans toute la . vigueur de l’âge ^ le foie et le pou- mon remplis de calculs tophacés. Je crois de- voir observer encore que les personnes chez, lesquelles plusieurs organes internes essentiels s’excitent ainsi mutuellement , et entrent simul- tanément en action , ont besoin d’un plus grand exercice musculaire , pour diminuer l’effet de ces vicieuses sympathies , et pour ramener im- médiatement à l’extérieur une partie des forces €{ui se concentrent dans l’organe' le moins ex- cité : car c’est d’abord sur lui qu’agit la révul- sion. Or ? l’action de cet organe étant directe- ment affaiblie par là , il s’ensuit bientôt que ceux qui sont plus fortement excités perdent indirectement toute la partie de leur action qui n’est que sympathique ; et l’ordre naturel , ou l’équilibre des fonctions ? se rétablit alors de ïui-méme par degrés. Quand le dérangement de l’estomac y qui accompagne le rhume de poitrine ou de cer- veau ^ n’est caractérisé que par le dégoût des alimens -, et qu’il n’y a point lieu de penser que des restes de mauvaises digestions , des glaires SUR LES CATARRHES, etC» tenaces , ou des matières bilieuses importunent et fatiguent ce viscère, quelques grains d’ipé- eacuanlia , ou quelques tasses d’eau légère- ment émétisée, données à distances convena- bles , suffisent , en provoquant deux ou trois efforts de vomissement , pour ranimer la trans- piration ; ou même , en excitant une douce sueur , pour emporter le rhume comme d’em- blé , et quelques doses de thériaque , prises le soir en se couchant , en préviennent le retour. Mais si des matières étrangères surchargent l’estomac, s’il est sur-tout englué de glaires catarrhales , on est obligé de recourir à des vo-> mitifs plus forts, et souvent même de les réitérer. En général , les vomitifs sont plus utiles que les purgatifs dans les affections des membranes muqueuses.; ils le sont particulièrement , malgré les théories boerrhaaviennes , dans les catarrhes du nez, de la gorge et du poumon (i) : les pur- ♦ gatifs , au contraire , y sont presque toujours plus ou moins nuisibles , ainsi que les lavemens : car (i) C’est Bordeu le père , et non Stoll , comme on le croit généralement , qui a le premier donné les vomitifs dans les es- qainancies et dans les maladies aiguës du poumon» 70 OBSERVATIONS les uns et les autres ont l’inconvénient grave de rappeler les mouvemens vers ! ultérieur , et par conséquent , de déranger Faction de For- gane cutané , dont les sympathies étendues avec l’estomac et les intestins altèrent de plus en plus alors toutes les fonctions digestives. On remarque aussi qu’ils arrêtent ou troublent les codions critiques. C’est peut-être par leur ac- tion révulsive vers les organes internes , qu’iîs sont si rarement utiles dans le traitement des maladies hypocondriaques et vaporeuses. En effet j ces maladies dépendent., ou du moins sont presque toujours accompagnées, de concentra- tions sur difïêrens viscères du bas-ventre : or * 7 jz les purgatifs , outre Féneçvation qu’iîs laissent apres eux , augmentent cette direction non na- turelle des mouvemens , et aggravent le senti- ment d’angoisse et le désespoir dont les mal- heureux malades sont dans ce cas habituelle- ment accablés. * Au reste , quand on est obligé de purger dans les affections catarrhales , il vaut mieux le faire avec l’eau émétisée , le kermès ou l’ipéca- cuanba, donnés à petites doses : car, de tous les SUR LES CATARRHES^ etc. 71 remèdes qui peuvent évacuer par Las , les vo- mitifs ? et sur-tout les antimoniaux, employés de manière a produire cet effet , sont ceux qui débilitent le moins tout ce système : ils sont aussi en même temps ceux qui dérangent le moins la transpiration , par la faculté qu’ils conservent encore alors, quoiqu a un degré plus faible , de reporter les mouvemens à l’extéçieur. Aussitôt qu’on est assuré que l’estomac et les intestins sont libres de toute matière corrom- pue , il faut donner des toniques. Ce temps vient ordinairement beaucoup plutôt qu 011 ne pourrait le penser } il arrive meme assez souvent que les signes d’embarras dans l’estomac et dans tout le tube alimentaire disparaissent sans eva- citation sensible , et que le régime nettoie la langue plus utilement que ne l’eussent fait les purgatifs. Quant aux toniques généraux , les mieux ap- propriés sont le quinquina, la theriaque et les baumes. Le soufre et ses préparations naturelles ou artificielles , toniques directs du poumon , conviennent mieux ordinairement dans les ma- ladies chroniques de cet organe ; et l’on n’a OBSERVATIONS' guère besoin de les employer à la suite de» rhumes, que lorsqu’il est reste dans un état d affaiblissement et d’excessive sensibilité. Le premier de tous ces remèdes dans le trai- tement des affections catarrhales est sans doute le quinquina ; mais quand on ne l’a pas donné tout de suite , il faut attendre , pour le mettre en usage , que les crachats présentent quelques signes de coction. J ai connu pourtant un homme qui 1 administrait indistinctement dans tous les i humes et a toutes leurs époques. Ce n’était point un médecin en titre ; mais ses grandes lumières comme physicien ne lui permettaient pas d ignorer les lois et le jeu de l’économie animale , dont il avait appris ce qui pouvait être utile à la direction de sa propre santé : c’était Franklin. Je dois à la vérité de déclarer que je Fai vu traiter ainsi toutes les personnes de sa famille et plusieurs de ses anus, et les guérir constamment en peu de jours. Cependant j’ai trouvé dans une pratique plus étendue , que l’emploi du quinquina demandait souvent beau- coup de précautions ; qu’il n’était utile chez un assez giand nombre de sujets que moyennant •SUR LES CATARRHE^ ClC. 7 S des modifications de différens genres ; et qu’en- fin , dans certains cas , il était absolument contre- indiqué. Chez les personnes sujettes à des con- centrations intestinales , il est souvent suspect , et doit être associé à des opiatiques : dans ces circonstances , la thériaque réussit miette. Lors- qu’il y a des obstructions au mésentère au foie , et des dispositions bilieuses habituelles , les baumes > associés aux gommes fétides et à * de petites doses d’extrait de pavot , sont pré- férables au quinquina : quelquefois même alors il produit de très -mauvais effets. Ainsi donc j. quoique ce remède ne soit guère moins précieux dans le traitement des affections catarrhales que dans celui des fièvres inter- mittentes et de toutes les autres maladies pé- riodiques , il faut des mains habiles et légères pour le manier avec succès ; et il doit toujours être employé méthodiquement , et non d’une manière empirique ; mais j’affirme en même temps que , lorsque nulle considération de la nature de celle dont je viens de parler ne le contre -indique, et lorsque l’estomac et les intestins sont bien nettoyés, il emporte presque toujours. 74 O B S E R Y A T I O N S comme par enchantement (i), les rhumes les plus opiniâtres * dont il ne reste ? après son usage , qu’un léger enrouement qui se dissipe bientôt de lui-même. Le bon effet du quinquina et de tous les autres toniques directs doit être souvent pré-» paré par de petites doses d’ipécacuanha , qui stimulent tout le canal alimentaire , et le débar- rassent des matières corrompues ou nuisibles qu’il peut contenir. Chez les personnes délicates et mobiles y l’extrait dépouillé de sa résine , dit ipécacuanha corrigé dé Helvétius , est préférable à l’ipécacuanha en nature : il est moins sujet à pincer l’estomac et les intestins. Je dois ajouter ici que les premières doses de quinquina purgent assez souvent : alors il pré- pare lui-même et assure l’utilité sans mélange de son action ; il faut en donner deux scrupules ou ' % (i) U est vraisemblable que les phthisies dans lesquelles Morton et plusieurs autres médecins illustres ont obtenu de si grands effets du quinquina , étaient du genre des catar- rhales, des scrophuleüses , ou dépendantes de la simple dé- bilité du poumon , et qu’elles étaient peu avancées : car dans le dernier période de cette maladie, il est presque toujours nuisible. * SUR LES CATARRHES, etc. J 3 un gros plusieurs fois dans la journée : à dose plus faible , il agit plutôt comme excitant que comme tonique. C’est une particularité de ce puissant remède , qui pourtant ne lui est pas exclusivement propre , d’exciter les mouvemens à dose faible , et de les fixer , de les régler a dose plus forte. Pendant son usage , il faut garder un régime sévère , et faire de 1 exercice. C’est encore une chose remarquée par les meilleurs observateurs , que le quinquina , dans toutes les circonstances auxquelles il est approprié , produit des effets d’autant plus sûrs , qu’un exercice modéré seconde son action : car, alors , bien loin de concentrer les mouvemens à l’intérieur ( ce qu’il peut faire quelquefois lorsque cette direction leur est antérieurement imprimée ) , il les distribue d’une manière plus égale , les rend critiques , et produit souvent des évacuations par les sueurs , les urines ou les .selles, qui complètent et constatent ses utiles effets. On sait combien sont étendues les sympathies qui unissent la poitrine et tout l’appareil uri- naire , y compris les organes de la genei atioix liés avec lui par des rapports bien plus impor- OBSERVATIONS taos que ceux du voisinage. C'est peut-être parce crue les balsamiques exercent une influence par» ticuliere sur les reins et sur la vessie , qu’ils pro- duisent indirectement des effets si marques sur le poumon. Dans plusieurs maladies de la poi— ii me ils sont d une efficacité et d’une utilité re~ marquabîes : ils exigent seulement daïis leur administration beaucoup de prudence et de sa- gacité ; car ils deviennent toujours nuisibles dans les états inflammatoires > et presque toujours dans les derniers temps des consomptions idiopa- thiques. 11 est certain qu’à différentes époques de la médecine on les a trop indiscrètement employés ; les auteurs n’ont pas distingué assez nettement les cas ou leur utilité est incontes- table y de ceux ou ils doivent nuire d’autant plus qu’ils ont produit des effets plus avantageux dans les premiers. Leur utilité se manifeste particu- lièrement dans les affections catarrhales dépen- dantes de la faiblesse du poumon ? dans les rhumes prolongés y dans ceux qui tiennent à l’imperfection de la digestion stomachique,, à 1 irrégularité des fonctions de l’organe extérieur ^ en un mot y toutes les fois qu’il s’agit de relever SUR LES CATARRHES, OlC. 77 le ton général , et sur-tout celui de l’organe pulmonaire , vers lequel ils ne manquent jamais de diriger leur action. Je les combine avec les savonneux ? à la manière de Boerrhaave y avec la gomme ammoniaque (1), avec l’extrait aqueux d’opium. Je n’ai jamais eu l’occasion d’observer les heureux effets qu’on attribue à leur combi- naison avec le soufre ; et j’avoue franchement que les guérisons de phthisies à leur dernier terme > opérées , dit-on y par le baume de Lu- catel , ne me sont pas moins suspectes que celles dont on fait honneur à l’antihectique de Potérius. Mais le soufre lui-même ? épuré par la subli- mation y et privé par le lavage de tout reste d’acide ? est un des plus grands remèdes qui puissent être employés dans le traitement des maladies de poitrine. Est-ce en stimulant sans irritation l’estomac et les intestins ? et en aug- mentant la transpiration cutanée ; est-ce par une action directe sur l’organe pulmonaire , qu’il (1) Quand on ne peut pas se procurer du véritable baume de la Mecque , devenu très-rare ? il faut employer le baume sec du Pérou, O B S E R ? A T î O N S le fortifie , et lui imprime un sentiment , pouf ainsi dire immédiat , de plus grande aisance ? Il est peu necessaire de se décider en faveur de l’une de ces deux opinions , ou de toute autre que la théorie pourrait suggérer. Mais quoi qu il en soit de la cause ou du moyen , les effets sont constans , et je ne balance pas à regarder le soufre comme le tonique spécial du poumon. Ce qui me ferait penser qu’il agit sur lui d’une manière directe, c’est qu’employé en fumiga- tions;, il m’a paru conserver presque toute son * efficacité. Je le fais fondre sans inflammation ? et le malade en respire la vapeur. Le vase de fer qui le contient doit être d’autant moins échauffé que la sensibilité du poumon est plus grande. J emploie aussi de la même manière les baumes naturels , et de préférence le benjoin. On les fait fondre de la même manière sur une pelle chauffée médiocrement : avec cette pré- caution l’odeur en est agréable, et n’irrite point la gorge. On renouvelle l’opération de temps en temps ; et le malade peut , autant que le médecin le juge à propos, vivre dans une atmo- sphère parfumée de cette bienfaisante vapeur. Combiné avec l’hydrogène , ïe soufre est en- traîné par ce gaz dans une transformation en fluide élastique aérien ; et , sous cette forme , il se mêle facilement à l’eau. Les eaux hydrosulfu- rées, naturelles ou artificielles, manifestent une partie des propriétés du soufre : elles raniment les fonctions de l’organe cutané ; les sels que tiennent en dissolution celles que prépare la nature , augmentent leur action sur tout le sys- tème abdominal ; et la petite quantité de fer que quelques-unes contiennent en outre ? rend leurs effets toniques plus durables et plus mar- qués ; mais c’est dans les dispositions catarrhales chroniques , et dans l’état habituel de faiblesse du poumon , soit idiopathique , soit secondaire et dépendant de celui des viscères du bas- ventre , qu’elles fournisssent les plus puissans et les plus utiles secours. On abuse étrangement aujourd’hui dé l’opium, dans plusieurs parties de l’Europe , pour le trai- tement d’une grande quantité de maladies. Un système qui les ramène toutes à deux chefs, dont les caractères sont ou paraissent si faciles à saisir , ne pouvait manquer , indépendamment OBSERVATIONS 8d de ses vices fondamentaux comme. théorie, d'in- troduire dans la pratique les plus funestes abus,, en dispensant les médecins de presque toute observation (i). Mais il ne faut pas faire rejaillir sur ce remède le blâme mérité par quelques-uns de ceux qui remploient. L’opium est assuré- ment un des plus efficaces et des plus utiles moyens que la nature ait fournis à la médecine : on produit par lui des effets qu’on ne pourrait obtenir d’aucune autre manière. Il est particu- lièrement utile dans les catarrhes aigus ou chro- niques y mais il a besoin d’ètre employé par un médecin prudent. Sydenham lui-même y fut trompé dans le traitement d’une fièvre catar- rhale : cet immortel praticien avoue , avec sa candeur ordinaire , qu’il le donna trop tôt ? ainsi que les toniques excitans auxquels il l’associait (i) Tant que les praticiens observent attentivement, il im- porte peu qu’ils adoptent tel ou tel système. Tous les systèmes ont eu de bons praticiens ; mais ceux qui favorisent la paresse , trop naturelle à l’homme , et qui nourrissent cette présomption opiniâtre , que les idées générales , faciles à saisir , inspirent toujours à leurs adeptes, ceux-là sont très-dangereux, sur-tout dans un art qui île se perfectionne que par l'étude attentive, et reprise cent fois, d’une foule d’objets particuliers. Sur les catarrhes, etc. St Ordinairement dans les cas analogues , avec beaucoup de jugement et de tact. Peut-être cette heureuse association est-ellè la véritable cause des étonnantes propriétés de la thériaque, qui, dans plusieurs maladies de la poh îrine , et dans un plus grand nombre encore de maladies de l’estomac, ne peut être remplacée par aucun autre remède. En voyant la liste des drogues qui entrent dans la composition et la préparation sans méthode de ce remède , on ne peut que sourire de l’ignorance pharmaceu- tique qu’il suppose dans son premier auteur ; et la théorie seule nous inspirerait pour son em- ploi le dédain le plus juste en apparence ; mais au lit des malades , on ne tarde pas à changer d’opinion ; et l’on est bien plus étonné des effets , véritablement admirables , que peuvent lui faire produire des mains habiles et expérimentées. La thériaque est particulièrement utile à la fin des rhumes, quand l’appétit ne se réveille point, et que le sommeil est troublé par la toux \ elle convient également toutes les fois que la durée des évacuations catarrhales tient à l’im- perfection de la digestion stomachique , et qu’l! 6 82 OBSERVATIONS s'agit tout ensemble d’achever la coctîon des crachats , d’en diminuer la quantité , et de ra- , VJf; v * * miner la transpiration insensible. Nous avons dit que les rhumes légers se guérissent ordinairement d’eux-mêmes, et qu’ils n’exigent que quelques petites précautions et beaucoup de sobriété. Quoique je sois très-» éloigné de partager l’opinion des médecins qui regardent le vin comme une espèce de poison , j’ai constaté, par une suite nombreuse d’obser- vations , qu’il est presque toujours nuisible dans les rhumes ; les vins acides y produisent sur- tout de mauvais effets. Il est vraisemblable que c’est en augmentant la disposition à ce qu’on appelle les aigreurs , qui se manifeste alors dans l’estomac après les repas les moins copieux. Quand l’habitude a rendu le vin nécessaire à la digestion, il faut dans les rhumes préférer les vins amers ou sucrés , ou ceux qui contiennent beaucoup de parties extractives et d’esprit , sauf à les étendre les uns et les autres dans la quan- tité d’eau qu’ils peuvent exiger pour ne pas agir trop vivement sur le système nerveux. Les rhumes violens méritent toujours de l’at- SUR L'ES catarrhes, etc. 83 tention, particulièrement chez les personnes dont la poitrine est faible, qui digèrent im- parfaitement , ou qui sont sujettes à des ré- percussions subites de la transpiration, à des engorgemens des glandes, à des douleurs rhu- matismales et goutteuses. Chez les vieillards ils sont presque toujours graves , ou du moins me- naçans : la moitié peut-être des personnes qui parviennent à un grand âge périssent de ca- tarrhes opiniâtres ou négligés*, Le rhume a une odeur particulière, très-facile à reconnaître quand on l’a remarquée une fois , mais qu’il n’est pas plus possible de décrire que toute autre sensation directe. Dans les rhumes légers elle est faible ; elle est forte dans ceux qui sont violens. Les rhumes violens sont pres- que toujours contagieux } ils paraissent l’être d’autant plus que leur odeur est plus vive et plus marquée. Je n’ignore pas qu’on refuse en général d’admettre le caractère contagieux des rhumes , mais une multitude d’observations ne me laissent aucun doute à ce sujet (i). Au reste, la dyssenterie, qui n’est elle-même (i) M. Chavassieu d’Audebert, qui a publie l’anuee dernières 6. 84 O BS ER. VA TI O N S* S qu\me affection catarrhale des intestins, se pro- page bien certainement par la contagion ; quand l’irritation se trouve portée à un certain degré, il suffit pour la contracter immédiatement , de sentir de près l’odeur des déjections du malade ; et j’observe que, dans cette odeur, lorsque le faible degré du mal permet qu’on la puisse étudier assez attentivement, on retrouve, au milieu de plusieurs autres odeurs qui la com- pliquent, celle du rhume, ou de l’affection ca- tarrhale de la membrane muqueuse du nez, de la gorge , etc. ; et j’ajoute que j’ai fait la même remarque sur les urines des personnes attaquées de catarrhes de la vessie ; j’ai cru y reconnaître distinctement, à travers leur impression ammo- niacale , cette même odeur particulière , dont l’examen soigneux des rhumes m’avait donné la première notion. Tout me porte même à penser que les maladies contagieuses développent cette propriété , par le moyen de particules odorantes exhalées du foyer , et qui remplissent autour de lui f atmosphère , mais à des distances beaucoup un bon écrit sur les effets de riuimidite , paraît être dans îa i » v .. . i.. même persuasion. 85 SUR LES CATARRHES, etC. plus petites qu’on ne le croit communément; et ce qu’il y a de singulier , c’est que ces odeurs ne sont pas toujours très-desagréables , ou que du moins leur puanteur n est aucunement pro- portionnelle à leur danger. Ce n’est pas seulement l’haleme des malades, ce sont aussi les humeurs évacuées par les cra- chats, ou celles du nez qu’entraînent les éter- nuemens , qui font sur l’odorat une impression particulière ; mais cette dernière impression n’est pas la même que celle de Fhaleine. Plus le rhume est violent, plus les humeurs sécré- tées sont abondantes , âcres et tenues ; leur odeur est alors si remarquable , qu’elle frappe le malade lui-même. Si l’on présente au feu les linges qu’elles ont imbibés, il s’en exhale une vapeur comme sulfureuse dont ils conservent encore la trace , même lorsqu’ils sont entière- ment secs. J’ai connu des individus très-sujets aux rhumes , qui avaient appris â leurs dépens à distinguer ces odeurs , et qui fuyaient par instinct ceux qui leur en faisaient éprouver la plus fugitive impression. J’ai connu entre autres une femme d’iuie sensibilité très-vive , à qui le. OBSERVATIONS voisinage d’une personne enrhumée communia cpiait aussitôt un léger sentiment de froid. Nous avons déjà dit que la saignée est moins souvent qu’on ne le pense nécessaire dans les affections catarrhales ; or, elle y est toujours nuisible lorsqu’elle n’y est pas nécessaire. Quand on croit devoir en faire usage , il faut l’employer au début et sans délai y mais soit qu’on l’ait jugée convenable, soit qu’on ait rejeté ses indications, si fréquemment équivoques alors, les vues du médecin, passé les premiers temps, doivent se tourner d’un autre côté. On est en général très-occupé de diminuer l’àcreté de la pituite, l’irritation de la toux (i), les picotemens de la gorge ; et, pour cet objet, on prodigue les lochs huileux et mucilagineux , les sucs de fruits doux épaissis, et les pâtes amylacées ; mais tous ces moyens ont î incon— (i) La violence de la toux est* à la vérité, quelquefois si grande, que la rupture des vaisseaux de la tête paraît inévi- table 5 et l’âcreté de la pituite excite de si vives convulsions dans le larynx et dans tout le poumon, q,ue les malades sem- blent près de périr suffoqués. J’en ai vu qui se levaient tout-à- coup sur leur séant , et qui même s’élançaient de leur lit , pour içlierçîieï à retrouver debout la respiration qui leur échappais sur les catarrhes, etc ! S J venient grave d’engluer et de fatiguer 1 estomac, d’augmenter les aigreurs auxquelles il est alors si disposé; en un mot, leur usage, ainsi que celui des boissons adoucissantes , dont on abuse avec tant d’mdiscretion , ne m a guer e paru avoir d’autre effet que celui de retarder la coction des rhumes , et quelquefois de les renouveler : car je ne crains point d assurer, contre l’opinion commune , que les boissons abondantes et tièdes sont toujours nuisibles dans les affections catarrhales , à moins qu elles ne soient impérieusement exigées comme stimulant ou véhicule d une sueur babtueuse et ci îtique , que l’on croit devoir soutenir pendant quelque temps . Mais un remède presque toujours utile, et sur lequel on est souvent obligé d’insister , ce sont* les vomitifs. Dans les affections catarrhales opi- niâtres, on y revient plusieurs fois avec succes.- La coqueluche , qui est un catarrhe stomacal et convulsif, exige ordinairement leur répétition > à dose convenable pour produire le vomisse- ment, et leur continuation pendant les inters v ailes , à la faible dose qui suffit pour exciter: k 88 OBSERVATIONS nausée. Les vomitifs, lesopiatiques, les toniques, composent le traitement de la coqueluche ; les incisifs les plus puissans, employés en Angleterre et en Allemagne, ne mont jamais paru néces- saires dans notre climat de Paris et de ses envi- • ■ rons. Quoique des hommes dignes de confiance aient préconisé les grands effets des cantharides pour le traitement des coqueluches rebelles , je n ai jamais osé, je F avoue , en faire usage dans une maladie ou prédomine le caractère con- vulsif. Les vésicatoires y conviennent quelque- fois , mais c’est moins comme évacuans que par la propriété dont ils jouissent quand ils sont em- ployés avec sagacité, de déplacer les spasmes, en établissant dans le système de nouveaux points d’irritation et de nouvelles directions de mouvemens ( i ) . Alais 1 aiïection catarrhale dans laquelle les vésicatoires produisent les effets les plus prompts, et les plus sûrs, est celle qui porte sur la gorge , soit que le larynx , ou le pharynx , ou tous les (i) Dans le ca faillie stomacal , des médecins distingues disent avoir employé avec beaucoup de succès l’eau de chaux ; je n’en aj jamais fait usage dans ce cas. SUR LES CATARRHES, etc. 8g deux à-la-fois, y soient intéressés; cest en un mot dans l’angine catarrhale. Dans l’angine in- flammatoire, l’application des rubéfians externes n’est utile que lorsqu’on l’a fait précéder par les saignées convenables ; mais cette espèce est bien moins commune que ne le pensent beaucoup de personnes , qui prennent l’irritation et la rougeur du fond de la gorge pour des signes toujours certains d’inflammation. Le fait est qu’on guérit bien plus d’angines par les vomitifs que par les saignées, dont l’imprudente répétition a fait plus d’une fois dégénérer les aphtes en ulcères gangreneux. Dans les angines catarrhales , si les vomitifs n’emportent pas ou ne diminuent pas notablement l’embarras et la douleur , il faut sans tarder appliquer un ample vésicatoire sur le devant de la gorge. J’ai souvent employé ce moyen, et je puis en^garantir Fefïîcacité. Quand la disposition catarrhale est profonde , on trouve quelquefois dans la cloche élevée par l’action des cantharides une quantité considérable de flocons glaireux, semblables à ceux que pré- sente le pus incomplet fourni par les glandes en foute et par les ulcères des scrofuleux : il \ 9° O B S E RV T I O N S est alors convenable d’entretenir la suppuration pendant deux ou trois jours ; mais hors ce cas ? du moment que les cantharides ont produit leur effet , on peut panser la plaie superficielle avec le cérat, et hâter immédiatement sa gué- rison. Lorsque dans le traitement des affections catarrhales de la poitrine on a heu de croire qu un rhumatisme déplacé les complique et les aggrave , il faut , si 1 on ne juge pas la saignée nécessaire , se hâter d appliquer le vésicatoire sur le point qu’occupe particulièrement la dou- leur ou l’oppression. Il est d’autant plus près-* sant de recourir à ce remède, que le malade est plus âgé ou d’une constitution plus faible : car s il est jeune et fort, rarement peut-on se dispenser de la saignée ; et les applications ré- vulsives , telles que celles de la moutarde et des autres irritans, aux pieds, doivent presque toujours alors précéder l’emploi des moyens de dérivation. Je vais citer un exemple du pre- mier cas, parce qu il présente une observation curieuse, également digne de 3 attention des physiologistes et des praticiens. SUH LES CATARRHES, 6tC. Q * Dans l’hiver de 1800 a 1804? pendant le-* pidémie catarrhale qui le termina , je fus ap- pelé pour un respectable vieillard 5 mon voisin à Auteuil. On me dit qu’il était dans le plus pressant danger : quoique je fusse malade moi- même , je me rendis chez lui sur-le-champ. Il avait eu , dans le précédent automne , une vive attaque de rhumatisme, et il en était incom- plètement guéri. Je savais cette circonstance. En approchant de son lit, je le trouvai dans un état d’oppression extrême : il pouvait à peine articuler ; son visage était abattu ; et le calme mélancolique et recueilli de ses yeux m’an- nonça qu’il attendait tranquillement sa fin. Il me dit d’une voix entrecoupée qu’il avait un poids de mille livres sur la poitrine ; qu’il la sentait pressée comme dans un étau. Son pouls était intermittent,’ sa respiration devenait ster- toreuse , et faisait en sortant battre les ailes du nez. Je lui fis appliquer un immense vésicatoire sur la poitrine , et donner de petites doses de kermès dans une infusion de bouillon blanc» Le lendemain matin on me fit dire qu’il était beaucoup mieux, et qu’il avait dormi pour la 92 OBSERVATIONS première fois depuis plusieurs jours. Je n’en fus poiut étonne ; mais voici ce qui parut re- marquable au chirurgien qui le soignait con- jointement avec moi : en ouvrant la cloche du vésicatoire qui occupait presque toute la partie antei îeure de la poitrine , il la trouva remplie dune gelée tremblante, de la consistance et de la couleur de celle de corne de cerf, et par- faitement semblable a celle que les vésicatoires font transsuder quelquefois des articulations at- taquées de rhumatisme , ou de la cuisse et de la jambe dans Vis chias nervosa , traitée suivant la méthode de Cotumnms. On rencontre quelquefois dans la pratique une espèce de disposition catharrale de festomae qui mérite d’être observée et traitée avec beau- coup d’attention : elle est caractérisée par le vomissement d’une matière limpide et tenace , analogue à celle que les anciens ont décrite sous le nom de pituite vitrée . Cette matière est plus pesante que les simples glaires* mais elle est plongée dans un fluide écumeux et léger. L’un et 1 autre sont à-peu-près sans goût et sans odeur pour le malade; ils nom pour l’obser- SUR LES CATARRHES, GtC. Cp' vateur que l’odeur du suc gastrique , qui sans doute s’y trouve mêle en quantité plus ou moins considérable. La présence de cette humeur dans Festomac y produit, non des douleurs vives , mais un pénible sentiment de pesanteur et de froid ; il est accompagné d’une toux sèche et légère, qui, par sa persistance, altère à la longue le poumon , et se termine par une véri- table phthisie. Parvenue à ce terme, mon maître Bubrueîl la traitait par des remèdes ap- propriés à son caractère primitif : il tenait le malade dans un état de nausée continuelle pendant plusieurs jours, au moyen de petites doses d’ipécacuanha fréquemment répétées ; il le faisait ensuite vomir à plusieurs reprises, et complétait la curation par F usage long-temps prolongé des eaux sulfureuses , et par Fexercice du cheval. Tel est le traitement par lequel il avait guéri plusieurs fois cette espece particu- lière de phthisie, déjà parvenue à son troisième période. Vraisemblablement c’est la même que le charlatan cité par Cullen guérissait en Ecosse par l’emploi réitéré des vomitifs. Pour moi, je n’ai eu l’occasion de traiter que 94 observations la disposition catharraîe qui la prépare et lü détermine , et je Fai fait par la meme méthode* avec un entier succès. Mais comme cette dis-» position est ordinairement très - opiniâtre , les malades ont ete obligés de faire un long usage de bols où entrent l’ipécacuanha , la gomme ammoniaque, le baume sec du Pérou, et une petite quantité d’opium * Mon désir et mon intention formelle de rendre cet écrit très -court, comme l’annonce son titre , m’a forcé d’en présenter les vues d’une manière sommaire * et d’écarter, avec le même soin qu’on pourrait mettre à les saisir, les déveïoppemens qui s’y présentent à chaque pas : je n’ai sur-tout fait qu’indiquer l’esprit des traitemens , et les remèdes particuliers qui m’ont paru y produire les effets les plus utiles et les plus sûrs, sans m’arrêter à tracer aucune de ces formules auxquelles le charlatanisme d’un côté et F ignorance de l’autre attachent tant de prix. L’applicatioi de ces remèdes doit être toujours déterminée et dirigée par un médecin prudent. Selon moi les ouvrages de pratique ne doivent être faits aie pour les praticiens : SUR LES CATARRHES, etc. QO ceux qui ont pour objet de la mettre a la por^ tée de tous les lecteurs ont causé des maux infinis ; je n’en excepte pas même celui de Tissot. Les personnes qui n’dnt aucune con- naissance de la médecine, et qui veulent se trai- ter elles-mêmes ou traiter les autres d’après des livres , auraient souvent sujet de déplorer leur dangereuse présomption si elles savaient toujours en reconnaître les effets. Ce sont particulière- ment les dames chantables , qui devraient bien se dispenser d’administrer aux pauvres et aux malades d’autres secours que ceux d’un meil- leur bouillon , d’une meilleure chambre , d’un meilleur lit. Le pauvre sain a besoin de travail ; malade , il a besoin d’être tenu plus chaude- ment, plus proprement, et soutenu par une nourriture plus restaurante et plus saine. Quand on ne peut pas leur procurer un médecin ha- bile, on doit, comme le dit Sydenham avec toute l’autorité de son nom, se borner à les ali- menter , et non prendre sur soi de les médica- menter. Je n’entrerai donc point dans de plus grands détails sur le traitement des différais cas dont $£> OBSERVA Tï O h s j’ai parlé ci-dessus : ce oe sont pas les for*» mules qui manquent au praticien judicieux; ce sont les indications justes pour leur application dont il a souvent besoin. Voulant éviter la répétition de ce qui se trouve par-tout élans les livres y il ne me reste maintenant qu’à indiquer le régime préservatif, qui me paraît convenir le mieux dans les dis- positions catarrhales : c’est ce que je vais faire encore en peu de mots. Les dispositions catarrhales sont quelquefois héréditaires : on les voit se reproduire dans la même famille, et se caractériser par les mêmes phénomènes, jusqu’à la troisième et à la qua- trième génération. Elles semblent en quelque sorte naturelles aux enfans : des digestions in- complètes engendrent cette grande quantité *d humeurs muqueuses dont tous leurs organes sont comme imbibés. Les vieillards sont tour- mentés de pituites gutturales , de rhumes et de fluxions : ils meurent souvent étouffés par des catarrhes aigus ou chroniques , dont le prin- cipe vivant n’a pas chez eux la force de cuire et d évacuer la matière. Dans l’àge consistant, les SUR LES CATARRHES, CtC. g J dispositions catarrhales dépendent ordinaire- ^ ment de la faiblesse des digestions , de l’inertie de la bile , du défaut d’énergie , ou de f’irrégu- larité qui s’est introduit dans les fonctions de l’organe extérieur. Rien ne les produit aussi dû rectement et ne les entretient d’une manière aussi efficace que la répercussion fréquente de îa transpiration insensible. Les dispositions catharrales sont plus ou moins graves , suivant l’âge de l’individu , son tempérament et l’état de ses organes 9 sur -tout de ceux de la poitrine. Chez les enfans , la propreté, l’attention à tenir leurs berceaux et leurs lits bien secs , à ne point leur donner d’aîimens visqueux , et de temps en temps quelques petites doses de sirop d’ipéca- euanha et de quinquina , suffisent pour remé- dier à cette inertie glaireuse qui se manifeste dans leurs humeurs. Les rhumes les plus sim- ples des vieillards ont toujours besoin d’étre attentivement surveillés. Dans l’âge consistant 3 les catarrhes , même les plus violens, ne devien- nent guère immédiatement dangereux que par leur complication avec des fièvres graves ; mais 7 OBSERVATIONS 98 leurs suites n’en sont pas moins souvent fu- nestes j par la nature des maladies qu’ils déter- ^ minent et laissent après eux. Pour combattre utilement les dispositions catarrhales , il faut avant tout maintenir dans leur action naturelle les forces de l’estomac , et corriger les vices des digestions par les’ moyens appropries aux diverses circonstances ; il faut soutenir la transpiration insensible et solliciter presque habituellement l’action de l’organe cutané, soit par les gilets de flanelle > soit par des frictions sèches faites sur tout le corps , soit enfin par un exercice doux , ce qui I vaut encore bien mieux. Les sujets faibles doi- vent avoir soin d’être suffisamment vêtus , sur- tout aux approches et à la fin de l’hiver. Ils doivent se garantir particulièrement des froids humides. Sydenham avait bien raison de regar- der les froids de l’automne et du printemps comme très-pernicieux , et d’assurer que le glaive faisait périr moins de monde que 3a paresse à prendre , et sur-tout la précipitation à quitter, les habits d’hiver. 11 est indispensable , malgré l’opinion de Je an- Jacques , de bien $ Tl R LES CATARRHES, 6tC. Q9 couvrir les enfans : ou n’habitue jamais au froid ceux qui sont nés faibles , en les y expo- sant presque nus , comme je l’ai vu faire par quelques parens à idées systématiques ; et les enfans les plus forts ont eux-mêmes besoin d’être suffisamment couverts quand ils ne sont pas en mouvement. Dans l’éducation physique d’Emile , il y a d’excellentes choses : mais il y a des erreurs dangereuses que le respect juste- ment attaché au nom de l’auteur 11e doit pas nous empêcher de relever. Je mettrais encore de ce nombre , son opinion sur l’usage de la viande et du vin , dont sans doute les enfans vigoureux peuvent se passer ; mais qui le plus souvent, et je l’atteste après un nombre infini d’observations , tient lieu de tous les toniques les mieux indiqués. 11 est particulièrement utile chez la plupart des enfans plus faibles , soit pour hâter le développement de leurs forces naissantes et modérer leur excessive mobilité , soit pour retarder l’explosion précoce et funeste de leurs facultés intellectuelles et morales , qu’il faut s’efforcer de retenir dans l’enfance , jus- qu’au temps de leur véritable maturité. I OO e B S E R Y AT I O N S On connaît l’influence qu’exercent les uns sur les autres les organes de la génération et cetfx de la poitrine ; c’est dans le temps de la plus grande activité des uns > que les autres sont le plus exposés à certaines maladies par- ticuîières , et que ces maladies sont le plus dangereuses. Dans la jeunesse ^ la phthisie pulmonaire j c’est-à-dire plusieurs de ses varié- tés , sont bien plus menaçantes 3 et leur cours est bien plus rapide qu’à aucune autre époque de la vie. D un autre côté ? le système lymphatique exerce sur le système pulmonaire une action très-étendue et très-marquée. Les affections des glandes influent toujours plus ou moins sur celles du poumon ; et dans les derniers temps de la phthisie y l’état de fonte du poumon se fait ressentir au système glandulaire ^ jusqu’au point d occasionner quelquefois de vrais bu- bons , sans qu’il y ait eu précédemment aucun symptôme vénérien. Ainsi donc , c’est dans la jeunesse ; c’est aussi lorsque le système lymphatique ou glandulaire présente des signes d’affaiblissement dans ses 10 I SUR LES C A T A R R H E S ? etC. fonctions ; c’est sur-tout lorsque cet affaiblis- sement se manifeste par des éruptions suscepti- bles d’ètre facilement répercutées , qu’il faut surveiller attentivement les dispositions catai — rhales chroniques , car si leur duree et la i c— pétition des rhumes altèrent infailliblement les forces du poumon et précipitent la mort chez les vieillards y elles peuvent a chaque instant y et d’une manière très— rapide y se transformer en phthisie chez les jeunes gens. L usage des eaux sulfureuses et l’exercice du cheval sont 9 les moyens les plus el^caces de prévenir ce fu- neste changement. On peut aussi quelquefois employer des fondans doux y pour évacuai les glaires de 1 estomac y ranimer la transpiration y b* et hâter la coction des rhumes légers y mais y je le répète ? la sobriété y dans ce cas y comme dans beaucoup d’autres y est une précaution qui remplit souvent toutes les vues ? et sans laquelle on emploierait en vain les remedes les plus puissans. , Les praticiens Observent que la phthisie la- ryngée ou trachéale ? si rare aulreiois que 3a première description exacte en a été faite par 102 OBSERVATIONS Morgagni (i), est maintenant très-commune, et îe devient chaque jour de plus en plus. Je ne fais pas difficulté de l’attribuer à l’auda- cieuse imprudence avec laquelle les charlatans et les medicastres emploient les préparations mercurielles salines , sur-tout celle qui porte îe nom de sublimé corrosif ( muriate suroxigéné de mercure ). D’ailleurs , cette maladie étant contagieuse , même dans les premiers temps , elle doit se propager avec une promptitude et une facilité funestes , dont il est inutile d’expli- quer les raisons. Bien loin que la phthisie trachéale soit parti- culièrement propre a la jeunesse, comme plu- sieurs autres especes de consomption pulmo- naire, il parait au contraire qu elle attaque plus fréquemment les personnes d’un âge mûr ; et qu’elle est d’autant plus dangereuse , qu’elle parcourt d’autant plus rapidement ses pério- des , que le malade est plus avancé en âge. En general , cependant , elle s’annonce long-temps d’avance, et sa marche est tfrdive ; quelques- (i) Il paraît néanmoins qu’elle a été connue des anciens , notamment d’Hippocrate et d’Aëtius. 10> SUR LES CATARRHE S ? €tC. uns même de ses symptômes , tel que l’altéra- tion de la voix et les aphtes , qui ne se montrent que dans les derniers temps des autres phthisies, la précèdent d’un intervalle de temps assez long pour qu’on puisse la prévenir , ou du moins la combattre avec succès. Mais elle est sujette à des rechutes ; et il est assez rare qu’on la guérisse radicalement. J ai connu un vieillard de quatre-vingt-dix ans y qui ? dans 1e cours de sa vie, en avait eu plusieurs attaques mena- çantes y et qui toujours en avait arrête les progrès par le seul emploi de la fleur de soufre. Il usait souvent de ce remède dans sa dernière vieillesse 5 par une sorte de reconnaissance ; et pour combattre la disposition catarrhale qui lui en était restée ? il alternait ce remède ? tantôt avec l’opium 5 et tantôt avec le quinquina. L’o- pimn ? à dose faible , prévenait les assoupissemens profonds auxquels il était sujets et qu il regarda^: comme dangereux. J’ai fait depuis la meme remarque sur d’autres vieillards : la transpira- tion se répercute facilement chez eux ; et leurs habitudes catarrhales empêchent que 1 organe extérieur ne conserve y dans ce déclin des forces * OBSERVATIONS 3 04 internes , son énergie et son activité. Or , le dérangement des fonctions de cet organe porte en général au. sommeil, comme si la nature, par un calcul sage , provoquait alors à dessein - celle de ses fonctions qui ramollit directement la peau et ramène au-dehors les mouvemens concentrés vers l’intérieur. Les assoupissemens des vieillards tiennent donc fréquemment à des repercussions subites , ou à des vices de la trans- piration; et l’opium reveille alors l’individu en le ranimant : ce qui du reste n’a point de rap- port avec le trait souvent cité de Rivière; car ce médecin ne réveilla son malade , au moyen de l’opium, que parce que le remède opéra comme fébrifuge , et coupa l’accès d’une fièvre pernicieuse qui causait l’assoupissement. Morgagni conseillait , dans les menaces de pbtbisie trachéale ou laryngée , de garder la #b «ambre , d’y respirer constamment des vapeurs balsamiques , et d’user à l’intérieur de pastilles composées avec les baumes qu’il faisait dis- soudre et empâter dans quelque matière mu- cilagineuse. Les fumigations et l’usage interne des baumes sont très-utiles alors : mais il n’eu ï SUR LES CATARRHESj etc. est pas de même de la privation d’exercice et d’air frais ; elle y est au contraire fort nuisible. Ce qui m’a constamment réussi de mieux dans le traitement de cette maladie, c’est ( outre l’emploi de balsamiques sous différentes for- mes ) l’application d’un vésicatoire volant à la h partie antérieure du cou, les sucs des plantes crucifères ou tétradynames , les eaux sulfu- reuses , et l’exercice du cheval. Les aphtes sont une maladie propre aux mem- branes muqueuses (i); ils accompagnent plu- sieurs de celles dont nous venons de parler , mais ils n’exigent de soins particuliers que lors- qu’ils sont ou menacent de devenir gangreneux. En général, ils suivent le sort de la maladie principale dont ils dépendent : ils sont quelque- (i) Les aphtes paraissent être une degêne'ration particulière du tissu de ces membranes : ils ne sont dangereux par eux- mêmes que lors qu’ils sont nombreux et serre's. Alors ils inter- rompent quelquefois toutes les fonctions digestives, et dége'nè- rent par l’affaiblissement de l’individu. On les traitait autrefois,, ainsi que les maux de gorge, dont ils sont si souvent une com- plication, par la me'thode astringente et re'percussive. Cette méthode est en ge'néral suspecte, et plus d’une fois elle a pro- duit les effets les plus fâcheux Sebastianus Nasius, cite par Barthez, en rapporte un exemple frappan t. 8 Î06 OBSERVATIONS SUR LES CATARRHES, etC. fois îe symptôme dominant d’une fièvre très- dangereuse. (Voyez les dissertations de Keltelaër et de M. Auvity sur ce sujet. ) On s’attend peut-être à trouver ici quelques remarques sur l’asthme et sur le catarrhe suf- foquant ou férin, mais ni l’un ni l’autre n’ap- partient aux affections catarrhales : l’un par son caractère périodique , et tous deux par leur nature convulsive, doivent être rapportés aux maladies de l’organe nerveux. Pour dire des choses un peu satisfaisantes, sur cette matière, il faudrait entrer dans un nouveau système d’idées; il. faudrait sur-tout pouvoir le faire avec quelque étendue : et j’ai déjà passé les bornes que je m’étais imposées en commen- çant cet écrit. Je le termine donc, en faisant de sincères vœux pour que sa lecture puisse être de quelque utilité. Au milieu de tant de livres qui glacent d’effroi les plus intrépides lecteurs, ce but est le seul qui puisse faire prendre encore la plume à un homme sensé : et quand on n’a, comme moi , que peu à dire, on doit le faire en peu de mots. FIN. MC